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Sur le fleuve Ooka de Hyacinthies



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» Auteur : Hyacinthies - Voir le profil
» Créé le 17/10/2018 à 17:52
» Dernière mise à jour le 27/10/2018 à 20:16

» Mots-clés :   Amitié   Drame   Famille   Kanto   Suspense

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Etape 1 : La face voilée
Pierre était encore allongé sur le lit, amer.

Il avait passé la nuit au Laboratoire du Professeur Chen. Il estimait qu’il était sept heure du matin. Peut-être six. Le Dodrio réveillait les habitants tôt. Cela lui importait peu. Il roulait sur un côté puis de l’autre, espérant trouver une solution à cette fatalité. Etait-ce consolable ? Etait-ce discutable ? Devaient-ils éviter le sujet ou au contraire s’ouvrir à Sacha ? Peut-être lui laisser venir vers nous ?

Pierre pouvait sentir l’odeur du café. Le Professeur Chen devait déjà être debout. Il s’obligea à se lever. Il se vêtit chaudement. Il descendit les escaliers ;. Il chercha la cuisine. Pierre avait l’impression de redécouvrir le laboratoire. La vérité était qu’il était perdu et déjà las. Ce n’étaient pas des vacances.

Le silence de la nuit dernière s’étendait jusqu’au matin. Seuls quelques Pokémon semblaient profiter de cette matinée ensoleillée. Pierre émergea et se rendit compte que le professeur était au téléphone. Au bout du fil, il reconnut la voix de Delia. Il s’installa dans la salle à manger et se versa un café. Intrigué, il attendait impatiemment le retour du professeur. Il se contentait d’avoir son café entre les mains pour se réchauffer, regardant le café. Au fond, il avait soif et le café pouvait vraiment le sortir de cet état végétal mais il se sentait coupable. Avait-il droit de profiter sans se demander si son ami allait bien ? Et même s’il n’en buvait pas, y avait-il un réel impact ? Etait-ce un soutien ? Etait-ce de l’hypocrisie de compatir ? Compatissions-nous par peur que cela puisse nous arriver ou parce qu’on nous le demandait ? Etait-ce un devoir d’ami ?

Il était plongé dans le noir du café sans jamais l’avoir bu.

« Bonjour, Pierre. Comment te sens-tu ? demanda-t-il, plutôt enjoué.
- Eh bien, je… je suis content que vous m’ayez accueilli. Merci encore. C’était Delia au téléphone ?
- Oui. Elle avait l’air plutôt bien.
- Plutôt bien ? interrogea-t-il.
- Oui. Sacha s’est levé de bon matin et sachant que le Festival de Chichibu Yomatsuri se passe à Bourg Palette, il est déjà parti donner un coup de main.
- Qu’en est-il de Pikachu ? demanda Pierre soudainement.
- Pikachu accompagne Sacha pour les préparatifs du festival. Ils vont bien selon Delia. Le maire a même tenu que Sacha fasse un speech pour lancer le festival.
- Il a accepté ? Bon, se résigna-t-il après un hochement de tête du professeur. J’ai dû m’imaginer des choses alors. Je vais pour le rejoindre ! » se résolut-il.

Pierre but son café d’une traite. Une soudaine énergie positive habita l’ancien éleveur. Si ses inquiétudes s’avéraient être erronées, il ne pouvait être que plus heureux. Emmitouflé dans son manteau, il courut dans la direction de la mairie de Bourg Palette. Il se sentait essoufflé rapidement, comme s’il n’avait plus l’habitude de courir, ce qui était partiellement vrai. Avec son nouveau travail, Pierre manquait énormément de temps. C’était un dévouement, une vocation. Il finit par se poser. Son enthousiasme lui avait fait oublier la voiture de son frère et sa fatigue venait de la lui rappeler. Voyant la mairie au loin, faire demi-tour aurait été une perte de temps. Un dernier effort ! Plus il était proche de la mairie, plus il ralentissait. Ce n’était plus la fatigue, ce n’avait peut-être jamais été. La peur d’être confronté à Sacha était certainement ce qui le retardait. Il inspira profondément. Encore quelques minutes et la mairie était à portée de main.

