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Sur le fleuve Ooka de Hyacinthies



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» Auteur : Hyacinthies - Voir le profil
» Créé le 16/10/2018 à 02:37
» Dernière mise à jour le 29/10/2018 à 21:29

» Mots-clés :   Amitié   Drame   Famille   Kanto   Suspense

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Prologue : Le retour
Le dresseur faisait les cents pas.

Chacun de ses pas résonnait dans le hall et ajoutait à son angoisse grandissante. Krabby devait survivre… Ce Têtartre ne pouvait pas être si fort ! Le jeune garçon de dix ans ne pouvait que compter sur le Docteur Pokémon du coin et au vu de sa réputation, Krabby allait s’en sortir. En y réfléchissant, Magnéti aurait été un choix plus judicieux mais il n’avait pas résisté aux provocations de son adversaire lui disant qu’il était un incapable s’il ne savait pas gérer le Pokémon qu’il venait de capturer. Ce jeune aventurier de Bourg Palette venait de faire ses preuves en obtenant le Badge Roche des mains de Cindy, la nouvelle Championne de l’arène. C’était d’autant plus difficile à anticiper sur un choix stratégique lorsqu’on savait que l’arène était gérée par deux personnes. La spécialité de Cindy était le type eau que le dresseur ignorait puisque le Badge était celui d’Argenta. il ne voulait pas risquer de faire la même erreur, fonçant tête baissée. La dernière fois, il avait dû entraîner Bulbizarre jusqu’à ce qu’il évolue pour gagner son troisième match. Le Cap Azuréen était connu pour ses nombreux dresseurs téméraires. Un nouvel entraînement était de rigueur.

Le voyant s’éteignit au-dessus des deux portes battantes. Le dresseur sortit de ses pensées. Il s’arrêta net et son cœur aussi. Un long silence s’ensuivit jusqu’à ce qu’enfin les portes s’ouvrent et que le docteur vienne se camper en face de lui.. Sa respiration s’accéléra. Le docteur soupira et sourit en relevant la tête :

« Ce n’était pas grand-chose mais ton Krabby m’a l’air un peu douillet. J’ai dû attendre qu’il s’endorme la deuxième fois pour finir de le soigner totalement. Il sera sur pince dès demain après une bonne nuit de repos., dit-il pour détendre l’atmosphère.
- Vous êtes génial, Docteur Pierre. Merci mille fois ! Je ne sais pas si mon Krabby aurait tenu jusqu’à Azuria.
- Tout est réglé, tu n’as plus à t’en faire. Tu devrais te prendre une chambre au Phare et te reposer si tu comptes battre Ondine, la Championne d’Azuria. Tu vas en avoir besoin. Et même si Krabby sera en état, avertit-il, tu devrais le ménager pour demain. »

Voyant le jeune garçon partir, Pierre reprit son sérieux et retourna au pas de course dans la salle d’opération où un Suicune, ramené non sans peine par le Métang de Pierre, se faisait soigner par une Leuphorie et un Grodoudou. Suicune était grièvement blessé… sûrement des dresseurs qui avaient cherché à le capturer. Il avait eu tellement de patients ce soir-là que l’heure du dîner était bien passée . Suicune était son dernier patient… pour l’instant.

Tout en appliquant un baume cicatrisant créé à partir du lait d’Ecrémeuh, Pierre se demandait si c’était un Suicune qu’il avait déjà croisé. Il ne pouvait dissocier cette pensée de celle de son ami de longue date.. Il s’appliqua davantage, à l’image de Sacha pour réchauffer Dracaufeu. Ce souvenir qu’Ondine lui avait rapporté était particulièrement touchant. Ayant connu Dracaufeu toujours désobéissant, cela avait dû être un moment mémorable pour ces deux-là ! Suicune commençait à se détendre et à se laisser faire. Pierre, soulagé, se permit de respirer et demanda à ses Pokémon d’aller se reposer. Il nettoyait les derniers outils et allait profiter d’un bon repas avant d’aller se coucher quand quelqu’un toqua à la porte de la salle d’opération.

