Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Jutsu ! de Deadlier



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Deadlier - Voir le profil
» Créé le 23/10/2018 à 23:49
» Dernière mise à jour le 31/10/2018 à 18:54

» Mots-clés :   Action   Aventure   Kanto   Romance

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 5 : Memento
Chapitre 5 : Memento


- … Nous passons à la suite de ce bulletin d’informations pour revenir sur cette nouvelle vague de pollution frappant Parmanie. Après la polémique concernant les déchets rejetés par la Centrale, c’est une nouvelle polémique qui enfle. Bien qu’endiguée, cette mystérieuse marée verte n’a toujours aucune explication officielle, et les suppositions se multiplient à l’encontre du gouvernement. D’après les premiers rapports, de nombreuses espèces aquatiques ont perdu la vie dans la baie de Parmanie, et les experts estiment que si ces étranges algues avaient pu continuer à progresser, l’impact aurait été fatal pour la Réserve de la ville.

Encore des critiques quant à l’état de Parmanie. Depuis une semaine, ça n’arrêtait pas. Depuis l’incident, les journalistes faisaient leurs choux gras de cet accident et cherchaient un coupable à tout prix. Et ce coupable avait été tout trouvé, naturellement. La personne en charge des lieux.

- La Championne de la ville, Jeannine, a été mise en examen par le Conseil pour son incapacité à prévoir et stopper l’évènement. Mais d’après les premières enquêtes d’opinion, les habitants de Parmanie seraient favorables à son maintien, poursuivit le journaliste à la télé.

Je me renfonçai dans ma chaise, venant croiser mes jambes pour me mettre en tailleur. Quittant la télé des yeux, je dédiai désormais toute mon attention à mon splendide bol de céréales en forme de Smogo, le petit déjeuner des héros. Que ça me gonflait. Mon père n’était pas du tout rentré à la maison et avait du regagné le Conseil de toute urgence. Il m’avait envoyé quelques messages pour m’assurer qu’il allait tout faire pour protéger ma place, mais sans rien préciser. Une fois de plus, j’allais lui devoir ma situation après l’avoir mis dans l’embarras.

- Tu comptes encore rester enfermée dans la maison toute la journée ? vint s’enquérir Tante Aya. Parce que bon, niveau hygiène tu vas devenir pire que tes Pokémon…

Je baissais la tête pour observer mon pyjama avec des motifs de shuriken que je ne quittai plus depuis que j’avais reçu ma lettre de mise en examen. Cette notification m’avait proprement coupé les jambes. J’avais aussitôt dû fermer l’arène pou respecter le protocole et refuser toute sortie publique pour ne pas mettre le Conseil dans l’embarras. Je vivais donc cloitrée, loin de tous et toutes. Avec pour seule compagnie ma tante et mes Pokémon. Bon, en vrai j’avais le droit de sortir, mais je n’en avais vraiment pas le cœur. Être Champion c’était ma vocation, c’était tout pour moi. Maintenant qu’on voulait publiquement me le retirer, je n’étais plus rien. À peine bonne à m’en remettre à mon père, comme d’habitude.

- De toute façon si c’est pour sortir et qu’on me crache dessus, grommelai-je.

- Arrête ton cirque, tu as entendu les infos, les habitants de Parmanie te soutiennent !

- Peut-être mais je ne veux pas leur faire honte d’avantage.

Qu’un Champion soit révoqué par décision de justice était un fait extrêmement rare, et honteux donc. La dernière fois que c’était arrivé, c’était il y a vingt ans lorsqu’on avait découvert que le Champion de Jadielle était en fait le chef de la Team Rocket. Alors me retrouver à son niveau pour une affaire qui ne me concernait pas directement, ça me mettait plus bas que terre. Pourtant j’avais essayé de faire avance les choses, mais mes hypothèses n’avaient pas été retenues par la police. Et malgré ses mots gentils, Silver ne m’avait pas recontacté. Lorsque j’avais tenté de lui envoyer un message, il m’avait simplement répondu qu’il n’avait pas le droit de me communiquer des informations sur l’enquête en cours.

- Et si tu allais voir Silver ? Il a peut-être du nouveau, suggéra Aya.

- Je suis suspendue, je suis plus habilitée à recevoir ce genre d’infos !

