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Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 26/08/2018 à 09:12
» Dernière mise à jour le 08/09/2019 à 19:22

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 39 : Secrets et passé oublié
Mizulia



C’était fascinant, le nombre de couleurs qu’on pouvait tirer d’un corps humain. Il y avait le vermeil du sang bien sûr. C’était toujours la couleur la plus présente. Il y en avait plusieurs contrastes : du sang rouge vif, du sang plus sombre, jusqu’à être carrément noir. Mais le plus étonnant, c’était les tripes. Un véritable arc-en-ciel que c’était, les tripes, quand un homme les perdait. Du vert, du bleu, et même aussi du jaune. Et on avait tout ça dans nos corps ? Tout bonnement fascinant !

Bon, évidement, vu que j’avais passé ma tendre enfance à servir Maître Scalpuraï avec zèle et à redoubler d’imagination pour faire souffrir ses ennemis, j’étais assez expérimentée concernant l’anatomie humaine, et même celle de plusieurs races de Pokemon. Mais je n’avais plus vraiment eu l’occasion de disséquer un corps humain toutes ces années où je me cachais des Nettoyeurs. Maintenant que j’étais de retour, et plus assignée à ces stupides missions d’espionnage, je pouvais revenir à mes vieilles passions : ouvrir le corps de ma victime, lui retirer un à un les boyaux et parier sur le moment de sa mort. Ça m’avait manqué, ces cris, ces pleurs et ces demandes de pitié.

Mon « patient » était un esclave humain, un homme d’une quarantaine d’années, que Six avait attrapé en même temps que Jald Raktalin. Apparement, l’esclave avait aidé le G-Man à se cacher. Il avait plaidé la bonne foi, affirmant que son maître Pokemon le lui avait ordonné. C’était probablement le cas, vu que le Pokemon s’était défendu et avait été tué par les troupes de Maître Scalpuraï. L’esclave avait alors eu le choix : être tué par son maître pour désobéissance, ou être tué par l’Empire pour avoir protégé un de ses ennemis.

Je lui étais très reconnaissante d’avoir choisi la seconde option. Ça m’avait permit de passer un très bon moment en sa compagnie, dans l’une des salles de tortures de Maître Scalpuraï. Mon maître avait fait sa réputation d’Ecorcheur Argenté en arrachant la peau de ses victimes. C’était son truc. Moi, je préférai l’éviscération. C’était plus intense, et plus… coloré. Mais après une heure passée à « opérer » l’humain, voilà que ce dernier avait rendu l’âme. C’était toujours une telle déception quand une victime passait de vie à trépas. Ce serait tellement génial, si un jour on me procurait un gars immortel à torturer…

Je retirai ma « tenue de travail » toute pleine de sang et d’autres fluides, et partit me doucher. Ahhhh, que ça faisait du bien, ces petites séances intimes. Faire souffrir les autres de la plus extrême des façons m’avait toujours procuré un indicible bonheur. C’était dans ces moments que j’avais le plus la sensation d’être vivante. Et dans un registre de bonheur purement physique, il était clair que les tripes et les cris de douleur m’apportaient bien plus d’excitation et de désir que le sexe en lui-même.

J’étais consciente bien sûr de mon problème mental. J’étais une psychopathe, un monstre. Et je ne pouvais pas prétendre que c’était à cause de Maître Scalpuraï ; je me réjouissais déjà de la souffrance des autres avant même de le rencontrer, alors que je n’étais qu’une jeune enfant. Et je n’avais pas eu de traumatisme quelconque dans ma jeunesse qui puisse expliquer ma déviance. J’étais comme ça, c’est tout. J’étais peut-être née comme ça. Je n’y pouvais rien. Je n’avais aucune empathie pour quiconque - à part peut-être Six, et encore - et je me plaisais du malheur des autres.

Mais bon… je m’aimais bien, et j’aimais bien ma vie, alors quelle importance hein ? J’avais galéré et souffert des années en tentant de soustraire Six au regard de mon maître. J’étais passée entre les mains de divers Pokemon, tous plus odieux les uns que les autres. J’avais sacrifié ma vie pépère au Palais Impérial et mes amusements sanguinolents pour sauver une enfant. Alors j’avais le droit désormais de revivre comme avant. Évidement, mon ingrate de fille ne voyait pas les choses comme ça. Elle ne pouvait pas me croiser dans un couloir ou dans la caserne des Nettoyeurs sans que son visage ne reflète tout le dégoût que je lui inspirais.