« Comment te sens-tu, Pierre ?
- Fatigué. Ce Suicune nous a donné du fil à retordre mais c’est enfin fini.
- Tant mieux. Au fait, tu ne m’as pas dit que Sacha revenait à Bourg Palette pour le Festival Chichibu Yomatsuri. C’est une super nouvelle !
- C’est vrai ? s’étonna Pierre avec enthousiasme. Comment l’as-tu su ?
- Tu l’ignorais ? Je viens de l’apprendre. C’est diffusé sur toutes les fréquences de la Tour de Doublonville retransmises à Kanto. Sacha serait là-bas. Vu que tu étais occupé, j’ai préféré attendre.
- Tu as bien fait. Merci, Léo. Bon, une chose à la fois : je mange, je me douche et je m’organise pour voir comment me rendre à Bourg Palette demain.
- Faisons comme d’habitude. Je fermerai l’accès au Cap Azuréen aux dresseurs. Seuls les marins auront accès au Phare. Ça me laissera plus de temps pour me concentrer sur mes recherches aussi.
- Tu ne veux pas venir ? Ça m’embête de te laisser tout ça.
- J’ai toujours gardé le Phare. Puis, ça ne sera pas la première fois, plaisanta-t-il. Souhaite lui un bon retour de ma part ! » conclut Léo.

Sacha… Il lui arrivait de penser à lui. Cependant, c’était la première fois qu’il se rendait compte que le temps avait défilé devant lui. Posé devant la télé avec un bol de ramen bien garni, il se rappelait encore des moments difficiles qu’ils avaient connus même si la plupart du temps, il riait à cœur joie. Il n’y avait pas si longtemps, il avait trouvé du temps pour regarder un peu la télévision et était tombé sur le dessin animé Pokémon. Il était tombé sur l’épisode quarante-trois, où Pierre battit Kiawe. Le docteur se laissait amuser par le choix du Pokémon de Pierre qui se serait contenté d’un Grolem puis d’une attaque Séisme au lieu de montrer la Méga-Evolution de Steelix. Il éprouvait une certaine amertume voyant la manière dont les auteurs avaient tenu à ce que les personnages se retrouvent alors que la réalité était tout autre. Sacha n’avait plus donné de nouvelles depuis deux ans et inversement. Dire que le combat contre Sacha avait bousculé sa vie. Il aurait encore été en train de faire une tournée de lessive à cette heure-ci ou à aider Forrest à corriger ses devoirs ou encore de nettoyer son arène. Sa famille n’était qu’à quelques heures d’Azuria, mais repenser à son vieil ami l’avait quelque part, projeté quelques années auparavant. Si on lui demandait aujourd’hui, il aurait dit qu’avoir dû s’occuper autant de personnes était une mission monstre mais cela l’avait préparé à sa vie actuelle. S’occuper d’autant de Pokémon n’était pas si différent et n’avait que confirmer sa vocation en aidant son prochain.

Depuis l’ouverture de son hôpital, il se voyait de temps en temps repartir à l’aventure. Cela faisait un sacré moment qu’il n’avait pas rencontré de nouveaux Pokémon à capturer, à entraîner, à chouchouter. Le dernier en date était un Cradopaud. Bien sûr, capturer tous les Pokémon n’avait jamais été son objectif mais l’idée de croiser des espèces rares était excitant ou tout simplement de rencontrer d’autres dresseurs… surtout des dresseuses ! Enfin, il n’avait rien à plaindre puisqu’il avait dû rester auprès de plusieurs Infirmières Joëlle pour devenir ce qu’il était aujourd’hui. Il aspira goulument son dernier udon et s’affaissa sur son sofa. Quelques minutes de repos lui suffisaient pour sortir faire une ronde. Il en profita pour prendre l’air et personne ne semblait se trouver dans les parages. Une nuit de sommeil l’attendait enfin !

Pierre se réveilla particulièrement tôt le lendemain matin, excité à l’idée de retourner à Bourg Palette. Il prépara quelques affaires à emmener, laissant la plupart de ses Pokémon à Léo gardant juste sur lui son Coatox et un Leveinard. Il avait l’impression qu’il repartait en aventure, sûrement l’effet Sacha.