Et puis avais-je vraiment de le voir ? En mettant les choses en relief, il était dans la longue suite de guignes qui m’étaient tombées dessus ces derniers temps. J’avais perdu notre bébé, puis, je l’avais perdu lui, et maintenant mon boulot. Prochaines étapes, mon père et ma tante ? Puis mes Pokémon ? Il fallait bien se rendre à l’évidence, j’étais une perdante finie. Finalement je pouvais comprendre pourquoi il ne voulait plus me voir. Je ne servais à rien.

- Suspendue, et alors ? N’es-tu pas la plus grande ninja qui soit ? tenta-t-elle pour piquer mon orgueil. Tu aurais vraiment des difficultés à aller le trouver pour discuter avec lui ?

- Je sais même pas si j’arriverai à enfiler mon gi sans le déchirer, marmonnai-je.

- Tu ne feras pas avancer les choses en restant avachie devant la télé.

- Mais au moins je ne les fais pas empirer. Et puis pourquoi tu tiens tant que ça à ce que j’aille voir Silver ? Tu devrais le détester comme Papa, non ?

Aussi curieux que ça puisse paraitre, après notre séparation, tante Aya avait conservé de bons rapports avec Silver et une bonne opinion sur lui. Je n’avais jamais compris pourquoi. Je m’étais presque demandé si elle ne savait pas quelque chose que j’ignore, mais ma tante était un tel soutien pour moi qu’elle ne m’aurait jamais caché une chose pareille. Simplement, Aya était gentille et bien attentionnée envers tous et toutes.

- Pour la simple et bonne raison que lors de ta dernière dépression il n’y a que lui est parvenu à te rendre le sourire.

Ma tante ne désarma pas malgré le fait qu’elle voyait que je plissai dangereusement les yeux. Le genre de signal qui indiquait pourtant « attention, terrain glissant ». Avec sa franchise habituelle, elle poursuivit le plus naturellement du monde.

- Tu peux renier tout ce que vous avez vécu, ça n’en restera pas moins vrai. Et tu le sais très bien.

- Et donc ? Je me jette à ses pieds en implorant de me bénir avec ses mots doux ? répliquai-je, cinglante.

- Ou alors vous faites équipe pour résoudre ce mystère comme vous l’avez toujours fait. Et les autorités se retrouveront idiotes d’avoir voulu évincer quelqu’un d’aussi doué que toi.

Elle ne lâcherait pas le morceau. Elle était sacrément têtue quand elle s’y mettait. Lâchant un soupir, je me levai et portai mon bol désormais vide de céréales à l’évier pour le laver.

- Tu as gagné, je dépose les armes et part immédiatement me faire lyncher par la vindicte populaire, grinçai-je.

- Je te ferai de superbes funérailles ninja, c’est promis, répondit-elle avec malice.

Je lui tirai la langue en guise de réponse tout en frottant mon bol avec une serviette. Ceci fait je le rangeai à sa place et attrapa ma ceinture de Poké Ball qui trônait sur la table.

- Aller la marmaille, on sort. Venez tous !

Miggie descendit du plafond où elle était fichue, étant la première à rejoindre sa Poké Ball. Elle fut rejointe peu de temps après par Mimite qui revint du jardin en voletant tranquillement. On entendit ensuite un soudain vacarme, comme quelque chose qui percutait plusieurs murs. Ce fut Nostie qui fit son entrée, étant encore allé trop vite après s’être juste réveillée. Je lui passai une petite compresse sur sa bosse avant de la rappeler à son tour.
Voyant que les trois autres trainaient, je pris la direction du jardin dans lequel je trouvai Kwoa le Coatox entrain de faire une sieste sur le dos de Scorex, mon Drascore. Un inséparable duo de fainéants ces deux là. Je les rappelai à leur tour dans leurs Poké Balls respectives. Il ne restait maintenant plus qu’à trouver le tir au flanc en chef, à savoir Smog. Il devait encore être en train de voleter quelque part dans la maison. Il suffisait de suivre les émanations de gaz.