Comme maintenant, tiens. Après ma douche, je me suis rendue à la caserne avec l’idée de m’entraîner, mais Six était déjà là, assise, en train d’écrire quelque chose. Elle leva à peine la tête en me voyant. Depuis qu’elle était là, la gosse avait pris soin de bien s’entendre avec nos collègues Pokemon, et même, dans une certaine mesure, avec le maître lui-même. Mais avec moi, rien du tout. Même si c’était grâce à mon marché avec Maître Scalpuraï qu’elle était aujourd’hui en vie et qu’elle pouvait essayer de me supplanter auprès des Nettoyeurs, elle s’en fichait royalement. Mais son ingratitude m’amusait plus qu’elle m’ennuyait, en réalité. C’était une adolescente, donc une personne vaine et puérile. Et puis, je me contrefichais d’avoir son amour ou son approbation.

- Etonnant de te voir écrire, commentai-je. Je ne me rappelle pas te l’avoir enseigné.

- Parce que tu savais ?

- Naturellement. Maître Scalpuraï n’accepte pas d’illettrés comme serviteurs.

- Tu as toujours joué les ignorantes pourtant, devant nos maîtres Pokemon.

- Evidement, pauvre sotte. Une esclave en haillon avec un enfant sous les bras qui sait lire et écrire, ça attirerait très vite l’attention, et notre but était de nous cacher.

- Eh bien moi, c’était le contraire, répondit Six. Pour jouer la petite noble G-Man au sein de l’Ordre, il me fallait savoir lire et écrire, donc Diplô… je veux dire, Stuon m’a enseigné.

J’esquissai un sourire, en sachant très bien qu’elle allait prononcer le nom de Diplôtom, ce jeune érudit Pokemon qui avait été son complice. Elle tenait toujours à lui visiblement, vu qu’elle cachait son implication. Mais ça ne changeait rien : son nom était connu et il était recherché, tout comme Immotist.

- Tu écris quoi alors ?

- Le rapport de ma dernière sortie, pour le maître.

- Comment ça c’est passé ?

Six haussa les épaules.

- Normalement.

Mais ma fille semblait hésitante en disant cela. Je laissai couler. De toute façon, elle ne me disait jamais rien. Et ça ne datait pas de maintenant. Le fait que je l’ai abandonnée à Immotist n’avait rien arrangé entre nous, mais Six était déjà en froid avec moi bien avant cela. Elle m’en avait voulu - et m’en voulait sans doute encore - d’avoir abandonné son frère. Car Six n’était pas ma seule enfant. J’avais eu deux garçons après elle. Pas de Bradavan, bien sûr, mais de simples esclaves. Après ma fuite de chez les Nettoyeurs, j’avais enchaîné quatre maîtres Pokemon, plus Immotist. Et comme les femelles humaines étaient rares, leur principale tâche était de se reproduire. Donc j’ai bien évidement était obligée de donner naissance, pour le compte de mes maîtres.

Le premier garçon se nommait Gelron. Il est né quand Six avait quatre ans. Elle s’en souvenait donc très peu, surtout qu’on me l’avait pris dès qu’il a été sevré. Mais le second, Qortis, elle s’en rappelait très bien. Je l’avais gardé jusqu’à ses trois ans, et Six l’aimait beaucoup. Mais quand j’ai jugé que le temps était venu de changer de maître Pokemon, pour ne pas rester trop longtemps au même endroit et risquer de me faire repérer, je n’ai pas pris Qortis avec moi. Je l’ai laissé dans la demeure du maître Pokemon de l’époque, un Azumarill. Six, qui avait alors neuf ans, ne l’a pas compris, et m’en a toujours voulu depuis.

Mais si cette idiote émotive réfléchissait un peu, elle saurait que c’était la meilleure solution, pour nous comme pour Qortis. Se balader dans la ville-basse en compagnie d’un gosse de trois ans n’était pas spécialement indiqué. Et si on s’était faites attraper, Qortis aurait dégusté avec nous. Alors qu’en le laissant chez Azumarill, il était en sécurité. De plus, l’Azumarill en question avait été un bon maître, ni cruel ni abusif, ce qui expliquait que je sois restée si longtemps à son service. Même si évidement je n’avais aucune nouvelle de Qortis, il y avait de grandes chances qu’il ait grandi en ne manquant de rien et en menant une petite vie d’esclave pépère au service d’un Pokemon relativement indulgent. En clair : la meilleure chose qui puisse arriver à un jeune humain de nos jours.