Une fois ses bagages et son kit de docteur prêts, il saluait Léo et partait pour Azuria. Sur la route, il gagnait en excitation jusqu’à ce qu’il songe de nouveau la manière dont il avait appris que Sacha revenait dans sa ville natale. Chacun vivait sa vie de son côté, cela ne faisait aucun doute. Les nuits à la belle étoile et se faire attaquer par des Piafabec ou des Dardagnan, sans compter le nombre de fois où ils avaient sauvé le monde, cela remontait à si loin ! Malgré tout, après toutes ces épreuves passaient ensemble, c’était par Léo qui l’avait appris par la Tour Radio de Doublonville rediffusée par la Tour Radio de Lavanville que Pierre avait appris la nouvelle. Sacha aurait dû être le premier à vouloir contacter Pierre ou même Ondine ou Flora ! Maintenant qu’il y songeait, il sortit son Pokématos pour appeler Sacha. Ce n’était pas réellement un égo déplacé, mais étant le plus vieil ami qui l’ait rencontré, c’était presque naturel pour Pierre que Sacha veuille le prévenir. Alors qu’il allait enclencher l’appel, il s’arrêta. Il s’arrêta même de marcher. Il leva la tête vers le soleil brillant et commençait à s’y perdre. Un doute soudain lui laissait croire que Sacha ne voulait peut-être pas le revoir. Cela lui paraissait insensé mais il ne trouvait pas d’autres raisons qui aurait poussé Sacha à éviter son ami… ou ses amis ! Il devait en avoir le cœur net. Il lança l’appel.

« Bonjour, Flora, c’est Pierre. Où es-tu ? Je ne te vois pas sur l’écran.
- Je viens de me réveiller. Je préfère que tu ne me voies pas mais je t’écoute. Qu’y a-t-il ?
- Mince, je n’ai pas fait attention à l’heure. J’étais tellement excité hier soir que j’ai à peine fermé l’œil. Pour une fois que j’ai fini tôt !
- J’espère que ce n’est pas une histoire de fille, encore ! se méfie-t-elle, agacée.
- Non, pas du tout, rougit-il. Pourquoi ce ne serait que ça ? Bref. Je voulais savoir, reprit-il plus sérieusement, si tu avais des nouvelles de Sacha ?
- Sacha ? Non, pas du tout. Je le devrais ? Il est sur Hoenn ? dit-elle en bondissant du lit.
- Non, non, pas vraiment, dit-il gêné voyant Flora en nuisette. J’ai appris qu’il rentrait à Bourg Palette et je voulais savoir s’il l’avait dit à quelqu’un, c’est tout… allô ? Tu es toujours là, Flora ?
- Ecoute, Pierre, fulmina-t-elle en réapparaissant sur son Pokénav. Non seulement, tu m’appelles de bonne heure, alors que pour une fois, j’ai réussi à ignorer le chant des Dodrio, mais en plus tu me fais de fausses espoirs en me parlant de Sacha alors que je suis à Clémenti-ville. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ?
- Euh eh bien, pour ma défense, je ne savais pas que tu étais à Hoenn, sourit-il machinalement. De deux, je m’inquiétais à son sujet et vu que je suis à Azuria, je me suis dit que je le demanderais à Ondine dès que je la verrai. Puis, j’ai pensé à toi, expliqua-t-il comme s’il s’excusait.
- Il… il ne t’a rien dit ? demanda-t-elle d’un ton grave. Bon, se résolut-elle, je comptais retourner à Terracotta mais pas tout de suite. Je vais bousculer mon agenda. On se retrouve à Bourg Palette. On lui fera la surprise ! » dit-elle en faisant un signe d’au revoir.

Pierre n’avait pas le temps de contester qu’elle avait déjà raccroché. La situation devenait pressante et Pierre avait besoin d’un autre avis. Il traversa le pont des dresseurs à vive allure pour retrouver Ondine au plus vite en espérant que cette dernière ne soit pas trop occupée entre ses spectacles, les combats d’arènes et les travaux de l’arène.

En effet, l’arène d’Azuria avait décidé de faire peau neuve pour être plus en phase avec un lieu du spectacle en rappelant le type Eau. Dévoué à la cause des Pokémon Eaux, Ondine voulait s’impliquer davantage dans la protection des Pokémon qu’elle affectionnait particulièrement en créant un écosystème naturel pour tous les Pokémon Eau de Kanto. Ce gigantesque centre national de la mer servirait de musée pour découvrir les nombreuses espèces de Kanto mais surtout un refuge pour les Pokémon isolés. Rien n’obligerait les Pokémon à rester dans l’arène puisque l’eau de cet « aquarium » (Ondine détestait ce terme) en forme de coquille de Lokhlass serait directement connectée à la mer. Ondine comptait bien ne plus revivre cette expérience de Salville dans sa ville natale.

