2019
Linda, Kenneth et Roland.
Ils attendaient. Etienne Smirnoff était tombé dans le coma suite à une attaque lors du dernier voyage itinérant avant la prise de sa retraite.
Sa famille et ses amis avaient attendu là pendant bien deux semaines. Suite à divers évènements dont une expédition punitive pour venger Etienne, Linda et Kenneth s’étaient retrouvés seuls dans le couloir, avec Roland.
Le petit garçon de neuf ans dormait sur la banquette à côté de sa mère, son Morphéo blotti contre lui.
- Tu veux un café ? demanda Kenneth.
- Non, ça ira. Au pire j'ai pu constater que tu étais un bon oreiller.
- Et réciproquement ! sourit Kenneth.
Linda sourit.
- Je suis confiante, maintenant.
- Qu'ils sont tous partis ?
- Oh, Kenny, voyons... Pauvre Charlie, c'était déchirant, j'avais envie de le serrer dans mes bras, le pauvre...
- Il a fait preuve d'un grand courage. J'espère qu'il va bien... marmonna Kenneth.
- On peut blâmer ses parents ?
- Non, assura Kenny. Tu ne sais pas comment tu aurais réagi, toi.
- Cela ne me gênerait pas ! Que ce soit Roland, Lily ou David… mes enfants font ce qu’ils veulent, je n’ai pas à… interférer… ça les regarde !
- Personnellement si Malcolm ou Rachel venait vers moi en me disant « Papa, je suis homo »… ça me fendrait le cœur…
- Kenny ! Pas toi quand même !
- Bah quand même, c’est un coup à encaisser, y’a de quoi se poser des questions…
Linda secoua la tête.
- Enfin bref... J'espère aussi que Lionel va bien.
- Mais oui. Ne t'en fais pas. Concentre-toi sur Etienne.
- Je suis confiante.
- Vraiment ? Ou tu essaies de t'en persuader ?
- Ah non, je le suis vraiment, je sais qu’il va se réveiller. En partie grâce à toi.
Kenneth sourit.
- Ah ce bon vieux Kenny, ce soutien moral indéfectible. Jadis on fit appel à lui pour mettre fin à de nombreux conflits. La seconde guerre mondiale, c'était lui !
Linda éclata de rire.
- Arrête...
- Il aussi empêché un violent conflit entre les indiens d'Amérique et la planète Saturne... Il a tout simplement posé des draps sur le toit de sa maison. Et toujours pas de conflit, donc ça marche !
Linda pouffa de nouveau.
- Arrête, on va réveiller Roland !
- Pardon, pardon. Tu veux savoir comment les belles-sœurs de Cendrillon meurent dans le conte ?
- Ca doit surement être ignoble !
- ... Ça l'est. Pardon.
Linda sourit en hochant la tête. Elle se pressa contre Kenneth.
- Merci, vraiment d'être un aussi bon soutien.
- C'est normal. Tu es ma meilleure amie après tout.
Linda soupira.
- J'espère que tout ira bien... après ça.
- On va vite être fixés.... Le délai donné par le médecin va bientôt expirer, soupira Kenneth.
- J'espère que l’issue sera… favorable… soupira Linda, moins confiante qu’elle n’y paraissait.
- Etienne se réveillera. Il nous regardera et il dira « J'vous ai bien fait peur, hein, bande de cons ! »
- Non, Kenny, voyons ! Il ne serait pas si vulgaire...
Kenneth fit silence un moment. Linda était toujours contre lui.
- J'ai toujours été maladroit.
- Ah, ça oui, mais c'est ce qui fait ton charme.
- Hm... C'est aussi pour ça que je n'ai jamais eu ma chance avec toi.
- Non, ça c'est parce que tu es mon meilleur ami, et que j'ai pour toi une grande affection, mais pas jusqu'à t'aimer de cette façon.
- Je comprends...
- Ca n'empêche que ces derniers jours, tu as été un grand support. Sans toi, je me serais effondrée.
- Je serais toujours là, Linda. Tu le sais, j'espère.
- Je n'en ai jamais douté.
- Merci de n'en avoir jamais douté. Ca me tient à cœur.
Linda regarda Kenneth, désabusée.
- Tu n'as jamais cessé de m'aimer, hein ?
- Jam-
Alarme. La loupiote au-dessus de la chambre d’Etienne. Linda se releva brusquement, manquant de décrocher la mâchoire de Kenneth dans la manœuvre.
- Oh Seigneur ! Mais qu’est-ce que…
- Etienne… ? s’étonna Kenneth.
Roland se réveilla, alerté par l’agitation. Il se demanda presque où il était. Sa mère était là avec monsieur Heine qui lui tenait le bras, ce que Roland prit presque mal. « Hey, c’est ma maman ! »
Deux infirmières arrivèrent et entrèrent dans la chambre.
- Monsieur Smirnoff ?
- Monsieur Smirnoff, vous nous entendez ?
Etienne avait les yeux ouverts. Il fixait le plafond. Kenneth et Linda émirent un soupir de soulagement. L’homme avait pris son bouton d’alarme et l’avait pressé.
- L’eau… de l’eau, s’il vous plait…
Roland vit son père éveillé. Un grand sourire illumina son visage.***
2030- Roland ? Roland… il va falloir se lever, poussin…
Roland Smirnoff ouvrit un œil, puis deux. Il réalisa où il se trouvait, quel jour on était, et tout ce qui allait en découler.
C’était le grand jour. Il allait quitter la maison. Il ferma lourdement les yeux et se retourna dans son lit pour montrer à sa mère qu’il était bien réveillé.
- Allons, trésor…
- Maman, j’ai vingt ans… sourit Roland, mi-amusé, mi-gêné.
- Tu habites encore ici, j’ai encore droit à quelques heures de « Trésor » !
- Mmmm… Va embêter David, plutôt…
Le jeune homme en chemise passa derrière sa mère devant la chambre de son frère. Bien coiffé, bien habillé, chemise bleue marine à pois blancs, bretelles, gel dans les cheveux, pantalon à pinces, il semblait presque apprêté pour sortir danser, mais non, c’était sa tenue de tous les jours. Un Miaouss gris-mauve se tenait sur son épaule.
- Je suis levé et prêt, frangin, on n’attend plus que toi !
Roland grimaça. Toujours le mot pour rire, le frangin. Il se releva, pas trop enjoué de la présence de sa mère dans la chambre alors qu’il était presque nu sous les draps. Il saisit une paire de grosses lunettes à monture noire et regarda sa mère.
- Je suis levé. Tu vois ?
La grande dame blonde sourit.
- Je te laisse te préparer, le petit déjeuner est prêt.
- Hm. Merci maman.
Linda Smirnoff ferma la porte. Roland soupira lourdement.
« Allez… »Il se prépara. Beaucoup plus strict et rudimentaire que son frère. La petite chemise sombre, le pantalon noir, les chaussures de ville. Il coiffe vaguement ses épais cheveux bruns. Le voilà prêt. On le jurerait en partance pour aller donner la messe.
Il emménage aujourd’hui dans son studio à Illumis. Le contrat de ses rêves. Il part rejoindre ses amis qui ont bataillé pour lui obtenir la place. Devenir enseignant, le métier tant aimé de son père et qu’il affectionnait tant d’exercer lui-même. Même si de Sinnoh à Kalos, l’éloignement de sa petite famille allait forcément être pesant.
Il sortit de sa chambre et se dirigea vers le salon. Il croisa sa sœur, très simplement habillée d’un grand t-shirt blanc et d’un minishort noir. Sa chevelure blonde était attachée dans un chignon fait à la va-vite. Bien plus frustre que ses frères.
- Hey, Lily…
- Hey Frangin… prêt ?
- Non ! sourit Roland, un peu décontenancé.
- Allez courage. C’est toi le grand frère mais parfois j’ai l’impression d’être la grande sœur !
- Quand on sort les Pokémon, c’est toi la grande sœur, en effet ! sourit Roland.
- Mais c’que t’es bête, frangin !
Elle lui passa une main affectueuse dans les cheveux. Roland sourit en ayant un petit mouvement de recul. Lily s’amusa de la timidité de son frère. Roland remarqua Couafarel, sans coupe, qui traînait derrière sa sœur.
- David est avec Miaouss…
- Je sais, il fait rien qu’à m’embêter en ce moment… probablement la conséquence de ton départ… Je laisse Couafarel dehors, rien à faire !
- Tu cherches !
- T’as qu’à suivre le mouvement !
- Oh pff je participe pas à votre délire, moi…
- Mais allez qu’on rigole une dernière fois !
Roland s’arrêta dans les escaliers. Lily inspira et le regarda.
