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Duel au sommet de olyn



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» Auteur : olyn - Voir le profil
» Créé le 03/10/2018 à 19:23
» Dernière mise à jour le 03/10/2018 à 19:23

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Chapitre 38 : Jusqu'au bout, partie 1
Mot de l'auteur : Je suis vraiment désolée de vous avoir fait attendre aussi longtemps. Mes excuses sont les excuses habituelles, perte de motivation, syndrome de la page blanche, manque de temps... Mais je suis décidée à finir cette fic. Vous aurez remarqué qu'il y a "Partie 1" dans le titre. J'ai décidé de couper le chapitre final en deux en m'apercevant que j'étais arrivée plus ou moins à la moitié. Il me reste donc la seconde partie à écrire, et j'y travaille. J'ai rajouté ci-dessous un résumé de l'histoire au cas où vous auriez tout oublié (ce qui est très probable ^^). Voilà, merci à vous qui me lisez, je ne mérite pas d'avoir des lecteurs qui soient aussi patients.


Précédemment dans Duel au Sommet...

Léa a toujours haï Pokémon, le jeu qui lui a volé son frère. Mais quand elle se retrouve aspirée dans la cartouche mystérieusement, elle doit apprendre à vivre dans un nouveau monde. Avec l'aide de son premier Pokémon, un Bulbizarre nommé Salade, elle part à l'aventure, raisonnant qu'elle doit sans doute terminer le jeu pour pouvoir en sortir.

La quête des badges la mène de ville en ville tandis qu'elle agrandit son équipe de Pokémon qu'elle considère peu à peu comme ses amis. Son voyage est parsemé de rencontres avec son rival, Zack, qui se terminent inévitablement en duels de Pokémon frustrants, et également avec la Team Rocket, une organisation criminelle exploitant les Pokémon.

La réalisation qu'elle peut perdre ses Pokémon frappe avec la mort de Ficelle, la Papilusion. Elle se promet qu'elle sera la première et la dernière, mais malgré ses efforts, d'autres Pokémon de son équipe perdent la vie au combat.

À travers toutes ses épreuves, le souvenir de son frère, Vivian, n'est jamais très loin. Elle découvre qu'il est en vie, que comme elle, il a été aspiré dans la cartouche, et qu'il travaille pour la Team Rocket lorsqu'il tue Léonard, un étudiant pour lequel elle commençait à avoir des sentiments.

Éprouvée, elle continue sa quête, se rapproche de Zack mais s'interdit de ressentir des sentiments. Elle se lie également d'amitié avec Claire, une dresseuse possédant une Colossinge ainsi qu'un Férosinge.

Elle affronte Giovanni, le leader de la Team Rocket, perd Grignotte, son Sablaireau, et récolte le dernier des huit badges nécessaires pour aller défier la Ligue Pokémon. Maraude, la Feunard que lui avait offert Zack et qui s'était toujours montrée distante vis-à-vis de Léa, disparaît, ne supportant pas la perte de Grignotte.

Léa s'allie avec Vivian, raisonnant qu'elle n'a pas d'autre choix si elle veut avoir une chance contre la Ligue, car son frère sait ce qu'il fait. Il lui explique qu'elle doit d'abord vaincre le Conseil des Quatre, puis affronter Mewtwo, le Pokémon le plus puissant au monde, et le vaincre afin de sortir du jeu.

Durant les combats, Léa fait la connaissance de Mélodie, la fille de l'ancien champion, un homme aux cheveux bleus nommé Alec. Ce dernier lui propose son aide, que Léa refuse car elle le trouve louche.

Elle bat le Conseil des Quatre, mais sa victoire a un prix : Teigne n'y survit pas. Après avoir décidé que son frère peut aller se faire foutre car c'est sa méthodologie qui a mené à ce résultat, Léa affronte Zack dans un duel au sommet, et le bat. Elle lui révèle ensuite la vérité sur le fait qu'elle vienne d'un autre monde, ainsi qu'à Claire.

Ensemble, ils vont chercher des informations sur Mewtwo, accompagné de Vivian car Léa doit bien admettre qu'elle a besoin de lui. Ils font halte à Azuria chez Léo qui leur offre le gîte, et rencontrent brièvement Alec, qui demande à parler à Léa, mais que Vivian fait partir car comme il apparaît qu'Alec appartient également à la Team Rocket, il est son supérieur.

Puis tandis que Claire demeure à l'extérieur, Léa s'enfonce dans les profondeurs de la grotte où se cache Mewtwo, accompagnée de Zack et de Vivian. Le combat contre Mewtwo est explosif, et le Pokémon psy semble impossible à vaincre. Salade est tué, mais revient inexplicablement à la vie alors que Léa le souhaite. Alors que la victoire semble acquise, Mewtwo reprend le contrôle, et expédie une attaque mortelle en direction de Léa. Vivian l'intercepte, se sacrifiant pour la sauver.

S'ensuit un combat mental durant lequel Mewtwo montre à Léa la vie passée des Pokémon de son équipe, déclarant vouloir lui faire voir à quel point elle a perdu. Léa utilise la Master Ball, qui échoue, avant de se rendre compte que c'était encore une ruse de Mewtwo, et que la capture échouée n'avait eu lieu que dans sa tête. Elle se libère de l'influence mentale du psy, et utilise la Master Ball, pour de vrai cette fois. Mewtwo est capturé.

C'est à ce moment-là qu'Alec arrive, accompagné de son Akwakwak, prénommée Majestée. Après un bref affrontement avec Salade, la Pokémon aquatique se retrouve balancée dans le lac. Ca n'arrête pas Alec, qui sort une arme à feu et tire sur Zack, puis fait du chantage à Léa pour obtenir la Master Ball. Il se téléporte ensuite hors de la grotte, laissant Léa et Zack seuls sur l'île, avec leurs Pokéballs au fond du lac...




Combien de temps pouvez-vous retenir votre souffle ?

Non, attendez. Ce n'est qu'une partie de la question. Pour être plus précise, combien de temps pouvez-vous retenir votre souffle alors que vous êtes immergée dans une eau glaciale ? Alors que le garçon que vous aimez est en train de se vider de son sang, lentement ? Alors que votre vie en dépend ?

En temps normal, je ne dépassais pas la minute, même en faisant de gros efforts. Là, avec l'adrénaline et les circonstances désespérées qui boostaient mon endurance et me poussaient à dépasser mes limites, je parvenais à franchir cette barrière. Mais ça n'avait pas d'importance. Ça ne changeait rien au problème.

Trente secondes, une minute, quelques instants de plus... je ne parvenais toujours pas à atteindre le fond du lac.

Or les Pokéballs ne flottaient pas.

Alec les avait lancées à divers endroits, certaines moins loin que d'autres, mais toutes au minimum à une dizaine de mètres des rivages de l'île, les répartissant de manière hasardeuse dans l'immensité d'eau noire. Mes Pokémon et ceux de Zack étaient perdus quelque part là-dedans, certains inconscients, les autres trop épuisés pour sortir d'eux-mêmes de leurs balls. C'était bien pire que la fameuse aiguille dans la botte de foin. Certes, il y avait plusieurs aiguilles dans mon cas, mais la botte de foin avait la superficie de quelques stades de foot, bien plus de profondeur, et la fouiller signifiait se retrouver transie de froid de la tête aux pieds tout en devant retenir son souffle. Sans parler des dangereux Pokémon sauvages qui devaient s'y promener, et que je n'avais aucun moyen de voir venir...

Je m'efforçai d'oublier cette pensée peu rassurante, pris une grande inspiration, et plongeai à nouveau vers les profondeurs. L'eau glaciale m'étreignit toute entière, la sensation pénétrant jusqu'à la moelle de mes os. Je nageai vers le bas, obstinément, tout en m'efforçant de garder les yeux ouverts malgré la futilité totale de cette action. Il n'y avait rien que du noir. Absolument aucune trace de rouge, ou de blanc. J'évoluais dans un univers sans repères. Mes mains ne brassaient que de l'eau, et j'avais la sensation d'aller nulle part, de faire du surplace sans que rien ne change.

Bien trop tôt, ma résistance fut à bout. Je remontai à la surface en trombe et inspirai l'air dont j'avais tant besoin par saccades. Mon cœur battait à tout rompre. L'adrénaline ne m'avait plus quittée depuis l'apparition d'Alec et tout ce qui avait suivi n'avait fait qu'empirer mon état. Je fonctionnais à mille à l'heure, la tête pleine de pensées qui fusaient inutilement, et où que j'allais, quoi que je faisais, je ne voyais qu'un mur devant moi, et aucune échappatoire.

- Zack ? m'écriai-je, ravalant de l'eau à moitié, avant de la recracher avec une grimace dégoûtée.

Pas de réponse.

- Zaaack ! persistai-je.

Il allait me répondre. Il devait me répondre.

- Zack, putain !

La troisième fois fut la bonne - peut-être parce que j'avais crié à m'en éclater les poumons, ou alors à cause du juron qui prouvait que j'étais on ne pouvait plus sérieuse.

- C'est bon, chuis pas encore mort... l'entendis-je grogner, d'une voix qui parvenait à peine à mes oreilles.