- Pourquoi Maître Scalpuraï nous oblige toujours à rédiger un rapport de nos sorties, se plaignit Six. Il n’est pas du genre à se soucier des procédures…

- Lui non, répondis-je. Mais le Directeur tient à demeurer toujours informé de tout.

Six leva enfin les yeux vers moi.

- Certains Pokemon ici ont déjà évoqué ce fameux Directeur, mais sans rien pouvoir me dire à son sujet. Qui est-il, exactement ?

Je ricanai avec amusement.

- Personne ne le sait à part le Maître et l’Empereur je crois. C’est juste le Directeur. Il est le chef des Renseignements Impériaux, et donc le supérieur direct de Maître Scalpuraï dans sa fonction de Nettoyeur.

Je m’assis sur un coin du bureau de Six, pensive.

- Quand je suis entrée sous les ordres de Maître Scalpuraï, il y a vingt-deux ans, les services de Renseignements étaient dirigés par une autre personne. La fameuse Main Rouge de Xanthos, comme on l’appelait. C’était donc elle qui dirigeait les Nettoyeurs par le biais de Maître Scalpuraï, à l’époque. Mais elle a disparu peu de temps après mon arrivée, et c’est donc ce nouveau Directeur qui l’a remplacée depuis.

- Quel genre de Pokemon peut être surnommé la « Main Rouge » ? S’étonna Six.

- Pas un Pokemon. La Main Rouge était une humaine.

L’expression de Six était si comique je ne pus retenir un petit rire.

- Un humaine ? Tu veux dire une G-Man ?

- Non, une simple humaine comme moi. Enfin… pas si simple que ça, étant donné qu’elle avait plus de cinq cent ans. C’était une alliée du Seigneur Xanthos, à l’époque où il a lancé sa révolution. Il a donc partagé son Eternité avec elle, et elle est devenue immortelle, tout comme lui et l’Empereur. Personne ne sait ce qu’elle est devenue depuis. Enfin, j’imagine que le Directeur actuel doit le savoir. Il y a peu de chose qu’il ne sait pas.

- Et lui aussi, c’est un humain ? Me demanda Six.

- J’en sais rien. La Main Rouge était célèbre et crainte dans tout l’Empire, mais le Directeur s’emploie à toujours rester dans l’ombre, sans jamais se montrer.

- J’essaierai de demander au Maître alors.

Je lui jetai un regard peu amène.

- Il ne m’a jamais rien dit sur lui depuis tout le temps que je le sers, mais tu crois qu’il va te parler, à toi qui n’est là que depuis un mois ?

- Qui sait ? Peut-être bien qu’il m’apprécie plus que toi. Je lui demanderai aussi qui était cette autre Six que l’Empereur a évoqué, et que Scalpuraï connaissait. Il m’appelle toujours Sixtine, et quand quelqu’un d’autre m’appelle Six, je le vois tressaillir à chaque fois, et son Aura se troubler. Tu m’as appelé comme ça pour le faire chier ?

- Non. Enfin, c’était sans doute un geste de défi de ma part, mais c’était surtout parce qu’il tenait à cette première Six, et je voulais alors l’empêcher de te tuer. Il n’aime pas trop qu’on lui rappelle cette histoire, même si dans un moment de faiblesse, il me l’a racontée. Fais gaffe à ne pas trop l’énerver.

Je me levai pour sortir, quand Six dit derrière moi :

- Si tu sais, tu pourrais me le raconter toi.

- Je pourrais oui, mais je n’oserai pas te gâcher l’occasion de prouver que le maître t’apprécie plus que moi, comme tu as dit.

Je quittai la salle sous le regard sombre de Six, et avec un sourire aux lèvres. C’était si facile de l’embêter que ça en devenait marrant. Quoi qu’on en dise, elle tenait bien du côté Irlesquo pour ce qui était de la fierté hautaine et mal placée.


***



Scalpuraï




- Droite. Gauche. Droite. Droite. Plus vite ! Plies plus tes genoux ! Gauche ! En haut !

