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Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 12/08/2018 à 09:18
» Dernière mise à jour le 15/09/2018 à 18:01

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 38 : Tueur de Pokemon, tueuse de G-Man
Kashmel



- Ils sont là, père, me dit Meika.

- Humm, grommelai-je.

Je me levai du canapé improvisé - un assemblement hétéroclite de tissus et de mousse - pour prendre la direction de la plus grande caverne de notre planque. Depuis un mois, nous vivions dans un petit réseau de grottes situé dans les montagnes entourant Axendria. Un hébergement des plus sommaires, bien que j’avais connu pire dans ma vie de vagabond et de rebelle. Le confort du manoir de Stuon me manquait toutefois. Ça devait être pire pour Meika, qui n’avait connu dans sa vie que l’immense demeure des Irlesquo, avec une armée d’esclave pour satisfaire le moindre de ses désirs à chaque instant. Mais je ne l’avais pas entendu se plaindre une seule fois depuis qu’on était là, donc ce n’est pas moi qui allait commencer.

- Ils sont combien ? Demandai-je.

- Une centaine je dirai. Je m’attendais à plus.

- Un seul de ces psychopathes vaut au moins dix Paxen normaux. Une centaine, ce sera largement suffisant pour foutre Axendria à feu et à sang assez longtemps pour que j’active le Phénix.

C’était moi qui avait préconisé la patience au lieu de chercher à libérer le Phénix tout de suite en me servant d’un membre de la famille Psuhyox, comme me l’avait conseillé Meika. Mais je commençais à le regretter. Je trouvais le temps long dans cette fichue grotte, bien plus qu’il ne l’était dans le manoir de Stuon. Et surtout, je recevais des rapports journaliers m’informant que mes fidèles G-Man, dispersés et cachés dans la capitale, se faisaient éliminer ou attraper par les Nettoyeurs… et cette gamine maudite de Six. Mais je devais attendre, encore un tout petit peu. Ça serait pour très bientôt maintenant que Draïen Malket et ses gars étaient arrivés.

Draïen… Je ne l’avais plus vu depuis une dizaine d’années, avant qu’il ne se fasse bannir des Paxen. Et il ne m’avait pas manqué. C’était Meika qui avait pris l’initiative de le contacter. Moi, je n’en aurai rien fait. J’avais jamais su encaisser ce mec. C’était un connard, doublé d’un taré. Oh, évidement, lui et ses fameux « Partisans » seraient appréciables dans notre plan de provoquer le plus de bordel possible dans la capitale, afin de détourner les yeux de l’Empire du réel danger : moi. Mais ça ne m’obligeait pas à aimer Draïen pour autant. Cela dit, comme il était enfin arrivé, j’étais obliger d’aller le rencontrer.

Dans la grande grotte qui nous servait de base, nos propres hommes m’attendaient. Et par hommes, je voulais évidement parler de Pokemon. Des rebelles à l’Empire que j’avais recrutés ci et là le mois durant dans les bas-fond d’Axendria, ainsi que d’autres qui étaient venus de tout le pays après avoir eu vent de ce que j’avais fait. Il y avait quelques Pokemon curieux juste en recherche de sensations fortes, et d’autres qui étaient sauvages et auxquels l’Empire grignotait de plus en plus de territoire. Enfin, en plus de cette petite centaine de Pokemon, il y avait aussi quelques esclaves humains.

Tous n’étaient arrivés que relativement tard. Durant les deux premières semaines, nous n’étions que tous les deux, Meika et moi. Enfin, avec Furaïjin bien sûr. Ça nous a permit de mieux nous connaître. Nous étions père et fille oui, mais nous ne savions quasiment rien l’un de l’autre. Avant tout cela, nous ne nous étions rencontrés que brièvement il y a une dizaine d’années. Meika était une adolescente à l’époque. Aujourd’hui, c’était une femme. Elle ressemblait énormément à Sareim, ce qui ne manquait pas de me provoquer une boule au creux de l’estomac à chaque fois que je la regardai. Elle ne m’en voulait pas d’avoir tué sa mère - elle me l’avait dit - mais ça n’enlevait rien au fait que moi, je m’en voulais. Mais je ne regrettais rien. Et j’en ferai même plus si nécessaire. Après avoir éliminé moi-même mon amour de jeunesse et mon meilleur ami, j’étais prêt à tout… même à recruter avec quelqu’un que je méprisais cordialement.