Avec l’accord de ses sœurs et le soutien du Professeur Chen, Ondine avait lancé la rénovation six mois auparavant avec un plan dessiné par Jackie. L’idée d’une arène féérique, engagée et puissante était vraiment bien accueillie et beaucoup d’émissions de la Tour Radio de Lavanville espérait que ce mouvement inspirerait d’autres villes et d’autres régions à agir pour la cause des Pokémon en tant que Champions responsables. Pierre passait la plupart de son temps dans le Phare de Léo et avait perdu de vue la plupart de ses anciens compagnons de route. Même si Azuria n’était qu’à une heure de route, il n’était pas évident d’être Docteur Pokémon et trouvait du temps libre pour entretenir des relations ne seraient-ce qu’amicales.

Au loin, Pierre pensait que ses yeux lui jouaient des tours et qu’il s’était sûrement trompé d’endroit pour voir un bâtiment de cette envergure. Pourtant, l’arène d’Ondine était bien à cet emplacement. Plus il s’en approchait, plus sa surprise était grande. Il avait vu les plans de Jackie mais ne s’était pas douté que la représentation en taille réelle allait être si titanesque ! Avant même qu’il puisse réagir, une voix l’interpella :

« Pierre ! Quelle surprise ! Viens, ne reste pas planter là » suggéra Ondine.

Pierre n’avait pas revu Ondine depuis que la Mairie avait accepté de financer la rénovation de l’arène. Que six mois s’étaient écoulés mais elle avait déjà l’air différente. Elle n’était plus sur cette fille agressive, criarde et grincheuse (sauf quand on parlait de Sacha). L’ambition qui l’animait lui donnait un nouveau souffle, une beauté même, allait-il dire. C’était une dresseuse aimante et mature qui avait mené ce projet. Pierre venait se rendre compte qu’ils étaient tous des adultes et qu’autant qu’elle, il avait mûri.

« Dis-moi, Ondine. Il me semblait que les travaux étaient finis. Je l’ai entendu à la radio.
- C’est vrai ? Ils en parlent à la radio ? s’enthousiasma-t-elle.
- Oui, bien sûr. Une superficie de combien déjà ?
- On en est à trente mille mètres carré pour l’instant ! annonça-t-elle fièrement.
- Pour l’instant ? répéta-t-il. Ce n’est pas des travaux en retard sur la gauche ?
- Figure-toi qu’après avoir arrosé ce projet comme il se doit, et je me rappelle que tu m’avais dit que tu viendrais, je me suis lancé dans un autre projet que le maire d’Azuria a approuvé le jour de l’inauguration de la nouvelle arène ! dit-elle dignement. Tu as devant toi, annonça-t-elle après un court silence de Pierre, le tout premier Concours Pokémon de Kanto ! J’aurais dû lancer ce projet il y a bien longtemps mais mes sœurs sont les seules à pouvoir financer tout ça !
- C’est génial, Ondine ! Félicitations !
- Merci, Pierre. Flora y est pour beaucoup. C’est elle qui m’a donnée toutes les informations. Il aura fallu quelques années avant que mes sœurs me considèrent comme la quatrième sœur sensationnelle ! Du coup, je gèrerais les combats d’arène et le concours Pokémon aura pour jury mes trois sœurs.
- Mais, à quoi va servir le ruban que les dresseurs gagneront au fait ? questionna Pierre.
- C’était le gros problème de ce projet, réagit-elle rapidement en anticipant sa question. J’ai finalement trouvé un compromis pour que mes sœurs cessent d’offrir des Badges Cascade aux dresseurs sous prétexte qu’elles ne veulent pas se battre quand je dois m’absenter de l’arène. Ce sera exactement comme un Concours Pokémon mais au lieu de deux finalistes, un seul sera reconnu comme gagnant et l’une de mes sœurs l’affrontera. Il y a tout de même un combat mais elles y voient que du bien. Allez, viens. Je vais te faire visiter, invita-t-elle en lui prenant le bras. Je n’ai pas beaucoup de temps : un dresseur est venu un peu avant toi pour me lancer un défi… je ferai bien d’envoyer mon Léviator pour le calmer et en finir rapidement !
- En parlant de vite, Ondine, j’étais surtout venu pour t’annoncer une bonne nouvelle. Voilà, Sacha devrait arriver ce soir à Bourg Palette. Je comptais le rendre visite si tu voulais m’accompagner.
- Sacha ? répéta-t-elle mécaniquement. C’est-à-dire que j’ai à faire : mon combat d’arène et sûrement d’autres s’en suivront et vu que je ne peux pas faire confiance à mes sœurs pour assurer le coup mais en même temps avec un Poissirène et un Otaria pas entraînés c’est forcément difficile…
- Respire, Ondine. J’ai à peine compris ce que tu viens de me dire.
- Je te rejoins plus tard ! Pars devant ! » dit-elle en faisant volte-face.

