SixJe me réveillai en éprouvant en éprouvant une sensation d’humidité. Je toussai, puis gémis en ressentant une vive douleur à l’arrière du crâne. On m’avait jeté de l’eau dessus, et j’étais tenue par les bras. J’ouvris les yeux, prise de vertige. J’étais dans un espèce de grand couloir sombre, et deux Scalproie m’empoignaient fermement les bras, me traînant au sol. Avant que je n’ai pu me plonger dans l’Aura et réunir assez de contrôle en moi pour déchaîner mes flammes, quelqu’un me plaqua par terre et me retourna sur le dos. Je distinguai le visage tant haï de ma mère. J’ouvris la bouche pour l’insulter, quand elle me fourra de force et par surprise quelque chose dedans.
- Avale, m’ordonna-t-elle en me tordant le bras.
Je poussai un cri, mais continuai à me débattre.
- Avale et cesse de résister, ou tu meurs dans l’instant, insista Mizulia. Tu es au Palais Impérial. On ne tolère pas les vilaines filles qui font leur caprice.
Ma mère accentua sa pression sur mon bras. Comprenant qu’elle n’hésiterait pas à me le briser, je cessai me débattre et avalai l’espèce de pilule qu’elle m’avait mise dans la bouche. Et alors, à peine cinq secondes plus tard, je me sentis totalement faible. Je pouvais encore percevoir l’Aura, mais sans même que j’essaie, je savais que je n’arriverai pas à utiliser mes pouvoirs de Pokemon. Mizulia sourit à mon air ahuri.
- Tu crois que l’Empire n’a jamais mis au point de moyen de neutraliser ceux de ton espèce ? Cette drogue inhibe temporairement tes chromosomes porteurs du gène G-Man, empêchant tes pouvoirs de se manifester. Tu pourrais bien sûr toujours te servir d’Aurasphère, qui est commune à tous les G-Man, mais je te le déconseille, si tu veux vivre un peu plus longtemps.
Un coup d’œil autour de moi m’appris qu’en plus de Mizulia, il y avait pas moins de quatre Scalproie qui me surveillaient, et je n’avais plus ma Lamétrice. Je n’allais évidement pas m’amuser à tenter de tous me les faire avec des Aurasphère, surtout que ce n’était pas la chose que je maîtrisais le mieux. On me mena jusqu’à une énorme porte ouvragée, qui ne pouvait être que celle de la salle du trône. Je ne savais pas trop ce qui allait se passer derrière, mais je doutais d’en ressortir vivante.
J’avais échoué. J’ai été stupide. J’ai laissé mes émotions prendre le dessus et foncer tête baissée sur Mizulia, alors que Kashmel m’avait bien dit de me calmer et de poursuivre le plan convenu. Et maintenant quoi ? J’allais être exécutée comme la G-Man bâtarde que j’étais, sans avoir rien pu accomplir ? Même pas foutue de pouvoir venger Stuon alors que son meurtrier était un simple humain, et qu’il était à côté de moi ? Car oui, Mizulia était pour moi toujours la coupable. Il était impensable que ce soit Kashmel. Je ne croyais aucun mot de ses paroles. Cette femme m’avait toujours menti, après tout…
Nous attendîmes un moment devant l’énorme porte, gardée de près par une haute silhouette dissimulée dans l’ombre. Je ne le voyais pas, mais je pouvais le sentir dans l’Aura. C’était sans nul doute l’un des membres de la Trigarde. Mais pas Scalpuraï, non. Car le maître de ma mère était en train d’arriver à pas pressé. Son visage figé dans l’acier ne représentait aucune palette d’expression si ce n’était l’effroi qu’il inspirait, mais je pouvais deviner qu’il était ravi.
- J’ai fais aussi vite que j’ai pu dès que j’ai eu ton message, dit-il à ma mère. Enfin, après tout ce temps… je peux enfin rencontrer ta chère fille. Très beau travail, Mizulia.
- Je n’ai guère de mérite, maître, fit modestement Mizulia. Cette petite idiote est venue à moi d’elle-même, prétextant vouloir me tuer pour un meurtre imaginaire.
Scalpuraï se pencha vers moi, et me pris le visage entre ses doigts froids et tranchants. Frémissant de dégoût et malgré moi de peur, je ne pus détacher mes yeux de son regard jaune et perçant.
