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Les douze tableaux de Jaune de MissDibule



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» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 24/10/2018 à 00:49
» Dernière mise à jour le 24/10/2018 à 01:07

» Mots-clés :   Aventure   Kanto   Mythologie   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de personnages du manga

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VII et VIII – Les juments de feu et les écuries d’Auguste
Ce matin-là, Cramois’île, la petite île habituellement désertique, était en ébullition, et pour cause : le champion d’arène Auguste partait à la retraite, après des dizaines d’années de bons et loyaux services. Et pour fêter l’intégration de son successeur, l’ancien champion, âgé à présent de soixante-quatorze ans, avait décidé d’organiser une petite compétition sur son île, lors de laquelle il décernerait pour la dernière fois son badge Volcan aux propriétés si particulières.

Alors que le personnel de l’arène – venu spécialement des Îles Écume – s’attelait aux derniers préparatifs de l’événement, Auguste contemplait la scène, tout en discutant tranquillement avec son successeur :

— Je suis ravi que tu sois revenue à la raison. Et encore plus que tu sois revenue à la maison ! plaisanta-t-il.

— Tout le monde peut faire des erreurs. Cela arrive même aux meilleurs, répondit son interlocutrice d'un ton calme et posé.

— Je l’ai combattue, tu sais. Cette organisation dont tu faisais partie.

— C’est ce que j’ai ouï-dire, en effet.

— Tu regrettes ce que tu as fait là-bas ?

— Je te l’ai déjà dit, répondit la femme en croisant les bras, sur un ton agacé. Oui, je regrette mes actions au sein de la Team Flare…

Elle hésita un instant avant d’ajouter :

— …Papa.

— Ah, ça c’est bien ma fille ! Tu sais, Malva… Moi aussi j’ai fait des erreurs, admit-il en lui soulevant sa manche pour lui montrer son bras génétiquement modifié, symbole de son houleux passé au sein de la Team Rocket. L’important, c’est de les reconnaître, pour ne jamais, au grand jamais les refaire.

— Je sais tout ça. J’ai quarante ans passés, pas six, lui fit-elle remarquer, moqueuse.

— Mouhaha ! Je le sais bien ! Je te connais par cœur. C’est pour ça que je suis persuadé que tu feras une excellente championne d’arène. Tu as bien mûri, affirma son père.

Le vieil Auguste n’avait rien perdu de sa superbe malgré le poids des années : son crâne chauve était caché sous un chapeau melon blanc à bordure rouge, et ses yeux étaient recouverts par ses sempiternelles lunettes de soleil rondes. Cela semblait être un trait de famille. Il portait une chemise écarlate sous un veston blanc, assortis à son couvre-chef, le tout agrémenté d’une cravate noire. Son pantalon beige ne faisait pas un pli. Le même sourire illuminait son visage depuis toutes ces années, réhaussé par ses blanches moustaches dont il prenait grand soin.

Ainsi appuyé sur sa canne de bois, recourbée comme celle d’un mage de conte de fées, Auguste avait plus que jamais l’air d’un dandy, et il dégageait une aura flamboyante qui en impressionnait beaucoup. Pour son plus grand dam, Malva ne faisait pas exception, ce qui l’irritait au plus haut point. Elle s’empressa de changer de sujet :

— J’ai entendu dire que les participants à l’événement ont été choisis par tes soins. Qui sont-ils ?

— Eh bien, ce sont des spécialistes du type Feu venus de partout à travers le monde. Je ne les connais pas tous, mais ce sera l’occasion de se rencontrer ! expliqua-t-il avec enthousiasme.

— Je vois. Et c’est tout ?

— Hum, à vrai dire, j’aurais bien aimé que les détenteurs de Pokédex viennent, mais…

— Les détenteurs de Pokédex ?