- Roland, on en a discuté…
- Je sais, mais… pffff… ça va me faire tellement bizarre…
- Tu dois prendre ton indépendance. Tu as tellement de potentiel, tu vas pas rester à t’encroûter ici avec les parents, t’as vingt ans !
- Ouais… Ouais. Parfois j’aimerais me voir comme vous me voyez tous ! sourit Roland.
- Parfois je me demande ce que ça ferait d’avoir un frère chiant et puis… je me rappelle que j’ai David !
- Oh, arrête, vous vous adorez tous les deux !
- On se chicane, surtout, oui… marmonna la blonde.
Entrée dans la cuisine. David était déjà assis à siroter son chocolat chaud. Etienne Smirnoff, le patriarche, en bout de table. Légère barbe grisonnante, lunettes. Encore en train de lire une revue. Le tas de courrier que la famille recevait était principalement destiné au père de famille qui était tenu au jus du moindre changement dans l’univers des Pokémon.
- Roland. Je lisais justement les dernières rectifications des scientifiques d’Alola à propos des Ultra-Chimères…
Roland s’assit tout comme Lily. Couafarel et Miaouss se regardèrent avec rivalité.
- Et c’est n’importe quoi ? marmonna Roland.
- Absolument. Confus, aucune structure, ils vont jusqu’à questionner leur statut même de Pokémon…
- Alors que la question tient plus de leur origine que de leur statut… soupira Roland en se servant.
- Exactement. Et figure-toi qu’on parle de riposte militaire !
Roland leva les yeux au ciel.
- Envers de simples Pokémon désorientés, loin de chez eux…
- Si j’avais dix ans de moins… grommela Etienne.
- Tu serais encore sur ton lit d’hôpital ! souffla Linda.
Etienne regarda sa femme, blasé. Lily et David sourirent. Roland ricana également à l’évocation.
- Toujours à me ramener à mes faiblesses, hein ?
- Toujours à te rappeler que je ne te laisserais plus crapahuter sans étroite surveillance !
- Oh bah voyons. Lionel, Norbert, John, Kenny, Linus et tout le toutim derrière moi pendant que je vais à Alola défendre le droit des Ultra-Chimères à exister ?!
Roland toussota.
- Personnellement, sur Twitter, je suis de ceux qui s’inscrivent en faux contre cette appellation même d’Ultra-Chimère, j’ai dénoncé ça comme étant un phénomène de ségrégation destiné à cautionner un génocide annoncé.
David grimaça. Lily agita la tête, trouvant la formulation un peu exagérée peut-être. Linda haussa les sourcils.
- Ne t’attire pas d’ennuis, mon poussin !
- Roland a raison, il utilise les moyens de son époque pour s’insurger politiquement. A son âge, j’aurais fait pareil !
- Certainement mais quand même, Etienne !
- Moi personne dit rien quand je diffuse des vidéos de mes prestations sur Youtube… marmonna David en mâchonnant une tartine.
- Parce que tout le monde s’en fiche ! souffla Lily.
David donna un coup de coude amical à sa sœur. Linda secoua la tête. Etienne regarda son plus jeune fils.
- Tu utilises les moyens de ton époque pour… montrer ton talent !
- Et à son âge, papa aurait fait pareil ! ricana Lily.
Roland rit avec elle. Etienne haussa les épaules.
- De mon temps, je regardais des vidéos de Ligue Pokémon par pure distraction certains soirs…
- Votre père avait une notion trèèès particulière d’un samedi soir entre amoureux ! assura Linda.
- Et peut-être que j’aurais aimé me prendre en vidéo en train de me battre, oui… Pour m’améliorer, ce que tu fais, je suppose.
- Ouais, entre autres.
- C’est un bon entrainement, tu as raison ! assura Roland.
- Perso, j’ai pas besoin de ça… je m’améliore très bien toute seule, merci… s’amusa Lily.
- Ah bah ça c’est sûr que tu vas pas te filmer en train de pomponner ton Couafarel…
- Et pour quoi faire ? Tout le monde ne peut pas être comme toi à dépenser la moitié de son allocation Jeune Dresseur en produits de beauté pour Pokémon !
- Tu es jalouse parce que moi, j’ai de beaux Pokémon !
- Et tu les filmes, n’oublie pas que tu les filmes ! sourit Roland.
- Si tu filmais les tiens, Lily ce serait interdit aux moins de dix-huit ans tellement ce serait violent !
- Oui bah tes vidéos, ça doit être interdit aux diabétiques, je suppose aussi… marmonna la blonde.
- Mes enfants sont aussi divers culturellement que les Pokémon eux-mêmes ! souffla Etienne.
- Ton rêve est donc enfin réalité ! admit Roland en souriant avec son père.
Linda savourait son thé au jasmin et regarda ses enfants.
- Ce genre de conversation va me manquer…
Petit froid. Roland haussa les épaules.
- J’reviendrais vous rendre visite, je vous appellerais… On se revoit à Noël, déjà c’est sûr…
- Hm… assura David.
- Oui bah oui… marmonna Lily.
- Tu fais comme tu veux, fiston, ta vie t’appartient désormais. Moi quand je suis parti…
- Etienne, ça n’est absolument pas pareil, ne compare pas ta situation à la sienne…
- Oui, bon… mais personnellement je ne te tiendrais rigueur de rien.
- Moi non plus mon chéri, tu fais ce que tu veux ! assura Linda.
Roland hocha la tête, se demandant si à des kilomètres de chez lui, il retrouvera une telle chaleur humaine. Couafarel aboya, et Miaouss se mit à feuler. David et Lily grommelèrent. Le Capidextre d’Etienne sortit de cuisine, prêt à sévir, mais un Passerouge se posa sur le doigt de Roland et se mit à piailler, mettant les deux Pokémon au pas.
- Tu vois, moi votre délire, je le casse… marmonna Roland.
- Mais non justement c’est marrant ! sourit Lily.
- Ou pas ! souffla David. Ce Passerouge pourrait être tellement mignon !
- Trop tard, il est entraîné par Roland, c’est déjà un monstre ! sourit Lily en sirotant son capuccino.
- T’es super mal placée pour parler ! ricana David.
- Passerouge n’est pas un monstre, c’est un excellent combattant aérien ! souffla Roland.
- C’est bon, Erwan, tout va bien ! souffla Etienne en faisant signe à son Pokémon.
Le Capidextre haussa les mains de ses queues, ce qui fit rire Linda et Roland.
***
La route jusqu’à Kalos fut longue. Roland revoyait les cours qu’il avait préparé, tapait quelques rapports et bataillait sur les réseaux sociaux. David revoyait des vidéos de ses prestations sur sa tablette et prenait des notes. Lily dormait ou étudiait ses cours de droit social. Linda s’était endormie alors qu’Etienne conduisait diligemment la voiture qui suivait le camion de déménageurs.
Arrivés à Kalos, David fut stupéfait par la beauté de la région. Des statues partout, des fortifications, des haies taillées, des fleuves, de belles demeures... Lily observa d’un œil distrait. Linda prenait plein de photos. Roland avait un pincement au cœur à l’idée de quitter sa famille au terme de la journée, mais il s’efforça de rester stoïque comme à son habitude. Il pensait à son frère et à sa sœur.
« Un jour, le fait que je sois installé ici, ça les aidera. Je pourrais les loger, je pourrais les aider, je dois penser au futur. Ce qui se passe actuellement est désagréable mais je m’y ferais… »Il regarda son Morphéo qui traînait souvent autour de lui. Le Pokémon avait été son tout premier, il l’avait depuis bien avant son entrée à l’académie. La créature avait quelque chose de rassurant. Sa candeur nuageuse. Ses formes rondes, sa bouille perpétuellement souriante, sa petite taille le faisant ressembler à un elfe, à un petit ange gardien là pour veiller sur lui. Il accompagnait Roland depuis sa toute enfance, et il avait notamment été un compagnon hors pair lors de l’hospitalisation de son père il y a dix ans. Roland le regardait avec un petit sourire et le Pokémon sut tout de suite qu’il devait se serrer contre son maître. Roland appréciait sa douce chaleur qui jouait un rôle de madeleine de Proust autant que de palliatif à toute crise d’angoisse.
Une fois arrivés, Etienne et Linda eurent le plaisir de voir la petite bande.
- Ils sont trop mignons ! Oh, le bébé est là, Etienne ! sourit Linda.
- J’ai vu, j’ai vu.
Roland s’avança dans la voiture et vit que Malcolm, Rachel, Charlie et Léopold étaient là.
Rachel souriait, visiblement impatiente de le voir. Brune, les cheveux détachés, elle était vêtue très simplement d’un chemisier blanc et d’un pantalon. Elle avait l’air en forme et l’expression de son visage était radieuse.