- Ravi de te rencontrer enfin, Sixtine, me dit-il de sa voix grinçante et résonnante. Ta mère est une vieille amie à moi. Mais je crois que tu l’as compris. Quant à moi, il serait juste de déclarer que je suis en quelque sorte ton créateur. C’est sous mes ordres que Mizulia a fait le nécessaire pour t’enfanter. Tu n’existes que pour mettre en œuvre un projet que je médite depuis fort longtemps : l’anéantissement total et permanant des G-Man !
Malgré ma situation et ma peur, je parvins plus ou moins à répliquer d’une voix qui ne tremblait pas.
- Vous vous trompez. Peu importe ma naissance. Je suis moi. Je ne suis pas votre jouet. Tuez-moi si vous voulez, mais les G-Man ne disparaîtront pas. Ils vont se transformer en quelque chose de nouveau, de puissant, qui vous vaincra vous et votre empereur ! Kashmel y veillera !
Loin d’impressionner Scalpuraï, ma répartie le fit rire allègrement.
- En voilà une forte tête. J’ai l’impression de voir ta mère plus jeune… avec cet idéalisme idiot en plus, bien sûr. Pauvre enfant. Tu connais bien mal Kashmel Irlesquo pour penser qu’il va transformer quoi que ce soit. Cet humain raisonne exactement comme moi : ce qui est pourri, on ne tente pas de le sauver, on le jette. Quant à toi, tu me serviras, que tu le veuilles ou non. Je n’ai pas besoin de ton accord. Ta seule existence va servir mes plans. Viens. Allons te présenter à Sa Majesté !
Scalpuraï fit signe à son confrère dans l’ombre, qui ouvrit la lourde porte. Dès qu’elle fut ouverte, quelque chose de terrible me tirailla l’esprit et paralysa mon corps. Il y avait une Aura qui s’échappait de cette pièce. Une Aura si énorme, si noire, qu’elle me glaça tout le corps, et m’empêcha de penser comme il faut, mon esprit étant subjugué par la peur. Les Scalproie me reprirent par les bras pour me soulever et m’amener à l’intérieur.
La salle de trône était immense, mais tristement vide. Et tristement sombre aussi. Il y avait plusieurs hauts piliers qui encadraient un très long tapis rouge qui s’enfonçait plus loin dans les ténèbres. Un silence pesant régnait, ponctué par les bruits de pas de chaque personne qui résonnaient fortement dans cet espace vide et gigantesque. Plus on s’avançait, plus je sentais l’Aura de l’Empereur. Sa seule présence assourdissait mes émotions et me privait de toute volonté. Tous les autres ; Scalpuraï, ses Scalproie, et même Mizulia, ne paraissaient rien ressentir. N’étant pas G-Man, ils ne pouvaient pas discerner cette Aura monstrueuse.
Quel genre de Pokemon était donc Daecheron pour pouvoir posséder une telle Aura ? Elle exerçait une pression terrible sur mon âme, me disséquait jusqu’au moindre neurone. Ce n’était ni quelque chose de G-Man, ni même de Pokemon. C’était du domaine du divin. Rien qu’en prenant conscience de l’Aura de l’Empereur, je sus alors que tous les espoirs d’une chute de l’Empire et d’un triomphe des Paxen étaient vains. Personne ne pourrait jamais venir à bout de cet être. Ce serait comme vaincre les ténèbres elles-même.
L’Empereur se tenait sur son trône noir et surélevé. C’était un être humanoïde doté d’immenses ailes à membrane. Il avait un pelage totalement noir, à part son ventre qui était blanc, et une couronne brune autour du cou. Une queue à pointe gigotait en bas du trône, et il avait d’immenses oreilles tendues vers le haut. Ses griffes avaient la couleur du sang, de même que ses yeux qui scintillaient dans la pénombre. Des yeux d’un terrible prédateur, qui ne rêvait que de se jeter sur sa proie pour la disséquer. Enfin, il avait comme un orbe doré incrusté au niveau de la poitrine.