Pierre sourit gentiment repensant à l’image qu’Ondine venait de donner d’elle. . Pierre reprit son chemin et pressa le pas pour espérer arriver avant la tombée de la nuit.

En passant par le Mont Sélénite, Pierre songea à attraper un Mélofée. Grodoudou est très doué pour endormir les Pokémon mais il est tellement sollicité qu’une aide supplémentaire pourrait l’aider et surtout soulager le travail de Grodoudou. Il y consacra une heure tout au plus mais ne tomba que sur des Taupiqueur, Nofesrapti et des Pokémon Roche. S’il voulait faire la surprise, il allait devoir reporter cette capture à une autre fois. Une fois l’autre côté du Mont Sélénite, il était sur les coups de quinze heure. Il prit le temps de passer par son ancienne arène pour rendre visite à sa famille en faisant un détour à la Boutique Pokémon pour acheter des Pokéball.

Il entrouvrit le portail et des sons de cri se firent entendre. Une dispute de frères et sœurs comme Pierre n’en entendait plus. Il toussa bruyamment et tout le monde se tourna vers l’entrée de l’arène où ils aperçurent leur grand-frère. La querelle connaissait une trêve, qui n’allait certainement pas durer, le temps d’un rassemblement fraternel. Pierre n’avait rien contre cette dispute, au contraire. Il y retrouvait un peu de vie, un peu de compagnie.

« Alors, que vaut ce raffut en plein milieu de l’arène ?
- On n’est pas d’accord sur la direction de l’arène.
- On n’a surtout pas de raison de laisser les dresseurs obtenir notre Badge facilement, Cindy, corrigea Forrest.
- Ce n’est pas « laisser » si on leur donne une chance. Il s’est entraîné pour faire évoluer son Bulbizarre, que veux-tu de plus ? Envoyer ton Rhinastoc qui l’aurait mis KO en une Mégacorne ?
- On se calme, les gars, temps mort. Je vois que vous prenez ce rôle très à cœur. Que font les autres ici ?
- On participe, dirent-ils à l’unisson. Tu participes aussi ?
- Ha, ha, ria Pierre. J’aimerais également partager mon opinion à ce sujet mais une chose pressante m’oblige à me rendre à Bourg Palette.
- Oui, on sait, Sacha revient, dirent-ils.
- On va essayer de régler le problème avant ton retour, décida Forrest. Tu nous diras ce que tu en penses. Tiens, prends ma voiture, tu y seras plus rapidement. N’oublie pas de passer notre bonjour à Sacha et à Pikachu.
- Promis. »

Après avoir avalé quelque chose pour se restaurer, il reprit la route. La voiture devait y faire quelque chose parce qu’il traversa Jadielle sans encombre jusqu’à Bourg Palette. Pierre avait le trac, comme s’il allait rencontrer le plus grand dresseur de tous les temps. Il reprit ses esprits et allait confronter Sacha, comme un ami de longue date qui aurait dû donner des nouvelles. Point. Il restait suffisamment de temps avant que Sacha n’arrive à Bourg Palette. Il n’y avait pas pensé avant mais en arrivant à Safrania par Doublonville, il était possible qu’Ondine le croise avant, à moins qu’il compte faire un détour…

Toujours en pleine réflexion, il n’avait ni posé la question au professeur Chen, ni à la mère de Sacha. C’était en se dirigeant vers le Laboratoire du professeur qu’il s’apercevait qu’il oubliait à chaque fois que Bourg Palette avait été urbanisé. La popularité de Sacha avait permis à la ville d’hériter de titre de la ville la plus populaire de Kanto. L’urbanisation était là pour améliorer le niveau de vie des habitants et respecter le besoin des touristes qui venaient notamment de Cramois’île. Et le laboratoire, le bâtiment le plus futuriste de la ville. Quand Pierre comparait Bourg Palette à Azuria, il y retrouvait des similitudes.