En suivant mes instructions, Sixtine s’évertuait à contrer chacun de mes coups avec ses bras enflammés. Et bien sûr, elle galérait, pour la simple et bonne raison que pour cet entraînement, j’avais utilisé l’attaque Poliroche pour augmenter ma vitesse au maximum possible. Mon bras fendait donc l’air si vite que même les yeux et les instincts de félin de la jeune G-Man avaient du mal à suivre. Pour que ce soit plus juste, je lui disais donc à l’avance la direction de mon attaque. Et au fur et à mesure, j’augmentai encore plus la vitesse.

- Bas. Gauche. Gauche. Haut. Bas. Droite !

Mais sur ce dernier coup, contrairement à ce que j’ai annoncé, je lançai ma main tranchante sur la gauche. Et comme je l’avais prévu, Sixtine ne vit pas le coup à temps, et fut jetée au sol avec un cri. En soupirant, je la regardai se relever difficilement, une main sur son épaule désormais ensanglantée.

- Tu es morte, conclus-je. J’aurai pu t’arracher la tête sur ce coup si je l’avais voulu.

- Vous aviez dit à droite, mais vous avez attaqué à gauche ! Se plaignit-elle.

- Oui. Quel malotru je fais hein ? Mais, arrête-moi si je me trompe, j’avais la vague impression que ma nouvelle esclave était une G-Man, et pouvait donc se servir de l’Aura, ce fameux sixième sens leur permettant de voir les choses alentours comme personne d’autres. Tu ne t’en est pas servi.

- Je pensais que j’avais pas le droit, répliqua Sixtine. Vous ne pouvez pas vous en servir vous.

- Ah, tu voulais donc te mettre à mon niveau ? Ricanai-je. Comme c’est touchant d’attention… et d’arrogance. Tu te penses supérieure à moi à tel point que tu refuses d’utiliser tous tes atouts ?

- Je pensais juste… qu’on devait s’entraîner à armes égales.

- Nous ne sommes pas à armes égales, gamine. Je n’ai pas utilisé que Poliroche. Regarde.

Je lui montrai le bras avec lequel j’avais attaqué, qui était strié de petites lumières vertes. Sixtine regarda le spectacle avec intérêt.

- C’est ça… l’Ether ?

- Oui. J’imagine que ce cher Kashmel a dû t’en parler.

- Il m’en a pas dit grand-chose…

- Parce qu’il n’en connait pas grand-chose, justement. Les Pokemon pouvant se servir de l’Ether sont rares, et ceux qui peuvent le faire à un tel niveau, comme moi, se comptent sur les doigts d’une seule main. Ici dans la capitale, seul l’Empereur le contrôle à un niveau supérieur au mien. Mais c’est l’Empereur ; Xanthos a partagé avec lui l’Eternité du Puits des Abysses, et n’en a donné qu’un fragment au reste des Pokemon. Sa Majesté n’a jamais vraiment eu à apprendre à acquérir l’Ether ou à le contrôler. Il fait tout ça naturellement. Moi, je me suis entraîné pendant près d’un siècle. C’est parce que je l’ai utilisé lors de notre entraînement que mon bras a résisté aux flammes de tes mains, moi qui suis censé craindre le feu. L’Ether est un surplus à la fois offensif et défensif. Mon bras devient quasiment invincible quand je l’utilise.

- Ça a l’air sympa, avoua Sixtine avec un regard clairement intéressé. Les humains peuvent-ils apprendre à manier l’Ether aussi ?

J’éclatai de rire, réellement amusé.

- La recherche de toujours plus de pouvoirs est fort respectable, et j’apprécie cela, même chez mes esclaves. Mais tu peux t’enlever ce rêve ridicule de la tête. Aucun humain ne peut utiliser l’Ether, à part le Seigneur Xanthos jadis, qui a baigné dans l’Eternité.

- Mais il n’était pas seul non ? La Main Rouge a aussi bénéficié de l’Eternité.

Je la dévisageai, soupçonneux.

- Que sais-tu de la Main Rouge ?

- Euh… rien, si ce n’est que c’était l’ancienne exécutrice du Seigneur Xanthos, et une humaine comme lui.

Je me détendis. La gamine n’avait pas l’air d’en savoir plus. Ce genre de truc était assez connu, et Mizulia voir même Kashmel ont pu lui en parler. Il n’y avait aucune raison qu’elle en sache plus qu’elle ne devrait.