Draïen Malket et ses gars attendaient au dehors, surveillés par quelques Pokemon. On ne pouvait pas ne pas sentir la tension qui régnait dans l’air. Draïen était connu pour être un extrémiste, un tueur de Pokemon déclaré. Il avait été banni des Paxen à cause de sa grande sauvagerie envers eux, et aussi à cause du fait qu’il n’avait jamais voulu s’associer à un Pokemon, comme c’était la coutume chez les Paxen. Il les détestait, et aurait voulu tous les exterminer. Ses Partisans, comme il les appelait, étaient du même acabit. On les sentait prêt à se jeter sur mes soutiens Pokemon à tout instant. Et ces derniers, connaissant la réputation de Draïen, étaient prêts à combattre. Je m’éclairci la gorge pour calmer le jeu.

- C’est bon les gars, dis-je à mes Pokemon. Ce sont nos invités, et nos futurs alliés… si tout se passe bien.

Draïen détourna son regard haineux des Pokemon pour le poser sur moi, et son visage se tordit d’un affreux sourire.

- Kashmel… Toujours pas enterré, vieux débris ?

Draïen avait à peu près mon âge, un visage taillé par les cicatrices et un œil en moins. Quand j’ai rejoint les Paxen il y a une trentaine d’années, il était déjà là, depuis peu. Nous étions rapidement devenus amis, mais ça n’a pas duré. J’avais vite compris que cet homme était un psychopathe, ne bossant chez les Paxen que pour assouvir ses envies de meurtre sur les Pokemon. Je ne pouvais pas prétendre qu’il se fichait de la liberté humaine, mais pour lui, elle passait d’abord par l’extermination pure et simple de tous les Pokemon. Et comme la moitié des Paxen était composée de Pokemon, évidement, ça posait problème. Les chefs rebelles avaient longtemps fermé les yeux sur ses propos et sur ses agissements, car il leur était utile, mais au bout d’un moment, il était devenu intenable, et le leader Paxen de l’époque, Braev Chen, n’avait eu d’autre choix que de le bannir.

Pour un Paxen célèbre, être forcé de quitter la base était généralement synonyme de condamnation à mort. Mais Draïen n’avait pas renoncé. Il s’était entouré d’humains qui, comme lui, vouaient une haine sans pareille aux Pokemon. Il s’était créé peu à peu sa propre organisation, et s’était fait connaître en lançant plusieurs raids contre des villages isolés de l’Empire, tuant tous les Pokemon et libérant les esclaves. Je n’ignorai rien des victimes Pokemon qui allaient résulter si je lâchais ce fou-furieux dans la capitale, mais la modération n’était plus à l’ordre du jour.

- Draïen, le saluai-je avec froideur.

- Quand Lady Meika m’a contacté pour prendre part à la révolution organisée par le groupe Lance, elle n’a jamais évoqué ton nom. J’y aurai réfléchi à deux fois si j’avais su que t’étais le maître chanteur.

- Je ne le suis pas, répliquai-je. Meika a tout organisé et continue de le faire. C’est elle ton employeur. Moi, je me contenterai de faire ce que je dois faire de mon côté.

- Ce que tu dois faire, ouais… ricana le brigand. Toujours avec ces créatures autour de toi, à ce que je vois. Ton fichu rongeur n’a pas encore clamsé ?

Furaïjin choisit cet instant pour sortir de la grotte et grimper sur mon épaule.

- Non Draïen, désolé de te décevoir, fit mon partenaire. J’ai moi aussi une dernière chose à faire avant de quitter ce monde.

- Fais à ta guise, Pokemon, tant que tu crèves vite. D’ailleurs, on nous a engagé, moi et mes Partisans, pour foutre le boxon en ville et buter des Pokemon à la chaîne. Ça n’a pas changé, j’espère ?