Évidemment, l’apparence de Daecheron était connue de tous les sujets de l’Empire Pokemonis. Il y avait des statues de lui un peu partout, des images holographiques, des discours de propagande... Mais rien qui nous préparait à l’avoir ainsi devant soi. Stuon l’appelait « vieille chauve-souris », et effectivement, on pouvait trouver un peu de ça dans son apparence. Mais on aurait surtout dit un démon sorti des enfers pour plonger le monde dans d’éternelles ténèbres. Telle était Sa Majesté Daecheron, ancien Pokemon de Xanthos, ancien Seigneur Protecteur de l’Empire, et aujourd’hui Empereur incontesté. Le plus puissant Pokemon du monde.
- Votre Majesté, fit Scalpuraï en s’inclinant, suivi de près par ses Scalproie et Mizulia.
Comme les Scalproie m’avaient lâché pour s’agenouiller, je pus faire preuve d’une dernière marque de défi : rester debout, le regard fixé sur Daecheron, qui sembla me regarder avec un désintérêt teinté d’une très légère pointe de curiosité. Scalpuraï se releva pour me jeter au pied du trône.
- Qu’est-ce que cela ? Demanda la voix caverneuse et résonnante de l’Empereur.
« Cela »… Comme si je n’étais qu’un objet, une chose indigne de son attention.
- Une bâtarde G-Man, Sire, répondit Scalpuraï.
- Eh bien, tue-la donc. Pourquoi l’amener jusqu’à moi ?
- Si vous le permettez, Majesté… J’aimerai la garder en vie, encore un petit moment. Elle présente un intérêt… tout particulier.
- De quel genre ?
- Du genre qui nous permettrait de revoir le statut impérial des G-Man.
Daecheron soupira, visiblement déjà lassé.
- Encore cela ? Tu n’en auras jamais terminé, avec les G-Man ? J’ai l’impression d’avoir qu’eux à traiter en ce moment…
- Je vous en prie, Majesté, supplia presque Scalpuraï. Je vous assure que c’est très important.
- Soit, fit l’Empereur avec un désintérêt notoire. Jugeros doit justement venir sous peu, accompagné du Grand Maître Irlesquo. Il compte me faire part d’éléments nouveaux concernant ce groupuscule terroriste nommé Lance. Vu qu’on parlera de G-Man, autant que tu restes.
Je perçus bien l’agacement de Scalpuraï à la mention de Jugeros, mais il inclina la tête.
- Je vous remercie, Sire. C’est très bien que le Grand Maître soit là, justement. Mon sujet… le concerne au premier chef.
Mizulia sourit de façon inquiétante, comme si elle se régalait par avance. Nous dûmes attendre bien dix minutes en silence, et moi, je dus mettre toute ma volonté à ne pas m’effondrer ou vomir du fait de l’Aura écrasante et nauséabonde de l’Empereur. Au bout d’un moment qui me parut interminable, la porte de la salle du trône s’ouvrit derrière nous, laissant entrer Son Excellence Jugeros, Pokemon flottant à l’allure d’un juge avec le corps d’une balance, et le Grand Maître Bradavan Irlesquo. Je vis bien qu’il essayait de faire bonne figure devant l’Empereur, mais que tout comme moi, il était révulsé par l’Aura de Daecheron.
- Votre Majesté, je suis venu au plus vite sous l’insistance de Son Excellence Jugeros, fit Bradavan en s’inclinant.
Il dévisagea rapidement tout le groupe de Scalpuraï avec étonnement. Il dut reconnaître en moi Lady Sixtine Jarminal, la jeune G-Man nouvellement arrivée, et dut se demander ce que je faisais là, à terre devant l’Empereur. Jugeros, lui, s’étonna d’autre chose.
- Majesté, pourquoi le Trigarde Impérial Scalpuraï est-il ici ? Demanda-t-il. Cette réunion ne le concerne pas. Les éléments et preuves concernant le groupe Lance que j’apporte sont de ma seule trouvaille.
- Vraiment ? S’amusa Scalpuraï. Vous me sous-estimez au point de penser que je n’ai pas réuni quelques infos moi aussi, Votre Excellence ?
- Je savais très bien que vous avez infiltré votre esclave - il désigna Mizulia d’un geste méprisant - au sein de l’Ordre. Une action parfaitement illégale, au demeurant. Mais qu’importe ce qu’elle pourra dire ou imaginer ; mes preuves à moi sont absolument incon…
- Assez, l’arrêta l’Empereur. Scalpuraï est là pour me parler de cette bâtarde qu’il a amenée. Tu nous parleras de Lance après, Haut Juge.