Pierre entendit enfin la voix de Sacha au loin. Et comment ne pas l’entendre !Il avait toujours cette tendance de parler fort comme preuve de détermination. Cette expression lui allait bien plus qu’un remerciement cérémonial de la nuit dernière. Le voir insouciant, c’était le meilleur Sacha que tout le monde appréciait ! Le plus rassurant dans l’histoire, c’était de voir Pikachu sur l’épaule de Sacha ! C’était d’ailleurs Pikachu qui interpella Sacha, voyant Pierre arriver :

« Salut, Pierre ! Je ne t’attendais pas à te voir si tôt.
- On ne dort pas très bien chez le professeur Chen, bafouilla-t-il. Puis je n’ai plus l’habitude de me lever tard.
- Tu ne l’as jamais eu, le complimenta-t-il. Monsieur le maire, je reviendrai dans l’après-midi pour continuer à monter le char avec vous, si ça vous va.
- Prends ton temps, Sacha, approuva-t-il. Tu nous fais déjà un grand honneur de nous donner un coup de main. »

Sacha fit signe à Pierre de s’éloigner un peu.

« Ça me fait vraiment chaud au cœur de te voir, Pierre. Ça faisait des années qu’on n’a pas réussi à se croiser.
- Oui, dit-il gêné. J’ai beaucoup voyagé d’Infirmière Joëlle en Infirmière Joëlle pour parfaire mon métier.
- D’infirmière en infirmière ? taquina Sacha. Tu ne t’es pas ennuyé, dis-moi !
- Ce n’est pas ce que je voulais dire ! rougit-il. Oh, Pikachu ! Ne te moque pas, toi aussi ! Et toi ? Tu n’étais pas censé rentrer plus tôt après Kalos ?
- Eh bien… »

Le silence. Les deux amis continuaient de marcher, de moins en moins vite mais Sacha ne disait rien. Il souriait nerveusement de temps en temps mais ne disait rien. Son sourire était sûrement sa façon à lui de rester calme. Pierre sentait un malaise entre eux et ne tenait pas à ce que leurs retrouvailles soient moins amusants. Pierre fit semblant de trembler sous son manteau :

« Bon, en tout cas, l’hiver approche à grand pas. Plus grand monde doit profiter de la plage !
- Il y a une plage, maintenant ?
- Tu n’y as jamais été ? interrogea Pierre.
- La dernière fois que j’étais revenu, j’ai vu que la ville avait fait beaucoup de travaux mais de là à installer une plage…
- C’est juste une extension de ce qu’il y avait. En installant le Port Palette, la mairie a décidé d’accueillir un maximum de touristes. Forcément, qui dit touriste en bord de mer dit plage.
- Oui, ils sont très doués pour ça aussi à Alola.
- A Alola ? répéta Pierre. Tu y es allé ? l’interrogea-t-il comme si Delia n’avait rien dit la veille.
- Oui, répondit-il sobrement. J’y suis resté moins d’un an.
- On dit qu’il y a des Pokémon qui ressemblent aux nôtres mais de taille et de forme différentes, s’excita-t-il soudainement.
- J’en ai vu pas mal, en effet. J’ai cru y voir la Team Rocket, une fois à cause d’un Miaouss mais il ne parlait pas et était très affectueux.
- Un Miaouss affectueux ? s’en répugna Pierre.
- Même pas en rêve ! » dirent-ils à l’unisson.

Sacha et Pierre rirent de plus belle. Pikachu les imita. A ce moment précis, les deux amis oublièrent leurs ennuis respectifs. Si Pierre ne se souciait plus de ses patients, de quoi Sacha pouvait ne plus se soucier. En attendant d’en savoir plus, il préférait savourer leurs retrouvailles.

« Je dois t’avouer, Sacha que je n’ai encore rien avalé, ce matin. J’aurais bien besoin d’un truc chaud.
- Oui, ça me tente bien. Toi aussi, Pikachu ? demanda-t-il avant que son Pokémon adhère à l’idée.
- Je vais vous emmener vers la plage. On profitera de la vue comme ça ! »

Pierre venait de réaliser que ce qui avait toujours manqué, c’étaient des moments du quotidien. Ils n’avaient jamais eu à le faire puisqu’ils étaient toujours soit en train de chercher un endroit pour la nuit, soit en train de fuir un Pokémon que les disputes d’Ondine et de Sacha avaient réveillé. Au fond, voyager était une superbe expérience mais pouvoir partager une journée ordinaire avec son ami était tout ce qu’il lui fallait.