Il s’était adressé à Meika, et cette dernière hocha la tête.

- Le plan reste le même. Mes G-Man vont tous se dévoiler d’un coup à un endroit loin des portes de la cité, ce qui vous permettra d’entrer et de vous déchaîner dans la ville-basse. Le but est d’attaquer le plus d’endroits possibles d’Axendria, pour que l’Empire soit totalement déstabilisé et nage en plein chaos.

- J’aime le chaos, approuva Draïen. Je suis heureux d’apprendre qu’une belle poupée comme vous l’aime aussi. On pourrait en discuter autour d’un verre quand ce sera fini, et peut-être engendrer ensuite un ou deux bâtards G-Man ? Ce sera autorisé quand Lance aura pris le pouvoir, hein ?

Je ricanai intérieurement en voyant ma fille plisser dangereusement les yeux et des éclairs sortir du bout de ses doigts.

- Reste à ta place, humain, fit-elle avec toute l’arrogance G-Man dont elle était capable. Avoir le même ennemi ne nous rend certainement pas égaux.

- Ouhhhh, j’ai peur j’ai peur ! Si j’en crois les rumeurs qui circulent dans les hautes sphères impériales, z’êtes la fille de ce cher vieux connard de Kashmel ici présent. Vu la façon dont vous pétez plus haut que votre joli petit cul, ça m’a l’air très plausible.

Craignant que Meika ne perde le peu de maîtrise qu’elle avait et n’éclate le crâne de Draïen - ce qui aurait été quelque peu dommageable pour notre plan - je m’avançai pour intervenir.

- Tu as terminé ? On peut passer à l’aspect stratégique de la chose ?

- Oh oui, j’adore la stratégie, surtout quand ça consiste à l’envoyer se faire foutre pour mettre le plus de bordel possible. Par contre, on peut savoir où ils sont, vos rebelles G-Man ? Parce qu’autant je crache pas sur la possibilité de faire un carnage dans la capitale impériale, autant je ne vais pas me lancer dans une attaque suicide.

- Nos G-Man sont déjà sur place, disséminés ci et là dans la cité, répondit Meika. Ils n’attendent que nos ordres.

- Combien vous en avez ?

- Une trentaine.

Je n’en voulus pas à Meika de grossir quelque peu le nombre. Car les trente, on les avait au début. Mais aujourd’hui, après un mois de chasse des Nettoyeurs, aidés de Six, le chiffre avait sensiblement baissé, et il allait sans doute continuer. D’où l’intérêt d’agir au plus vite. Avant sa capture et sa parodie de procès, Jald Raktalin nous avait envoyé un message : Rohban Irlesquo était vivant, sous la protection d’Immotist et de sa bande. Cette heureuse certitude nous arrangeait. Maintenant que Six était avec les Nettoyeurs, il aurait été compliqué de la capturer. Et que Meika engendre un nouvel Irlesquo prendrait trop longtemps.

Il ne nous restait donc plus qu’à nous emparer du demi-frère de Meika, et nous aurons les trois Irlesquo nécessaires pour déverrouiller le prisme du Phénix. J’aurai pu tenter de reprendre contact avec Immotist ou Diplôtom pour qu’ils me le livrent, mais je n’avais aucune certitude qu’ils le fassent, étant donné la façon dont je les avais jetés. Immotist devait penser qu’aider Rohban ferait ses affaires, maintenant que je n’étais plus là. Mais comme on avait Draïen et ses gars avec nous maintenant, autant s’en servir. Je devais bien le lui faire comprendre. Il serait dommage que ce maniaque élimine Rohban par accident.

- Dans la ville basse, il y a un jeune G-Man en compagnie d’une bande de malfrats Pokemon, dis-je l’air de rien. C’est un traître à notre cause. Nous le voulons en vie, pour nous en occuper nous-mêmes.

- Qu-est-ce que j’en ai à foutre de vos histoires de G-Man ? Répliqua Draïen. Mon boulot et ma seule passion, c’est de buter du Pokemon.