Faisant confiance à mon nez, j’arpentais notre bâtisse à la recherche de l’absent notoire. Lorsqu’il paressait, ce qui arrivait souvent, Smog se contentait de flotter l’air béat, et relâchais régulièrement le surplus de gaz qu’il avait en lui, son espèce en produisant continuellement. Bien sûr, je lui avais appris à ne pas rendre son gaz « quotidien » toxique afin de ne pas tuer tous les membres de la maison, mais il gardait cependant une odeur bien particulière de baie un peu moisie sur laquelle deux ou trois Tadmorv seraient passés. Il paraissait que ça en dérangeait certains mais moi je n’y faisais même plus attention.

Finalement, le coupable fut localisé dans la serre où je cultivai mes baies, comme souvent. Il y glandait tout en se goinfrant sans permission. Une vraie vie de pacha. Quel fainéant celui-là. Et malgré tout il demeurait mon plus puissant Pokémon, même moi j’en restai surprise la plupart du temps. Si je ne savais pas que l’alimentation avait une telle importance pour la production de poisons je crois bien que je n’aurai aucune explication à fournir.
Après l’avoir rappelé malgré ses contestations, je regagnai le hall d’entrée, enfilant mes chaussures rapidement. Alors que j’allais poser ma main sur la poignée de la porte, une voix s’éleva pour m’interrompre.

- Ma chérie, tu n’oublies pas un petit quelque chose ? demanda Aya en me détaillant du regard.

Je m’observai à mon tour. En effet, j’étais toujours en pyjama. Bonne remarque de ma tante. C’est avec un rire gêné et une phrase rapidement baragouinée, qui ressemblait à « j’lesavaisbiensûr » que je courus jusqu’à ma chambre pour enfiler mon gi avant d’enfin sortir de la demeure familiale.

Notre maison était mitoyenne à l’arène. C’était plus pratique pour le travail, en temps normal. Mais bon vu les conditions actuelles, je préférai détourner le regard de mon théâtre d’expression, tout en laissant s’échapper un soupir de lassitude. Je regardai les alentours. Personne dans la rue ? Parfait. Je pourrai me faufiler en évitant le regard des gens jusqu’au commissariat avec un peu de chance. Silver ne me répondant pas, c’est toujours là-bas que j’aurai le plus de chance de le trouver.

M’élançant dans la rue, ma marche en avant ne dura que le temps d’entendre une voix crier en direction de l’arène que je cherchai à éviter. Malgré la douleur, je me tournai donc vers elle.

- L’arène est fermée, bon sang. Fermée. Alors partez monsieur ou j’appelle la police ! se plaignit une voix que j’identifiai rapidement comme celle de Guido, mon assistant, arbitre et commentateur.

Mais le type ne répondait pas. Il était flasque et sans réaction, comme si Guido n’existait pas. Il ignora la personne face à lui, soupira puis pris un regard déterminé, avant de frapper à la porte de l’arène avec énergie.

- Quand il faut y aller, il faut y aller. Ouvrez, je viens ratatiner la dresseuse en carton qui sert de championne à ce sac en papier qu’on ose appeler arène !

J’écarquillai les yeux en entendant cette phrase et détaillait l’individu avec beaucoup plus d’attention. C’est seulement à cet instant que je reconnus sa chevelure de feu qui m’était si familière.

***

Septembre deux mille deux, Arène de Parmanie. Jeannine, seize ans.

- Ouvrez, je sais que la Championne est là !

Cela faisait maintenant un quart d’heure qu’un type tambourinait à la porte de l’arène de Parmanie et que personne ne lui ouvrait. Oh, bien sûr, Jeannine était là, avec son assistant et des disciples. Mais elle n’avait pas envie d’ouvrir. Elle n’avait pas le cœur à ça aujourd’hui. Cela faisait maintenant un an jour pour jour qu’elle en avait par-dessus la jambe de tenir l’arène de Parmanie. Elle songeait de plus en plus à démissionner en fait.

Pourtant elle avait suivi les conseils de tante Aya. Elle avait développé sa propre force, son propre style de combat. Poussé ses Pokémon à un point qui l’avait elle-même surpris. Mais pour quel résultat ? Certes dans un premier temps son ratio de victoire avait grimpé en flèche, mais on lui avait alors reproché que son arène était trop difficile. Ce à quoi Jeannine avait rétorqué que les adversaires étaient trop faibles. Le Conseil n’était jamais satisfait et ça agaçait la jeune championne, car du temps de son père, personne ne se plaignait. Et elle, on lui reprochait tout, peu importe ce qu’elle faisait.