Jugeros acquiesça à contrecœur. Bradavan me regarda avec perplexité.
- La famille Jarminal a conçu un bâtard ?! S’étonna-t-il. Ça me semble… difficilement imaginable, Votre Majesté. Ce ne sont pas ce genre de G-Man…
- Vous avez tout à fait raison, Grand Maître, répondit Scalpuraï. Car cette fille ne vient pas de la famille Jarminal. Ce n’est qu’une couverture imaginée par Kashmel et son complice Stuon pour infiltrer votre Ordre.
- K-Kashmel ? Balbutia Bradavan. Qu’est-ce qu’il viendrait faire dans cette histoire ?!
- Il est revenu, et se cache dans le manoir de Stuon Jarminal. Vous ne le saviez pas ? Bien sûr que non, vous ne le saviez pas. Vous ne voyez jamais rien de ce qui se joue devant vous, Grand Maître. Ce n’est guère étonnant que votre propre fille ait réussi à scinder l’Ordre en deux sous votre propre nez. Car c’est bien ce que vous êtes venu nous révéler, Votre Excellence Jugeros ? Que Meika Irlesquo est la dirigeante de Lance ?
Jugeros ne sembla pas du tout ravi que Scalpuraï soit déjà au courant, et surtout casse son effet devant l’Empereur. Bradavan, lui, ouvrait et fermait la bouche comme un poisson hors de l’eau, totalement abasourdi.
- Que… ma fille… dirigeante de… Lance ? C’est… totalement absurde…
- Ne vous fatiguez pas à comprendre, Grand Maître, lui dit Scalpuraï. Vous auriez bien du mal avec vos capacités intellectuelles limitées, et de toute façon, vous en aurez guère l’intérêt. Ce n’est pas à ce sujet que je voulais vous questionner, de toute façon. Dîtes-moi, Grand Maître… Vous vous souvenez bien de la promesse que vous avez faite au Seigneur Xanthos, quand vous êtes venu le voir pour accuser votre père d’avoir engendré des bâtards G-Man ? Vous vous souvenez bien ce qu’il vous a dit après avoir décidé de vous épargner malgré votre statut de G-Man illégal ?
Le visage de Bradavan se ferma, et malgré sa stupeur, il répliqua d’un ton hautain :
- Je m’en souviens oui. Et j’ai respecté ma promesse. Ma famille a toujours strictement respecté la loi. Ces accusations contre ma fille sont…
- Ce n’est pas votre fille que j’accuse, mais vous, l’arrêta Scalpuraï. Le Seigneur Xanthos vous avait prévenu, que si jamais un membre de la famille Irlesquo contrevenait à nouveau à la loi sur les naissances G-Man, elle serait exterminée pour de bon cette fois. Il aurait dû le faire après ce que vous nous avez appris sur votre père, mais il a récompensé votre sincérité en vous épargnant. Il n’y aura pas de troisième chance cette fois.
- Je ne vois pas ce que vous voulez dire, Seigneur Scalpuraï, répliqua sèchement le G-Man. De quoi m’accusez-vous, exactement ?
- D’avoir engendré un bâtard G-Man. Vous le niez ?
- Evidemment, et avec la plus grande fermeté ! Mes deux enfants sont le fruits de Sareim Therno, une G-Man tout ce qu’il y a de plus pur !
- Vous niez donc avoir couché avec des esclaves humaines ?
- Je… fit Bradavan en hésitant, gêné. J-j’ai respecté la loi. Je les ai toujours tuées après.
- Toujours ? En êtes-vous sûr ? Insista Scalpuraï avec un cruel amusement.
- Où veux-tu en venir, Scalpuraï ? Intervint l’Empereur. Je suis las de ces sous-entendus. Exprime-toi clairement.
- Oui, Majesté. Cette gamine G-Man que j’ai amenée, elle ne se nomme pas Sixtine Jarminal, mais bien Sixtine Irlesquo. C’est l’engeance du Grand Maître ici présent, et d’une esclave humaine.