Malcolm était neutre, venu plus par obligation familiale qu’autre chose. Aussi brun que sa sœur jumelle, il était cependant plus musclé et plus sérieux. On avait un peu de mal à croire qu’il avait la bosse des maths à première vue. Il portait, par habitude, un t-shirt gris assez moulant sous une veste marron.
Charlie fut vite rejoint par son petit ami Matt qui avait été prendre des boissons. Le britannique s’habillait avec goût et affichait une silhouette virile et masculine. Sa stricte coiffure étudiée avait de quoi faire sourire tout comme la rigueur de sa posture. Matt avait les cheveux bouclés et un regard taciturne, il se tenait, certes, un peu moins bien que Charlie mais il inspirait de la sympathie de par son sourire un brin cynique.
Léopold, le blondinet, tenait son petit dans ses bras, tout content de voir les Smirnoff. Il s’était un peu empâté et clairement, le look n’était plus sa première préoccupation, mais de toute évidence être père n’était pas un fardeau pour lui.
Tout le monde descendit de la voiture. Linda se dirigea vers la troupe, ravie.
- Mes quatre enfants cachés !
Charlie et Malcolm ricanèrent et vinrent serrer Linda dans leurs bras.
- Vous avez tellement grandiii !
- Malcolm, oui, moi ça va, je suis toujours le même ! sourit Charlie Winchester.
- J’ai pris du muscle, c’est tout ! ricana Malcolm.
Etienne leva les yeux au ciel et regarda David, Lily et Roland.
- Votre maman vous aime, c’est juste qu’elle les aime encore plus !
- On a compris, papa ! sourit David.
- On règlera ça en thérapie dans cinq ans ! sourit Lily.
Roland sourit silencieusement. Il savait à quel point, après l’hospitalisation de son père, Charlie et Léopold avaient soutenu sa mère en compagnie des autres adultes.
A l’époque, ils avaient seize ans. C’était au début de leur histoire.
Léopold approcha et Linda s’extasia sur le petit garçon qu’il tenait.
- Oh Robbie, comme tu as grandiiii !
- Pas tant que ça, par contre qu’est-ce qu’il braille !
Rachel approcha et serra poliment la main d’Etienne, embrassa Linda, puis salua David et Lily. Elle se tint ensuite devant Roland qui inspira.
- Bon. Prêt ?
- Ouais.
- Tu vas pas te défiler, t’enfuir…
- Non, non, bah non…
- Cool. Parce que personne n’a envie de t’aider, là, tu te doutes bien.
Roland leva les yeux au ciel.
- Je sais, je sais… sourit le jeune homme à lunettes.
- Linda, je vous laisse Robbie, on va commencer à monter les meubles, vous devriez vous reposer après la route…
- Moi ça va, j’ai besoin de bouger, je vous aide ! sourit Lily.
- Moi aussi ! s’enjoua David.
- Fais attention, David…
Linda et Etienne se regardèrent, ayant dit ça en même temps. Rachel et Charlie regardèrent le gamin qui leva les yeux au ciel.
- C’est bon, j’suis pas en verre…
- Mais ta tension, David ! sourit Charlie.
- Maiiiis laisse ma tension tranquille !
Roland tapota l’épaule de son frère.
- Tu fais ce que tu peux, frangin, t’inquiète.
- Mais je veux t’aider, moi…
- Tu fais ce que tu peux.
- Oh Etienne, regarde ces cafés ! sourit Linda.
- Allez donc vous prendre une collation, on s’occupe de tout ! assura Charlie.
- Mais oui, prenez Robbie et allez visiter les petites ruelles, c’est une ville magnifique ! assura Léopold.
- Roland, tu…
- Je supervise tout, papa, t’en fais pas, allez donc vous poser dans un café, tranquillement. On se voit après !
Linda et Etienne hochèrent la tête, puis Linda ne se fit pas prier pour prendre la poussette du bonhomme.
- Oh j’ai l’impression d’avoir David à nouveau !
- Plutôt Lily, David était moins blond ! assura Etienne.
Les frangins se regardèrent, atterrés par leurs parents. Roland agita la tête.
- Là, au moins, ils sont normaux !
- Bon, on s’y met vite-fait, ça prendra pas cent-sept ans… souffla Charlie.
Il prit Roland à part en se dirigeant vers le camion.
- J’adore tes parents, mais ils sont un peu trop sur ton dos…
- J’avais compris…
Léopold approcha également.
- On ira plus vite sans eux, je vois déjà Linda s’extasier sur les meubles qu’ils t’ont donnés en mode « Oh c’est la commode sur laquelle on te changeait dans notre premier appartement »…
- Et ton père déballer ta bibliothèque liiivre par liiivre, biographie de l’auteur à l’appui… souffla Charlie.
- « Et je sais même qui a écrit le préfaaace… » geignit Léopold exagérément.
- Vous avez fini ou… geignit Roland.
Les deux éclatèrent de rire. Malcolm inspira et regarda sa sœur.
- J’espère que ça va pas trop traîner…
- Ça prendra le temps que ça prendra. C’est le fils des amis de papa, tu peux faire un effort, non ?
- Mouais.
- C’est mon meilleur ami, tu es mon frère, tu m’aides à déménager mon meilleur ami, un point c’est tout.
Malcolm inspira. Lily sortit son Chelours et se dirigea vers le camion.
- Allez hop !
- Regardez-là, la brute ! ricana Charlie.
- Heeeeey j’vais te taper toi tu vas voir ! grommela Lily.
- Lily, quand même ! sourit David.
***
Le Chelours de Lily et le Simularbre de Léopold s’étaient chargés du gros des meubles. Roland et son Tarpaud se chargeaient de monter les cartons de livres. Malcolm, Rachel, Lily et Charlie montaient également des meubles avec les Pokémon. Léopold se chargeait des cartons de vaisselle, plus délicats, tandis que David s’était fait un devoir de porter des bibelots. Roland le surveillait.
- Mais t’en fais pas, frérot…
Le Ceriflor du gamin traînait sur son épaule et diffusait une apaisante Aromathérapie autour de lui.
- … J’ai mon médicament sur moi !
- Mouais. Y’a deux étages quand même…
- Mais il est pas en suuucre !! souffla Lily en arrivant avec la commode portée avec Chelours et Queulorior.
Les deux frères observèrent la blondinette qui portait le meuble à elle seule avec ses Pokémon.
- Pis au pire, Roland, tu lui refiles tes organes, hein !
- Ah, berk ! sourit Roland.
- Hahaha. Blague pas drôle ! souffla David.
- Parce que toi t’es drôle, peut-être ? Première nouvelle, frangin ! sourit Lily.
Matt arriva derrière et regarda la fratrie qu’il connaissait peu.
- J’ai proposé de l’aider, je le jure ! Mais du coup je porte un carton de paperasse, j’me sens un peu nul mais au moins je fais quelque chose…
- Ce sont des revues scientifiques, c’est classé par date et par thématique, c’est important et délicat… marmonna sobrement Roland face à la désinvolture du petit ami de Charlie.
- … je suis juste prof de Fondamentaux, sois sympa… geignit le jeune homme.
Matt monta à la suite de Lily. Roland regarda David.
- … quoi ?
- Quoi, quoi ! J’voulais ton avis ! sourit Roland.
- C’est le mec de Charlie enfin ! geignit David.
- Bah quoi…
- Pis chut, si les parents reviennent !
- Ils savent, David, t’es vraiment pas discret, je t’assure ! souffla Roland.
David souffla.
- Il est mignon.
- Aaaah bah tu vois.
- Mais je trouve que Charlie était mieux avec Léopold.
Roland agita la tête.
- Je connais pas suffisamment Matt pour dire ça… mais ils ont l’air bien tous les deux à première vue. Fin, Charlie se plaint pas…
- J’sais pas. Pis Léo qui se tourne vers les femmes…
- Il est bisexuel, David, c’est juste qu’il a trouvé la bonne personne. Il s’est pas « tourné vers », il a juste fait une autre rencontre, et il s’est avéré que cette fois, c’était une femme !
- Mouais…
Roland sourit en montant les marches, talonné par son frère à qui il avait chipé, l’air de rien, un bibelot, une statuette de Phyllali, une des neuf statuettes des évolutions d’un Pokémon qu’il appréciait beaucoup et qui parsemaient sa chambre, et qui parsèmeront à présent son appartement.
- Et toi, toujours célibataire ?
- J’ai quinze ans, Roland, je me contente de flirter avec mes potes…
- Et tu as le temps, c’est sûr. Mais le jour où t’as un copain, présente-le-nous, hein !
- Mouais.
- Allez hop-hop-hop les garçons !
Rachel passa devant eux avec des câbles.
- On branche ton wi-fi, Roland !