Sacha était partagé entre l’émerveillement et le mal du pays. Il savait que Bourg Palette subissait un grand changement, grâce à lui en grande partie, mais il avait l’impression que ce qu’il avait besoin c’était de voir des champs à perte de vue et quelque part, trouvait sa maison. Avec ces grands immeubles, cela lui rappelait Céladopole et toute la région d’Illumis. Rien d’aussi impressionnant mais si la ville continuait à se développer, il risquait ne plus la reconnaître et l’intérêt même de revenir chez lui n’aurait plus de sens. Tout ce qu’il appréciait de Bourg Palette c’était de pouvoir y circuler simplement, sa mère et la chance d’être une ville isolée. Il n’échangerait sa célébrité pour rien au monde. C’était son trophée, sa fierté, ses souvenirs. Si la récompense était ce changement radical de sa ville natale, Sacha y concédait. Ce qui rendait les choses plus simples à accepter, c’était que tout s’était construit progressivement. Des routes en goudron, d’avantages de maisons et même une fontaine à côté de la mairie qui rappelait la nature au milieu de cette urbanisation. Au fond, il savait que ce changement devait arriver. Chaque ville devait vivre de quelque chose et il était très heureux de pouvoir contribuer à cette évolution. Il y avait toujours ces grands arbres partout sur les collines. Cela restait le meilleur paysage qui existait. Pierre se contentait de commenter rapidement ce que Sacha voyait quand il remarquait que son ami ignorait cette transformation. Sacha s’arrêta de marcher, frappé par ces gigantesques murs blancs :

« J’avais déjà vu des hôtels, surtout à Illumis et Kalos mais celui-là est impressionnant !
- Pikaaa ! acquiesça Pikachu.
- C’est dans nos moyens de déjeuner ici ?
- C’est plus abordable qu’il en a l’air, rassura Pierre.
- Depuis quand tu as pris goût à ce genre d’endroit ?
- Depuis que je sais que ce genre d’endroit est particulièrement apprécié par les femmes !
- Eh bien, on n’a pas attendu très longtemps pour revenir là-dessus.
- Pika ! » dit-il en secouant la tête.

Le cadre était en dehors des coins que fréquentait Sacha. Elégant et minimaliste comme dans une grande maison de luxe. Des tableaux de grands peintres un peu partout. Pourtant, cette beauté était loin d’être au goût de Sacha. Durant ses voyages, le temps qu’il passait à s’installer dans un lieu était particulièrement réduit au vu de son hyperactivité mais même quand il prenait le temps de profiter, c’étaient dans des endroits plus populaires, plus conviviales. C’était encore plus vrai lorsqu’il s’était rendu à Alola où la région lui rappelait Bourg Palette d’une certaine façon. Les gens étaient simples, bons vivants et aimaient la vie, le partage. C’était peut-être cela qu’il ne retrouvait plus à présent. La richesse d’une région se trouvait également dans l’attitude et l’état d’esprit des habitants. Il venait juste d’arriver et personne ne l’avait mal accueilli mais en revenant d’Alola, le changement était drastique. En repensant à cette région ensoleillée, Sacha soupira profondément.

En se mettant à table, Sacha semblait plus détendu. Pierre comptait bien profiter de ce moment où son ami ouvrirait le plus son cœur pour discuter de ce qu’il le tracassait vraiment.

« Sacha, je me demandais…
- Tiens, je n’avais pas vu qu’il y avait un phare. Il ressemble beaucoup à celui de Léo. Tu ne trouves pas, Pikachu ?
- Pika, pika !
- Que me disais-tu, Pierre ?
- Pourquoi n’es-tu pas revenu à Kanto directement depuis Alola ? Il y a bien un vol jusqu’à Carmin-sur-Mer, non ? demanda-t-il directement pendant que Sacha faisait semblant de chercher une réponse.
- Où veux-tu en venir, Pierre ?
- Dis-moi pourquoi tu ne m’as pas contacté quand tu as décidé de partir à Alola et que tu as décidé de disparaître pendant près de deux ans ! »

Pierre se sentait mal à l’aise de faire une scène à Sacha en plein milieu d’un café où plein de jolies filles s’amusaient dans la piscine de l’autre côté de la baie vitrée du café. Il n’avait envie que d’une chose : discuter sérieusement avec Sacha. Ce dernier avait fait l’effort de retirer sa casquette venait de la remettre pour s’y réfugier.