Il y eu un moment de flottement, durant lequel toutes les personnes mesurèrent la portée de ses propos. J’avais l’impression que mon cerveau flottait dans de l’eau gelée. Bradavan Irlesquo, mon père ? Non. Impossible.
- Ceci est une pure diffamation ! S’exclama Bradavan. Votre Majesté, vous savez très bien que le Seigneur Scalpuraï déteste les G-Man. Ce n’est qu’une ignoble tentative de plus de sa part pour salir l’Ordre. Pour me salir !
- Nous le saurons très facilement, Grand Maître, fit calmement Daecheron. Jugeros a le Talent Spécial de détecter la culpabilité de toute personne. Alors parlez sincèrement : vous avez bien tué toutes les femelles humaines avec qui vous avez couché ?
- Je… Certainement, Votre Ma…
- Vous mentez, répliqua Jugeros à ses côtés. Vous n'en êtes pas sûr.
Bradavan commença à trembler sous le regard sanguin de l’Empereur.
- Il y en a… peut-être une, Sire… Une esclave de mon manoir qui est parvenue à m’échapper… Mais je n’ai couché qu’une seule fois avec elle, et elle a reçu l’aide d’un complice à l’intérieur de l’Ordre, cela ne fait aucun doute ! J’ai été trompé, Sire. Je suis innocent !
Visiblement, Bradavan n’avait pas saisi que l’esclave en question se trouvait tout près de lui. Il n’avait pas reconnu Mizulia, et cette dernière semblait se retenir d’éclater de rire. Vu la réaction de ma mère, toute cette histoire semblait être vraie. Et ça me rendit malade.
- Vous mentez à nouveau, répliqua Jugeros, impitoyable. Vous avez couché plus d’une fois avec cette femme. Vous vous êtes entiché d’elle, et vous comptiez la tuer que quand vous elle vous aurait lassée.
- Je… c’est… en fait…
Bradavan n’arrivait même plus à se défendre. Il suait à grosses goutes, et semblait sur le point de s’effondrer en pleurant. Daecheron tourna son regard vers Jugeros.
- Ta conclusion, Haut Juge ?
- Coupable, déclara Jugeros sans hésiter.
L’Empereur soupira, comme ennuyé, puis fit un geste vers Scalpuraï.
- Il est à toi.
Bradavan hurla, comprenant bien que ces simples mots signifiaient son arrêt de mort. Scalpuraï, tout à son bonheur, prit son temps pour marcher jusqu’à lui. Bradavan tira maladroitement sa Lamétrice et lança quelques attaques normales très faibles sur Scalpuraï, qui sembla s’amuser de sa piètre résistance. Quand l’Ecorcheur Argenté se jeta véritablement sur lui, ce fut un carnage de cris, de bruits écœurants et de liquide qui tombait au sol. Mais, avant de l’achever, Scalpuraï dut se souvenir de quelque chose. Il recula, et regarda Mizulia. Cette dernière hocha la tête, et ce fut elle qui arracha les dernières bribes de vie au corps charcuté de Bradavan.
Peut-être voulait-elle, qu’au moment de sa mort, le Grand Maître G-Man la reconnaisse et comprenne qu’il s’était fait rouler par Scalpuraï. Mizulia prit un plaisir malsain à achever le G-Man, et même si j’étais dégoûtée d’avoir appris que cet homme pitoyable et mauvais était mon père, ce spectacle de ma mère qui semblait aux anges tandis qu’elle plongeait ses couteaux dans son corps me révulsa. Jugeros aussi détourna le regard, comme s’il jugeait toute cette barbarie indigne de lui.
- Mes excuses pour la dégradation des lieux, Votre Majesté, fit Scalpuraï en indiquant tout ce sang qui jonchait le sol royal.
- Sire, je pense qu’il est inutile de vous le dire, commença Jugeros, mais il semble évident que tout ceci a été orchestré par Scalpuraï lui-même. La mère de cette bâtarde n’est sans nul doute personne d’autre que son esclave ici présente. Il l’a envoyée auprès d’Irlesquo pour le pousser à commettre cette faute, et ainsi avoir une raison d’engager des représailles contre l’Ordre.
Scalpuraï resta silencieux face à cette accusation, signe que Jugeros avait mis dans le mille. Mais Daecheron balaya la remarque d’un geste de la main.