- Oh c’est trop gentil ! sourit le jeune homme.
Rachel monta en souriant. David inspira.
- C’est quand le mariage ?
- Ça va pas, c’est ma meilleure amie.
- C’est ça, et moi j’suis hétéro.
Roland regarda David qui haussa les épaules.
- Vous iriez bien ensemble !
- C’est ma meilleure amie, David, pas ma petite amie. Pis son frère est dans les parages et il va me casser la gueule s’il t’entend faire des insinuations pareilles !
- Certes… Qu’est-ce qu’il a contre nous, le Malcolm ?
- Contre toi et moi, tu veux dire, il est plutôt normal avec Lily…
- Normal c’est elle la badass de la famille… Moi je fais des concours, je suppose que je passe pour une chochotte…
- David, nan…
- Et toi bah, t’es proche de sa sœur, de papa, de son père, ils sont amis proches, ça doit l’emmerder…
- David, ton langage ! geignit faussement Roland en imitant leur mère.
- Pff, t’es bête ! Tu m’as compris !
- Ouais, d’un côté je m’en fiche, d’un autre on va être collègues…
- Ouaiiis ça sent pas bon pour toi ! sourit David.
- C’est ça, toi, rigole. Bientôt l’âge légal pour faire des concours, stressé ?
- Oui. Mais papa tient à ce que je fasse des études quand même…
- Je tiens aussi à ce que tu fasses des études quand même ! souffla Roland en atteignant la porte de l’appartement.
- Bien reçu, mon deuxième papa !
Roland sourit à la remarque. Ils entrèrent dans l’appartement. Le salon avait été bien arrangé. Matt et Lily rangeaient les bouquins. Léopold et Rachel étaient en cuisine. Charlie s’occupait des branchements des appareils. Malcolm était sur son téléphone.
- Le doyen qui renonce à participer à la réunion syndicale… soupira-t-il.
- Quelle surprise, appelle la presse… marmonna Charlie en testant un câble wi-fi. On te laisse arranger la chambre et le bureau, Roland…
- Hm, merci…
Roland se dirigea d’abord vers le bureau ce qui étonna David. Il vérifia que les installations pour les Pokémon étaient bien toutes là et que ses étagères avaient été bien placées, restait à vider les cartons.
- Bon… bah au boulot hein.
- Ton lit est monté, frangin ?
- Oh je m’en occuperais après…
- Ou sinon laisse on fera ça après la cuisine ! cria Rachel.
- Ok !
Léopold reçut un appel. Il inspira.
- Annette… souffla le blond. Allô ?... Oui tout va bien. J’ai laissé Robbie avec les parents de Roland !... Tu penses bien, ils étaient ravis !... Non, je ne pense pas que Roland puisse nous servir de nounou !
Rachel éclata de rire. Roland passa la tête par la porte de la cuisine, faussement agacé. Rachel rit de plus belle. Roland secoua la tête en souriant.
- On est en train de ranger et après on prendra un petit apéro… Non, je boirais pas d’alcool !
Charlie leva les yeux au ciel.
- Mon Dieu, un verre et il va rentrer ivre mort, la battre et balancer le gosse dans un fauteuil en hurlant… soupira le brun en secouant la tête.
- Ca fait envie… marmonna Lily.
- Tu m’étonnes… soupira Matt.
- Et qu’est-ce qu’il y a de mal à avoir des principes ? souffla Malcolm, toujours à envoyer des messages.
Charlie se releva et regarda Malcolm.
- Tu veux dire des principes comme aider à emménager quelqu’un mais ne pas aider à défaire les cartons ?
- Je suis pas chez moi, je sais pas où il veut mettre ses trucs, moi.
Charlie agita la tête.
- Malcolm, viens m’aider pour la machine à laver ! cria Rachel.
- J’arrive. Tu vois, j’aide !
- Mouais…
Lily haussa les sourcils.
- Il est toujours aussi marrant, celui-là…
- Et encore tu bosses pas avec… soupira Charlie. J’ai vraiment pas hâte d’être à demain…
Matt sourit en plaçant les livres comme indiqué par Lily.
- … même si y’a quand même des aspects agréables !
Matt sourit de plus belle.
- Tu avais fini tous tes plans de cours, chaton ?
- Oui oui… Moi tout est prêt, mais toi, t’as pris rendez-vous avec la logistique pour tes cours en plein air ? marmonna Matt.
- Nnnnn…ouiiiii ?!
- Tu vas encore t’y prendre au dernier moment… sourit le jeune homme aux cheveux bouclés.
- Mais je compte sur mon talent d’orateur, tu comprends ! AH, voilà, j’ai enfin trouvé le bon câble ! Pfou. Bon, c’est le moment de monter le lit de l’autre Aspicot !
- Tu traites pas mon frère d’Aspicot ! sourit Lily.
Charlie arriva dans la chambre alors que David et Léopold se dépatouillaient avec la notice sous le regard de Roland.
- Va te reposer un peu, Roland, je prends le relais !
- Hm…
Roland chercha Rachel qui était avec son frère sur la machine à laver.
- C’est quoi, ce modèle de merde ?
- Mais qu’est-ce que ça peut te foutre… souffla Rachel en tenant l’appareil électroménager en équilibre.
- Les raccordements sont à chier, il a pas de fric ou quoi…
- Malcolm… grommela Rachel.
Roland grimaça, embarrassé, et souhaitant éviter le frangin de son amie. Matt et Lily rangeaient les bouquins. Salle de bains, toilettes…
Toilettes. Enfermement. Roland s’assit sur le siège. Il prit une grande inspiration, puis une autre, puis une autre, puis il se saisit la poitrine, un peu en stress.
« Trop de monde, trop oppressant… Et ça s’agite… et j’aime pas le changement… »Roland sortit Morphéo. Le Pokémon regarda son maître et rafraichit un peu l’atmosphère dans la petite pièce. Le jeune homme respira mieux.
« Loin des parents, à vivre tout seul, loin de David et Lily… près de Charlie et Rachel, ça, c’est rassurant… Mais loin de la famille… Loin de la zone de confort… »Il chercha dans le petit carton posé devant la cuvette et trouva un inhalateur. Il en prit quelques bouffées. Morphéo observa son maître, un peu inquiet. Le jeune homme souffla, rassuré.
- Roland ?
Merde, Charlie. Roland rangea l’inhalateur, rappela Morphéo, tira la chasse et sortit.
- Heeey…
- … tu étais aux toilettes, oui, c’est quelque chose de normal dans un appartement… le sac de vis, pour le lit ?
- … Probablement dans le salon près du canapé.
- Oui… ça va ?
- Hm ! J’allais… me mettre à ranger la salle de bains !
- On t’a dit de te reposer…
- J’me reposerais ce soir…
- Tes cours sont prêts pour demain, hein ?
- Oui bah oui, oui…
- Et tu stresses, évidemment ?
- Oui bah…
Roland leva les yeux au ciel. Charlie inspira.
- C’est normal. On a tous dû se lancer, tu as le droit de craquer.
- C’est juste tout ce mouvement, ça me…
- Oui, oui, oui, allez. Va t’asseoir tranquille, sors tes Pokémon si ça te dit…
- Je le ferais quand tout sera rangé, sinon ça va les perturber…
- D’accord. Allez, relax, hein ? T’es toujours super tendu pour plein de trucs, lâche du lest !
- Hm.
- J’appelle Rachel ?
- Nan, nan, laisse, je lui en parlerais plus tard…
- Ok… Tu te poses, ou tu restes là à ranger ta salle de bains, on s’occupe de tout, hein ? Arrête de baliser, tout va bien.
- Hm.
- Allez.
Charlie retourna dans la chambre. David le regarda. Charlie crispa ses doigts au-dessus de ses épaules. David hocha la tête. Léopold inspira.
- Notre petite boule de stress sur pattes…
- Si tu me dis encore qu’il doit se caser et avoir un enfant pour déstresser, je t’étrangle, Léo…
- Bah je sais pas, j’ai l’air tendu, moi ?
- Je sais pas, tu veux qu’on reparle de « Charlie, j’ai vu un reportage sur les enlèvements d’enfant à la télé, j’ai peur pour Robbie !! »
- Gnagnagna, si t’avais un enfant, tu saurais de quoi je parle !
Charlie regarda son meilleur ami qui serra les dents.
- … ok, désolé, mais tu m’as compris !
- Mouais, on va dire ça…
David inspira.
- Super ambiance… vous avez besoin de moi ou je peux changer de pièce pour… éviter le malaise ?
- Nan, reste, Dave…
- Reste, voyons !
Rachel et Malcolm poussèrent la machine à laver jusqu’au fond de l’emplacement sous le plan de travail.
- Voilà ! Pfou !