« Je ne peux pas t’aider, Sacha, si tu fais tout pour me tenir à l’écart, notifia Pierre. Si je suis vraiment ton ami, j’ai besoin que tu me parles, dit-il affligé. Quand j’ai appris que tu revenais à Bourg Palette, je ne savais pas comment le prendre. J’ai dû l’entendre par Léo ! Je m’attendais à ce que tu me l’apprennes. Est-ce qu’on aurait pu se voir si je n’avais pas quelqu’un pour écouter cette émission ?
« Pikachu ne peut plus aller à un combat Pokémon. » admit Sacha.

Pierre se tut. S’il y avait bien une chose que Sacha tenait beaucoup, c’étaient ses Pokémon. S’il y avait bien un Pokémon qui lui était particulièrement cher, c’était Pikachu.

Pikachu continuait à manger tranquillement ses croquettes tandis que les deux hommes s’évitaient du regard. Pierre se leva et partit payer. Sacha le remerciait de la même façon que la nuit dernière. Pierre sentait que cette journée n’allait pas bien se terminer. Il tenta d’emmener Sacha et son partenaire se promener en bord de plage pour changer les idées. Plutôt que de marcher, les deux amis s’asseyèrent sur des transats regardant Pikachu s’amuser avec d’autres Pokémon. Pierre entrevit un sourire mélancolique mais cette fois-ci, il préférait laisser Sacha tranquille. Si ce n’était pas facile pour en parler, cela pouvait attendre.

« Elle est vraiment belle, cette plage. Elle me fait beaucoup penser à Alola. J’ai l’impression d’y être retourné.
- Il fait froid là-bas ?
- Pas vraiment, le soleil brille toute l’année. C’est d’ailleurs grâce à ce soleil que les Noadkoko sont gigansteques ! Sinon, quelques typhons par-ci par-là mais rien d’insurmontable pour les habitants hormis… »

Ces pauses tuaient Pierre. Il aimerait tellement montrer à Sacha qu’il pouvait tout lui dire et qu’il ne devait pas avoir honte de devoir en parler. Si seulement il savait de quoi il s’agissait. Sacha appela Pikachu au loin, simplement pour le saluer. Pierre entendit un soupir.

« Comment se passe ton travail ? demanda Sacha.
- Euh… et bien, je m’en sors plutôt bien. J’ai ouvert mon cabinet médical au Phare de Léo. Je ne voulais pas trop m’éloigner d’Argenta au cas où je voulais y retourner et Léo m’a fait une offre. En échange et c’est devenu une habitude, je devais cuisiner pour lui. Quelqu’un lui en aurait fait des éloges.
- Ça ne m’étonne pas. On ne s’en serait jamais sortis sans tes bons petits plats. Et tu fais quoi exactement ? Tu soignes les Pokémon ? demanda-t-il aussi simplement que possible.
- C’est bien ça. Comme l’Infirmière Joëlle mais dans des endroits où les Centres Pokémon n’existent pas. D’ailleurs, tu es passé devant celui de Bourg Palette ? Ça date de pas longtemps !
- Pierre. J’aurais besoin que tu examines Pikachu ! implora Sacha.
- Euh… comment ça ? feignit-il.
- Pikachu ne dégage plus autant d’énergie qu’avant. Parfois, il ne m’entend pas l’appeler, ni lui parler. Tu crois que c’est grave ? demanda-t-il en se tournant soudainement vers Pierre.
- Pikachu a vécu beaucoup de choses. Se repose-t-il assez ?
- Il ne fait plus que ça. C’est un miracle qu’il reste éveillé aussi longtemps aujourd’hui.
- Il économisait ses forces, sûrement. Mange-t-il bien ?
- Arrête de me retourner des questions stupides comme ça ! s’emporta-t-il. Peux-tu oui ou non établir un diagnostic sur la santé de Pikachu, Pierre, s’il te plaît ? »

La détermination dans les yeux de Sacha intimidait le Docteur Pokémon. Il avait enfin entendu ce que Sacha avait gardé toute une nuit, toute une journée et finalement, peut-être toute une année. Pierre n’avait pas l’intention de refuser cette requête mais appréhendait les résultats de cette analyse.