- Peu importe. Même si piège il y a eu, le Grand Maître a enfreint la loi en toute connaissance de cause, alors qu’il avait été dûment prévenu jadis.
- En effet, Votre Majesté, approuva Scalpuraï. Ce n’est qu’un signe de plus - s’il en fallait d’autres - qu’on ne peut pas faire confiance aux G-Man. Si leur Grand Maître lui-même accorde si peu d’importance à la loi impériale, que peut-il en être des autres ? Ce qu’a dit Son Excellence Jugeros tout à l’heure est vrai : Meika Irlesquo est la chef de Lance. Je l’ai également découvert. Cette famille est corrompue. Tout l’Ordre est parasité par des terroristes et des révolutionnaires. Votre Majesté… il est plus que temps d’en terminer avec les G-Man, une bonne fois pour toutes. Ils ont eu leur utilité dans le passé, mais à présent, ils sont plus un poids qu’un atout.
Daecheron resta silencieux un moment. Il avait planté son terrible regard rouge sur moi, et je sentis mes jambes trembler malgré moi.
- Cette enfant s’appelle Sixtine, tu as dis ? Curieux choix de nom. Il me rappelle une autre jeune G-Man, que tu as bien connue si je ne me trompe, Scalpuraï ?
Le Trigarde resta stoïque, mais tous purent voir qu’il s’était raidit.
- Oui, mon empereur… Mon esclave Mizulia s’est permise quelque prises de liberté quand elle a nommé sa fille.
- Tu connaissais donc l’histoire de la première Sixtine, humaine ? Demanda l’Empereur en s’adressant directement à ma mère.
- En effet, Votre Majesté. Mon maître me l’a contée.
- Cette faiblesse ne l’a jamais vraiment quitté. Depuis tous ces siècles, il rumine encore cette histoire. Il en a toujours voulu aux G-Man pour cela, et je doute même que ça cesse quand l’Ordre sera anéanti.
Jugeros ricana doucement, tout à son plaisir d’entendre l’Empereur se moquer de Scalpuraï et de son passé.
- Votre Majesté, se défendit l’intéressé, ce n’est pas à moi que je pense, mais au futur de l’Empire. Les G-Man ne sont plus tenables. Il est clair que Kashmel Irlesquo est de mèche avec sa nièce Meika, et…
- J’ai des informations à ce sujet, si vous permettez, intervint Jugeros. Des informations que même vous, Seigneur Scalpuraï, vous n’avez pas pu dénicher.
- Nous t’écoutons, Haut Juge, dit l’Empereur.
- Merci, Sire. Comme Scalpuraï le sait sûrement grâce au travail de son espionne dans l’Ordre, j’avais un contact là-bas. Un contact de premier choix : Sareim Irlesquo, la femme du Grand Maître. Elle a accepté, en échange de clémence pour ses deux enfants, d’user de ses pouvoirs de Mushana pour absorber les rêves de son mari et de sa fille, et de me les transmettre. Elle est morte la nuit même où elle m’a transmis un stock de rêves des plus importants, ce qui me laisse à penser que Kashmel a dû s’en rendre compte et l’a assassinée. Bref, j’y ai trouvé nombre de réponses à nos problèmes actuels concernant Lance. Le fait que Meika en est la créatrice et la chef. Les noms de la plupart de ses membres. Leurs projets globaux. Mais aussi une information très intéressante.
Tenant là son effet sur son auditoire, Jugeros poursuivit après un court silence :
- Meika Irlesquo n’est pas la fille de Bradavan. Elle est de Kashmel lui-même. Quand Kashmel s’est enfui après sa capture, Sareim était enceinte de Meika depuis quelques jours seulement. Les femmes G-Man savent quand elles sont enceinte le jour-même, grâce à l’Aura. Si l’Ordre avait su qu’elle portait l’enfant d’un fugitif, on l’aurait forcé à avorter. Alors, pour protéger son bébé à naître, elle épousa Bradavan au plus vite, et lui fit croire, à lui, ainsi qu’à tout l’Ordre, que Meika était de lui.
Encore une information qui me cloua sur place. Et cette fois, même Scalpuraï et Mizulia furent surpris.
- Meika Irlesquo est-elle au courant ? Demanda le Pokemon Acier.