- C’est bon ? T’as plus besoin de moi ?
- Oui c’est bon.
- Bon. Bah j’vais me poser dans le salon.
- Fais donc ça. Je vais voir pour la salle de bains.
Malcolm leva les yeux au ciel et alla au salon. Roland fumait à la fenêtre. Il haussa les sourcils.
« Le mec a un frère avec des problèmes de santé et il fume… »Malcolm secoua la tête et s’assit sur le canapé avec son téléphone. Roland ne le remarqua pas tout de suite. Il observait Illumis. Les rues, les magasins, les réverbères.
« Ils ont une librairie rattachée à la faculté, ce serait bien d’aller y faire un tour… pas mal d’épiceries aussi… »SMS. Rachel. [Si mon frangin te fait chier, dis-lui d’aller acheter des bières]
Roland sourit et répondit. [J’oserais pas lui adresser la parole, je pense…]
SMS. Maman. [On est au Chic-à-Porter, j’ai trouvé une jolie chemise pour toi !]
Roland leva les yeux au ciel. [Pas de cadeau de crémaillère, maman, nooon -_-‘]
- J’espère que t’es paré pour demain.
Roland releva la tête et la tourna vers Malcolm.
- Oui… oui j’ai… préparé mes premiers cours.
- Tu as ton emploi du temps ?
- Oui, oui oui, la doyenneté me l’a fait parvenir.
- Bon. Parce qu’avec l’équipe pédagogique, on est dans une situation délicate. Ce serait con qu’un professeur débutant nous enfonce encore plus. Le niveau de l’établissement est en baisse et on est en train de se battre pour que l’organisation ne soit pas revue et qu’on ne perde pas de postes… Rachel et surtout Charlie ont lourdement insisté pour que tu nous rejoignes, j’espère que t’es paré.
Roland toisa Malcolm, sur le canapé.
- Si… si vous avez des problèmes avant que j’arrive, je ne vois pas en quoi mon arrivée va changer quoi que ce soit. Au pire, vous aurez toujours des problèmes, au mieux, vous aurez toujours des problèmes. Je ne suis qu’un simple fonctionnaire qui prend une place qui était libre. Pas un… messie censé vous sauver.
- On comptait accueillir un type qui avait bossé en faculté à ta place. Un certain Bonelly. Hyper qualifié.
Roland hocha la tête.
- Qui passe de la fac à l’académie, quelque chose me dit qu’il aurait été facile à diriger et pas du tout aigri par rapport à sa dégradation de poste… marmonna Roland, vaguement sarcastique.
- Pardon ?
- … j’veux dire… Si tu t’ennuies, ça te dirait pas d’aller acheter des bières ? Pour ce soir ?...
Malcolm regarda Roland, se leva et se dirigea vers lui, presque menaçant. Roland eut un mouvement de recul.
- Change de ton, à l’avenir.
- …
Malcolm partit prendre son portefeuille dans son sac, dans la cuisine. Passant à côté de la salle de bains où Rachel rangeait l’armoire à pharmacie, il se pencha vers sa sœur.
- Dis à ton pote de me parler mieux !
- … Roland t’a mal parlé ?! Roland Smirnoff, le mec tout calme et tout timide t’a mal parlé ?! T’as pris des photos au moins, parce que, tu sais que devant un tribunal, faut des preuves…
- … tu te moques de…
- Bah oui, devant un tribunal, des preuves ça te suffirait pas, il te faudrait au moins une équipe de super-héros…
- Pfffffff…
Malicieuse, Rachel sortit la tête de la salle de bains et cria à destination de tout le monde :
- MALCOLM DESCEND A L’EPICERIE, QUI VEUT QUOI ?
- Feuilles à rouler ! cria Charlie.
- Prends des chips et des avocats ! cria Léopold.
- De l’Houmous bio ! lança David.
- Des boissons softs s’il te plait ! demanda Lily.
- Et les classiques, vodka, gin, rhum… marmonna Matt.
- Du pain aussi, et comme bières tu prends des blondes et des blanches. MERCI MALCOOOLM ! cria Rachel exagérément.
Malcolm grimaça, prit son portefeuille et prit la porte.
« Non mais pour qui ils se prennent, tous… »Dans l’appartement, Rachel jeta un œil dans le salon. Roland s’était remis à la fenêtre, à fumer et à répondre aux textos de sa mère.
***
Les parents de Roland revinrent au moment où le déménagement s’était achevé.
- C’est bien, tu es correctement installé… constata Linda.
- On n’a même pas eu à balancer trop de trucs aux encombrants… marmonna Charlie.
- Ah, il y avait des trucs en trop ?
- Deux trois trucs, ouais, ou qui se sont abimés, qu’on ne peut pas remonter, de trop par rapport à l’espace…
- Ah mince…
- C’est pas grave, c’est pas grave. Le reste des meubles rend bien, regardez…
- Oui bah oui…
Etienne hocha la tête et regarda Roland.
- Bon, bah on peut te laisser fêter tout ça avec tes amis, alors ?
- Hm… Merci pour tout, papa, maman… les frangins…
Lily et David acquiescèrent. Rachel, Charlie, Léopold et Matt observaient. Le blond tenait son nourrisson contre lui, armé d’un biberon. Malcolm était un peu à l’écart, sur sa tablette cette fois.
- On va se rentrer, la route est longue… Eh bien, bon courage pour tes premières fonctions, Roland… l’académie d’Illumis, vaste programme…
- Je t’enverrais des photos.
- Tssss… Allez.
- Oh mes bébés je vous quitte une fois de pluuus ! geignit Linda en embrassant un à un les autres.
- Madame Smirnoff, vous m’inquiétez parfois… marmonna Charlie.
- Rentrez bien, Linda, on s’occupe de lui ! sourit Rachel.
- Vous venez garder Robbie quand vous voulez ! sourit Léopold en embrassant la grande femme blonde.
- Madame… marmonna Matt, intimidé et se contentant d’une formelle poignée de main.
- Linda, portez-vous bien ! sourit Malcolm en embrassant la mère de Roland.
Linda regarda Roland qui souffla.
- J’t’envoie un message tous les jours, t’inquiète.
- Au moins une fois par semaine !
- Hm !
Linda serra son fils dans ses bras.
- Mon petit bébé…
- Mamaaan… grommela Roland.
- On n’a rien vu et rien entendu, nous ! marmonna Charlie, innocemment.
- Hm, rien entendu, pour l’instant ! souffla Rachel en souriant.
Linda s’éloigna de son fils.
- Si tu as le moindre problème…
- J’appelle.
- Hm. Et si ça ne va pas, tu reviens à la maison.
- En courant ! assura Roland.
Linda sourit et embrassa la joue de son fils avec tendresse.
- Bon courage pour ton installation ici !
- Hm. T’inquiète maman.
Etienne se contenta d’une poignée de main formelle.
- Montre-leur bien qui tu es, fiston. Un Smirnoff.
- Hm.
La famille prit congé. Roland inspira.
« Un Smirnoff… le moins Smirnoff de tous les Smirnoff… le plus jeune qui veut devenir coordinateur, la sœur qui se bat mieux que nous deux réunis et le grand fils qui… suit bêtement les traces de son père… »Il expira, abattu alors que la porte se fermait.
« Montre-leur qui tu es… mais qui je suis, au fond, sinon un petit aspirant fonctionnaire gauchiste et un peu trop intelligent pour apprécier simplement ce qu’il a sans s’angoisser futilement ?! »Une fois la porte fermée, Charlie inspira.
- Sortez les bouteilles, qu’on trashe cet appart !
- Yes, yes, yes ! sourit Rachel en partant vers la cuisine avec lui.
Matt approcha de Roland et sortit les deux sachets d’herbe de ses poches sous le regard désapprobateur de Malcolm.
- Ta mère va croire que je la hais, j’ai bien vu qu’elle voulait me faire la bise, mais elle les aurait sentis…
- Merci de m’avoir couvert, élément insoupçonnable ! acquiesça Roland.
***
En descendant, Linda souffla.
- J’aurais vraiment aimé qu’il vienne au restaurant avec nous… mais tu as raison, il faut le laisser prendre son indépendance…
Etienne agita la tête.
- Tu le couves trop !
- Oh, Etienne ! On a déjà eu cette discussion !
- Disons juste qu’il aimait trop son petit confort, ça va lui faire du bien de changer d’air.
Lily inspira, inquiète. David regarda vers le haut, pareillement soucieux.
Une jeune femme aux cheveux châtains clairs monta l’escalier, croisant ainsi le frère, la sœur, le père et la mère. Elle monta jusqu’à l’appartement numéro 3-2 et frappa à la porte.
Charlie lui ouvrit. Un peu gêné, forcément.