- Ouvrez, je viens ratatiner la dresseuse en carton qui sert de championne à ce sac en papier qu’on ose appeler arène ! insista la voix.

- Bon sang, donnez lui son badge âme et qu’il aille se faire voir chez Giratina, s’agaça Jeannine.

Bien qu’inquiète pour sa nièce, Aya s’exécuta et alla ouvrir la porte avec un badge en main. Mais à peine la porte fut-elle ouverte que plus jamais Aya ne pu la fermer. Un Aligatueur força le passage, suivit par son dresseur. Un jeune adolescent à l’air insolent, avec une longue coiffure de feu qui vint faire face à Jeannine.

- Cette arène était plus prestigieuse dans mes souvenirs, se moqua-t-il.

Jeannine se dirigea vers le garçon, étonnée. Elle ne s’attendait pas à le revoir, et certainement pas dans ces conditions.

- Silver ? Mais qu’est-ce que tu fais là ? s’étonna la ninja.

- Je viens pour un badge, quoi d’autre ?

- Alors prend-le, soupira-t-elle en lui en tendant un.

- Tu m’insultes en plus NJ ? Ne te moque pas de moi, je veux un vrai combat ! Depuis le temps que j’attends ça !

- Je n’ai plus envie, esquiva Jeannine en fuyant son regard.

- Je rêve, la grande NJ a peur ? s’étonna le garçon.

- Je n’ai pas… D’accord tu as gagné. Mais seulement avec un Pokémon chacun, soupira-t-elle, agacée.

Mais Silver était satisfait. Ils prirent face l’un face à l’autre, à chaque bout du terrain de combat. Malgré son état quasi végétatif, Jeannine demeurait curieuse de voir à l’œuvre le jeune homme, maintenant qu’il avait enfin des Pokémon. Celui-ci envoya un Alakazam au combat.

- Archie, c’est à toi !

- Archie ? C’est quoi ce surnom idiot ? se moqua la ninja.

- Je te l’expliquerai si tu me bats, rétorqua-t-il sur un air de défi.

Jeannine entra peu à peu dans le jeu de l’insolent garçon. Elle avait maintenant envie de gagner. Pas seulement pour ce surnom, mais aussi pour lui rabaisser son insupportable caquet. Elle fit appel à Smog, puis le rappela aussi sec, hésitante, sous l’air surpris de Silver. Puis finalement, elle laissa bien son Pokémon apparaitre sur le terrain, avec un léger frisson. Le Smogogo regarda sa dresseuse avec un air d’incompréhension.

- Je sais que ça fait presque un an que tu n’as pas combattu mon vieux, mais... commença Jeannine.

- Coupe Psycho ! ordonna Silver.

Jeannine fut surprise par l’attaque soudaine, et ordonna à son Smogogo d’esquiver l’attaque Psychique, ce qu’il fit sans difficulté en se propulsant avec son gaz vers le haut. Il n’avait pas oublié malgré tout ce temps. Malgré presque un an. Jeannine avait peur d’utiliser son Smogogo. Car c’est lui qui avait failli tuer un homme avec ses puissantes attaques de type Poison.

- Smogogo… bomb-beurk !

Le Pokémon cracha la boule de détritus vers l’Alakazam qui l’écarta d’une simple Psyko. Jeannine n’osait pas trop employer les attaques gazeuses. Pas encore. Pas dans cet état.

- Et Rafale Psy !

Jeannine était prise dans ses pensées, dans ses doutes. Elle laissa son Smogogo sans consignes. Ce qui fit qu'il ne parvint pas à esquiver et fut lourdé par le rayon, retombant au sol. Dépitée, Jeannine commença à sortir sa Poké Ball pour le rappeler.

- Bon sang, mais ne me dis pas que tu vas déjà abandonner ? Montre-moi la vraie NJ, la battante ! Celle qui voulait devenir la meilleure dresseuse de type poison ! Pas une pleurnicharde qui a peur d’un petit Pokémon Psy, hurla Silver, déçu par son amie. Quand un Tauros te fonce dessus, tu le défonces, pas vrai ?