- Ne t'évanouis pas ! lui ai-je rappelé.

- Si c'est un ordre, je ne peux qu'obéir...

- T'as intérêt ! Je... aaah !

Une chose non identifiée venait de me frôler les pieds. Je restai immobile, priant pour que le Pokémon ne se montre pas plus curieux... ou plus agressif.

- Quoi, aaah ? s'inquiéta Zack depuis l'île, à une dizaine de mètres de là.

Je scrutai la surface, attentive à la moindre anomalie. L'eau semblait calme. Je fis un tour sur moi-même, lentement. Rien.

- Fausse alerte, on dir...

Avant que je ne puisse finir ma phrase, la tête d'un Pokémon surgit de l'eau juste devant moi, sans provoquer de remous et de manière quasiment silencieuse. J'eus un mouvement de recul, parvenant de justesse à étouffer un cri qui ne m'aurait pas aidée. Les yeux rouges de l'Akwakwak me fixèrent froidement, sans ciller. Son bec s'ouvrit, et je levai les mains devant mon visage instinctivement, pour me protéger du jet de poison qui allait en sortir. Mais au lieu d'un liquide acide venant frapper ma peau, ce fut un "Kwaak !" qui résonna à mes oreilles.

Surprise, je baissai les bras.

- Kwaak ! réitéra le Pokémon aquatique, agressivement.

- Quoi ? murmurai-je, avec l'impression stupide de me faire l'écho du Pokémon, sans savoir quoi dire d'autre, quoi faire d'autre.

Il cligna des yeux, puis frappa. Je me crispai, anticipant la douleur... qui ne vint pas. À la place, mon visage déjà trempé fut aspergé d'eau. Il avait manqué son coup ? Ou bien est-ce que j'avais reculé au dernier moment, sans m'en rendre compte ? Je n'attendis pas d'avoir la réponse, m'élançant vers le rivage en nageant aussi vite que mes muscles fatigués me le permettaient.

Plus vite, Léa, plus vite...


Je m'attendais à tout instant à ce que l'Akwakwak m'agrippe les jambes, m'entraîne sous l'eau, ou me bloque le chemin, mais je ne le voyais nulle part. Puis soudain, alors que j'allais atteindre la rive, il se profila sur ma droite, juste sous la surface, et m'accompagna sur les derniers mètres, glissant de manière silencieuse à mes côtés tel un dauphin. Ou un requin.

Je trébuchai au sortir de l'eau et me rattrapai maladroitement en m'écorchant les mains sur la surface rocailleuse de l'île. Reprenant mon souffle, je fermai les paupières un instant. Les rouvris. La roche tanguait sous moi. Le corps de Vivian, immobile et toujours fumant, à quelques mètres de là, me narguait. "J'ai réussi", aurais-je voulu lui dire. "J'ai réussi mais j'ai quand même perdu." Est-ce que lui aurait su quoi faire dans les circonstances actuelles ? Il avait toujours réponse à tout...

Une ombre me surplomba. Cette fois-ci, le cri du Pokémon aquatique me vrilla les oreilles. Avant que je ne puisse me relever, son pied palmé s'abattit sur mon dos, me clouant au sol. L'air quitta mes poumons sous la forme d'une exclamation de douleur étouffée.

- Léa ! entendis-je Zack s'écrier.

Il rajouta quelque chose derrière, mais un énième "Kwaaaak !" noya ses paroles. Je levai le regard vers mon agresseur.

- Écoute, balbutiai-je, les dents serrées, je sais qu'on est sur ton territoire, mais... je te promets qu'on ne va pas rester... on va s'en aller dès qu'on le pourra, et tu seras tranquille, tu...

- Ak ! me coupa le Pokémon bleu, ses yeux furieux fixés sur moi. Akwakwak, wak, ak !

- Je... je ne sais pas ce que tu veux dire... si tu...

La pression sur mon dos augmenta soudainement. Je perdis le fil du reste de ma phrase, le souffle coupé à nouveau.

- Majestée.

Ça ne venait pas de moi. La voix n'avait pas beaucoup de puissance, elle tenait quasiment même plutôt du murmure, mais le Pokémon se figea. Un instant, je crus que Zack avait perdu les pédales, qu'il délirait : ce qu'il venait de dire n'avait aucun sens. Puis j'eus le loisir d'observer la réaction de l'Akwawak plus en détail, sa tête penchée, son air attentif. Ce mot signifiait quelque chose pour lui. Et dans un éclair de compréhension, je sus pourquoi.

Zack tenta de parler à nouveau, mais ne réussit à émettre qu'un son à mi-chemin entre hoquet et râle qui me serra le cœur.

- Majestée... me lançai-je à mon tour. Ton dresseur t'a abandonnée... il est parti sans toi...

- Kwaak-ak ! me répondit l'Akwakwak, d'un ton furieux et... frustré ?

Je devais être sur la bonne voie, alors.

- Il t'a oubliée, continuai-je, tout ce qui l'intéressait c'était Mewtwo et il l'a eu, alors voilà, tu n'as plus d'utilité pour lui... Je suis désolée, mais c'est la vérité. Alec se fiche de toi, tu ne lui servais qu'à atteindre son but, c'est tout...

Quelque chose me brûla la joue. Je cillai, et des griffes ensanglantées apparurent dans mon champ de vision. L'Akwakwak les pressa sous mon nez, sans rien dire. Ce n'était pas utile.

- ...d'accord, repris-je après un temps de silence. D'accord, t'as raison, je peux pas savoir ce que pense ton dresseur. Mais il est parti, et ça, c'est un fait.

Je pris une profonde inspiration. Mon cœur tambourinait contre mes côtes à la vitesse d'un cheval au galop. Je tremblais, mais je ne savais même plus si c'était le froid, l'adrénaline, ou la peur.

- Mais si tu veux... si tu veux, on peut aller lui demander. Ensemble, on peut sortir de cette grotte, aller retrouver Alec, et là, tu sauras... et tu réintégreras son équipe, d'accord ? C'est ce qui est le plus simple, non ? Car si tu restes ici à attendre qu'il revienne...

Je jetai un coup d'œil circulaire à l'ensemble de l'île et m'efforçai de rendre ma voix assurée.

- ...il reviendra peut-être, oui, mais à chaque seconde qui passe, on est en danger. Les Pokémon sauvage de la grotte sont très puissants, et même si je sais que tu es très forte, tu ne pourras pas les repousser à toi toute seule. Pas éternellement. Alors... alors que si on s'allie, toi, moi, et Zack... avec tous nos Pokémon... on a une chance de s'en sortir. Et ce sera plus rapide. On rebrousse chemin, on trouve la sortie, je t'amène à Alec... OK ?

L'Akwakwak se contenta de me fixer sans répondre. Puis elle ôta son pied griffu de mon dos, se détourna, et disparut dans l'onde noire suite à un plongeon silencieux. Je me redressai en grimaçant. Est-ce que je l'avais convaincue ? Rien n'était moins sûr... Elle avait peut-être décidé qu'elle pouvait se passer de nous...

Je contemplai quelques instants la surface sans rides du lac avant d'aller rejoindre Zack d'un pas maladroit pour m'effondrer à ses côtés. Je pris sa main dans la mienne, la serrai.

- Ça va aller, soufflai-je.

Il eut un sourire crispé. Son visage était d'une pâleur de craie, et, les lèvres serrées, il luttait visiblement pour rester conscient.

- Ouais, répondit-il. Je me sens un peu mieux, je pense que ça saigne moins...

Il mentait encore mieux que moi.

- Bonne mémoire au fait, lui fis-je remarquer.

- Hein ?

- Le surnom de l'Akwakwak d'Alec. Majestée ? Je m'en serais jamais souvenu.

- Ah... bah, elle a fait match nul contre Alakazam... et ça l'a beaucoup impressionné. Je crois. Du coup il m'avait demandé s'il pourrait la revoir... ah, quelle ironie...

Je serrai sa main plus fort.

- Tu sais, Alec avait raison sur une chose... continua Zack.

La phrase me hérissa le poil, mais je n'en laissais rien paraître.

- Sur quoi ?

- Tu peux partir... alors vas-y.

- Je ne vais nulle part, lui renvoyai-je entre mes dents qui claquaient sans que je ne puisse les en empêcher tellement j'étais gelée.

- Léa. J'ai pas envie que tu me vois mourir.

- Si ça ne te gêne tant que ça, je te promets que je fermerai les yeux au dernier instant.

Un grognement guttural étrangement haché monta de sa gorge. Il ferma les yeux un instant, grimaçant de douleur, puis il les rouvrit pour les planter dans les miens.

- Si tu meurs dans le jeu, tu meurs en vrai ?

C'était à peine une question, et mon silence dut lui apporter la réponse, car il enchaîna :

- Je suis pas réel.

- Zack...

- Je suis pas réel. Rentre chez toi, Léa. Ça ne sert à rien que tu restes. Y a rien pour toi ici. Retourne dans ton monde.

- Tais-toi, espèce de PNJ ! Si t'as pas encore compris que c'est toi mon...