- Justement. Si, quand tu lanceras ton attaque sur la ville-basse, tu nous captures ce G-Man, nous trouverons bien le moyen de te récompenser. Par exemple… que dirais-tu d’éliminer toi-même de hauts représentants de l’Empire, une fois que la ville sera à nous ?

- Ah ! S’exclama Draïen. La ville, à toi ? Tu comptes t’emparer de la capitale impériale avec trente G-Man, quelques Pokemon et mes Partisans ? Tu débloques, mon vieux. Je croyais que t’avais un plan précis, un truc important à faire qui justifiait notre diversion ! Hors de question que je marche dans une attaque suicide !

Je soupirai, agacé.

- Tu me connais, Draïen. Tu crois que j’irai me lancer dans un assaut sans aucune chance de succès ? Je ne peux pas t’en dire plus, mais ce que je compte faire pendant que tu t’amuseras dans la ville basse, ça nous permettra de mettre l’Empire à genoux en très peu de temps. Cette mission, ce n’est pas simplement pour installer un nouvel Ordre G-Man ou un coup de pub pour les anti-Empire. C’est le début de la fin du règne de Daecheron, ni plus ni moins.

Draïen m’observa avec inquisition, puis passa à Meika. Il ne put lire en nous qu’une confiance certaine.

- OK, tu as éveillé ma curiosité, mon salaud. Nous te laisserons deux heures. Pas une minute de plus. Si deux heures après le début de notre attaque, rien ne s’est passé, on décampe.

- C’est compris. Deux heures me seront plus que suffisantes. Mais il me faut ce G-Man.

L’extrémiste fit mine de réfléchir.

- Un G-Man, c’est pas un Pokemon, protesta-t-il. C’est bien plus dangereux.

- Celui-ci ne vous posera aucun problème, assura Meika avec mépris. C’est un G-Man de Couafarel ; un lâche et un incapable notoire.

- Tout de même… Qui dit job supplémentaire dit bonus non ? Insista Draïen. Et pour ce qui est de buter des Pokemon, on en aura l’occasion. Alors ? Vous me proposez quoi d’intéressant pour que j’accepte ?

J’échangeai un regard avec Meika, qui comprit aussitôt. Je lui avais bien entendu parlé de Draïen avant cette rencontre, de ses forces et de ses faiblesses. Et sa plus grande faiblesse n’était nulle autre chose que les femmes.

- Si tu me ramènes ce G-Man, commença Meika, il se pourrait bien qu’on… puisse faire ce fameux bâtard G-Man ensemble.

Elle avait pris un air aguicheur qui ne lui était pas coutumier pour dire cela. Draïen céda immédiatement, comme prévu. Quand je l’avais connu, il se plaisait déjà à énumérer le nombre de ses conquêtes féminines. De toute sorte et de tout âge, disait-il. Comme les femelles humaines étaient devenus rares à cause de la modification d’ADN qui réduisait les chances d’en enfanter, en avoir connu plusieurs sous la couette était une distinction. Et Draïen, en bon collectionneur qu’il était, n’avait jamais encore eu de G-Man.

- Là on parle enfin un langage que je comprends, sourit le mercenaire. Ça marche, poupée.

J’aurai pu me sentir honoré du sacrifice que Meika consentait pour le succès de notre plan, si je n’avais pas eu la certitude qu’elle n’avait aucune intention de tenir parole, et que si Draïen s’avisait de se déshabiller en sa présence, il risquait d’avoir ses parties intimes broyées.



***


Six




Assise dans un transport de troupes léger qui descendait vers la ville-basse, plongée dans mes pensées et surtout dans l’Aura, je ne fis pas attention au Scalproie à côté de moi qui me parlait.

- Lady Six ?

- Hum… Excuse-moi Numéro 8, tu disais ?