Jeannine essuya quelques larmes naissantes à ses yeux. Peur ? Joie ? Tristesse ? Surement un peu de tout ça. Elle rangea sa Poké Ball à sa ceinture. Elle avait encore un peu de fierté à revendre en fin de compte, en entendant cette maxime sortant de cette bouche précise. Smogogo se releva. Le combat pouvait reprendre.

- Fwahaha, très bien, le courroux de la grande ninja Jeannine va s’abattre sur toi et tes petits Pokémon ! Prend garde ! déclama Jeannine dans un jeu qui surprit tout le monde, y compris elle-même.

***


- Je peux savoir pourquoi cette soudaine envie de combat après une semaine à me snober ? grognai-je en direction de Silver.

Mais celui-ci cligna des yeux, visiblement décontenancé par mes propos. Il se mit à réfléchir, vraisemblablement avec difficulté pour sa petite cervelle, avant de reprendre un air plus renfrogné et déterminé.

- Encore une de tes blagues NJ ? C’est l’heure de notre grand duel, maintenant que j’ai enfin des Pokémon ! déclama-t-il en brandissant une Poké Ball.

- D’accord, tu débloques complètement mon vieux.

Je le regardai avec encore plus de curiosité que d’habitude. Me prenait-il pour une idiote ? Ce ne serait pas la première fois. Il avait un sens de l’humour vraiment particulier parfois.

- C’est fou ce que tu as grandi, on dirait presque une vieille dis donc, commenta-t-il en me détaillant. Mais…

Avant qu’il ne puisse continuer je lui collai une baffe qui lui fit fermer son caquet et voler ses lunettes. Pour qui se prenait-il à me traiter de vieille, celui-là ? Il commençait sérieusement à m’échauffer.

- Mais tu es toujours aussi jolie, termina-t-il en se massant sa joue endolorie.

- Garde tes compliments vaseux pour toi !

Je détournai le regard pour qu’il ne voit pas que je rougissais légèrement, toujours sensible à ses gentillesses qu’au premier jour. Premier jour qu’il me rappelait fortement.

- Alors, tu me veux quoi au juste ? Tu as du nouveau concernant l’enquête ?

- Attend une seconde, fit-il en remettant ses lunettes sur son nez. Là je vois mieux. Donc comme je disais je viens pour notre grand match d’arène !

- Mais arrêtes de rejouer comme si tu revenais à l’arène pour la première fois, ça ne prend pas. La preuve tu te souviens de tes foutues lunettes qui datent de la semaine dernière ! m’agaçai-je.

- Oui, je deviens myope. Comment le sais-tu ? s’étonna-t-il.

Je haussai un sourcil. Un truc ne tournait pas rond. Je fis ouvrir l’arène à Guido et y entra avec Silver. Puis je refermai derrière nous en demandant à mon assistant de nous laisser seuls quelques instants. J’emmenai Silver s’asseoir dans les gradins avec moi.

- Tu te souviens vraiment pas qu’on s’est déjà battu ici ? questionnai-je.

- Bah pourquoi on se serait déjà battu avant ? Je n’avais pas de Pokémon, argua-t-il.

Soupirant, je vins me masser les temps pour essayer de comprendre. C’est comme s’il avait perdu la mémoire sans l’avoir vraiment perdue. Qu’est-ce qu’il me fabriquait encore, cet énergumène-là Je comptai bien démêler le vrai du faux, mais gare à lui si tout cela n’était qu’un vaste blague.

- Mais enfin, rappelles-toi, Smog contre Archie ! Je ne peux pas l’inventer ça, Archie. Si on s’était jamais vu je ne le connaitrai pas.

- C’est juste, fit-il, perplexe. Pourtant j’aurai juré que…

J’eus alors une idée. Je vins glisser ma main dans sa veste, à la recherche de quelque chose, sous les protestations de celui-ci.

- NJ, c’est pas le moment de me peloter ! se plaignit-il.

- Oh, mais ta gueule, crachai-je, agacée.

Ce qui le mua de stupeur. Visiblement il ne s’attendait pas à ce que je réponde aussi sèchement. D’un autre côté, malgré le contexte ça m’agaçait quand même qu’il dise que je le pelote vu ce que lui m’avait fait. Après quelques recherches, je brandis victorieusement un étui que je lui tandis.

- Tiens, regarde. Ta preuve est là-dedans.