Après un repos devant la plage, même si Pierre n’avait pas vraiment vécu ce moment comme tel, Sacha rappela Pikachu près de lui. L’après-midi était déjà bien entamé et Pierre se souvenait de l’engagement de Sacha vis-à-vis de la mairie. Il ne devait pas tergiverser d’avantages et prendre ses responsabilités à deux mains. Ayant déjà une grande affinité avec Pikachu, Pierre n’avait aucun mal à approcher le Pokémon électrique. Le docteur commençait à regarder du plus évident au plus subtile. Sacha restait silencieux pendant que son ami travaillait. Pikachu était très docile et avait même apprécié le moment où Pierre lui massait les joues. Sacha se remémorait de ce massage que Suzie lui avait appris pour détendre Pikachu. Il pouvait être fier de ce côté-là. Il ne manquait jamais de masser les joues de Pikachu après un rude combat. Ces derniers temps, Sacha avait moins besoin de le faire. Malheureusement, Sacha sentait que c’était un cercle vicieux : moins il faisait appel à Pikachu, moins il était en forme. Même les entraînements semblaient fastidieux pour le Pokémon souris.

Le temps passait et Pierre semblait encore analyser Pikachu avec beaucoup d’attention. Sacha ne connaissait rien en médecine, mais il savait qu’il mettait une certaine pression à son ami d’Argenta en restant présent. Sacha se leva et fit signe qu’il allait se promener.

« Je suis désolé, Pikachu. J’étais obligé de faire semblant. Tu ne m’en veux pas trop ?
- Pika, pika.
- Je ne suis pas sûr d’être capable de faire quoi que ce soit, mon petit Pikachu. Tu te sens très fatigué non ?
- Pikaa. Pika pika pikachuu.
- Tu devrais le dire à Sacha. Ce serait plus facile pour lui. »

Sacha revint quelques minutes plus tard, sourcils froncés. Sacha attendait dans le silence, bien que Pierre ait fini son diagnostic depuis un moment. Bonne ou mauvaise nouvelle, il était conscient que Pierre ne pouvait rien annoncer précipitamment.

« Allez, dis-moi, Pierre, dit-il enfin. Je ne suis plus un enfant, je peux tout entendre.
- Oui, je le sais, soupira-t-il. Eh bien, je dois t’avouer un truc : je n’en sais pas grand-chose !
- Comment ça ? Qu’est-ce que ça veut dire ?
- Evidemment, je trouve des signes de fatigue mais c’est essentiellement les seuls signes que j’ai réussi à découvrir.
- Est-ce bon signe, alors ?
- Un Pokémon très fatigué n’est pas jamais bon mais je pense que ni Pikachu ni toi deviez vous en rendre compte. Je ne suis pas sûr d’être capable d’en savoir d’avantage. Je suis encore trop novice ! annonça-t-il gêné.
- Pi-ka-chu.
- Qu’y a-t-il, Pikachu ? demanda Sacha. Ça ne va pas ?
- Pikaaa, gronda-t-il en regardant Pierre.
- J’ai une idée, intervint Pierre. Je t’ai parlé du Centre Pokémon de Bourg Palette, tout à l’heure, non ? L’expérience de l’Infirmière Joëlle te sera forcément plus utile.
- Je t’ai, toi, Pierre. Si tu me dis qu’il n’y a rien de grave, je peux te croire sur parole. »

Il se renvoyait la balle quelques instants encore et la ténacité de Pierre ne laissait Sacha nul autre choix que de s’y rendre. Pikachu semblait également signaler un refus. Sacha prit Pikachu dans ses mains et le regarda :

« Tout ira bien, Pikachu. On reste ensemble. »

Pierre était incertain de comprendre ce qui venait de s’être dit entre le dresseur et son pokémon mais Pikachu avait accepté d’y aller. Tous les trois s’y dirigèrent après être passés par la mairie pour annoncer le retard de de Sacha.