Comme il y avait de nombreux Scalproie parmi les Nettoyeurs, je leur avais donné des numéro pour les appeler. Bien obligée, quand, à la base, j’appelais « Scalproie », j’avais une vingtaine de têtes qui se tournaient vers moi. Ni Scalpuraï ni ma mère ne s’étaient jamais donnés la peine de les différencier. Pour eux, ils n’étaient que des pions. Mais en un mois à peine parmi les Nettoyeurs, à me battre et à vivre à leur côté, j’avais vite appris qu’ils n’étaient pas produits en série. Chacun d’entre eux avait sa propre personnalité. Et en les comprenant peu à peu, j’étais parvenue à les reconnaître et à les différencier à chaque fois que j’entendais leur voix.

Numéro 1 était à l’image de son maître, un professionnel froid dans l’âme, qui aimait rester silencieux. Numéro 2 était au contraire assez décontracté, et blaguait souvent. Numéro 3 et 4 étaient de grands perfectionnistes, toujours à s’inquiéter si ce qu’ils faisaient était bien et s’ils satisfaisaient Maître Scalpuraï. Numéro 5 avait un hobby ; il fabriquait de petites sculptures à l’aide des jails, les petits joyaux qui servaient de monnaie impériale. Numéro 6 était curieux de tout et s’émerveillait beaucoup. Numéro 7 accordait beaucoup d’importance au travail d’équipe et à un plan bien préparé. Numéro 8 trouvait les humains intéressants et n’avait pas de haine particulière envers eux, etc etc…

Bref, chacun d’entre eux était un être unique à part entière, ce dont on aurait pu douter étant donné leur corps en acier qui leur donnait l’impression d’être des robots télécommandés en permanence par Scalpuraï. Ils n’étaient pas non plus foncièrement mauvais, malgré le fait que j’avais passé ma vie à tenter de leur échapper. Ils faisaient leur boulot, c’est tout. Même s’il pouvait être déplaisant par moment, ils croyaient tous en la justice impériale, et surtout, ils vénéraient leur commandant Scalpuraï, qui était leur forme méga-évoluée.

- Le Seigneur Scalpuraï vous fait rappeler de ne pas tuer ou blesser gravement de Pokemon cette fois, me dit le Scalproie. Impressionner, apeurer, voir un peu malmener, mais pas plus.

- Oui, je suis au courant, soupirai-je. L’Empereur ne veut plus me voir à la une des journaux sur des cadavres de Pokemon. Pas une bonne publicité pour l’Empire, pour la domination des Pokemon sur les humains, et tout et tout…

Numéro 8 parut à la fois amusé et perplexe.

- Je ne comprends pas bien moi non plus, admit-il. Si un Pokemon bafoue la loi impériale, alors il ne vaut pas plus qu’un humain et se doit d’être puni, quelque soit le bourreau. Il n’y a jamais eu de problème à laisser Mizulia éliminer les criminels.

- C’est pas parce que je suis une humaine, c’est parce que je suis une G-Man, je pense. Comme l’Empire est en pleine élimination de cette race, il ne fait pas bon de s’afficher avec un d’entre eux. Ça devrait se calmer quand ils auront tous été éliminés, j’imagine…

Numéro 8 acquiesça. Il semblait se ficher que je sois une humaine ou une G-Man. Désormais, tout comme lui, j’étais juste une servante du Seigneur Scalpuraï, œuvrant pour la justice impériale. J’avais su vite m’intégrer parmi eux, comme j'avais pu le faire dans la bande à Kashmel. Une fois les préjugés éliminés, c’était facile. Tous dans les Nettoyeurs - et pas seulement les Scalproie - avaient un grand respect pour ma mère. Je pense même qu’ils avaient peur d’elle. Et comme j’avais réussi à me rapprocher de chacun d’entre eux au point de les différencier et de leur coller un nom en forme de numéro, ils m’ont d’autant plus adopté, me sortant du « Lady Six » à tout bout de champs et obéissant même à mes ordres, tant qu’ils ne contredisaient pas ceux de Maître Scalpuraï.

Oui, Maître Scalpuraï… Je m’étais habituée à le considérer ainsi, maintenant. Je m’étais fait une raison de ne pas pouvoir échapper à ma condition d’éternelle esclave. Mais bon, entre Scalpuraï et Immotist, il y avait une énorme amélioration. Je mangeais tous les jours à ma faim, je n’étais pas battue, et je pouvais me déplacer plus ou moins librement aux alentours de la caserne des Nettoyeurs, dans le Palais Impérial. De plus, en dehors des quelques descentes dans la ville pour arrêter ou éliminer les hors la loi, je ne croulai pas spécialement sous le boulot.