— Le groupe de jeunes gens qui a sauvé Kanto il y a deux décennies de cela. Il y a Rouge, mais j’ai entendu dire qu’il était parti s’entraîner avec Or et Argent au Mont Argenté, donc ces trois-là sont à exclure. Apparemment Bleu est en vacances pour se reposer, alors je n’ai pas osé le déranger. Verte est occupée par sa nouvelle fonction de championne, Cristal parcourt le monde, et Jaune aussi…

— Jaune ? Ne me dis pas que… Est-ce que ce serait Jaune de la Forêt de Jade, par hasard ? s’enquit sa fille.

— Oui ! Mais… Comment le sais-tu ? lui demanda Auguste, très étonné. Je ne crois pas t’avoir déjà parlé d’elle…

— Je l’ai rencontrée pas plus tard qu’hier, alors que je me reposais. Un sacré personnage, cette jeune femme. Vraiment très intéressante.

— Quelle coïncidence ! s’exclama son père. Alors comme ça, Jaune est revenue ?

— Apparemment. Vas-tu l’inviter à participer aux festivités de cet après-midi ?

— Cela va sans dire. Je vais l’appeler.

*
Jaune voyait déjà le volcan de Cramois’île se profiler à l’horizon : elle était impatiente de découvrir quelle était cette grande épreuve qu’Auguste avait préparée pour son départ à la retraite ! Elle avait bien essayé de convaincre Bleu de venir avec elle, mais il n’avait pas l’air motivé. Elle espérait que son repos lui ferait du bien… Il avait l’air d’en avoir besoin.

Elle repensa à la conversation qu’elle avait eue avec Auguste le matin même. Quelle surprise cela avait été pour elle d’apprendre que Malva, la femme qu’elle avait rencontrée la veille, était sa fille. Ainsi, sans le savoir, elle avait eu l’honneur de rencontrer la nouvelle championne de Cramois’île avant tout le monde !

La jeune artiste jeta un œil à sa montre. L’épreuve débutait à quinze heures : il était quatorze heures vingt-huit. Elle allait avoir un peu de temps pour parler avec Auguste et Malva. Elle distinguait déjà le Centre Pokémon de Cramois’île, devant lequel plusieurs silhouettes étaient réunies. Jaune s’empressa de se poser sur le sol aride de l’île, impatiente de découvrir ce qui l’attendait.

Elle remercia Chenipou puis le rappela dans sa Poké Ball avant de se diriger vers l’attroupement : sept personnes étaient là, y compris Auguste et Malva. Jaune ne connaissait qu’un seul d’entre eux – Kiawe, un capitaine d’Alola qui lui avait fait la démonstration de ses danses typiques lors de son séjour. C’était un homme dont le torse nu laissait voir la peau brune. Ses cheveux étaient du même brun, zébré d’orange. Elle lui adressa un petit signe de la main auquel il répondit par un sourire.

Outre Kiawe, il y avait un homme à l’air confiant et à la coupe afro rouge, une trentenaire déterminée à la queue-de-Ponyta écarlate, un jeune homme aux cheveux bicolores jaunes et rouges qui ressemblait au premier, et un dernier, en tenue de serveur, dont la chevelure évoquait une flamme. Aucun doute là-dessus : elle se trouvait sans conteste devant un rassemblement de fanatiques du type Feu. En la voyant arriver, Auguste s’écria :

— Jaune ! Je suis si heureux de te revoir. Ça fait tellement longtemps !

— Bonjour, Auguste, moi aussi, je suis contente de vous revoir, répondit-elle en souriant. Ravie de vous revoir également, Malva.

— Tout le plaisir est pour moi, Jaune. Tutoyons-nous plutôt, veux-tu ?

— D’accord, approuva Jaune.

— Alors dites-moi, comment vous êtes-vous rencontrées ? voulut savoir Auguste.

Les deux femmes émirent un petit rire et Jaune se lança dans un récit détaillé de leur aventure d’hier, vantant les aptitudes de Malva au combat.

— Ha ha ! Voilà qui ne m’étonne pas ! Ma fille est une vraie lionne ! fit valoir Auguste.

Il ne croyait pas si bien dire ! Puis, constatant que l’heure filait à toute vitesse, Jaune s’enquit soudain :

— Au fait, en quoi consiste cette fameuse épreuve ? Vous ne m’avez pas donné beaucoup de détails, fit-elle remarquer.