Il se gara en bas du laboratoire et allait y monter lorsqu’il reconnut le professeur Chen, caché derrière des ballons, des banderoles et autres objets de décoration dévaler les marches d’escaliers.

« Qui que vous soyez, il va falloir repasser et surtout vous pousser, cria-t-il. Je n’ai pas vraiment le temps, ce soir. Repassez demain, se répéta-t-il.
- Professeur, c’est Pierre.
- Oui, oui, d’accord… oh, Pierre ! s’exclama-t-il en interrompant sa course. Tu es là pour Sacha aussi ?
- Tout à fait.
- Très bien, tu vas pouvoir me donner un petit coup de main, étant donné que Jackie n’est plus vraiment là.
- Que voulez-vous dire ?
- Il passe son temps à dessiner des bâtiments pour les villes voisines maintenant… ça m’apprendra à appuyer le projet d’Ondine, marmonna-t-il. Je me suis mis en retard à cause d’un appel de Régis, qui plus est.
- Régis ?
- Oui, une bonne nouvelle, m’a-t-il dit. Allez, viens. Il n’y a pas une minute à perdre ! »

Pierre voulait vraiment savoir si le professeur Chen était au courant pour Sacha avant la diffusion mais il semblait être investi d’une mission pour laquelle il n’avait pas intérêt à échouer que Pierre s’était ravisé à poser la question et se contentait d’attendre un moment plus propice. L’ancien champion d’Argenta monta dans la camionnette du professeur et écouta les instructions que Delia lui avait remises pour préparer une fête digne de ce nom. Pierre finit par ressentir le trac qui habitait son conducteur et en oubliait sa question.

Quelques minutes plus tard, Pierre vit Delia attendre son homme de main de pied ferme, comme si elle avait anticipé son temps de trajet. Il avait l’impression d’assister à ses émissions où les dresseurs doivent effectuer des tâches précises en un temps record avec leur Pokémon. Après tout, Delia n’avait eu qu’un enfant et elle avait toujours eu peur pour Sacha, peur qu’il lui manquait quelque chose, peur de ne pas lui donner suffisamment d’affection. Sacha avait beau avoir trente ans, une mère telle que Delia n’aurait jamais voulu aimer son fils d’une autre façon.

En sortant du véhicule, Pierre entendit un rapide « bonsoir » suivi par « il nous reste plus que deux heures avant son arrivée, Samuel ». Machinalement, comme s’il venait de subir un Choc Mental, il s’exécuta et suivit le mouvement. Alors que tout le voisinage s’occupait de la décoration intérieure qui s’était débordé jusqu’à la rue, Delia préparait un repas pour tout un régiment. Sa cuisine était surchargée et malgré le mélange des différentes odeurs, tout avait l’air appétissant. Personne n’arrivait à garder son sang-froid, on avait l’impression que Delia n’attendait que ce moment, un engouement partagé avec tout son voisinage. Cela semblait puissant pour une humaine mais en observant bien la salle, M. Mime n’était pas bien loin. Il suffisait qu’il utilise ses pouvoirs psychiques pour rendre les gens empathiques à l’expérience de Delia.

Tout était prêt et parfait comme Delia l’avait voulu. Pendant ce court instant de lucidité et de quiétude, Pierre décida de franchir le pas et affronta le professeur et la mère de Sacha en même temps. Lorsque Pierre interpella les deux aînés, ils comprirent que c’était quelque chose d’important, presque grave :