Je n’irai pas jusqu’à dire que le travail me plaisait, bien sûr. Il s’agissait après tout essentiellement d’éliminer les indésirables, qu’ils soient humains, Pokemon, et bien sûr G-Man. Donc je tuais, et je le faisais au nom de l’Empereur, un Pokemon que j’avais toujours considéré comme une espèce de dieu maléfique. Mais ça ne m’empêchait pas pour autant de dormir le soir. J’avais accepté la loi élémentaire qui régissait ce monde : tuer, ou être tué. Même si ma vie ne valait sans doute pas grand-chose, c’était la mienne, et je ne voulais pas la perdre. Donc je tuais pour survivre. C’était cruel, mais ce n’était pas moi qui l’était : c’était ce monde. Mes délires de justice quand je jouais à Burning Feline la nuit avaient vite disparu, remplacés par la dure réalité.

Et puis… Ici, dans les Nettoyeurs, j’avais enfin l’impression d’avoir trouvé ma place, un endroit où on m’acceptait pour ce que j’étais, où je pouvais être moi-même sans me cacher. Quand je servais Immotist, j’étais obligée de cacher mes pouvoirs de G-Man. Quand je travaillais pour Kashmel, j’étais là obligée de cacher mes origines. Pour des Pokemon comme Immotist, je n’étais qu’une esclave rare et utile. Pour l’Ordre G-Man, je n’étais qu’une indésirable, un secret embarrassant. Et même Kashmel, qui était un G-Man illégal comme moi, m’avait roulé dans la farine, me cachant ma parenté et se servant de moi.

Maître Scalpuraï avait beau me donner des ordres, il n’était pas hypocrite, et me laissait être ce que je suis sans me cacher. Et surtout, j’étais enfin du bon côté de la loi. Fini de travailler pour un Pokemon cupide et criminel. Fini d’espionner pour un rebelle. Fini de jouer à la justicière masquée. Je servais l’Empire désormais. Je servais les vainqueurs, ceux qui décidaient. Je n’avais plus à craindre d’être attrapée et jugée. Pour la première fois de ma vie, j’étais en sécurité. Et à en croire ma mère, c’était là tout ce que Stuon avait souhaité pour moi, même si ça impliquait de servir l’Empire qu’il ne portait pourtant pas dans son cœur. Et dernière chose, en servant l’Empire, j’avais une chance de le venger lui, et moi-même, de Kashmel, de ses mensonges et de ses trahisons.

- Cible en vue, fit le pilote du transport. Déploiement immédiat.

Je me levai en même temps que les autres Nettoyeurs. La descente d’aujourd’hui consistait à investir une entreprise métallurgique dont on soupçonnait qu’elle fasse affaire avec les Paxen. On prenait contrôle des lieux, on embarquait tout le monde, et si résistance il y avait, on avait le droit d’en tuer un ou deux pour les calmer. Enfin, mes collègues Pokemon du coup, pas moi. Mais ma réputation s’était vite lancée, et généralement, quand j’étais présente, peu nombreux étaient ceux qui s’aventuraient à résister. Les Pokemon avaient beau, majoritairement, accabler les G-Man et soutenir leur éradication, mais ils avaient toujours peur d’eux.

J’en avais tué quatre en tout, de G-Man de Lance, et récemment, j’avais capturé le dénommé Jald Raktalin, qui s’était fait exécuter en grande pompe. Inutile de préciser qu’affronter un G-Man acculé et fanatique était bien plus dangereux que de maîtriser un quelconque Pokemon hors la loi qui avait toutes les chances de se rendre rapidement, terrorisé. C’était aussi plus gratifiant. Je n’étais plus très loin de penser comme ma mère ou Maître Scalpuraï concernant les G-Man : ils étaient inutiles et fourbes. Leur disparition ne sera pas une mauvaise chose. Mais ce n’était pas non plus comme si je m’éclatai à les tuer ou à les torturer, comme ma chère maman. Au contraire : je prenais bien garde à les éliminer sans les faire souffrir quand je le pouvais ; aucun doute qu’ils préfèrent tomber avec honneur face à l’un des leurs qu’une humiliation publique comme Jald vient de la connaître.