Un "Kwak !" tout proche m'interrompit. Je me tournai pour découvrir Majestée à deux pas de là, les bras chargée d'une flopée de Pokéballs. Mon cœur fit un saut périlleux dans ma poitrine, et le froid qui m'étreignait sembla tout à couper refluer.

- Akwa ! émit la Pokémon en laissant tomber son précieux fardeau.

Les balls roulèrent à mes pieds. Je m'empressai de m'emparer d'elles, fébrilement. Il y en avait sept, dont une grisée - celle de Dracaufeu.

- Merci, merci, merci, merci... dis-je à Majestée.

Je m'arrêtai à quatre "merci", mais j'aurais tout aussi bien pu continuer jusqu'à mille si on avait eu le temps, tellement je lui étais reconnaissante.

- Kwa, me répondit-elle d'un air neutre.

- Il en manque encore... quatre, est-ce que tu pourrais...

Elle me jeta un regard dont je n'étais pas certaine de saisir le sens, avant de repartir aussitôt dans l'eau. Je la suivis des yeux un instant, incapable de croire qu'elle était vraiment en train d'aller chercher les Pokéballs restantes, qu'elle nous aidait, qu'on avait soudain une chance de s'en sortir... une vraie chance.

- Tu vois, j'avais raison : tout va mieux, déclara Zack, parvenant je ne sais comment à ce que sa phrase suinte de son arrogance et de son aplomb habituels, bien qu'il soit à terre en train de se vider de son sang.

- Je ne t'ai jamais contredit, lui répondis-je.

Puis je libérai les occupants des Pokéballs. Le premier fut le Roucarnage de Zack, qui était inconscient, puis Plouf, aux écailles noircies et à moitié fondues, mais qui émit un grondement rauque en nous voyant et adopta aussitôt une posture protective, suivi de Fulgure, aux ailes pendant en lambeaux de chair, mais toujours debout, puis Patate la Rhinoféros, qui demeura sans bouger, ses flancs se soulevant lentement, puis Vésuve, flamme caudale vacillante mais regard déterminé, et enfin Alakazam, qui ne réagit pas lorsque je lui touchai le bras. Malheureusement, nous n'avions plus aucune potion depuis que Mewtwo les avait fait disparaître. Je maudis le Pokémon psy en pensée. Sans cet obstacle, nous aurions ranimé Alakazam qui nous aurait tirés d'affaire en un rien de temps. En l'état, nous allions devoir affronter à nouveau les dangers de la grotte...

Je rappelai vite les Pokémon de Zack dans leurs balls afin d'éviter d'aggraver leur état. Son état à lui n'avait pas l'air tellement mieux, en dépit de ce qu'il affirmait : ses yeux étaient perdus dans le vague et il était plus blanc que craie.

- Interdit de t'évanouir, rappelle-toi, lui lançai-je.

Il me regarda, sourit faiblement... puis s'évanouit. Je jurai, l'appelai par son nom plusieurs fois. Comme il ne réagissait pas, je lui tapotai la joue, toujours sans résultat.

- Léviator ? offrit Plouf en se penchant vers nous d'un air inquiet.

- Non, tu ne peux rien faire, c'est pas de l'eau qui va...

Je m'interrompis, me tournant vers Vésuve alors qu'une idée me venait. Est-ce que ça marcherait ? Ça pouvait difficilement être pire... Je demandai au Magmar de se rapprocher, et lui expliquai ce qu'il devait faire, tout en savourant la chaleur qu'il émettait. Depuis qu'il était sorti de sa Pokéball, je grelottais déjà moins.

- Mag ? s'inquiéta-t-il quant à ma requête.

- Non, je suis pas sûre du tout... mais vas-y. Pas trop chaud, hein ? Enfin, suffisamment, mais pas assez pour que ça donne du barbecue ? Tu vois ce que je veux dire ? Tu penses que...

- Mar, mag, me rassura Vésuve, interrompant mon blabla paniqué.

Il posa doucement la paume de sa main sur la blessure de Zack. Il y eut un bruit que je m'efforçai aussitôt d'oublier, de la fumée, puis un hurlement de la part de Zack alors qu'il tentait de se redresser brusquement. Les yeux fous de douleur, il fixa Vésuve en lui agrippant le poignet des deux mains... puis retomba inconscient, un gémissement plaintif quittant ses lèvres.

- Désolée, murmurai-je en lui caressant le visage. Mais au moins maintenant ta blessure ne saigne plus...

Ce fut à ce moment-là que Majestée revint avec une nouvelle fournée de Pokéballs. Il y en avait bien plus que quatre, et certaines étaient grisées. Je tiquai. Qu'est-ce que... ?

- Elles étaient toutes au fond du lac ? demandai-je à l'Akwakwak.

Son "Kwak !" de réponse fut affirmatif. D'une main tremblante, je m'emparai d'une des balls grisées. S'agissait-il d'un Pokémon ayant appartenu à un dresseur qui nous avait précédé dans la grotte il y a longtemps ? Ou bien est-ce que c'était l'un des miens qui s'était éteint alors que je m'acharnais à les rechercher dans l'immensité du lac noir, et il était désormais trop tard ? Je secouai la tête à cette dernière pensée : non, les balls stabilisaient les Pokémon, ils ne pouvaient pas mourir en étant à l'intérieur.

Mais alors d'où provenaient ces Pokéballs en trop ? Il y en avait trois grisées...

Je relâchai leur contenu en retenant ma respiration.

Un Roucarnage, un Dracolosse, un Magneton.

Tous familiers. Bien sûr : les Pokémon de Vivian. Je n'avais même pas pensé à eux jusque-là. Alec, lui, ne les avait pas oubliés, et il avait dû balancer les Pokéballs de mon frère à la flotte alors que nous lui tournions le dos et ne l'avions pas encore vu. Je poussai un soupir. Plus de la moitié de son équipe n'était plus : ces trois-là, et son Hypnomade qui s'était sacrifié le premier lors de la traversée des tunnels.

Il restait six autres Pokéballs, toutes bien rouges. Je libérai leurs occupants : les deux Pokémon restants de Vivian, très mals en point mais conscients, un Léviator ainsi qu'un Smogogo le Noadkoko et le Léviator de Zack, tous deux KO Pleind'Soupe, qui émit un "Ronflex !" content dès qu'il fut dehors, et Salade, à qui je fis le câlin du siècle.

- Zarre ! grogna-t-il en frottant son énorme museau contre mon flanc.

- Oui mon gros... je pensais ne plus jamais te revoir, tu sais...

- Flori, florizarre ?

- Ça va, ça va... Y a plus qu'à sortir de cette grotte, et on sera tirés d'affaire. Et on a du renfort...

- Kwak kwak, émit Majestée.

Salade la foudroya du regard. S'il avait un Pokémon électrique, je crois que ça aurait été litéral.

- Elle est de notre côté maintenant, Salade, lui expliquai-je. Elle va nous aider. Et sans elle, tu serais encore au fond du lac.

Son regard s'adoucit un chouilla.

- Florizarre, zarre, flori, annonça-t-il, ce qui voulait probablement dire "Si tu nous trahis, je te rebalance dans le lac".

L'Akwakwak ne daigna pas répondre.

Je balayai l'île du regard. Oui. Ça allait le faire.

- Salade, installe Zack sur Plouf, doucement. On va traverser sur son dos. Fulgure, prends de la hauteur, je veux savoir s'il y a des menaces.

Je me tournai vers les deux Pokémon de mon frère, le Léviator et le Smogogo, qui étaient restés sans bouger.

- Vous devez être très désorientés tous les deux... Je suis désolée, mais votre dresseur est mort. Mais il a obtenu ce qu'il voulait, il a eu sa victoire. Et... Je ne sais même pas si c'est important pour vous ou si vous...

Je m'interrompis, ne sachant que dire.

- Vous pouvez partir si vous voulez, déclarai-je finalement. Si vous voulez votre liberté, vous l'avez.

Le Léviator émit un grondement, puis se détourna et serpenta vers le rivage. Il s'engouffra dans le lac, plongea, et disparut.

- Et toi ? m'enquis-je à l'intention du Smogogo.

Il flottait près du sol, son gaz s'échappant de sa forme à divers endroits, comme du sang jaillissant de blessures.

- Go, répondit-il simplement.

Comme il ne bougeait pas, je supposai que cela voulait dire qu'il restait.

- D'accord, soufflai-je.

Je me massai les tempes en grognant, repoussant la migraine qui était en train d'y naître, parce que je n'avais vraiment pas besoin d'un problème en plus.

- Vésuve, avec moi.

Le Magmar me suivit tandis que je le menais à l'écart. Dans mon dos, j'entendis Zack gémir de douleur. Mon gros mastodonte serait aussi délicat que possible en le bougeant à l'aide ses lianes, mais déplacer quelqu'un avec une blessure pareille, ça ne pouvait que faire mal.

- Mag ? m'interrogea Vésuve.

- J'ai une dernière chose à faire avant de partir.

Je m'arrêtai devant le corps de Vivian. Il était dans un sale état, mais je me forçais à le regarder. Je clignai des yeux pour refouler mes larmes. Je pleurerai plus tard, quand j'en aurais le temps.