- … Annette…
- … Charlie… je viens récupérer Robbie.
Léopold arriva et regarda son bébé.
- La fin de la fête mon grand ! Tu vas avec maman !
- Tu restes sage et tu ne rentres pas trop tard ! souffla Annette.
- Mais oui, t’inquiète. Bisou ?
- Pas le temps, je devrais déjà être aux Algolides, Stacy m’attend. A ce soir, tu ne bois pas !
- Hm…
Léopold ferma la porte. Charlie plissa les yeux.
- Pas le temps pour un bisou mais le temps de te dire de ne pas boire…
- Oui bon ça va hein...
- Plus de bébé ? J’peux rouler un joint ! sourit Matt.
- Y’a encore Malcolm… rappela Rachel en rameutant des verres et un shaker.
- Non mais dis, j’ai été faire les courses !! grommela Malcolm.
- Eh bah maintenant on consomme, allez, hop hop hop ! sourit Léopold.
Charlie se tourna pour voir Roland assis au bord de son lit, gérant le choc émotionnel. Il s’approcha comme pour aller lui parler, mais il se contenta de fermer un peu la porte pour ne pas inquiéter les autres. Il revint au salon.
- Roland se repose un peu, on met tout en place ! ordonna le grand brun.
Rachel le regarda. Charlie fit signe que tout allait bien. Elle inspira, un peu inquiète.
- Il se repose de quoi, il a quasiment fait que ça de la journée de se reposer ! souffla Malcolm.
- La… route ? La montée des meubles ? Le fait de partir de chez lui ?! lista Léopold.
Malcolm inspira en restant sur sa tablette.
- En attendant, demain on commence à 8h00 tapantes.
- Merci, monsieur le fêtard… souffla Rachel, déjà gavée.
- J’vais te rouler un de ces chichons, toi… souffla Matt.
- Pardon ?!
- Nan, rien… sourit le jeune homme aux cheveux frisés.
- Je ne fume pas !
- Non, vraiment… marmonna Matt, sarcastique.
Charlie lui tapota l’épaule pour lui faire signe de cesser. Malcolm grommela en retournant à sa tablette.
Roland revint dans la pièce après s’être débarbouillé.
- Ah, attendez, j’ai les sets de table et les dessous de verre !
Il se dirigea vers la cuisine. Rachel vint le rejoindre.
- Ça va ?
- Hm… Un peu dur, quitter le foyer familial, tout ça, mais c’est bon, c’est fait, maintenant c’est à moi de vivre ma vie…
- Voilà.
- C’est juste un peu dur à encaisser, tout d’un coup.
- J’me doute. On…
- … se parle après, ouais. Bien sûr.
Rachel hocha la tête et retourna au salon. Roland sortit les sets de table et les dessous de verre des placards de sa cuisine.
« Tu es avec des gens qui ne te jugent pas parce que tu sors des sets de table et des dessous de verre, tu es chez toi, avec des amis, personne ne te juge. Sauf Malcolm mais bon. Tout va bien. Si c’est juste Malcolm, ça va. »***
La soirée battait son plein. Tout avait été soigneusement mis en place. Passerouge se trouvait déjà des emplacements au sommet des étagères. Tarpaud faisait plus ou moins le service en compagnie d’un Lianaja. Un Crabagarre dormait dans l’entrée, remuant parfois des pinces, tout à son rêve. Morphéo restait près de Roland qui ouvrit sa seconde bière.
- Et là, la gamine me regarde et me dit : « Mais j’y peux rien, madame Heine, je suis indisposée ! » DEVANT TOUT LE MONDE !
- Han non ! geignit Léopold avec son pauvre jus d’orange.
Matt tira une taffe du joint qui passait et le donna à Charlie qui le remercia d’une tape sur l’épaule.
- Ils sont mignons à cet âge quand ils n’ont pas conscience de ce qu’ils disent…
- C’était vrai ou c’était une excuse ? demanda Matt.
Roland inspira, faussement choqué. Rachel haussa les sourcils en prenant le joint que lui passait Charlie par-dessus Léopold.
- Ecoute, j’ai pas vérifié !
- Eeeeeew… geignit Léopold.
- C’est dégoûtant, sortez de chez moi ! cria Roland.
- Mais c’est ton travail, enfin, tu dois être là pour tes élèves !
- Pas à ce point-là, non ! geignit Rachel en ricanant.
Malcolm inspira lourdement, regarda sa bière enfin terminée et se leva.
- Bon, je vais y aller.
- Ok… marmonna Roland. Merci d’être venu…
- Et merci pour les courses ! sourit Charlie.
- Hm. Rachel, tu as ta clé pour rentrer ?
- Ouais.
- Bon. Messieurs, à demain.
Malcolm prit ses affaires et quitta l’appartement sans plus de procès. Charlie se passa une main sur le visage.
- Mais quel triste cul, ce mec, sérieusement… gronda Charlie.
- Le jour où il trouve une meuf, on se cotise pour la faire fuir en Corée du Nord, elle y sera en sécurité… marmonna Léopold en hochant la tête.
- Tu habites toujours avec lui ?! s’étonna Matt.
Rachel hocha lourdement la tête en soupirant et fermant les yeux. Matt siffla.
- Et… ça va, t’as pas envie de le tuer ?
- Il n’aime pas beaucoup Roland, ça n’arrangeait pas grand-chose à son état habituel déjà… problématique… souffla Rachel.
- Depuis qu’on bosse avec lui, c’est infernal, on a l’impression d’avoir le Schtroumpf à lunettes au cul en permanence… souffla Léopold.
Roland inspira en taffant sur le joint.
- Il m’a tapé un coup de pression tout à l’heure, genre l’équipe pédagogique a des problèmes, le niveau de l’établissement est en baisse…
- Attends, on est six équipes pédagogiques dans l’établissement, y’a pas que nous, hein, mais comme monsieur est LE délégué syndical de notre équipe… soupira Charlie.
- Non pis des problèmes… y’en a partout, hein. Pis avec l’Association Pokémon qu’on a… marmonna Rachel.
- Certes – et je vais pas m’étendre là-dessus, vous allez me traiter de gauchiste – mais il m’a carrément parlé comme si ça reposait sur mes épaules…
Charlie leva les yeux au ciel.
- Roland, tu viens bosser avec nous, au sein de l’équipe, tranquille, tu te préoccupes pas de ces conneries de niveau, des soucis d’organisation, de quoi ou qu’est-ce, tu fais ta vie. Moi, Léo et Matt on a de l’ancienneté, à la rigueur c’est plus à nous de gérer ces conneries que toi.
- Voilà ! souffla Léopold.
Roland agita la tête.
- Ça me va tout à fait, j’avais pas envie de gérer ça en plus du taf… admit Roland.
- Tu m’étonnes… marmonna Matt en reprenant le joint.
- Il m’a parlé du gars qui allait être embauché à ma place, Bonelly…
- Oui, le gars qui vient de la fac ! J’ai dit à Hadley « Un prof de fac qui vient en académie, et pis quoi encore, un Maître de Conseil qui devient Secrétaire ?! »
- T’as dit ça un peu plus calmement quand même, le Hadley il est pas commode… marmonna Rachel.
- Certes, mais franchement tu méritais plus cette place que ce péteux qui avait juste envie de se faire mousser ! assura Charlie. Et tu ne voles rien à personne, rassure-toi, le gars n’aura mais juste auuuuucun mal à trouver du taf !
Roland acquiesça.
- Tu as eu le temps de voir le quartier ? marmonna Léopold pour évacuer le sujet « boulot »
- Ouais… Bon, je suis au-dessus du « Joyau de Kalos » et à côté du « Fringant Pokémon »…
- Ta sœur n’y est même pas allé je suis sûr ! sourit Léo.
- Mais t’inquiète qu’elle a remarqué ! sourit Charlie.
- Ah bah ça… marmonna Rachel. Au fait, ton frère, toujours pas de copain ?
- Trop jeune… marmonna Roland.
Matt secoua un shaker.
- Tu parles, y’a pas d’âge pour commencer…
- Matt ! gronda Charlie.
- Quoi… ?
- On parle de son frère quand même !
- … ah oui, pardon…
- Nan, nan, ça va, mais disons que je lui dis régulièrement que je reste ouvert pour qu’il m’en parle, je veux pas être le frère chiant qui ferme les portes…
- On se rappelle tous de la super réaction de ma mère… marmonna Charlie.
- Papa qui se blâme de m’avoir mal élevé parce que je suis bisexuel… souffla Léopold.
- Joker, j’veux pas plomber la soirée… soupira tristement Matt.