- Bien sûr, répondit Jugeros. Sa mère ne lui a jamais dit durant son enfance. Elle l’a découvert le jour où Kashmel est revenu à la capitale, il y a dix ans. Il avait senti dans l’Aura que Meika était de lui, et l’a rencontrée. Il lui a dit toute la vérité, et c’est à ce moment là j’imagine, qu’il l’a recrutée à sa cause, en lui demandant de créer un groupe rebelle le temps qu’il revienne pour mettre en œuvre son plan.
Kashmel ne m’avait rien dit de cela. Pourtant, ça m’étonnerait que Jugeros mente à l’Empereur. Kashmel m’avait donc caché des choses importantes. Il avait joué la comédie en prétendant qu’il ne connaissait pas Meika. Il avait peut-être même tué Sareim, comme Jugeros le suspectait. Alors… était-il possible que Mizulia dise la vérité, et que ce soit lui qui ait éliminé Stuon ?
- Il ne fait aucun doute que Kashmel et sa fille passent à l’action prochainement, poursuivit Jugeros. Le groupe Lance est bien plus étendu que tout ce qu’on aurait pu imaginer. Il faut agir sans tarder, Votre Majesté, ou bien nous aurons une révolte de G-Man sous les bras… si ce n’est pire.
Scalpuraï hocha vivement la tête, enfin d’accord avec Jugeros.
- Ainsi soit-il, déclara Daecheron.
Il se leva de son trône et écarta ses larges ailes sombres, comme pour donner plus de poids à ses paroles.
- Par décret impérial immédiat, je supprime toutes les lois relatives impériales relatives aux G-Man. Ils ne bénéficient plus de la protection de l’Empire. Leur Quartier G-Man n’est plus interdit aux Pokemon. Je confisque tous leurs biens, et je les condamne tous à mort.
Scalpuraï exultait. Comme il me l’avait promis, il était arrivé à ses fins grâce à moi, et ce sans mon accord. Je n’avais même plus la force de me rebeller contre le sort promis aux G-Man. J’étais encore sous le choc des révélations consécutives ayant trait à Bradavan et à Kashmel. Des menteurs et des manipulateurs, tous les deux. Le sang Irlesquo était décidément pourri, et savoir que j’avais ce même sang en moi me donna la nausée. Même la pensée de ma mort certaine et prochaine ne me paraissait plus inquiétante, à présent.
- Scalpuraï, je te charge de mener un raid contre le Quartier G-Man, poursuivit l’Empereur. Tu auras tous les soldats que tu souhaites. Tu es libre de tuer quelques G-Man sur place, mais je veux aussi des prisonniers. Après tout, dispenser une vraie justice est important, n’est-ce pas, Haut Juge ?
- Assurément, Sire, répondit Jugeros. La culpabilité se doit d’être entendue et reconnue par tous pour être pleinement acceptée. Et des mises à mort dans les règles au terme d’un verdict, ça aussi, ça a du sens.
- Je ferai mon possible pour vous en ramener quelque uns entiers, déclara Scalpuraï.
À son ton, on pourrait croire que ça lui demandait là un effort exceptionnel. Mais à l’instant, les portes de la salle du trône s’ouvrirent à nouveau, et un Pokemon affolé entrant en courant. Il s’agissait d’un Pingoleon, le corps recouvert de plusieurs médailles.
- Sire ! Sire ! Criait-il.
- Eh bien donc, général, que me vaut toute cette agitation ?
Le Pokemon s’arrêta devant le trône, haletant, et ne pris même pas la peine de saluer Jugeros et Scalpuraï, ni de s’étonner devant le cadavre de Bradavan, signe que la situation était grave.
- P-pardonnez-moi, Votre Majesté… Mais nos rapports indiquent que quelque chose de grave vient de se dérouler. On nous a signalé plusieurs combats au sein même du Quartier G-Man. Les éclaireurs que j’ai envoyé sont morts, et tout le quartier est bouclé et protégé par des G-Man qui refusent de nous laisser entrer. Et puis, nous venons de recevoir une déclaration officielle…
Il continua difficilement.
- Le dénommé Kashmel Irlesquo vient de prendre le contrôle de l’Ordre G-Man, et ce dernier ne reconnait plus l’autorité impériale. Le groupe Lance règne en maître là-bas, désormais.
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Image de Daecheron :