- Il me faut un Lance-Flammes suffisamment puissant pour qu'il ne reste plus de que des cendres, déclarai-je d'une seule traite entre deux grandes inspirations.

Vésuve comprit immédiatement mes intentions, qu'il en soit remercié. Avec une douceur surprenante compte tenu de l'action, il émit un jet de flammes en direction de la dépouille de mon frère. Je reculai d'un pas alors que la vague de chaleur m'assaillait. Je ne détournai pas le regard, contemplant la crémation jusqu'à la fin. Ce fut rapide, l'affaire de quelques minutes.

Son office accomplie, Vésuve me laissa seule sans que j'ai à le lui demander. Face à ses cendres, je songeais ce qui restait de mon frère. Bien peu de choses, désormais. La victoire pour laquelle il avait donné sa vie ne semblait plus valoir grand-chose à l'heure actuelle. Oui, on avait battu Mewtwo, mais le Pokémon psy était en possession d'un psychopathe qui pouvait faire de gros dégâts avec. Et j'étais toujours coincée dans le jeu.

Je levai les yeux vers la voûte de pierre de la grotte. Ou bien est-ce que je pouvais partir ? Partir dès que je le décidais, comme l'avait dit Alec, vu que j'avais battu Mewtwo et techniquement terminé la partie ? Ça importait peu pour le moment... je n'allais pas abandonner Zack comme ça.

Je baissai à nouveau les yeux. Les paroles que Vivian avait prononcées ce matin, il y avait une éternité, lorsque nous nous étions croisés dans le couloir chez Léo me revinrent en mémoire. Il m'avait dit de vivre pour lui, de vivre pour deux.

- C'est ce que je vais faire, lui promis-je une seconde fois.

Puis je me détournai et rejoignis le reste du groupe.

Zack était toujours inconscient, mais il était en sécurité sur Plouf. Je rappelai Salade, Pleind'Soupe Vésuve et le Smogogo dans leurs balls, leur expliquant que c'était temporaire, uniquement le temps de la traversée. Fulgure tournoya au-dessus de nos têtes alors que je montais sur Plouf. Majestée se glissa silencieusement dans l'eau, prenant de l'avance.

- C'est parti, indiquai-je à mon Léviator d'une tape sur la tête.

Mon autre main était posée sur l'épaule de Zack, m'assurant qu'il restait stable. Il y eut une petite secousse lorsque Plouf entra dans l'eau. Nous naviguâmes en silence. Je scrutai les profondeurs de la caverne tandis que nous approchions de la rive d'où nous étions partis il y avait... je ne savais combien de temps, en fait. Mais nous n'allions pas pouvoir revenir sur nos pas pour trouver la sortie. Le chemin que nous avions pris était désormais bloqué par un éboulement à cause de la Destruction de l'Electrode sauvage, lorsque nous l'avions emprunté en premier lieu pour arriver jusque-là.

- Majestée ?

L'Akwawak m'a gratifiée d'un regard interrogateur, sa gemme rouge luisant dans la pénombre.

- Est-ce que tu connaîtrais un chemin jusqu'à la surface ?

- Kwak, akwa, émit-elle, et si je ne saisis pas la signification exacte de ses mots, son ton suffit à m'apporter une réponse : elle était aussi perdue que moi.

- Bon, on trouvera bien un autre tunnel, murmurai-je.

À mes côtés, Zack s'agita, son corps se crispant alors qu'il marmonnait des paroles indistinctes. Je posai une main sur son front brûlant, lui caressai les cheveux. Il se calma, retombant dans une inconscience plus profonde.

- On trouvera bien... répétai-je.

Je relâchai les Pokémon en état de se battre lorsque nous accostâmes sur la rive, après quoi je leur résumai brièvement la situation. Fulgure me fit comprendre qu'il avait vu plusieurs débuts de tunnels depuis les hauteurs. J'appréciais que ce problème soit résolu aussi facilement. Il ne me restait plus qu'à choisir. Le plus proche étant trop petit pour que Plouf l'emprunte, je choisis le suivant, et nous nous y engouffrâmes.

Il y avait suffisamment de place pour marcher à deux de front. Majestée tint à se trouver à l'avant, et je l'accompagnai sur Salade, avec Zack que nous avions transféré sur le dos du Florizarre. En cas de combat, Salade pourrait ainsi faire écran de ses lianes et mieux le protéger. Derrière nous venaient Fulgure et Vésuve, lequel projetait sa lumière aussi loin que possible, puis Plouf et le Smogogo de Vivian en arrière-garde. Pleind'Soupe se trouvait dans sa Pokéball, ce qui était plus simple pour lui que de se dandiner dans le tunnel.

Nous avançâmes en silence. Au bout d'un moment, le tunnel se mit à descendre. J'hésitai, songeant à faire demi-tour, avant de décider de persévérer dans cette direction. Je croisai les doigts pour que la pente devienne ascendante bientôt.

Salade progressait pas à pas dans la semi obscurité du tunnel, et j'étais bercée par sa démarche. Zack demeurait inconscient, semblant s'enfoncer dans une immobilité qui me faisait peur. Sa respiration était plus faible qu'avant, et parfois, je ne parvenais plus à sentir son pouls. Je finissais toujours par la retrouver, cette pulsation tremblante sous mes doigts, mais à chaque absence, mon cœur se serrait davantage.

À un moment, je me rendis compte que Salade avait entouré l'une de ses lianes autour de mes épaules. Je lui caressai le haut de la tête en retour. Il émit un grondement grave.

- Akwawak ? demanda Majestée en tournant la tête vers lui.

Le Florizarre répondit d'une longue phrase qui devait être pleine de subordonnées. Son ton était toujours cassant, mais je compris qu'il expliquait quelque chose à la Pokémon aquatique. Cette dernière ne parut pas vraiment convaincue. Elle répliqua de plusieurs "Kwa" qui sonnaient perplexes. Salade reprit son explication patiemment.

Je fermai les yeux un instant. Il ne fallait pas que je laisse l'épuisement me gagner. Non... Il fallait que je tienne... La liane de Salade me retint alors que je commençais à pencher en avant sans le vouloir. Je rouvris les yeux. Heureusement que mon mastodonte vert veillait sur moi...

La discussion entre lui et Majestée était toujours en cours. L'Akwawak venait juste de poser une nouvelle question ("Kwak-kwak ?") quand Salade émit un "Zarre !" qui me fit immédiatement redresser la tête. Ça, ça n'était pas une réponse, c'était quelque chose signifiant qu'il y avait un problème.

- Merde, constatai-je en découvrant le problème en question.

Je répétai le mot, plus fort, puis encore, chargé de rage et de toute ma frustration. D'accord, le tunnel descendait jusqu'à maintenant, et ce n'était probablement pas la bonne direction, mais là, bloqué par cet éboulement, ça voulait dire qu'on avait parcouru tout ce chemin pour que dalle. On allait devoir faire demi-tour.

- Putain de perte de temps de merde !

J'en avais marre. Je voulais revoir la lumière du jour. Je voulais être sortie de ce cauchemar. Je voulais...

- Mag, Magmar !

Salade se retourna tant bien que mal et je pus apercevoir ce qui avait attiré l'attention de Vésuve : un tunnel adjacent, aux dimensions plus réduites, qui continuait vers la droite. Lueur d'espoir. Le plafond avait l'air plus bas, et les parois plus rapprochées, mais à vue d'œil on pouvait l'emprunter, à condition d'avancer à la queue-leu-leu.

Majestée s'engouffra dans cette nouvelle voie sans attendre.

- On tente, indiquai-je à Salade lorsqu'il émit un "Zarre ?" interrogatif.

Le Florizarre avait à peine fait trois pas dans le tunnel qu'un cri féroce retentit depuis l'obscurité devant nous. Le Pokémon responsable n'avait pas prononcé son nom, juste quelque chose qui tenait à la fois du hululement et du grognement, et qui était sans aucun doute possible agressif. Je me crispai.

- Salade, recu...

Mon ordre fut coupé par un énorme projectile qui fonçait sur nous. Salade l'intercepta d'une liane, et à la lueur des flammes de Vésuve, je vis qu'il s'agissait de Majestée. L'Akwakwak pendait dans l'étreinte du Florizarre, semblant à peine consciente.

Au même instant, une silhouette entra dans le cercle de lumière, nous jetant un regard furieux.

- Machopeur ! gronda le Pokémon bodybuilder, frappant ses deux poings l'un contre l'autre.

Derrière lui, d'autres silhouettes du même acabit se profilèrent. Oh, non...

- Salade, pose Majestée avec nous. Fulgure, Plouf, protégez notre retraite. Marche arrière toute !

- Léviator ! me contredit aussitôt Plouf.

- Comment ça, pas possible ?

Je me retournai, et découvris que l'univers en avait vraiment après nous, car l'entrée du tunnel était bloquée par une rangée de Machopeur à l'air tout aussi peu commode que celui qui nous faisait face. Je ravalai un juron. D'où est-ce qu'ils sortaient, ceux-là ? Est-ce qu'il y avait d'autres tunnels adjacents au gros que nous avions empruntés ? Je balayai ces questions de mon esprit : je ne disposai que de très peu de temps pour prendre une décision, et d'encore moins pour donner mes ordres.