Le transport impérial dans lequel nous nous trouvions s’arrêta juste au dessus du bâtiment. Nous sautions tous et nous nous déployâmes tout autour, contrôlant les entrées et sorties. Scalproie Numéro 1, qui menait toujours les opérations en l’absence de Maître Scalpuraï, entra en faisant sauter une partie du mur d’enceinte avec ses Griffe Acier. Plusieurs Pokemon Feu et Roche se trouvaient à l’intérieur, toujours en train de travailler, et furent on ne peut plus surpris de voir tout un bataillon entrer de la sorte.

- Personne ne bouge ! Ordonna Numéro 1. Ceci est une inspection des Nettoyeurs ! Vous êtes accusés de complicité commerciales avec des terroristes ! Ne résistez pas !

Là, comme d’habitude, les Pokemon furent divisés en trois catégories. Ceux qui levèrent les mains immédiatement ou qui se mirent à genoux, tremblant de peur. Ceux qui tentèrent de fuir. Et ceux qui foncèrent sur les Nettoyeurs en hurlant comme des demeurés. Et comme d’habitude, les Pokemon de la troisième catégorie moururent bien vite. Je laissai mes collègues Scalproie s’occuper des Pokemon Roche grâce à leur type Acier, et je m’occupai de ceux qui étaient de type Feu. Il aurait été dangereux de les laisser attaquer mes camarades de type Acier, bien que je compris vite qu’ils n’étaient que des amateurs absolument pas entraînés à combattre.

Le Chartor qui m’attaqua était d’une lenteur qui me faisait presque pitié. Quant au Magmar, il utilisait ses attaques feu à tort et à travers, touchant plus ses amis que moi. Je n’avais sans doute pas besoin de mon sixième sens de l’Aura pour m’occuper d’eux, mais je m’y plongeai par habitude. Me souvenant de la directive de mon maître qui m’interdisait désormais de porter la main trop fortement sur des Pokemon, je dus me retenir quelque peu pour seulement les assommer. Mais bon, même si j’en avais gravement blessé un, ce ne serait certainement pas les autres Nettoyeurs qui iraient me dénoncer.

- Je vais ramener les fuyards ! Dis-je à Numéro 1.

Ce dernier, aux prises avec un Charkos, se contenta de hocher la tête. Je me lançai donc vers l’arrière de l’usine, là où quelques Pokemon avaient pris la fuite. Retrouver les fuyards était toujours un domaine dans lequel j’excellais, grâce à l’Aura. Qu’importe l’endroit où ils se planquaient, je pouvais les voir, à travers n’importe quoi. Certains tentèrent de me prendre en embuscade, et y gagnèrent quelques coups en plus. J’en avais déjà rattrapé six, dont deux étaient dans les pommes, quand quelque chose dans l’Aura attira mon attention.

Il y avait plusieurs présences distinctes de celles des Pokemon un peu plus loin. Des humains, regroupés dans une pièce. Probablement des esclaves non-déclarés. C’était assez cocasse qu’une entreprise qui fasse secrètement affaire avec les Paxen se serve d’esclaves. Mais ce n’était pas les humains qui m’intriguaient. Car au milieu d’eux, il y avait une signature dans l’Aura très différente. Plus claire.

Tirant ma Lamétrice, je fis exploser la porte verrouillée avec mes paumes enflammées. Il y avait une vingtaine d’humains à l’intérieur. Tous apeurés et décharnés, n’ayant que la peau sur les os, qui me regardaient avec un mélange de crainte et d’espoir. Et au milieu d’eux, il y avait une jeune fille. Elle était habillée des mêmes haillons que les esclaves, et était tout aussi sale qu’eux. Pourtant, elle se portait bien mieux qu’eux, et pour cause : c’était une G-Man. Je la connaissais. Je l’avais déjà vue. C’était Malwen, la fille cadette de la maison Psuhyox.