— Non, en effet. Je vais l’annoncer dès maintenant aux participants. Malva, si tu veux bien… dit-il à sa fille, qui hocha la tête et s’en fut derrière le Centre Pokémon.

L’ex-champion se tourna alors vers les participants et haussa la voix pour se faire entendre :

— Mes chers amis ! Si je vous ai fait venir ici, sur mon île jadis rasée par l’éruption, c’est dans le but de mettre fin à ma longue carrière en tant que champion d’arène. Je passe volontiers le flambeau à ma fille Malva, qui ne saurait tarder. L’un de vous recevra ainsi le tout dernier badge Volcan remis par votre serviteur. Mais pour l’avoir… Il vous faudra le mériter ! s’exclama-t-il en levant un bras pour accentuer l’emphase.

Son bras tendu pointait vers Malva, qui revenait justement vers eux, accompagnée d’une dizaine d’autres personnes. Les nouveaux venus tenaient chacun par la bride une Galopa.

— Je vous présente mes juments de feu ! Ces dix Galopa femelles sont toutes à moi, et elles ont très envie de se dégourdir les pattes… Il vous faudra donc aller vite si vous souhaitez les rattraper. Eh oui, l’épreuve est la suivante : capturer mes Galopa, qui se seront au préalable dispersées sur l’île. Mais bien sûr, puisque ce sont mes Pokémon, vous ne pourrez pas utiliser de Poké Balls… C’est pourquoi j’ai mis à votre disposition ces lassos ignifugés, expliqua-t-il en désignant les cordages que tenait l’un de ses assistants.

Jaune trouvait l’idée très amusante : cela ressemblait à ce qu’elle avait vu dans un célèbre film du Pokéwood se déroulant dans le village de Ohana, à Alola. Auguste continua ensuite ses explications : ils avaient deux heures pour attraper les Galopa. Les participants avaient bien sûr le droit d’utiliser leurs Pokémon pour se déplacer plus vite, mais ils ne pouvaient pas les utiliser contre les Galopa – des arbitres patrouillaient régulièrement l’île pour vérifier qu’il n’y avait pas de triche. Dès qu’une jument était capturée par un participant, il fallait qu’il la ramène à l’assistant qu’on lui avait attribué.

Auguste désigna bien évidemment Malva comme assistante de Jaune. Cette dernière lui murmura « bonne chance » alors que Jaune enfourchait son Dodrio. La jeune peintre lui répondit par un sourire. Les Galopa avaient été lâchées sur l’île depuis bientôt dix minutes. Dès que ce délai fut écoulé, tous les participants s’élancèrent, au signal d’Auguste. L’île était plutôt exiguë ; Jaune pensait donc pouvoir capturer facilement les Galopa.

Mais, comme les avait justement prévenus Auguste, celles-ci étaient très rapides ! Jaune jeta un coup d’œil derrière elle : tous les participants donnaient leur maximum. Il fallait qu’elle se donne également à fond. Elle repéra une Galopa qui filait à toute allure sur la plage, et que personne d’autre ne semblait avoir encore vue. Elle donna alors un léger coup de talons à Dodounet, qui fila à toute vitesse vers la jument.

Malheureusement, sa manœuvre fut remarquée par l’un de ses concurrents, le jeune homme à la chevelure rouge et jaune. Ce dernier, porté par son Airmure, ordonna à son Pokémon de la suivre ; elle n’allait pas se laisser faire ! Grisé par ses encouragements, Dodounet pressa le pas vers la jument de feu. Mais celle-ci avait bien vu qu’elle était suivie : elle sauta immédiatement le rebord qui séparait la plage de la terre aride et se mit à galoper à vive allure.

Le dresseur de l’Aimure la suivait de près depuis les airs, tandis que Jaune et son Dodrio fermaient la marche. Alors que le jeune homme faisait tournoyer son lasso pour le lancer autour du cou de la jument, un autre cordage surgit de nulle part et enserra l’encolure de l’équidé : c’était Kiawe ! Il adressa un sourire satisfait à ses deux adversaires : « sans rancune ! ». Jaune lui sourit, tandis que le jeune homme à la queue-de-Ponyta bicolore s’éloignait déjà.