- Ah bah moi j’peux l’égayer. Quand j’ai annoncé à mes parents que j’allais vivre avec Annette et qu’on allait avoir un bébé, alors que mes parents croyaient dur comme fer que j’allais me remettre avec Charlie…
- Ils y croient probablement toujours d’ailleurs, et je suis sûr que mon père y croit aussi… souffla Charlie, désabusé.
- … Papa s’est presque évanoui et il a pleuré sur Lionel : « C’est ta faute, ta faute à toi et à tes gênes de bisexuel si je suis grand-père à présent ! »
Roland ricana. Rachel agita la tête en souriant.
- D’un autre côté, heureusement qu’on a vécu entourés de tous ces foldingues, on aurait étouffé avec un entourage de gens chiants ! admit Rachel.
- Pourquoi Norbert a parlé de gênes, il se rappelle que t’es issu d’aucun d’entre eux ?! sourit Roland, amusé.
- Oh, je me plais à croire que je suis issu de l’utérus magique de Norbert, fécondé par des années d’amour avec Lionel.
Rachel, qui tenait le joint, le reposa avant même d’avoir tiré une taffe.
- Wow, c’est de la bonne ! souffla la jeune femme.
- J’étais sérieux ! assura Léopold.
- C’est bien ça le problème ! ricana Roland.
- Plus de drogue pour ce soir, on reste sages ! sourit Charlie en fermant les sachets d’herbe.
- Et c’est le mec qui boit pas qui vient de dire ça. D’ailleurs, tiens, un petit cocktail !
- Non merci, Matt, je ne bois pas ce soir.
Matt regarda Léopold.
- Sérieux ? Allez, ta femme n’en saura rien !
- Non merci, répéta sèchement Léopold.
Matt ne chercha pas plus loin et servit Rachel qui avait tendu son verre. Roland inspira, sentant la tension du blond vis-à-vis du mec de son ex.
- C’est toujours en cours, cette manœuvre idiote qui consiste à se signaler quand on est profs et dans une relation… hétérosexuelle comme homosexuelle avec un autre prof ?
- Ouiiii… soupira Charlie.
- On va avoir droit à notre petit rendez-vous chez le proviseur… souffla Matt.
- Bon sang, c’est tellement absurde et discriminant… soupira Roland.
- Tu m’étonnes… marmonna Rachel, un peu soucieuse.
- C’est pour ça qu’il faut être en couple avec quelqu’un qui n’est pas à l’académie ! sourit Léopold en levant deux pouces.
- Dit le mec qui peut pas boire à cause de sa meuf ! souffla Rachel.
- Ma FEMME, s’il te plait ! grommela Léopold.
- Et idem, vous ne pouvez toujours pas vous marier ou adopter… rappela Roland, défait.
Charlie pencha la tête.
- Oooooh notre petit allié LGBT préféréééé !
- C’est marrant que ça te concerne autant… s’étonna Matt.
- Bah entre l’entourage de mes parents et mon frère, tu te doutes…
- Oui, oui…
- Je me rappelle encore quand à seize ans, Roland a tapé un scandale à ses parents pour aller faire la Marche des Fiertés ! sourit Léopold.
- Oh oui ! Matt, il faut qu’on te raconte ça ! sourit Rachel.
- Ah mais oui je t’avais jamais dit. Donc Roland a seize ans, il est en pleine première année de fac, on dîne chez les Smirnoff avec Léo, mon père et les parents de Léo, tout va plus ou moins bien, et là…
Roland inspira en souriant, nostalgique.
- Et là je dis à mes parents, vers la fin du plat principal : « Papa, maman, je veux aller à la marche des fiertés ! »
- Son père lui a lancé un regard ! sourit Léopold.
- Ils se sont lancés dans un débat très politisé, comme toujours, Linda était juste intriguée… continua Charlie.
- Elle a clairement cru à un coming-out, la pauvre ! sourit Léopold.
Rachel jeta un regard vers Roland, souriante tout en buvant son cocktail.
- « Ce n’est pas ta place, tu n’es pas légitime », mais Roland est là « Non, mais les gens de ma fac vont avoir un char, je pense que c’est ma place autant que la leur, c’est un combat politique important, comment tu peux dire qu’on n’est pas légitime même quand on n’est pas homo ou bi, ça nous concerne tous en tant que société, vous m’avez élevé dans le progressisme… » Fin, la totale !
- Papa était tellement touché ! sourit Léopold.
- Ton côté militant politique c’est vraiment un truc que j’adore chez toi ! sourit Rachel.
Roland se crispa. Charlie, Matt et Léopold regardèrent la jeune femme qui s’engouffra un bout de pain avec des rillettes de thon.
- Quoi, c’est vrai, il est tout le temps tellement déterminé dans ses révoltes, alors qu’habituellement c’est à peine si au supermarché il regarde la caissière dans les yeux pour payer !
- C’est haram, ça, tu vas aller en enfer ! admit Léopold.
- Grave ! ricana Charlie.
- C’est top que tu sois aussi investi… admit Matt.
- Y’a pas que ça, Roland se bat pour la reconnaissance des Ultra-Chimères en tant que Pokémon…
- Le respect d’un élevage naturel en faveur d’un élevage forcé, le renforcement des règles aux points pendant les tournois afin d’éviter les batailles se terminant par des KO parfois pénibles pour le Pokémon et le dresseur, les discriminations de tout bord envers les immigrés…
Léopold inspira.
- Tu vas pas aimer l’équipe pédagogique, tout le monde est blanc ! sourit le blond.
- C’est pas le problème, c’est juste respecter les gens pour ce qu’ils sont, qu’ils soient des gens de couleur ou des Poképolites de souche ou pas. Quand je donne mon nom et qu’on voit que la famille vient des Pays-Bas, ou quand on dit à Rachel que sa famille a des racines allemandes...
- Et qu’on me juge bien là-dessus alors que j’ai des papiers poképolites…
- Pas mieux côté british… admit Charlie.
- Mais en fait qui est Poképolite de souche ? J’ai été adopté aux states ! souffla Léopold.
Matt leva une main timide.
- Sale petit vendu ! grommela Rachel.
- Qu’on le pende, qu’on le pende ! sourit Roland.
- Mais j’m’en fiche, moi, je suis gay, je suis déjà discriminé, c’est pas pour discriminer les autres !
- Eh bah c’est ce que tout le monde devrait se dire, on peut tous être discriminé pour quelque chose, cessons de prêter attention à des futilités et occupons-nous plutôt de faire avancer l’humanité dans le bon sens ! souffla Roland, habité.
- Roland Président… souffla Charlie.
- Certainement pas, je ne pourrais jamais…
Roland agita une main, soudain bien intimidé alors qu’il était presque théâtral en défendant ses positions.
- Pis ça ne m’a jamais tenté… pis non, il faut des moyens immenses…
- Je parlais pas de devenir Maître du Conseil, hein, au moins Président de l’Association Pokémon…
- Pringle lâchera jamais son siège ! souffla Léopold en ricanant.
- Pourquoi pas devenir délégué syndical à la place de l’autre petzouille ? marmonna Matt.
Gros froid. Rachel se figea. Roland s’était redressé. Léopold serra les dents. Charlie tapota l’épaule de Matt, gêné.
- Le… euh, le p…
- Mon père s’est fait tirer dessus par un syndicaliste qu’il avait mis en colère. Et un de ses collègues est mort sous ses yeux.
Matt fit de gros yeux et rit nerveusement, un peu atteint par l’herbe qu’ils fumaient.
- D… Désolé, on va bosser ensemble donc tu vas vite comprendre que je suis un peu le roi de la boulette…
- C’est rien, tu pouvais pas savoir. La position ne me tente pas du tout, les syndicats c’est plus de la conservation de pouvoir qu’un réel apport dans les relations d’entreprise, je doute que ce serait d’une quelconque utilité.
Matt hocha la tête.
- Encore désolé.
- Y’a absolument pas de mal.
- Bon, tout le monde à poil, je pense que l’heure est parfaite pour une petite orgie ! sourit Léopold.
- Mais c’que tu peux être coooon ! souffla Charlie.
- Le gars il a rien fumé, rien bu, il dit plus de conneries que tout le monde ici !! grommela Rachel.
- Oh c’est bon, je proclame mon appartement « Refuge à conneries » !
- Yeah, conneries ! cria Léopold.
- Portons un toast à la connerie ! cria Charlie.
***
Léopold partit le premier, pressé par ses obligations familiales. A son départ, Charlie avait embrassé Matt sans vergogne devant Roland un peu hilare à cause de l’alcool et la fumette. Rachel leva carrément une bouteille.
- Allez, on entame le chablis !
- Chabliiiis ! sourit Matt en se séparant de Charlie.
- Ça m’a tellement emmerdé de la jouer prude devant lui ! grommela le britannique.