« Est-ce que l’un d’entre vous a été contacté par Sacha concernant son retour ?
- Non et c’est pour ça que je suis si nerveuse, coupa-t-elle la parole au professeur Chen comme si elle attendait cette question depuis le début. J’ai trouvé ça très bizarre mais je me suis dit que c’était pour me faire une surprise que les médias n’ont pas su tenir leurs langues.
- Effectivement, j’ai trouvé cela étrange, approuva le professeur Chen. Qu’il nous en avertisse pas, je peux le concevoir, même si, le sentiment d’être oublié n’est jamais très agréable. De là à ne pas prévenir sa mère, je doute que ce soit un comportement normal de la part de ce jeune homme.
- Je me demande, tenta Pierre, si nous avons bien fait d’organiser cette fête. Il voulait peut-être passer inaperçu et rentrait tranquillement se poser après tout ce temps.
- Il me semblait qu’il devait déjà revenir à Bourg Palette à l’époque où il avait fini de visiter la région de Kalos.
- Il est effectivement rentré, rectifia Delia, et nous avions même pris des vacances à Alola mais ça fait bientôt deux ans que je n’ai pas eu de nouvelles de sa part. De toute façon, la fête est prête. Il n’a plus qu’à se manifester et profiter de l’accueil surprise qu’on lui fera.
- En parlant d’accueil Delia, dit un des voisins, devrions-nous pas éteindre les lumières et attendre son retour dehors ?
- Oui, faisons ça. J’aime bien l’idée ! Il ne devrait plus tarder si j’en crois l’heure. »

Tout le monde marchait vers la rue et patientait, caché derrière les quelques maisons et buissons qui entouraient la maison de Delia. Elle sentait son cœur battre la chamade et n’avait qu’une hâte c’était de prendre Sacha dans ses bras. Chaque minute passée était dure à supporter. Personne n’osait émettre un seul bruit au cas où Sacha arrivait. Il n’y aurait eu plus de surprise et tous ces efforts auraient été vains. Quelques minutes encore et M. Mime alerta silencieusement Delia de la présence de son fils, dépassant le Laboratoire Pokémon. Encore quelques instants et un heureux événement allait prendre place. Delia n’y avait jamais vraiment pensé mais son fils pouvait enfin rester définitivement à Bourg Palette et y faire grandir la ville comme le faisaient ses quelques amies.

Delia voyait quelques voisins en face d’elle qui en voyaient d’autres à différents endroits pour se passer le mot . Tout le monde était prêt. Pierre restait perplexe vis-à-vis du comportement de Sacha mais il allait avoir toutes ses réponses dans très peu de temps. Quant au professeur Chen, il se demandait soudainement si c’était une si bonne idée de faire peur à Pikachu qui par habitude électrocutait tout. Même si le but n’était pas de le faire peur, il risquait de le subir comme tel. Malheureusement, Sacha ne devait plus être très loin et s’il ne voulait pas s’attirer la foudre de quelqu’un d’autre, il valait mieux qu’il reste à sa place.

La mère de Sacha venait d’être prévenue de nouveau par M. Mime. D’un hochement de tête, que chacun transmettait, elle fit un décompte :

« Bienvenu à la maison, Sacha ! »

Les lumières de la rue s’illuminèrent les unes après les autres. Des confettis et des serpentins tirés par-dessus Sacha et Pikachu, des sans-gênes sifflés à vriller les tympans, des bulles et de la mousse propulsées par un grand ventilateur coordonnaient par une bonne musique. Cette foule et cette décoration rendait tout peu visible. Tout le monde faisait la fête, tournait autour de Sacha et était pressé de dîner avec lui pour entendre ses dernières aventures. Tout le monde sentait la pression relâchée et était heureux de pouvoir célébrer un moment historique et pour la ville et pour leur voisine. Pour eux, Sacha était l’emblème de leur ville, le héros d’une jeunesse, la flamme éternelle. Ils étaient là à son départ et étaient de nouveau présents pour son retour que beaucoup pensaient définitif. Ils festoyaient allégrement. Au final, après le cri du bienvenu, chacun s’amusait de son côté laissant place à Delia d’embrasser son fils.

Sacha n’avait pas sursauté à proprement parlé mais plutôt réveillé par l’accueil, comme s’il venait de sortir d’une torpeur. Delia courut vers lui pour le prendre dans ses bras. Elle avait visualisé ce moment tellement de fois quand il avait annoncé son retour que de pouvoir enfin tenir son enfant dans ses bras était un rêve devenu réalité. Elle était fière. Fière d’être la maman d’un garçon qui était devenu un grand homme, fière d’avoir élevé un garçon qui savait tant donner aux autres, fière de ce garçon qui avait tant inspiré le monde entier. Elle était juste perplexe d’avoir entendu parler d’un jeu vidéo sur son enfant qui non seulement s’inspirait de sa vie mais le faisait d’une manière cachée en nommant le personnage Red ! Quoi qu’il en soit, cette journée ne pouvait pas mieux finir. Elle était bénie.