Le Centre Pokémon ressemblait à tous les centres de Kanto. La seule innovation était que l’Infirmière Joëlle avait pour assistant un Leuphorie et un Guérilande. Ce dernier s’était rapidement fait une place à Bourg Palette grâce au tourisme qui lui rappelait Alola, d’où l’intégration de ce nouveau Pokémon pour les habitants de Kanto. Pierre avait voulu installer son cabinet à Bourg Palette. Il avait beaucoup discuté avec le maire de la ville mais malgré les soins que pouvait prodiguer Pierre, la ville avait besoin d’un Centre qui accueillait un grand nombre de patients. Maintenant que les touristes sont nombreux, il fallait une structure de la même envergure. Son choix n’était pas anodin, bien sûr. Il aurait été plus proche de sa famille et c’était la ville de Sacha ! Cela n’avait pas de prix ! Pierre était persuadé qu’il y avait une autre raison mais ne l’avait jamais su.

Il sentait que depuis qu’ils avaient mis un pied dans le Centre Pokémon, Sacha et Pikachu n’étaient pas à l’aise. Pierre tenta de rassurer Pikachu pensant que ce lieu lui évoquait l’échec du premier combat contre le Raichu de Major Bob mais clairement, ce n’était pas la raison, même si cela restait une cicatrice peu agréable que Pikachu ne manquait pas de le faire savoir à Pierre en crépitant des joues. L’Infirmière Joëlle arriva pour interrompre ce souvenir déplaisant et accueillit les deux dresseurs gaiement. En voyant Pierre, l’Infirmière ouvrit la conversation :

« Mais tu es Docteur Pierre, n’est-ce pas ? Je ne vous ai pas reconnu sans votre blouse.
- Vous me connaissez ? demanda-t-il timidement.
- Bien sûr, vous êtes l’un des rares apprenti à démontrer une telle assiduité que toute ma famille en fait un éloge et un exemple pour les prochains apprentis !
- Je n’étais assidu que parce que votre famille fait preuve d’une grande persévérance et est très pédagogue.
- Eh bien, c’est reparti, plaisanta Sacha.
- Oh, pardonnez-moi, je… mais, vous êtes Sacha ? Ah, mais oui, vous deviez rentrer hier soir ! Je n’ai pas pu assister à votre retour. J’étais très occupée avec le Centre Pokémon. Comment allez-vous ?
- Je vais bien, merci de le demander. Alors, cela va vous paraître redondant comme question, mais vu que je l’ai presque toujours posée, je voulais savoir qui êtes-vous par rapport à une des Infirmières Joëlle ?
- Je ne suis pas sûr de saisir la question. Si vous voulez savoir ma relation avec celle de Jadielle, par exemple, je ne la connais pas, dit-elle naïvement. A vrai dire, je viens des Archipel Orange. Vous avez pu rencontrer ma cousine avec sa fabuleuse histoire de l’énorme Magicarpe. J’étais encore très jeune et je vous avoue que son courage m’a donné envie d’être infirmière un jour.
- Vous êtes beaucoup moins bronzée qu’elle en tout cas ! déclara Sacha.
- Mais toujours aussi jolie ! s’immisça Pierre.
- C’est gentil à vous, docteur, s’en réjouit-elle. Je suis venue sur Kanto il y a un an. J’ai dû me former auprès de mes cousines d’où l’éloge que j’entendais sur vous, Pierre, avant de m’installer dans ce nouveau Centre. Il est dit qu’une arène ouvrira. C’est excitant, non ?
- Ah, je n’étais pas du tout courant ! s’exclama Pierre. Enfin, un nouveau Badge pour les dresseurs de Kanto !
- N’est-ce pas ? Oh, excusez-moi, je m’égare. Que puis-je faire pour vous ?
- Oui, exact, dit Pierre en reprenant son sérieux. Nous voudrions que vous examiniez Pikachu. Je l’ai fait rapidement sans outil, expliqua-t-il succinctement et je n’ai pas réussi à établir un diagnostic efficace.
- Sacha ? interpella l’Infirmière Joëlle d’un ton grave. N’est-ce pas vous qui avez été voir plusieurs de mes sœurs et cousines dans différentes régions pour faire examiner Pikachu ? »

Sacha et Pikachu baissèrent la tête. Pierre ne saisissait pas immédiatement ce qu’il venait d’entendre mais réalisa que Sacha comptait le contacter. Parce qu’ils ne s’étaient pas vus depuis un moment, sans nul doute. Sacha n’avait jamais refusé un conseil de Pierre. Mais surtout, parce qu’il avait besoin d’un conseil professionnel. Pierre culpabilisait. Il n’était pas à la hauteur des attentes de son ami. Dans un silence embarrassant, l’Infirmière Joëlle prit Pikachu en examens malgré tout.