On ne pouvait pas gagner. La seule solution...

- Courez, tous !

Salade mugit et se retourna vers ce qui était désormais la sortie si brusquement que je faillis glisser de son dos. Je me raccrochai à sa liane, maintenant Zack de l'autre main. Une autre liane vint déposer Majestée près de nous, et je posai une jambe par-dessus l'Akwakwak pour être sûre qu'elle ne glisse pas. Elle émit un "Kwak" mécontent, mais paraissait à peine capable de rester éveillée.

Une secousse nous projeta les uns contre les autres, et seules les lianes qui nous enserraient nous empêchèrent de tomber. Salade était passé au galop. Nous nous rapprochions à grande vitesse du barrage de Machopeur. Je vis une gerbe de feu partir, et quelque chose qui ressemblait à une lame d'air qui devait venir de Fulgure. Pas de Plouf dans mon champ de vision, mais c'était le chaos...

Je me recroquevillai, protégeant Zack. Des lianes formèrent comme une bulle autour de nous.

Je fermai les yeux.

Le choc fut rude. Je partis en avant, décollant de Salade, et je ne fus pas la seule. Heureusement, les lianes du Florizarre nous plaquèrent de nouveau contre son dos. Il y eut un impact, puis de nouvelles secousses. Des cris retentirent, mélange de trop de syllabes indistinctes pour que je puisse les déchiffrer. Tout proche, quelque chose frappa Salade, j'en sentis l'impact, la vibration.

Nouvel à-coup. Une liane claqua juste au-dessus de nous. Quelque chose me frôla le bras.

J'ouvris les yeux, et fus surprise lorsque cela ne fit aucune différence. Où était Vésuve ? Trop loin derrière nous pour que sa lumière nous atteigne, ou... ?

Le reste de ma pensée se perdit, oblitérée par le souffle d'une explosion qui illumina le tunnel d'une brillance impossible durant une seconde. L'onde de choc nous frappa par derrière. Je percutai une masse de lianes tandis que d'autres me retenaient, me coupant la respiration. Le bas devint le haut, et inversement. Nous roulâmes plusieurs fois, mais je ne lâchai jamais la main de Zack.

Lorsque le calme revint, j'étais sur le dos, une masse énorme m'écrasant. Dans le noir complet, je tâtai la chose.

- Kwak ! protesta-t-elle.

Elle dut rouler sur le côté, car soudain je pus à nouveau respirer, libérée de son poids. J'entrepris de me redresser, et me rapprochai de Zack, m'orientant à tâtons. Sa poitrine se souleva sous mes doigts tremblants. Je relâchai l'inspiration que j'avais prise.

- Salade ?

Un doux grondement me répondit, suivi d'un bruit de frottement contre la pierre. Une liane me toucha le pied.

- On est là, lui indiquai-je en bougeant la jambe.

Nouveau raclement, et puis je me retrouvai avec un mur vivant en guise d'appuie-dos. Je me laissai aller contre le Florizarre. Mon côté droit était meurtri, et j'avais l'impression que des milliers de petites aiguilles me picotaient la peau depuis l'intérieur. Le bout de mes doigts toucha quelque chose d'humide et de poisseux alors que je calais Zack contre moi. Sa blessure s'était rouverte... Il fallait...

Qu'est-ce qu'il fallait déjà ?

- Maag !

Je sursautai, rouvrant les yeux. Quand est-ce que je les avais fermés ?

- Vésuve ? T'es vivant !

C'était bien mon Magmar qui se tenait devant moi, sa flamme caudale vacillante mais présente. Il avait l'air inquiet.

- Ça va, tout va bien... tentai-je de le rassurer.

Avant de me souvenir :

- La blessure de Zack s'est rouverte, il faut... il faut que tu la cautérises à nouveau...

- Magmar, m'opposa-t-il.

- Mais si ! insistai-je.

Il fit un pas en avant, pivotant à moitié pour rapprocher sa flamme de nous. Je clignai des yeux, réalisant mon erreur. C'était mes mains qui saignaient... pas Zack ? Oh, bien... Alors ce n'était pas un problème... Tout allait bien finalement.

Mais où étaient les autres ? Je me retournai, et découvris que Salade avait disparu : j'étais désormais appuyée contre un simple rocher. Je plissai les yeux, cherchant à me souvenir quand il était parti. Un mouvement au-delà du cercle de lumière de Vésuve attira mon attention. Là-bas, au loin, des formes se mouvaient, indistinctement. J'entendis un grondement rauque, le sifflement d'une liane, un cri de douleur, suivi d'un "Machopeur !" furieux.

C'était là-bas qu'ils étaient...

Je voulus me lever, mais mes muscles ne répondaient plus à mes ordres, et je n'obtins qu'un tremblement inefficace de mes jambes. Une seconde plus tard, je me rendis compte de la stupidité de ma réaction : je ne pouvais pas abandonner Zack. Je resserrai mes bras autour de lui. La tête me tournait.

- Va les aider, Vésuve.

Il ne bougea pas.

- C'est un ordre, rajoutai-je.

Il sembla hésiter quelques instants, jeta un coup d'œil en arrière, vers les combats qui faisaient rage, puis émit un "Mag" affirmatif à contre-coeur. La luminosité faiblit tandis qu'il s'éloignait, jusqu'à ce que nous nous trouvions dans la pénombre, tandis que la scène qui se jouait au loin devenait plus distincte.

Mes Pokémon se battaient, faisant rempart contre une horde de Machopeurs. Je vis Fulgure empaler un assaillant de part en part. Je vis Plouf projeter un Machopeur dans les airs d'un coup de queue et le réceptionner en plein vol directement dans sa gueule. Je vis Vésuve déchaîner un torrent de flammes qui brûla deux attaquants et en fit reculer trois autres. Je vis Salade faire claquer ses lianes dans tous les sens en une tornade vivante, maintenant encore d'autres ombres à distance. Ils jetaient toutes les forces qu'ils leur restaient dans cette bataille.

Mais ça ne suffirait pas, je pouvais le voir. Les Machopeurs étaient trop nombreux, et mes Pokémon trop fatigués, lessivés de cette journée, du combat contre Mewtwo, et de tout le reste. Tôt ou tard, ils seraient submergés par la horde.

Nous avions déjà perdu, nous étions juste en sursis.

Un soupir sifflant quitta mes poumons.

On était arrivés à la fin, donc... Ce n'était pas ce à quoi je m'attendais, mais au moins, j'étais avec mes Pokémon... et avec Zack.

- T'aurais sûrement un truc stupide à dire si t'étais réveillé, hein, lui murmurai-je.

Il ne répondit pas, non pas que je m'attendais à une quelconque réaction de sa part. Je décidai de fermer les yeux. Oui, ça me paraissait une bonne idée.

- Au final, on aura quand même été assez loin, hein... On a battu Mewtwo... et le jeu... On a gagné...

Je souris dans les ténèbres, armertume et désespoir.

- On avait juste pas vu le dernier obstacle...

Je me laissai aller, lâchai prise.

- Dommage...

Il y eut un intervalle indéterminé de silence et de vide. De rien. Je n'étais pas vraiment inconsciente, juste à la frontière, ni éveillée, ni endormie.

Simplement là.

Et puis, soudain, un miracle. Une lumière vive derrière mes paupières, des éclats de voix humaines, et des doigts contre ma joue. Je rouvris les yeux, désorientée, incrédule. Le visage angélique de Claire m'apparut, reconnaissable en dépit de ma vision trouble.

- J'hallucine ? soufflai-je.

- Léa... ça va ?

Puis, plus fort :

- Ils sont là !

D'autres silhouettes accoururent, leur contour se précisant sous mes yeux ébahis. Un Alakazam, brandissant son duo de cuillères, et derrière lui, Léo. Je le vis grimacer lorsqu'il nous découvris, Zack et moi.

- Aidez-le, soufflai-je. Il a... il a pris une balle.

- Il respire, constata Claire. Mais il y a du sang partout...

Une lueur dorée entoura soudain Zack. Je le sentis prendre une respiration plus profonde.

Ce n'est que temporaire, émit mentalement l'Alakazam. Je ne peux pas le soigner complètement, ses blessures sont trop graves.

Je serrai plus fort Zack dans mes bras. Je ne l'abandonnerai pas.

- Transporte-nous, dit Léo, et aussitôt, le monde disparut, pour revenir suite à un bref instant de ténèbres.

Je clignai des yeux, aveuglée par la soudaine lumière crue. Je ne voyais plus rien... Il y eut des clameurs de voix, des exclamations indistinctes que je ne compris pas. J'étais toujours assise par terre, mais le support dans mon dos avait disparu. Je resserrai ma prise sur Zack.

Mon unique point d'ancrage.

Quelqu'un donna un ordre quelque part au-dessus de moi. Tout à coup, on essaya de m'arracher Zack. Je m'agrippai à lui avec toute l'énergie qu'il me restait.

- Non ! m'entendis-je hurler, confusément.

Une main se posa sur mon bras d'un geste doux.