Jaune, pour ne pas se laisser distancer, décida de changer de stratégie, et fit appel à Chenipou pour survoler l’île. La plupart des candidats avaient trouvé une Galopa, mais tous semblaient avoir du mal à l’attraper. Ah ! En voilà une qui n’était pas déjà accaparée ! Elle se trouvait au pied du volcan. Jaune entama alors doucement son ascension vers le sol pour ne pas se faire repérer par la jument. Mais celle-ci, qui avait vu l’ombre de la dresseuse bouger, s’enfuit aussitôt au galop. La peintre entreprit de la suivre par les airs, mais un autre concurrent avait repéré sa proie aussi : le dresseur à la coupe de flamme, qui chevauchait son Arcanin. Jaune l’ignorait, mais il se nommait Armando.

Voilà qu’elle se retrouvait dans la situation inverse de tout à l’heure ! Mais cette fois-ci, c’est elle qui aurait cette Galopa ! Armando, qui talonnait la jument, fit tournoyer son lasso et le lança en direction de celle-ci. Malheureusement, la corde rata sa cible et vint piteusement choir sur le sol. « C’est le moment ! » pensa Jaune, qui suivait elle aussi la Galopa de très près. Elle fit tournoyer à son tour son lasso au-dessus de sa tête et le relâcha vers la Galopa. Le lancer était très approximatif… Mais c’était sans compter sur le pouvoir de télékinésie de Jaune.

Il lui permit de dévier un peu la trajectoire de son lasso, qui vint se refermer autour du cou de la Galopa, sous les yeux ébahis d’Armando, qui se demandait s’il n’avait pas rêvé. Jaune espérait qu’elle ne serait pas disqualifiée pour avoir utilisé son pouvoir. Après tout… Auguste n’avait pas parlé de cela dans ses interdits, si ? De toute façon, ce qui était fait était fait.

Jaune s’était ensuite empressée d’aller ramener sa prise à Malva, qui l’avait félicitée. Finalement, avec ou sans pouvoir, Jaune ne réussit pas si bien que cela l’épreuve, puisque la capture de cette Galopa fut la seule qu’elle parvint à mener à bien. Elle s’était cependant bien amusée, et fut surprise par le signal annonçant la fin du temps réglementaire : en effet, même si les deux heures n’étaient pas encore écoulées, la compétition prenait fin, car toutes les juments avaient été capturées.

Une voix synthétique – diffusée par les haut-parleurs installés un peu partout sur l’île – invitait tous les participants à revenir au Centre Pokémon pour clore l’événement. Auguste félicita chaleureusement tous les participants, et en particulier le vainqueur, qui n’était autre que Kiawe : il avait capturé à lui seul trois Galopa ! Ayant la victoire modeste, le capitaine assura qu’il était habitué à faire ce genre de chose dans son village natal. Auguste lui remit ainsi son ultime badge Volcan, non sans une certaine émotion.

Derrière lui venaient Adriane – une championne d’arène venue d’Hoenn – et Armando, champion d’arène originaire d’Unys, qui avaient tous les deux attrapé deux Galopa. Les trois autres participants – dont Jaune – n’en avaient attrapé qu’une seule. Apparemment, les deux dresseurs restants étaient frères, et venaient de la région de Sinnoh : l’aîné à la coupe afro se nommait Adrien, tandis que le cadet s’appelait Cornil.

Jaune s’apprêtait à aller féliciter les autres participants quand Auguste prit de nouveau la parole :

— Je voudrais à nouveau vous remercier pour avoir accepté de vous plier aux exigences d’un vieux croulant comme moi. Malheureusement, votre labeur n’est pas terminé ! Afin de clore l’événement de façon officielle, et pour soulager un peu ma pauvre équipe qui n’a fait que trimer toute la journée… Je vous demanderai de bien vouloir ramener mes douces juments dans leurs écuries. Elles n’y sont pas retournées depuis des jours, car pour une question de praticité, elles sont restées dans leur Poké Balls pour préparer les festivités. Leur maison doit leur manquer… Venez, je vais vous montrer le chemin.