Sacha recula. Delia comprit qu’elle devait arrêter de courir. Elle souriait mais un sourire gêné à présent. Sacha avait basculé ses bras croisés sur le côté, comme s’il avait peur qu’on heurte quelque chose. Delia venait de réaliser que Pikachu n’était pas à ses pieds. Il n’était pas non plus sur son épaule gauche. Pikachu était dans les bras de Sacha. Ce dernier esquissa un sourire, gêné à son tour. Pikachu tendit une patte avec un enthousiasme que Delia n’avait pas l’habitude de voir. Ce n’était pas de l’enthousiasme. Son fils ne dégageait pas non plus cette énergie qu’on pouvait attendre de quelqu’un qui recevait une fête surprise. Sacha dégagea un bras pour enlacer sa mère.

« Merci, maman pour ta surprise. »

Le temps s’arrêta. La ville s’arrêta. La musique s’éteignit. Pierre s’approcha lentement, solennellement. Delia était perdue. Son sentiment de joie s’était dissipé. Elle tremblait. Elle attendait que son fils lui parle. Son remerciement l’inquiétait. Etait-ce un soulagement ? Elle n’avait pas eu le temps de savoir que son fils la relâcha. Sacha profitait de ce silence soudain et délicat pour prendre la parole. Il dégagea sa gorge en toussant un peu :

« Merci à tous d’être venu si nombreux. Nous sommes très heureux de vous voir. Votre accueil nous touche beaucoup.
- Pika !
- Ecoutez les amis, se retourna Delia. Sacha et Pikachu ont eu une longue journée. Continuons à fêter son retour. Ce garçon a besoin un peu de repos. Mangeons pour eux !
- Mangeons pour eux ! » dirent-ils à l’unisson.

Delia se tourna vers Sacha et le fixa. Avec sa casquette, tête baissée, il était difficile pour elle de voir le visage de son fils. Elle ne voulait pas créer un moment d’embarras pour tous et préférait emmener son garçon à l’intérieur de la maison pour lui parler. Pierre suivit de près après avoir salué Pikachu en lui grattant la tête. Pierre restait silencieux à côté de Sacha. Avant de rentrer dans une pièce avec son enfant, Delia demanda à Pierre de surveiller le ragoût pour qu’il ne mijote pas trop. Pierre croisa le regard de Sacha. Pierre hocha la tête.

Pierre était un Docteur Pokémon renommé. En deux ans, il avait soigné d’innombrables Pokémon errants et ceux des Dresseurs. Son titre de docteur était largement répandu par les marins qui passaient par le Phare. En le transformant enlogement, il s’occupait même des humains. Son sens d’observation était particulièrement juste. Les mérites, il les devait aux Infirmières Joëlle qui l’avaient formé, surtout celle qui l’avait encouragée à suivre ce chemin. A l’âge de trente-six ans, Pierre se sentait accompli. Un jeune homme l’avait fait grandir. A présent, cet homme était dans la pièce d’à côté. Malgré tout ce qu’il était capable de faire (certains appelaient ça des miracles), il se sentait impuissant face à son ami. Les minutes passaient et Pierre se sentait comme un patient, attendant le verdict du docteur. Il n’était pas prêt. Il avait soudainement préféré que le dresseur de Pikachu ait tout simplement oublié de le prévenir.

Ce n’était jamais possible de prévoir si la nouvelle allait être bonne ou mauvaise mais le comportement de son ami était peu rassurant. Le bruit de la fête commençait à agacer Pierre. Il voulait que tout le monde cesse de s’agiter et attende patiemment la nouvelle. Il respira profondément. Tout n’était plus qu’une question de minutes. Il éteignit le feu. Le ragoût était prêt.

Le professeur Chen venait de rejoindre Pierre dans la cuisine. Pierre se tourna vers lui, sans un mot. Le professeur Chen soupira. Le son était étouffé. Sacha pleurait.