- Léa, fit la voix de Claire, tout va bien, tu peux lâcher Zack. Il a besoin d'être soigné, les médecins vont s'occuper de lui.

- Il reste avec moi, gémis-je, je ne peux pas le perdre, il reste avec moi...

- Léa...

- Non ! répliquai-je.

Une autre voix intervint, suivie d'autres remarques, plus pressantes. Je ne les écoutais pas. Seul Zack comptait. Je sentais son cœur battre contre ma peau, je sentais son souffle près de mon oreille, et il irait bien, il irait bien...

La voix autoritaire aboya un ordre.

- Papilusion, Poudre Dodo !

Une bouffée d'air me frappa le visage. Je me recroquevillai autour de Zack, le protégeant. Et puis les ténèbres me prirent.

***

Je me réveillai en sursaut, émergeant d'un cauchemar où Zack disparaissait dans le noir sans m'attendre.

- Zack ? Zack ?!

Une voix me répondit juste à ma droite.

- Léa, calme-toi, Zack est tiré d'affaire, tout va bien.

J'identifiai Claire, assise à mon chevet. La blonde avait les cheveux en bataille et les traits tirés, mais une expression soulagée se lisait sur son visage. Je clignai lentement des yeux. Je me trouvai dans un lit inconnu, dans une chambre toute aussi inconnue. Je n'avais mal nulle part, mais ce n'était pas important.

- Où il est ?

Claire m'incita à regarder vers la gauche avec un sourire. Je tournai la tête, et vis Zack qui reposait dans un autre lit. Son visage était pâle, ses yeux fermés, mais sa poitrine se soulevait régulièrement.

Vivant.

Je me laissai retomber sur l'oreiller, soulagée.

- Les docteurs l'ont pris en charge dès que Léo nous a téléportés à l'hôpital de Safrania, m'expliqua Claire. Ce sont les meilleurs de la région. Ils ont extrait la balle et leurs Alakazam ont accéléré la guérison. D'ailleurs, ils t'ont aidée aussi.

- Moi ? m'étonnai-je.

- Tu avais une blessure à la tête. Une commotion. T'avais pas les idées très claires, Léa. Tu te rappelles de ce qui s'est passé ?

Je fermai les yeux. Que s'était-il passé ?

- Zack a été blessé, commençai-je en m'efforçant de remonter le fil de mes souvenirs. Il y a eu une explosion... on a été piégés dans les tunnels par des Machopeurs. On cherchait la sortie... Mes Pokémon ! m'exclamai-je soudain en me redressant. Est-ce que...

- Ils vont tous bien, s'empressa de m'informer Claire.

Elle me montra la ceinture de mes Pokéballs qui se trouvait sur une table à ma portée. Toutes rouges. Dieu merci.

- Mais... ajouta-t-elle en baissant les yeux, le Dracaufeu de Zack...

- Je sais. C'était Mewtwo... On l'a battu, mais ça nous a coûté. Et puis alors qu'on croyait avoir gagné, Alec s'est pointé. Il a menacé Zack, et il s'est emparé de la Master Ball, avec Mewtwo à l'intérieur. C'est lui qui a tiré sur Zack...

- Vous avez vraiment eu Mewtwo alors... Waouh. Mais Alec... je savais que ce type était ultra-louche... souffla la blonde. Et maintenant il a le Pokémon le plus puissant du monde ? Qu'est-ce qu'il va en faire ?

- Je ne sais pas...

Il y eut un instant de silence. Je jetai un regard vers Zack. Oui, il était toujours là.

- Et Vivian ?

La question avait été posée très doucement.

- Il s'est sacrifié pour qu'on puisse vaincre Mewtwo, répondis-je tout aussi doucement.

- Je suis désolée, Léa...

- Ne le sois pas. C'était ce qu'il voulait. Aller jusqu'au bout.

Je n'en dis pas plus. Claire hocha la tête. J'enchaînai, désireuse de changer de sujet :

- Comment tu nous a trouvés ?

- Quand je n'ai pas vu Zack revenir, je me suis dit que quelque chose avait dû mal tourner. Il avait dit qu'il serait de retour d'ici le soir, et si Môssieur Zack ne tient plus ses promesses, où va le monde ? Alors j'ai couru chez Léo, et je lui ai expliqué vite fait la situation... sans lui parler de cette histoire de monde au-delà du nôtre avec une cartouche qui aspire les gens, là je crois que ça aurait été trop, s'empressa-t-elle d'ajouter. Je lui ai juste dit que vous étiez partis affronter Mewtwo. Il m'a pas posé trop de questions, je crois qu'il était déjà au courant de son existence...

- C'est Léo, ça m'étonnerait pas.

- Il a pris Présage, ainsi que d'autres de ses Pokémon, et on est partis à votre recherche dans la grotte. On est descendus vraiment profond. Je commençais à me dire qu'on n'allait pas vous retrouver... ou même que Zack était déjà ressorti pendant que nous on était en bas, et que l'on s'était trompés et que tout s'était bien passé. Présage n'arrivait pas à vous localiser à cause d'interférences apparemment, alors on avançait complètement à l'aveugle. Et puis il vous a trouvés, grâce au fantôme d'un Smogogo apparemment ? Je suis pas sûr d'avoir bien compris cette partie. Tes Pokémon se battaient contre une bande de Machopeurs, Léo a lâché les siens pour les aider... et puis tu connais la suite.

- Un Smogogo ?

Pendant un instant, ça n'a pas eu de sens. Et puis ça m'est revenu.

- Le dernier Pokémon de Vivian qu'il restait... c'était un Smogogo. Il était avec nous dans les tunnels...

- Les Machopeur ont dû le tuer... supposa Claire.

Je secouai la tête.

- Il y eu une explosion à un moment. Je crois... je crois que c'était lui. Il s'est sacrifié pour nous permettre de nous enfuir.

- On vous aurait pas trouvés sans lui.

- Il nous a sauvés la vie. Et toi aussi, Claire. Merci. Tellement.

- Y a pas de quoi, répondit-elle avec un sourire.

Elle laissa passer un moment, puis deux. Je savourai le silence, le calme. Je savais bien que ça ne durerait pas, mais pour l'instant, on n'était pas en train de devoir se battre pour nos vies, on ne perdait pas notre sang, on ne s'inquiétait pas pour la survie de nos Pokémon, on ne se torturait pas l'esprit face à des décisions impossibles à prendre.

Pas encore.

On était tranquille, et c'était quelque chose qui était vraiment devenu trop rare ces derniers temps.

- C'est cool ce calme, fis-je remarquer.

- Oui, acquiesça la blonde.

- Ce serait bien que ça dure.

- Y a pas de raison que ça dure pas.

Je lui coulai un regard en coin. Oh. Elle le pensait vraiment.

- Je ne pense pas qu'Alec décide de prendre sa retraite pour couler le restant de ses jours au soleil des tropiques, fis-je remarquer.

- Léa, t'as été blessée, Zack a failli mourir. Alec n'est plus ton problème. Laisse-faire le Conseil des Quatre, ils l'arrêteront.

- Alors qu'il a Mewtwo ? objectai-je. On a eu toutes les peines du monde à le mettre à terre, et même là il s'est relevé et il nous aurait de nouveau flanqué une raclée si je ne m'étais pas servie de la Master Ball. Et puis, c'est de ma faute si Alec est entré en possession de Mewtwo.

Je marquai une pause, avant de suivre le cheminement de mes pensées jusqu'à leur conclusion naturelle :

- Quels que soient ses plans, c'est ma responsabilité de l'arrêter maintenant.

- Léa, répéta Claire d'un ton plus ferme. Tu restes là. Tu profites du calme, et tu te reposes. Et si nécessaire, je demande à Crabouille et à Néréa de te maintenir au lit.

Sa dernière phrase me fit rire. J'imaginais un instant la scène, avec la Colossinge étalé sur mon ventre, tandis que le Férosinge me fixerait l'air de dire "toi, tu bouges pas". Je tournai la tête pour regarder à nouveau Zack quelques instants, puis répondit :

- Le repos, c'est pas pour moi. J'ai toujours des ennuis, c'est comme ça, et quand je fonce pas dedans, c'est eux qui me trouvent.

- Mais non ! Tu vas voir que tout va bien se passer. Aucun ennui à l'horizon !

Pile à cet instant, la porte de la chambre explosa. Je n'en fus même pas surprise. C'était tellement typique de mon aventure dans le monde des Pokémon. Bien sûr que la porte allait exploser ! Ce qui aurait été bizarre, c'est qu'elle n'explose pas.

Une grande silhouette s'avança à travers les débris. Une Akwakwak, et derrière elle, un Colossinge et un Férosinge accrochés à ses chevilles, tels deux boulets qui s'efforçaient de ralentir leur proie, sans grand succès.

- Néréa, Crabouille ! s'exclama Claire en se levant d'un bond. Vous étiez censés la surveiller !

- Kwaaak ! émit ce qui devait être Majestée, braquant un regard énervé sur ma personne.

Je levai une main pour l'apaiser.

- Oui, oui, soufflai-je. Je vais tenir ma part du marché, ne t'inquiète pas. Tu peux dire à tes Pokémon de la lâcher, rajoutai-je à l'intention de Claire. J'ai promis de la mener à Alec, et c'est ce que je vais faire.