- Oui, la Main Rouge a elle aussi reçu une partie de l’Eternité du Puits des Abysses, confirmai-je. Mais elle ne se servait pas de l’Ether…

Une vague de nostalgie me prit pas surprise, et je revis la silhouette élancée d’une belle jeune femme aux cheveux rouges avec une mèche noire. J’avais passé tellement de temps avec mon ancienne Directrice que je ne rendais pas compte que ça faisait vingt ans déjà qu’elle n’était plus là.

- Et… le Directeur actuel ? Demanda Sixtine avec le ton de celle qui ne devrait pas demander. Il maîtrise l’Ether aussi ?

Elle ne reçut, en guise de réponse, qu’une gifle de ma part, qui lui fit quelques cicatrices sur la joue.

- N’oublie pas ta place, humaine, dis-je froidement. Je t’aime bien, mais il y a des choses que tu n’es pas autorisée à demander. Toute information sur le Directeur en fait partie.

Nullement troublée par mon coup, et malgré le sang qui coulait sur son visage, elle me posa une autre question, qui cette fois me prit de court.

- Alors, vous pouvez peut-être me dire qui était cette Six à qui je dois mon nom ? Ce n’est pas un secret officiel de l’Empire, si ?

- Pourquoi devrai-je te répondre ?

- Vous l’aviez bien dit à ma mère.

Oui, c’était vrai, même si je n’avais cessé de le regretter depuis. Jamais je ne m’étais ouvert de la sorte à un humain, du moins plus depuis la Guerre de Renaissance. Mais Mizulia avait toujours eu le pénible pouvoir de me laisser le cœur ouvert. Pour autant, je n’étais pas offensé de l’intérêt que la fille de Mizulia avait pour cette question, seulement perplexe.

- Et ça t’avancera à quoi, de le savoir ?

- Simple curiosité. Et intérêt professionnel aussi. Je suis votre esclave, et plus j’en saurai sur vous, mieux je pourrai vous servir.

Je souris du culot de la jeune G-Man. C’en était presque effrayant de voir à quel point elle ressemblait à Mizulia de ce côté-là. J’avais de la chance de les avoir, toutes les deux. Je ne m’étais pas rendu compte à quel point Mizulia m’avait manqué toutes ces années. Elle avait changé entre temps bien sûr, mais en Sixtine, j’avais l’impression de la retrouver avant qu’elle ne s’enfuie. Ces années passées sans Mizulia m’avaient plongé dans une solitude et un ennui que même mon travail n’avait pu compenser. En l’ayant à nouveau avec moi, j’avais retrouvé une certaine joie au quotidien. Et à présent, avec sa fille bâtarde, j’avais gagné un outil de choix, mais également une interlocutrice intéressante. C’était honteux de penser que le grand Scalpuraï, Trigarde Impérial, Maître de l’Ether et commandant des Nettoyeurs, était à ce point dépendant d’humains, mais c’était vrai.

- Six était une orpheline lors de la Guerre de Renaissance, dis-je enfin. J’étais encore du côté des humains quand mon dresseur et moi l’avons trouvée. C’était une petite humaine de six ans, que le choc de tout ce qu’elle a vu et vécu a rendu muette. Nous ne connaissions pas son nom, mais elle portait un médaillon avec les lettres V et I dessus. J’en ai donc conclu que Vi devait être son prénom, mais mon dresseur trouvait ça idiot, et a décrété que les lettres étaient en fait des chiffres romains, et donc, il l’a appelée Six.

Je souris en repassant à ce passage de ma vie. Mon dresseur, Zeff, était un combattant inégalé, mais n’avait jamais brillé par sa vivacité d’esprit et son raffinement.

- On s’est vite rendu compte que Six avait des pouvoirs G-Man, poursuivis-je. Et ça, ce n’était pas très bien vu à l’époque du côté des humains, car nous étions alors quelques années après la trahison de Sacha Ketchum qui a coûté la vie à Régis Chen, le chef des résistants humains. On l’a donc pris avec nous, et mon dresseur s’est vite attaché à elle, à tel point qu’il l’adopta comme sa fille. Au fil du temps, Six retrouva l’usage de la parole. Et plus elle grandissait, plus ses pouvoirs se développaient. Elle était la G-Man d’un Pokemon Acier, même si nous avons jamais su lequel précisément. Je l’ai donc entraînée moi-même. Nous avons passé des années ensemble à voyager et à survivre, en compagnie de Salia Chen, la fille de Régis. Le monde avait beau être ce qu’il était devenu, la mort avait beau être omniprésente, nous étions heureux, tous les quatre.