Je restai un moment interdite et stupéfaite devant l’adolescente. Je ne m’attendais pas du tout à trouver un G-Man ici. Mais si cette entreprise travaillait bien pour les Paxen, alors ce n’était pas illogique qu’un des G-Man de Lance se dissimule ici. Vu par un seul regard Pokemon, Malwen serait tout à fait passée pour un esclave parmi les autres. Personne n’aurait pu la reconnaître, tant elle avait maigri, tant elle était sale, et tant elle avait le même air de bête traquée que les esclaves habituels sur le visage. Elle semblait en avoir bavé durant sa cavale. Mais malgré sa peur et la certitude qu’elle allait périr ici, elle me défiait toujours du regard. Elle n’allait pas se laisser tuer ou capturer sans combattre, surtout face à moi, la fille qui avait tué sa grande sœur.

J’attendis qu’elle passe à l’attaque. Elle n’avait pas sa Lamétrice bien sûr - ça aurait été difficile de se faire passer pour un simple esclave avec ça - mais je savais qu’elle maîtrisait parfaitement ses pouvoirs de Girafarig. Mais même si elle semblait à deux doigts de se jeter sur moi, quelque chose semblait la retenir. Je ne mis pas longtemps à comprendre ce que c’était. La peur. La jeune G-Man avait peur de mourir, et malgré sa haine envers moi, elle savait que si elle m’attaquait, ce serait sa fin. Après tout, j’en avais éliminé de plus puissants qu’elle, de G-Man. Et dans son regard, la colère se disputa avec le désespoir.

- Lady Six, vous avez trouvé quelque chose ? Demanda un des Scalproie depuis l’autre pièce.

Je dévisageai longuement Malwen Psuhyox. Elle avait mon âge, mas elle, elle n’avait jamais connu l’existence misérable que j’avais menée. Elle n’avait jamais eu à se battre pour survivre chaque jour. Elle ne connaissait pas la peur de pouvoir mourir à tout moment. Elle n’aurait jamais dû se trouver mêlée aux histoires de Lance. Pas si jeune. Probablement qu’elle avait été embrigadée de force par sa sœur Tilveta ou par Meika. Elle ne me faisait absolument pas l’effet d’une guerrière voulant sacrifier sa vie pour un idéal. C’était juste une gamine apeurée qui semblait prête à éclater en sanglot. Mais elle avait toujours sa fierté de G-Man, qui faisait qu’elle ne demanda pas grâce. Mais ses yeux, eux, me le criaient.

- Juste des esclaves, répondis-je finalement au Scalproie. En piteux état. Et certainement pas déclarés.

- Ça ne fera qu’une charge de plus à ajouter à leur dossier, grommela le Scalproie.

La procédure en cas d’esclaves non-déclarés étaient on ne peut plus simple. Après avoir été enregistrés dans les règles, l’Empire en prenait possession, et les revendait ensuite. Si Malwen ne se trahissait pas, elle pouvait passer à travers les mailles du filet. Je choisis, en mon âme et conscience, de ne pas l’attaquer ou la dénoncer. Elle le compris, et bien que la haine n’ait pas totalement désertée son visage, je pouvais discerner une pointe de reconnaissance.

En rentrant à la base après en avoir fini, je me demandai toujours pourquoi je l’avais épargnée. Peut-être parce que c’est moi qui aurait pu être à sa place, si j’étais née du bon côté du lit chez les G-Man ? Peut-être par compensation pour avoir pris la vie de sa sœur ? Peut-être pour me donner bonne conscience ? En tout cas, c’était la première fois depuis que j’étais au service de Scalpuraï que j’avais fait quelque chose de répréhensible. Plus que cela même : c’était un acte de trahison envers l’Empire. Et si ce simple fait m’effraya, il me soulagea un peu aussi. Ça me confirmait que j’étais toujours moi-même, et non pas une marionnette sans volonté.