Il n’avait fallu qu’une petite demi-heure et l’infirmière ressortit. Pierre avait profité de l’absence de son ami en combat Pokémon, défié par plusieurs touristes d’affilé qui connaissaient forcément la réputation de Sacha, pour approcher l’infirmière. Après une discussion que Pierre souhaitait que l’infirmière garde secret, Sacha revint vers eux, ravi. Alors que l’Infirmière Joëlle était prête à confronter Sacha, elle semblait avoir perdue son courage. Même s’ils étaient dans le même domaine, elle ne souhaitait s’adresser qu’à Sacha en privé. Malgré un moment aussi important et que Sacha avait sûrement besoin d’un soutien hors du commun, il comprit la décision professionnelle de l’infirmière. Mais là, il ne s’agissait plus d’être professionnel. Il voulait être là pour son ami et se sentait impuissant. Il reçut un message sur son Pokématos et en profita pour y répondre.

La discussion avec l’infirmière prit fin. Sacha hochait machinalement la tête comme s’il écoutait chaque mot qu’elle employait mais il se seraitavéré que le choc était plus difficile à encaisser que prévu. L’infirmière pensait réellement être capable de raisonner autant Sacha que Pikachu mais tous deux démontraient un parfait entêtement. Incontestablement, le choix leur appartenait. L’Infirmière Joëlle sentait que son devoir n’était pas simplement d’être soigneur mais d’être humaine. Elle devait pouvoir comprendre sans jugement. Elle devait pouvoir se mettre à la place de ses patients car c’étaient les moments les plus difficiles qu’elle ne pouvait pas être totalement impartiale. Elle aurait préféré. Elle aurait aimé être dépourvu de sentiment et soigner quand c’est possible, sans ordre affectif, juste être capable de réussir à guérir un patient. Il s’agissait d’un dilemme que nielle ni personne ne souhaitait être confronté. Une épée de Dimoclès était suspendue. Sacha remerciait l’infirmière qui s’en allait à ses autres tâches.

Voyant que la conversation prit fin, Pierre revint vers Sacha. Il ignorait ce qui avait été dit mais il était prêt à partager ce que ressentait Sacha.

« On fait un tour, Pierre ? »

Ce dernier accepta aussitôt. Le froid de la saison rendait cet instant encore plus dramatique, comme dans les films où la pluie recouvrait les larmes. Pikachu était sous le manteau de Sacha ce qui n’était pas sans rappeler le drame dans la montagne vers Cramois’île. Ce blizzard. Sacha se rappelait à quel point il se croyait invincible. A quel point il voulait montrer à Pierre et à Ondine qu’il allait devenir le plus grand Maître Pokémon. Il se rendait compte que c’était une bêtise de plus. Il ignorait tout de ce Monde, de cette vie. Il en faisait même les frais : voyant comment le dessin animé avait repris son histoire, il avait l’impression que le monde entier le considérait comme un enfant… à vie ! C’était une époque où il était effectivement trop jeune, trop peu expérimenté et trop insouciant. Les réflexions de tous ses amis étaient justes. Même la Team Rocket qu’il trouvait nulle et peu efficace ne l’était pas tant que cela à l’époque. Mais il avait compris. Même encore aujourd’hui, il ignorait s’il méritait tous les compliments du monde. Il y avait de biens meilleurs dresseurs que lui. Régis, par exemple, s’il ne s’était pas consacré à la même profession que son grand-père, il aurait été sans doute plus doué que Sacha. Son ego en aurait repris un coup, sans l’ombre d’un doute mais il le savait. Sa compassion pour les Pokémon et son amitié absolue pour eux n’avaient pas de prix. Il aimait autrefois se vanter de ses exploits mais au bout du compte, arriver à là où il était aujourd’hui, cela laissait un goût amer. Cette montagne vers Cramois’île… il en était sûr à présent.