- Tu lui fais confiance ? s'étonna la blonde.

- Non. Enfin, je lui fais confiance dans le sens où je sais qu'elle est honnête au niveau de son but. Elle veut retrouver son dresseur. Il l'a... il l'a laissée dans la grotte avec nous. Mais Claire, elle nous a sauvés... Elle a plongé pour récupérer mes Pokémon et ceux de Zack. Sans elle, on serait morts.

Le regard dubitatif de la blonde s'adoucit.

- OK... Crabouille, Néréa, lâchez-la.

Les deux Pokémon obtempèrent, bien qu'à regret. Néréa en particulier avait l'air de vouloir utiliser ses poings sur l'Akwawak. Cette dernière s'avança jusqu'au pied de mon lit, se planta là, et réitéra :

- Kwaaak !

- Pour l'instant on ignore où est Alec, lui répondis-je d'une voix calme. On ne peut qu'attendre et voir ce qu'il va faire, d'accord ? Ensuite, dès qu'il se sera révélé, je t'amènerai à lui. Promis.

Elle grogna ce qui me sembla être un acquiescement, puis se dirigea vers un des coins de la chambre et s'assit. Je remarquai qu'elle respirait rapidement. Il lui restait des traces de sang et de poussière à divers endroits.

- Vous ne l'avez pas soignée ? demandai-je à Claire.

- Uniquement avec des potions, mais son état était assez grave, et il lui aurait fallu la machine. Sauf qu'on n'a pas pu la faire rentrer dans une Pokéball, et maintenant on sait pourquoi : elle appartient déjà à un dresseur... Mais elle devrait aller mieux avec une nuit de sommeil. Et ça vaut pour toi aussi !

- Moi ? Je suis déjà rétablie ! rétorquai-je.

Je tentai de m'asseoir, et la tête me tourna aussitôt.

- Bon, presque, corrigeai-je.

- Ouais. Bon, tu promets de pas t'enfuir de ton lit si je vais nous chercher à manger ?

- Je peux pas m'enfuir, y a Zack.

- Bien ! conclut Claire. Je reviens vite. Crabouille, Néréa, vous pouvez rester là.

Elle se dirigea vers ce qu'il restait de la porte en enjambant les morceaux au sol.

- Attends, il est quelle heure ? l'interpellai-je.

- 21h30.

Je plissai les yeux.

- Les heures de visites sont pas terminées normalement ?

- Si, me confirma la blonde, mais pour les tourtereaux champions, ils font une exception. En plus, le prof Chen aurait fait une syncope si on ne l'avait pas laissé voir son petit-fils.

Je balayai la pièce du regard. Pas de trace du professeur.

- Il est sorti pour parler aux médecins, m'expliqua Claire en apercevant ma réaction. Il reviendra sûrement bientôt.

Sur ce, elle partit en quête de nourriture. Je me tournai pour pouvoir avoir la tête posée sur l'oreiller tout en surveillant Zack. Il dormait... ou il était inconscient. Quoi qu'il en fût, il allait bien - enfin, mieux. Je sentis un petit sourire étirer mes lèvres.

Une poignée de minutes s'écoulèrent. J'avais du mal à garder les yeux ouverts. Techniquement, je venais de me réveiller, mais niveau fatigue, mon corps réagissait comme si je venais de courir un marathon.

Une voix retentit depuis le couloir.

- Qu'est-il arrivé à la porte ?

- Kwaak, fut la réponse.

- Ah, je vois.

- Professeur, excusez-moi, les plats sont assez chauds...

- Bien sûr. Passe, je t'en prie.

Je quittai Zack des yeux pour constater que le prof Chen et Claire nous avait rejoints dans la chambre. Le vieil homme avait l'air fatigué, et les rides de son visage paraissaient s'être accentuées.

- Léa, content de te voir réveillée, me dit-il.

Il alla s'asseoir au chevet de Zack, se laissant plus ou moins tomber dans le fauteuil.

- Professeur, je suis déso...

Il m'arrêta d'un geste net de la main.

- Tu n'as pas à t'excuser, Léa. Claire m'a déjà tout expliqué. Zack a choisi de te suivre dans cette grotte de son plein gré, et je crois que même s'il ne t'aimait pas, la tentation de s'attaquer au Pokémon le plus puissant du monde aurait de toute façon vaincu ses craintes. Il a toujours vu les choses en grand.

Je secouai la tête.

- Peut-être, mais... j'aurais quand même dû voir qu'Alec n'était pas net, murmurai-je. J'ai eu plein d'indices, mais je n'ai pas su reconstituer l'ensemble du puzzle à temps. Si ça avait été le cas, on aurait pu être préparés, et il aurait pas tiré sur Zack...

- Mon petit-fils va bien et c'est le plus important, répondit le prof.

Le silence s'installa. Claire me passa un plateau rempli de mets qui paraissaient délicieux et ne ressemblait pas du tout à de la bouffe d'hôpital. Il y avait des mini-saucisses grillées, des petits toasts beurrés et d'autres tartinés de fromage, du saucisson, des morceaux de légumes frits qui trempaient dans une sauce qui sentait diablement bon, des feuilletés qui devaient être fourrés, et des tranches de cake aux lardons.

- T'as dévalisé un traiteur ?

- Haha, non. J'ai fait un saut chez Léo. Il est reparti dans son labo à bosser sur je ne sais quel projet, mais il nous a laissé Présage au cas où on aurait besoin d'une téléportation.

- Je comprends mieux pourquoi tout ça a l'air si bon...

J'entamai mon repas en songeant qu'il faudrait que je remercie Léo, pour la bouffe, et surtout pour nous avoir sauvés. C'était aussi bon que ça en avait l'air, et j'engloutis tout telle une Ronflex.

La nuit était tombée, et Claire m'expliqua qu'elle allait dormir dans une chambre à côté. Le prof Chen refusa de quitter le chevet de Zack, préférant passer la nuit dans le fauteuil à côté du lit, même s'il se plaignit que ça n'allait pas être bon pour son dos, et que d'après les médecins Zack ne se réveillerait pas avant demain matin. Un employé de l'hôpital passa constater les dégâts sur la porte, et remit en place ce qu'il put en indiquant que quelqu'un viendrait la réparer dès demain.

Je m'endormis le visage tourné vers Zack, ma ceinture de Pokéballs sur mon ventre.

***

Réveille-toi, jeune Léa.

Une voix claire, familière, retentissant dans ma tête.

Ton destin t'appelle.


Le sommeil me quitta, refluant lentement. J'ouvris les yeux pour croiser les prunelles d'or de Présage. Il lévitait au pied de mon lit, l'air tranquille, comme si c'était quelque chose de coutumier.

- Ce genre de phrase, c'est méga-cliché, vous êtes au courant ? répondis-je.

Ça n'en est pas moins vrai.


Je jetai un coup d'œil à la ronde. Zack dormait toujours, et son grand-père l'avait apparemment rejoint au pays des sommes. Majestée aussi paraissait assoupie, affalée dans son coin. Je tendis l'oreille, mais n'entendis rien de spécial. Tout était calme.

Il est 2h25 du matin, m'indiqua Présage, qui devait sûrement lire dans mes pensées car c'était exactement la question que je me posais. Et je t'ai réveillée à cause de ça.

La télé qui se trouvait dans la chambre s'alluma soudainement. À l'écran, une image du ciel nocturne. Les étoiles scintillaient dans le lointain, et un nuage masquait la lune.

- Vous voulez qu'on regarde les étoiles ?

J'avais à peine terminé ma phrase que la caméra qui filmait la scène fit un zoom sur le nuage, qui, en fait, n'avait rien d'un nuage. C'était une silhouette. Une silhouette vaguement féline, au pelage blanc et sombre, que je ne reconnaissais que trop bien.

Mon cœur s'emballa dans ma poitrine, les brumes du sommeil me quittant instantanément. Dans le même temps, j'eus envie de rager contre l'univers. Vraiment ? Je n'avais même pas droit à une nuit de sommeil ?

La voix du présentateur se fit entendre.

- Si vous nous rejoignez à l'instant, vous découvrez ses images en même temps que nous. Nous sommes en direct du siège de la Ligue, où un Pokémon inconnu est apparu il y a quelques minutes. Pour l'instant, il reste en vol stationnaire, semble-t-il à observer les lieux. Nous ignorons la raison de sa présence, ni s'il s'agit d'un Pokémon sauvage ou s'il a un dresseur. Nous vous tiendrons informés dès que nous en saurons plus, ou si la situation évolue...

- Bon, bah ça répond à la question de savoir ce que compte faire Alec... déclarai-je pour moi-même.

J'aurais voulu pouvoir prétendre que tout ça n'avait pas d'importance, et me recoucher pour terminer ma nuit, mais ce n'était pas une option.

Je me levai, et grimaçai en sentant mes muscles douloureux.

- Combien de temps j'ai ? demandai-je à Présage.

Cinq minutes et trente-quatre secondes.