Les participants suivirent alors docilement l’ancien champion jusqu’aux écuries : comment refuser une demande pareille ? Chaque participant accompagnait la ou les Galopa qu’ils avaient capturées – cependant Kiawe dut se faire aider par Malva, qui escorta l'une des juments qu’il avait attrapées – et tous cheminaient ensemble dans la bonne humeur, en discutant pour faire plus ample connaissance. Jaune parla notamment avec Adrien et Cornil, les deux frères emprunts de la même fougue.

— Je suis sûre que l’un de nous deux aurait gagné si Kiawe ne nous avait pas piqué la première ! maugréa Cornil en s’adressant à Jaune.

— N’importe quoi, t’étais pas de taille contre Kiawe, un point c’est tout, objecta Adrien.

Jaune émit un petit rire : elle s’amusait beaucoup à voir Adrien provoquer son petit frère, qui partait au quart de tour. Cela ne manqua pas cette fois non plus ; Cornil s’époumona contre son aîné, qui lui semblait trouver cela très drôle :

— Tu es sûr d’être un adulte, Cornil ? se moqua à nouveau Adrien.

Son cadet, piqué au vif, devint cramoisi, et ne répondit rien, touché dans son ego. Au même moment, le petit groupe s’arrêta : il semblait être arrivé aux écuries. C’était une charmante grange de bois peinte en rouge, située sur les flancs du volcan – heureusement éteint depuis la dernière éruption qui avait rayé la ville de la carte. Malva en ouvrit les portes et pénétra à l’intérieur. Le reste du groupe s’apprêtait à faire de même quand soudain Malva poussa un cri :

— Papa ! s’écria-t-elle en se tournant vers Auguste d’un air indigné. Quand ces écuries ont-elles été nettoyées pour la dernière fois ?

Intriguée, la foule autour d’elle jeta un œil à l’intérieur de la grande : on ne discernait pas grand-chose, mais l’odeur nauséabonde en disait long sur l’état des écuries.

— Ah euh… Il se peut qu’elles soient restées un petit moment sans être entretenues… admit son père en se grattant le crâne sous son chapeau, gêné.

— Et pourquoi cela ? demanda sa fille d’un ton inquisiteur, mains sur les hanches.

— Eh bien… Parce que je m’en chargeais moi-même jusqu’à maintenant. Mais je n’en ai plus la force… avoua l’ancien champion, la tête basse.

— Oh… Pourquoi ne m’as-tu rien dit ? Je m’en serais chargée… lui dit Malva d’un ton radouci.

— Je crois que j’avais honte… Hélas, je ne plus puis le nier : je suis devenu trop vieux pour un tel travail. Il va bien falloir que j’engage du personnel pour les nettoyer…

— En attendant, on peut les nettoyer nous-mêmes ! suggéra une voix.

Tout le monde se retourna vers son propriétaire : c’était l’impétueux Cornil qui avait fait cette proposition. Joignant le geste à la parole, il sortit l’une de ses Poké Balls, qui libéra dans un éclair blanc son Crustabri.

— Avec des Pokémon Eau, ça ira vite ! soutint-il.

— Ouais, c’est sûr, sauf qu’il n’y a que des spécialistes du type Feu ici, tu te souviens ? railla Adrien. Tu penses vraiment que quelqu’un d’autre ici a un Pokémon Eau ?

— Oui, moi j’en ai un ! intervint soudainement une autre voix.

Cette fois-ci, c’était celle de Jaune. En effet, elle possédait un Pokémon Eau : son Amonistar, donné par Ondine il y a vingt ans de cela, Amonichou. Elle le fit sortir de sa Poké Ball avec enthousiasme.

— C’est très gentil de votre part… fit Auguste, ému.