C’était là où il rangeait tous ses badges d’arène de Johto et Kanto. Dont le mien. Ce qui finirait par le convaincre que j’avais raison. Et effectivement, je lus à son expression qu’il était vraiment surpris par ce qu’il voyait dedans. J’ignore à quel point ça l’intimidait mais il le referma bien vite. Honte de ses badges maintenant ? Est-ce qu’il les avait en fait achetés au marché noir ? Il y avait peut-être une piste à creuser…

- On s’est battu alors ? Pourtant je n’arrive vraiment pas à m’en souvenir. Mais d’un autre côté je sais que j’ai vingt-huit ans, alors ce n’est pas logique. C’est flou, très flou…

- Essaye de te souvenir de quelque chose d’important ? C’est quoi ton métier ?

- On ne serait pas sorti ensemble ? questionna-t-il.

- Ton mé-tier ? insistai-je pour mieux esquiver.

Voyant mon agacement que je masquai très mal, il repartit dans sa réflexion. Lasse, je partis faire quelques pas dans l’arène pendant qu’il faisait chauffer sa maudite cervelle. D’habitude c’est lui qui avait les bonnes idées. Comme dans notre combat d’arène. Il avait brillamment retourné mon gaz contre Smog, bien que je n’ai jamais réellement su comment contrer les Pokémon Psy. Ce jour là j’avais perdu un combat mais gagné beaucoup plus. J’avais de nouveau appris à aimer mon métier. Certes, je ne m’étais pas battue à fond. Je ne m’étais plus jamais battue à fond. Mais j’avais pris plaisir, je m’étais amusé. J’avais utilisé mon gaz et mon poison d’une telle façon que tout le monde m’avait applaudi à la fin du combat, malgré la défaite. Ce qui m’avait fait chaud au cœur. Depuis, j’avais décidé que tous mes combats devaient être des spectacles.

- NJ ? J’aimerais te demander un truc.

- Quoi ? Tu te souviens, ça y est ? demandai-je avec espoir.

- Je t’ai bien écrasé comme il faut pendant notre combat au moins ? s’enquit-il, moqueur.

- Va te faire voir chez Giratina ! le rembarrai-je.

Non seulement il ne se souvenait pas, mais en plus il me trollait. Je détestai ça. Qu’il fasse des efforts bon sang. On n’avait pas que ça à faire ! Oh et puis zut, si monsieur voulait n’en faire qu’à sa tête. Qu’il se débrouille. Tout ça c’était de la comédie juste pour se moquer de moi, à n’en pas douter. Il voulait juste se payer ma tête, comme tout le monde en ce moment.
Décidée et franchement saoulée, je repartis en direction de la porte, pour le laisser en plan. Mais alors que j’allais poser la main sur la poignée de la porte, il me tira en arrière par le bras.

- NJ, attends, pique pas un fard pour si peu !

- Pour si peu ? Mais tout en toi m’énerves ! Tu me laisses tomber, encore et toujours, dans toutes les situations ! Tu te moques de moi, tu t’es toujours moqué de moi ! lâchai-je, à bout.

Il semblait sonné mais je m’en moquai royalement. De nouveau, j’essayai d’ouvrir la porte, et de nouveau, il m’en empêchait. Je le regardai avec probablement les yeux d’une personne ayant des envies de meurtres. Pourquoi encore me retenir ? Il ne pouvait pas juste arrêter son petit jeu débile, à la fin ?

- Pars pas comme ça, j’ai le droit d’avoir des explications, non ? demanda-t-il.

- C’est toi qui veux des explications ? C’est la meilleure celle-là. Franchement j’en ai ma claque tu te payes ma tête. J’arrête de t’aider, fous-moi la paix maintenant, tu m’as déjà fait assez de mal comme ça !

- Bon sang, mais arrêtes d’être une gamine de huit ans et explique-moi ce que tu me reproches, à la fin !

- Gnnnn… ça suffit ! Puredpois !

Excédée, je lâchai par réflexe Smog qui, sans chercher à comprendre, lui lâcha une épaisse fumée au visage. Sur le coup, pour être honnête, la satisfaction m’envahit. Le voir commencer à tousser et souffrir fut comme un genre d’apaisement. Mais cela ne dura que quelques secondes à peine. Aussitôt le choc, la consternation et la honte vinrent au galop. J’avais gazé un humain, qui plus est une des personnes auxquelles je tenais le plus. Avec une attaque Poison. Tout ça juste parce que je perdais mes nerfs !