- C’est ton ex, c’est normal… souffla Matt en l’entraînant pour se rasseoir sur le canapé
Rachel prit la chaise face au fauteuil de Roland, de l’autre côté de la table basse.
- C’est cool que la situation se soit normalisée par rapport à ça d’ailleurs… marmonna Roland.
- Oh, ça fait quatre ans que c’est fini lui et moi… il a sa vie, j’ai la mienne, j’ai fait une croix, lui aussi, je suis avec Matt il est avec Annette et Robbie, tout va bien…
Roland acquiesça, rassuré.
- Ça t’embête pas qu’on prenne un peu nos aises ? demanda Matt.
- Absolument pas. En plus d’être un refuge à conneries, cet appart est tout à fait gay friendly !
- Dispo pour un plan à trois ? sourit le jeune homme aux cheveux frisés.
- MATT ! ricana Charlie, désinhibé.
- On bosse demain, ce serait pas très sage ! sourit Roland.
Rachel éclata de rire. Matt sourit. Charlie secoua la tête en prenant une gorgée de chablis.
- On ne fait jamais de plans à trois, il est saoul !
- Oui, non, j’ai un humour un peu limite, tu l’auras compris… sourit Matt.
- Ça va faire bizarre d’être collègues demain ! admit Roland.
Matt rit nerveusement. Rachel secoua la tête.
- Il fait beauuucoup moins le malin à l’académie.
- Tu vas passer de Mathieu Clancy, joyeux drille à Monsieur Clancy, prof de fondamentaux hyper strict !
- Tu parles, t’es doux comme un agneau !
Charlie et Matt s’embrassèrent sur le canapé. Roland regarda Rachel qui leva un verre.
- A ta crémaillère je l’espère pas trop arrosée !
- J’ai du détachant au pire ! assura Roland.
***
Le couple prit congé ensuite, un peu trop pompette pour rester sortables.
- A demain Roland, j’espère qu’on n’aura pas été trop relous…
- Mais non, t’inquiète, si y’en a bien un qui peut… Oubliez pas le doliprane avant de dormir…
- Putain tu m’étonnes ! cria Matt dans la cage d’escalier. Merde, ça résonne ! ricana le jeune homme.
- On y va, allez à demain.
- A demain les gars !
- Rachel tu viens pas avec nous ? marmonna Matt.
Rachel secoua la tête.
- Je vais l’aider à ranger, j’ai vraiment pas envie de subir mon frère tout de suite !
- Ah bah oui. A demain.
- A demain…
Roland ferma sa porte. Il regarda Rachel.
- Bah c’était folklo.
- Profite, demain tu commences le taf et ça va être moins folklo.
- J’me doute bien… Bon, faut mettre les verres à l’évier…
Rachel attrapa Roland par le bras et l’embrassa vivement. Roland répondit à son baiser. Elle s’éloigna de lui en souriant.
- Ça m’a TELLEMENT emmerdée de jouer les prudes devant eux tous !
- Rachel… sourit Roland.
- T’étais tellement chou toute la journée, qu’est-ce que j’ai eu envie de te sauter dessus au moins mille fois !
- Moi aussi j’avais très envie de te serrer contre moi, tu m’as manqué… sourit Roland.
Elle l’embrassa dans le cou alors qu’il constatait enfin tout le bonheur que constituait le fait d’être dans son propre appartement.
- Rachel, ce serait mieux d’être un peu soft ce soir, demain…
- Oui, demain on va avoir un souci qu’on va régler rapidement, mais pour le moment pensons à ce soir, Roland s’il te plait, ça fait tellement longtemps que j’attends que tu t’installes sur Kalos !
Il répondit par un sourire et l’embrassa pour faire taire son pourtant si joli rire.
« Quand je suis avec elle, c’est bien, je ne pense plus à rien, plus de stress, plus rien… »***
C’est un Roland tiré à quatre épingles qui arriva à l’académie d’Illumis le lendemain matin. Il observa le joli hall. Des panneaux indiquaient les salles importantes. Un tableau d’affichage l’intrigua, signalant aux élèves plusieurs évènements. On l’aperçut.
- Monsieur ?
Roland rehaussa ses lunettes et observa un gros bonhomme chauve à lunettes.
- Euh… Smirnoff, Roland, je… commence aujourd’hui…
- Oh. Je suis le proviseur Burton.
- Monsieur... enchanté.
- Smirnoff, hein… comme le chercheur et professeur…
- Oui tout à fait, annonça fièrement Roland.
- Bon. Un nom comme le vôtre, ça ne nous fera pas de mal. Vous êtes dans l’équipe de Hadley, Winchester, Finsbury…
- Voilà…
- Très bien. Vous n’avez rien à régler auprès de moi, tout se fait auprès du doyen.
- Je sais…
Roland agita la tête.
- Enfin, oui, très bien, merci pour le renseignement !
- Oh, ne prenez pas de gants, vous pouvez être un débutant et savoir ce que vous faites, hein, ça n’est pas interdit !
Roland sourit. Le côté bienveillant de l’homme le rassura.
- Très bien, je vais voir le doyen alors.
- Faites donc. J’espère que nous nous verrons le moins possible, ce serait mauvais signe pour vous !
- Exactement… oui…
- Je vous laisse, j’ai un discours de bienvenue à faire aux élèves !
- Bon courage !
- Vous aussi. Notre doyen n’est pas quelqu’un de simple…
Roland agita la tête
« C’est pas ce qu’on m’a dit… ». Le proviseur partit d’un pas lent mais régulier.
- Tu es allé voir le doyen ?
Roland se retourna vers Malcolm.
- … j’y allais…
- J’espère que vous n’avez pas trop fait la fête, Rachel est revenue à une heure indue, je ne donne pas cher de sa performance aujourd’hui…
Roland se contint.
« ‘Performance’ ?! Mais comment il parle, lui… »- Enfin bref, va régler ta paperasse, la réunion pédagogique commence dans une demi-heure, tu es attendu en salle des profs 2. C’est la nôtre. Réunion d’introduction.
- Bien, chef.
- Pour la dernière fois, change de ton. Tu débutes, c’est vraiment pas le moment pour toi de faire le malin. Vraiment pas.
Malcolm s’éloigna. Roland inspira.
« Ça va finir en bain de sang, toi et moi… »Roland inspira plus lourdement encore.
« Calme-toi, Roland… »« Montre-leur bien qui tu es, fiston »Roland secoua la tête.
« Je ne peux pas, parce que parfois c’est tellement sombre, j’ai des pulsions tellement violentes, je… »Roland souffla lourdement, se tenant le ventre.
« On se calme. On arrête de s’embrouiller l’esprit. Zen. On va voir le doyen, tout va bien se passer. »Roland se dirigea vers le couloir de l’administration.
« Zen, zen, zen… »Il toqua à la porte.
« Peut-être qu’il est pas encore arrivé, je suis un peu en avance, peut-être. »- Entrez !
Roland se tourna vers un grand homme, un peu frustre, dans un imper beige, qui tenait un café venant de la machine du fond. Roland pressa la poignée, hésitant.
- Allez-y, allez-y, mi casa es su casa, mon bureau est votre bureau !
Roland sourit et ouvrit la porte du petit bureau sobre. Quelques bibelots dont un presse papier en forme d’Insolourdo posé sur un tas de dossiers. Roland entra et put observer un poster recensant les espèces originaires de Kalos, de Marisson à Yveltal.
- Joli, hein !
Roland se retourna vers l’homme qui entrait dans son bureau, son imper sous le bras.
- Asseyez-vous, asseyez-vous ! Nous avons tout notre temps !
- En fait, non, j’ai une réunion avec un délégué syndical…
Le doyen regarda Roland, intrigué. Roland s’étonna.
« Il est jeune pour un doyen… »- … AH ! Vous êtes dans l’équipe pédagogique 2, avec Heine ! Arceus, cet homme, cet homme, cet homme ! Enfin bref, on n’est pas là pour parler des collègues, on est là pour parler de vous ! Venez devant moi, allons, n’ayez pas peur, je ne mords pas !
Roland sourit, amusé.
« Il est un peu excentrique mais plutôt sympa à première vue… »Roland approcha et l’homme tendit la main.
- Je me présente, je suis le Doyen de la faculté d’Illumis, Justin Truce !
Roland tendit la main, enthousiaste.
- Roland Smirnoff, enchanté !
Une poignée de main des plus amicales s’ensuivit.
Générique de fin :
Etienne Daho – Au commencement« Tout n'est que recommencement
Depuis que le monde est monde
Avec toi je veux tout reprendre
A zéro depuis le début
Avec toi réapprendre
Partir sur des bases nouvelles
Au diable le bien et le mal
Et les sermons artificiels
Avec toi je suis vraiment moi, absolument moi… »