Je passai la première minute à chercher mes habits, avant de raisonner qu'ils avaient dû les jeter ou les prendre pour les laver vu tout le sang qu'il devait y avoir dessus. Je décidai finalement d'y aller comme j'étais. Je portais une sorte de pyjama couleur lavande, plutôt doux, qui n'avait rien à avoir avec les blouses des hôpitaux de notre bonne vieille Terre, ce qui m'arrangeait. Et puis on était fin Août, il faisait encore chaud, même la nuit. Un pyjama suffirait.

Je ceignis ma ceinture de Pokéballs à ma taille, et allai réveiller Majestée.

- Je sais où est ton dresseur, suis-moi, lui chuchotai-je dès qu'elle ouvrit les yeux.

- Kwaak ! émit-elle d'un ton excité, se levant presque d'un bond.

Son espoir me fit peine à voir. J'aurais voulu pour elle qu'Alec lui porte vraiment de l'affection, qu'il reconnaisse sa valeur, mais compte tenu de la manière dont il l'avait abandonnée, il y avait autant de chances que ça arrive que de voir un Ronflex gagner un 100 mètres. Je ne pouvais qu'espérer qu'elle ne le prendrait pas trop mal quand elle se rendrait compte qu'il l'avait remplacée par Mewtwo.

- Présage, Majestée, vous pouvez m'attendre dans le couloir ?

- Akwakwak ! protesta la Pokémon aquatique.

Mais l'Alakazam dut lui faire une remarque, car elle hocha ensuite la tête et suivit le psy hors de la chambre. Sur la pointe des pieds, je m'approchai de Zack. Il paraissait tellement calme ainsi, tellement paisible. Je repoussai l'une de ses mèches de cheveux qui s'était égarée sur son visage, et et me penchai pour l'embrasser sur le front. J'aurais aimé qu'il soit à mes côtés pour cet ultime combat, mais sa santé passait avant tout. Ça valait aussi pour Claire. Je décidai de ne pas la réveiller non plus, même si de toute façon j'ignorais exactement où se trouvait sa chambre.

Ça aurait été trop dangereux que quiconque m'accompagne, et je devais minimiser les dégâts. J'avais déjà perdu trop de monde. Et puis, face à Alec, tout pouvait arriver. Nous étions au-delà du scénario de la cartouche, complètement hors des rails. Je ne pouvais plus me reposer sur mon statut de joueuse. Mon seul atout était qu'Alec hésite à me tuer car je venais du monde "réel". Un début de plan se formait dans ma tête, un plan qui ne valait vraiment pas grand-chose. Mais c'était quand même un plan.

Je me dirigeai vers la porte (enfin, ce qu'il restait de la porte). Au moment où j'allais poser le pied dans le couloir, une voix retentit.

- Léa ?

Mon cœur s'arrêta, fit un salto arrière, et repartit à trois cents à l'heure. Oh non. Non. J'avais pris ma décision, je n'avais pas besoin de ça. En une fraction de seconde, je songeais que je pouvais faire semblant de n'avoir rien entendu, continuer mon chemin, et peut-être qu'il croirait être en train de rêver et que...

Je n'avais pas eu le temps de finir ma pensée que je m'étais déjà retournée vers Zack, automatiquement, instinctivement. Comme s'il était le nord et moi l'aiguille de la boussole.

Il s'était redressé sur sa couche, et braquait sur moi des yeux encore voilés par le sommeil, mais bien ouverts.

- Zack... soufflai-je, priant pour qu'il ne détecte pas le conflit en moi, pour qu'il ne voit pas l'urgence du moment.

- Où tu vas ?

- Je...

Je me raclai la gorge. Ma bouche était trop sèche, ma langue me semblait peser trois tonnes.

- Je dois juste passer aux toilettes, répondis-je, me forçant à afficher un sourire. Je reviens tout de suite.

Il eut un faible sourire en écho au mien.

- OK, à tout de suite alors.

Je hochai la tête en essayant de donner l'impression d'avoir tout mon temps, puis je sortis dans le couloir. Je m'éloignai de quelques mètres afin de ne pas être tentée de revenir dans la chambre en courant, et également pour éviter que Zack entende la suite.

- Présage, est-ce que tu peux localiser précisément Alec ? demandai-je en chuchotant à l'Alakazam.

Non. Il semble avoir pris les dispositions nécessaires pour bloquer ce genre de tentatives.


- Tant pis. On va directement à Mewtwo alors, il doit pas être bien loin.

- Kwak, akwa ! intervint Majestée.

Aucune idée de la teneur de son commentaire, et je n'avais pas le temps de m'attarder dessus. Présage m'avait dit que je disposais de cinq minutes : je comptais bien utiliser la poignée qu'il me restait pour expliquer la situation à mes Pokémon. Et aussi pour...

- Il faut que je passe aux toilettes, déclarai-je.

Ça me paraissait ridicule étant donné la situation actuelle - il y avait de fortes chances que Mewtwo soit sur le point de déchaîner le chaos, et la bataille à venir s'annonçait particulièrement rude -, mais je n'avais pas menti à Zack, j'avais vraiment besoin d'aller aux toilettes.

Deux minutes et cinquante-deux secondes
, fut la réponse de Présage.

Ça me suffirait. Je partis en courant vers les toilettes, qui heureusement n'étaient pas loin. Trente secondes plus tard, j'en ressortis, et scannai les environs du regard. Je pris la première porte qui semblait donner sur l'extérieur, me retrouvai dans une sorte de petit jardin entre quatre murs, peut-être un espace de détente pour les patients. Là, je libérai mes Pokémon.

Salade m'attaqua aussitôt avec Méga-Câlin. Il fut rejoint par Plouf, qui se coula autour de moi et plaqua sa grosse tête contre mon dos, ainsi que par Vésuve, qui se colla à mon côté droit. Pleind'Soupe, lui, émit un cri ravi, tandis que Fulgure, fidèle à lui-même, claqua son bec à mon encontre, histoire de dire "ouais, content de te voir, mais les démonstrations d'affection physiques, c'est toujours pas mon truc".

Je les remerciai pour la bravoure dont ils avaient fait preuve au fond du tunnel, pour nous avoir défendus jusqu'au bout, Zack et moi, contre les Machopeur sauvages. Puis, brièvement, je leur expliquai la situation.

- Zarre, Zarre ! émit Salade, ce que je traduisis par "Allons botter les fesses d'Alec !"

- Ronflex, ajouta Pleind'Soupe.

Comprendre : "et ensuite, on ira manger".

- Oui, et oui, dis-je en souriant.

Les autres expriment également leur accord. Je leur fis ensuite réintégrer leurs Pokéballs, et retournai dans le couloir où m'attendaient Majestée et Présage.

Et Zack.

Il était debout, vêtu du même genre de pyjama que moi, occupé à discuter avec l'Alakazam.

Je m'immobilisai, partagée entre l'appréhension et le soulagement. Appréhension parce qu'il allait vouloir venir et qu'il allait encore être en danger, alors qu'il venait tout juste d'échapper à la mort. Soulagement, parce qu'en réalité, je ne m'imaginais pas faire ça sans lui.

Il se tourna vers moi à mon approche, leva un sourcil.

- Tu pensais vraiment y aller sans moi ? me lança-t-il.

Son ton était mi-irrité mi-blagueur, mais il avait prononcé la phrase avec un large sourire, ce qui gâchait l'effet qu'il visait. Avant que je ne me rende compte de ce que je faisais, je m'étais précipitée vers lui pour l'enlacer.

- Jamais, murmurai-je à son oreille.

Il me rendit mon étreinte, me serrant fortement.

- Mais t'es sûr que tu peux tenir debout ? lui demandai-je finalement en reculant d'un pas. T'étais à moitié mort y a quelques heures...

- Pfff, comme si ce genre de choses pouvait m'arrêter, fit-il d'un ton moqueur. Et puis j'ai ma revanche à prendre sur un certain connard qui m'a tiré dessus.

Quarante-cinq secondes
, émit Présage dans nos têtes.

Zack frappa dans ses mains.

- C'est parti alors ! s'exclama-t-il. Hé, j'espère que t'apprécies le sacrifice que je fais pour toi, Léa.

- Hein ?

- Les gens vont me voir en pyjama ! Mon look soigneusement cultivé va prendre un sacré coup.

- Oh non, c'est tellement horrible ! me moquai-je. Comment vas-tu te remettre de cette infamie ?

- Il va falloir que tu m'aides. Ce sera un moment très difficile à surmonter pour moi, répondit-il d'un air ultra-sérieux.

Je l'embrassai.

- Ça t'aide ? vérifiai-je.

- Oui, j'ai l'impression. Mais faudra que tu recommences pour que je sois sûr à 100 %.

- Autant que tu voudras... Dès qu'on aura réglé le léger problème qui nous attends.

Il hocha la tête, souriant d'une manière qui était tellement Zack.

- Ouais. Allons botter les fesses d'Alec d'abord.

Je souris, parce que c'était exactement la formulation que j'avais employée pour traduire la phrase de Salade un peu plus tôt. Tellement appropriée...

Puis la sensation familière de la téléportation me prit à l'estomac, et nous partîmes une fois de plus au-devant des ennuis.