Aussitôt j’ordonnai à Smog d’absorber son gaz, puis je le rappelai dans sa Poké Ball. Rongée par l’inquiétude et le remord, je me penchai vers Silver qui était recroquevillé au sol, cherchant à reprendre son souffle après l’évènement. Sans même chercher à le questionner, je sortis un antidote de ma besace, j’en prenais toujours avec moi en cas de pépin. Je lui administrai lui plus rapidement possible.

- T’en fais pas, ça va aller. Le poison de Smog n’est plus aussi virulent qu’avant, ça va te soigner. Je t’en prie, pardonne-moi, pardonne-moi ! l’implorai-je presque, les larmes aux yeux.

Quel monstre. Quelle nulle. Jeannine, reine des incapables et des débiles. Championne la plus pitoyable de l’histoire, presque meurtrière et qui rajoutait à sa liste une tentative d’empoisonnement de son ex petite-amie. Je me trouvai nulle, franchement nulle. Ridicule. En dessous de tout. Pourquoi est-ce que je faisais toujours tout de travers ? Pourquoi ?
N’en pouvant plus, alors que Silver restait sans réponse, je craquai. Les larmes commençaient à déferler sur mes joues tant je m’accusai de tous les maux possibles et inimaginables.

Qu’allais-je devenir ? Peut-être que je devrai partir. Loin et seule. Ce serait sans doute mieux pour tout le monde. Je ne ferai plus de mal et je ne décevrai plus personne ainsi. Je ne serai plus la nuisance sur pattes que j’étais. Je ne ferai plus honte à mon père, je ne serai plus un boulet pour ma tante. Et je ne tenterai plus de tuer Silver par pure stupidité.

Je fus interrompu dans mes pensées par une chaleur inattendue. Silver s’était redressé et m’enlaçait désormais. Il me serrait contre lui, dans ses bras, sans rien dire. Pas de mots. Juste la force du moment présent. Une étreinte, forte et sincère. Je ne voyais pas son visage, sa joue posée contre la mienne, mais je n’en avais pas besoin. Sa simple présence me suffisait.

J’ignore combien de temps nous restâmes ainsi, dans le silence le plus total, juste l’un contre l’autre sans rien dire. Le calme uniquement brisé par mes sanglots qui se calmaient au fur et à mesure, alors que de moi-même je restai serrée comme je le pouvais contre lui. Il ne me lâchait pas, et moi-même je ne voulais pas fuir. Quelle étrange situation. Pendant un instant je voulais le faire souffrir, et maintenant j’étais en train d’espérer qu’il me garde auprès de lui et ne me rejette pas. Pas une nouvelle fois.

- Silver… Je… commençai-je, cherchant mes mots.

- Achroma, dit-il simplement.

- Quoi, Achroma, m’étonnai-je ?

- Son Neitram m’a agressé avec un choc mental. Tu m’as remis les idées en place avec ton gaz.

Tout me paraissait dès lors plus clair. Utilisé sur un humain par un puissant Pokémon, le choc mental pouvait totalement perturber et retourner le cerveau. Celui de Silver avait du coup mélangé ses souvenirs et la réalité. Il ne s’était jamais payé ma tête. Il était sincère. Et moi idiote.

- Désolée, geignis-je piteusement.

- Pardonne-moi de t’avoir oublié. Même momentanément. Je te promets que ça n’arrivera plus jamais.

Je me redressai un peu pour le regarder, surprise. Plantant mon regard dans le sien, je ne pus que constater sa sincérité. Mais plus que sa. Son affection profonde, son envie de m’aider. Son envie de m’aimer.
La logique aurait voulu que je me soucie de pourquoi Achroma avait agressé Silver. Mais pour l’heure, la logique n’avait aucune importance. Tout ce qui comptait, c’était de me rendre compte à quel point j’avais pu oublier que Silver m’apaisait. À quel point il m’était bénéfique. À quel point il pouvait autant me faire de mal que de bien. À quel point de nous deux j’étais la vraie amnésique.