Posés sur une terrasse chauffante d’un café, les deux amis commandèrent du café pour se réchauffer et une patate douce chaude pour Pikachu, accompagnée d’une coupelle de ketchup. Sacha savait que cela allait être dur à chaque fois d’aborder le sujet mais c’était la raison principale de sa venue à Bourg Palette, chose qu’il prit du temps pour avouer. Bien sûr qu’il était content de retrouver sa mère et c’était bien elle vers qu’il s’était tourné à son retour. Il avait juste l’impression qu’en discuter avec Pierre, la situation allait être bouleversée, changée et même améliorée.

« J’ai déjà vu l’Infirmière Joëlle, Pierre.
- Oui, je le sais bien. Et qu’en est-il ?
- Non, je veux dire, ce n’était pas la première Infirmière Joëlle que je consultais. Après avoir quitté Clem, Lem et Serena, je devais rentrer à Kanto. Je ne l’ai pas fait. Peu de temps après, Pikachu avait un comportement étrange et avait l’air mal en point. J’ignorais quoi faire mais je ne pouvais pas rien faire. Quand M. Mime a gagné un séjour à Alola, je me suis dit que je trouverais une réponse là-bas. J’ai prétendu que je voulais faire le tour des îles, grand maître que je voulais être et ma mère m’y a laissé. Les Infirmières Joëlle ne voulaient pas me répondre. Elles prétendaient, comme toi, que Pikachu était trop fatigué. Je sais que je ne suis pas l’homme le plus futé mais je vos bien que Pikachu s’affaiblit. Puis, j’ai arrêté de chercher pendant un temps. Les combats Pokémon sont revenus et Pikachu combattait de nouveau. De temps en temps. On gagnait, on perdait, ce n’était pas bien grave.
J’ai fini par rencontrer un doyen de l’île et j’ai appris à utiliser le Cristal Z, une spécialité d’Alola. Je ne suis pas fan de ce genre d’objets mais ça amplifiait les pouvoirs de Pikachu. Je le trouvais également en meilleure forme. Je n’ai maîtrisé le cristal Z qu’assez tard au final et… j’ai abandonné le combat. Pierre ! l’appela-t-il. Qu’est-ce que je peux faire pour que Pikachu reste à mes côtés ? »

Pierre était paralysé. Sacha n’avait pas parlé autant depuis son retour. Il en était ému. Voir Sacha dans cet état-là était une épreuve encore plus dure. Il n’avait pas encore les mots que Sacha reprit la parole :

« Tu sais, j’ai parcouru toutes les régions pour aider Pikachu. J’ai voulu retrouver Ho-Oh pour qu’il m’offre une de ses plumes. J’ai voulu retrouver Célébi pour remonter dans le temps. J’ai voulu retrouver Jirachi pour qu’il exauce mon vœu. J’ai voulu… »

Sacha retenait au mieux ses larmes mais même tête baissée, Pierre voyait le chagrin de Sacha. Il s’approcha de Sacha et l’enlaça. Il l’enlaça fort.

« J’ai même essayé de parler aux Gardiens d’Alola, à leurs autels. Tu sais, dit-il en reniflant légèrement, ils ont plein d’autels. Y en a 4, en fait. J’ai essayé de les appeler, de les prier. J’ai même essayé de les provoquer en duel. J’ai trouvé personne, Pierre. Personne. »

Au même moment, Pikachu salua quelqu’un. Pikachu prit les joues de Sacha pour lui tourner la tête.

« Ondine !
- Désolée, les gars. J’ai fait au plus vite, dit-elle un peu essoufflée. D’Azuria à ici, ce n’est pas la porte à côté et vu qu’ils n’ont pas encore décidé d’installer le train chez moi. Bon, c’est vrai que j’ai déjà lancé de grands projets dans la ville. Chaque chose en son temps, j’imagine. Tiens, c’est une bonne idée cette patate douce chaude, Pikachu. Je vais m’en commander un après !
- Ondine, je… merci d’être là.
- Bah quoi, qu’est-ce qu’il y a ? »

Elle observa Pierre, peu expressif. Elle n’était pas rassurée. Elle regarda Pikachu qui lui sourit gentiment. D’un geste inattendu, Sacha s’approcha d’Ondine et la prit dans ses bras.

Ce réconfort brisa le mur. Il ne pleuvait pas. Il faisait juste froid. Sacha pleurait.