Mais en repensant à ce qu’il s’était passé par la suite, mon visage se durcit.

- Mais Salia n’a pas su rester éloignée de la lutte très longtemps. C’était une Chen, son père avait été exécuté par Xanthos, et son propre fils, Willen, dirigeait la résistance. Par la force des choses, elle est revenue au combat, et nous l’avons suivie. Moi, c’était à contrecœur. Je ne voulais pas me battre contre les Seigneurs Souverains et leurs Pokemon. J’en avais assez, des combats. Je voulais juste vivre quelque part loin de tout ça, en paix, avec Six et mon dresseur. Je crois que lui aussi pensait comme moi. Mais il ne pouvait pas se résoudre à abandonner Salia, dont il était le protecteur. Au final…

Je fis une pause en serrant les poings.

- Au final, Six fut tuée lors d’une attaque de G-Man sur les résistants. Une attaque qu’on aurait pu prévoir, si les humains m’avaient écouté.

- Et… c’est là que vous avez décidé de vous rallier à l’Empire ? Me demanda Sixtine.

- Oui.

- Pourquoi ? Les G-Man travaillaient pour l’Empire non ? C’est donc lui qui est responsable de la mort de Six.

- Les G-Man menaient eux-mêmes leurs propres opérations. Mais effectivement, Six a été tuée au nom de l’Empire Pokemonis. Mais j’étais trop accablé pour lui en vouloir. Mon dresseur et Salia Chen avaient rejoint une lutte que je n’approuvais pas. Les résistants allaient perdre, c’était une évidence. Ils étaient trop faibles, trop désorganisés face à la toute puissance de l’Empire. Mourir bêtement avec eux ne me disait rien, surtout que je les considérai comme les premiers responsables indirects de la mort de Six, parce qu’ils ne m’avaient pas écouté. Alors, quand quelqu’un d’important m’a assuré qu’en rejoignant l’Empire, je pourrai un jour avoir ma revanche contre l’Ordre G-Man, je n’ai pas hésité. Je n’aurai eu aucun avenir en restant avec les humains. Et j’ai eu raison. La résistance a fini par disparaître des années plus tard.

- Jusqu’à renaître il y a cent ans de cela sous le nom de Paxen, ajouta Sixtine, comme si elle cherchait à prouver que j’avais tort.

- Un coup de chance, rétorquai-je. Tout cela parce qu’un idiot de commandant impérial préféra garder comme esclave le Chen qui dirigeait la résistance lors de sa défaite au lieu de l’éliminer. La lignée Chen a donc survécu tout ce temps, jusqu’à Jyvan Chen et sa fondation des Paxen, oui.

- Vous étiez proche de Salia Chen. Ça ne vous fait rien de combattre et tuer ses descendants ?

- Rien du tout, lui assurai-je. La lignée Chen a toujours provoqué le bordel partout où elle est passée. Il est grand temps qu’elle s’éteigne à jamais. Les Paxen sont des simplets qui ne comprennent pas le but de l’Empire Pokemonis. Leur pseudo lutte pour la liberté et l’égalité n’apportera que ruine et chaos. Un peu comme Kashmel d’ailleurs. Il voulait la même chose pour l’Ordre G-Man, et au final, il n’aura contribué qu’à sa chute. Mais je l’en remercie profondément. Avec un peu de chance, il sera le dernier G-Man debout, et je compte bien l’éliminer en personne. Et alors, je pourrai enfin me dire que Six a été vengée !

Je me tus, me rendant compte que je m’étais laissé un peu trop emporter. Sixtine me regarda avec une espèce de perplexité, puis me dit :

- Je ne connaissais pas cette fille qui avait le même prénom que moi, mais je ne crois pas que l’annihilation de sa propre race en son nom soit une chose qu’elle ait souhaitée, surtout venant de quelqu’un qu’elle devait beaucoup aimer.

Puis elle s’éloigna, me laissant frustré et furieux.