— Oui, merci beaucoup de proposer votre aide ! ajouta Malva. Cela facilitera grandement ma tâche…

— Ne vous inquiétez pas Malva, je vais vous aider à remettre ces écuries en ordre ! proposa Kiawe.

— Oui, moi aussi ! s’exclama Armando avec entrain.

— Pareil ! Entre champions d’arène, il faut s’entraider ! affirma Adriane.

Finalement, tous les participants proposèrent de mettre la main à la pâte. Jaune et Cornil, grâce à l’Hydrocanon de leurs Pokémon aquatiques, délogèrent la saleté incrustée dans les écuries depuis un bon bout de temps. Ensuite, le groupe de dresseurs s’attela à remettre de la paille fraîche dans les boxes et de l’eau dans les abreuvoirs. Ils terminèrent la journée fourbus, mais l’objectif était atteint : toutes les Galopa avaient retrouvé leur écurie propre comme un sou neuf.

Lorsque le nettoyage des écuries fut terminé, au moment où le soleil disparaissait derrière le volcan de Cramois’île, Auguste s’adressa une dernière fois à tous, à la lueur des lanternes qui éclairaient la grange. Ému aux larmes, il retira son chapeau melon et ses lunettes de soleil :

— Je… Je ne sais pas comment vous exprimer ma gratitude… Merci à vous tous… Vous n’étiez pas obligés de faire tout ça… Je crois que c’est le plus beau départ à la retraite qu’un champion n’ait jamais vu. Je peux laisser mon arène derrière moi l’esprit tranquille. J’ai toute confiance en ma fille Malva, elle sera mon digne successeur. Merci encore à vous, mes chers camarades !

Une immense salve de « hourra » accompagna ce discours. Les dresseurs, qui semblaient avoir apprécié passer du temps ensemble, n’avaient pas envie de se séparer maintenant. Ils passèrent donc un long moment à discuter au pied du volcan, autour d’un feu de camp nouvellement dressé, enveloppés dans une douce chaleur. Kiawe effectua une danse avec ses Ossatueur d’Alola, qui captiva tous ses spectateurs. Assise sur un rocher, Jaune contemplait la scène avec fascination : elle était si heureuse de faire partie de cette célébration. Chaque visage, chaque geste… Tout était magnifique.

Soudainement inspirée, Jaune extirpa de son sac à dos ses toiles et ses crayons. Elle ferma les yeux et se remémora les événements de la journée pour mieux les représenter. Elle vit… la crinière ardente des Galopa… le sourire de ses rivaux… la mine adoucie de Malva… le visage ému d’Auguste… les écuries rutilantes… et la danse entraînante de Kiawe. Elle rouvrit subitement les yeux et regarda sa toile vierge.

Quelque chose n’allait pas. Mais elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Perturbée, elle sortit alors de son sac les toiles qu’elle avait déjà crayonnées et les observa. Elle ne comprenait pas. Elle effleura doucement chacune des toiles. Pas de doute possible. Elle ignorait pourquoi mais… sur chaque dessin… elle avait représenté les personnages avec des traits puissants et nets, tandis que les décors étaient flous et indistincts.

Mais… quel mal y avait-il à cela ? C’était la question que Jaune se posait. Après tout, les personnages étaient le sujet central d’un tableau, à n’en point douter. Il était donc normal de les mettre en avant. Non, elle ne se demandait pas pourquoi elle avait dessiné ainsi, mais plutôt pourquoi cela semblait la déranger à ce point. Son style ne lui semblait pourtant pas moins bon qu’avant… Au contraire, ses années d’entraînement avaient fini par payer : il lui semblait n’avoir jamais aussi bien dessiné de sa vie.

Elle secoua la tête : ce n’était probablement qu’une impression.

Elle fit donc comme si de rien n’était et commença à dessiner les événements du jour au coin du feu. Elle gratta sa toile pendant de longues heures, jusqu’à ce que la fête improvisée prenne fin et que Malva l’invite à dormir chez elle, ce qu’elle accepta volontiers.

Mais cette nuit-là, son sommeil fut agité...