Chapitre 3 : Nouveaux amis
Quelques jours passèrent, le sinnohïte s’était plutôt bien intégré au groupe. Malgré tout, toujours à l’écart, Coleene le dévisageait encore avec un mépris assez visible. Il partageait cependant déjà des petits moments sympathiques avec Sophia, et aussi Marie-Kate, dans une moindre mesure. Le courant passait aussi avec les jumeaux, mais moins. C’était assez normale, il s’était toujours sentit plus à l’aise avec la gente féminine.
Les jeunes profitaient de ce jeudi après-midi libre pour passer du bon temps, dans le salon de la pension.
Absorbés par l’écran, Arthur et Marie-Kate disputaient une partie de Call of Duty, apparemment serrée, sur la PS4. De l’autre côté de la pièce, Samuel défiait Sophia au billard, sous l’œil peu attentif de Brian, trop occupé par l’ordinateur portable posé sur ses genoux.
Ils ne cherchaient pas à appliquer une règle officielle en particulière, il fallait juste taper en premier, la boule la plus petite. Néanmoins, la rousse menait, suite à un série de frappes qui avaient eu raison de deux des plus grosses, par un savant jeu de ricochets. Contrairement à son adversaire, elle avait de l’expérience dans ce sport.
Aussi, étonnamment, même l’associable cousine traînait vers eux, dans son coin, cherchant dans la bibliothèque un livre qu’elle n’aurait pas déjà lu.
Le téléphone de Brian émit soudain un petit son. Il regarda aussitôt, il avait reçu un message. Ce qu’il avait reçu ne l’enchantait guère.
— Bon, les gars, c’est foutu pour la soirée de ce soir ! râla-t-il, en soufflant, blasé. La M.E.A a bouclé le quartier d’Henry, ils poursuivent un groupe de mutants…
Les trois concernés soufflèrent d’exaspération. Ce n’était pas la première fois. Ceci rappela alors quelque chose au garçon à l’ordinateur.
— … Tiens, d’ailleurs, on ne t’a pas posé la question, Samuel : qu’est ce que tu penses des actions de la M.E.A ?
— Brian, non ! tempêta Marie-Kate en se retournant vers le blond.
— Quoi ?! Il a le droit d’avoir un avis, merde !
Le sinnohïte leva les paumes, souriant de la scène.
— C’est bon ! Vous battez pas ! Ça ne me pose pas de problème, je vais répondre franchement…
À cette instant, Coleene releva légèrement la tête, sortant son esprit de la quatrième de couverture qu’elle étudiait. Même si elle ne pouvait pas voir le jeune homme en peinture, elle voulait connaître son point de vue, au moins inconsciemment.
Samuel prit alors un air plus sérieux. À l’intérieur de lui, son cœur se serra : cette organisation, il voulait la voir disparaître.
— … Je trouve que le M.E.A ne devrait même pas exister ! Les mutants sont nos frères, ils devraient être considérés comme tels, comme nous le faisons à Sinnoh, ou dans pratiquement toutes les autres régions du monde ! C’est une honte, qu’un gouvernement puisse traiter des êtres humains de la sorte, sans qu’aucun autre pays ne fasse quelque chose !
Ne s’attendant sûrement pas à une réponse aussi passionnée, tous le regardèrent durant une bonne seconde, un brin interloqués. Seule la fille cheveux de jais marmonna, de manière inaudible, un ’’évidemment’’ blasé.
— Tu as l’air d’être assez impliqué dans tes propos, nota Arthur.
Une larme pointant au coin de son œil, il baissa la tête, mélancolique.
— Oui, ma meilleure amie était mutante.
— Était ? ne comprit pas la rousse.
Le brun hocha douloureusement la tête.
— Elle est décédée il y a trois ans.
— Oh, je suis désolée !
— C’est pas grave, tu ne pouvais pas savoir…
L’adolescent s’essuya les yeux puis désigna le plateau de jeu d’un signe de tête, souriant à nouveau pour mettre de côté ses souvenirs.
— … Bon, tu joues, que tu puisses finir de me mettre une raclée !
Sophia sourit, puis empocha la boule dix, après avoir fait ricocher deux fois la quatre. Lui fit la moue, ils ne jouaient définitivement pas dans la même cours. Il aurait préféré travailler sa technique au billard, pendant ces trois dernières années.
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Quelque minutes passèrent, puis Coleene quitta la pièce, Le Comte de Monte-Cristo sous le bras. Elle le lirait plus tard.
Pour le moment, la jeune fille voulait rendre visite à la mutante qu’elle avait sauvée, lundi. C’est l’homme qui l’accompagnait ce jour-là, qui avait pris soin de cette femme, dans son appartement du centre-ville.
Elle se rendit donc dans le garage. Pas question de prendre le bus, pas quand on a une superbe Kawasaki Ninja, noire comme la nuit, qui vous y attend. La demoiselle adorait ce genre de bolide surpuissant. Elle en prenait autant soin que de ses pokémons.
Alors que l’adolescente enfilait son blouson, déjà assise sur sa moto, madame Strauss arriva en voiture.
— Alors Coleene, on va à un rendez-vous galant ?! la taquina cette dernière, souriante.
La motarde dodelina de la tête, reposant un instant son casque.
— N’importe quoi ! Et puis quoi encore ?
— Tu devrais au moins chercher à te faire des amis plus proches, ça te ferait du bien, lui conseilla la vieille dame, devenue soudain plus préoccupée. Pourquoi pas le nouveau, Samuel ?! Il est très gentil et vous avez quelques points communs tous les deux !
Exaspérée, la jeune haussa légèrement le ton.
— Oh non, pas vous madame Strauss, s’il vous plaît, ne vous y mettez pas !… Tout le monde veut que je sois aimable avec lui, alors que… Merde ! C’est qu’un humain comme tout les autres !
— J’ai confiance en lui. Il est plus grand intérieurement que ces chiens de la M.E.A. Lui, il ne te décevra pas. Tu me fais confiance ?
Coleene souffla.
— Tsubasa aussi, il avait la confiance de tout le monde !… Quand on voit ce que ça a donné ! Même mon père s’est fait prendre au piège. On s’est tous fourvoyé sur lui !…
Une larme coula sur sa joue, elle se mordit la lèvre.
— … J’ai pas envie que ça recommence !
La propriétaire posa une main bienveillante sur l’épaule de sa pensionnaire, qui aurait bien pu être sa petite-fille.
— Si je l’ai fait venir ici, c’est parce que je savais pertinemment qui il était, à l’intérieur. Je te connais, un anti n’aurait même pas passé la porte d’entrée… Réfléchit à cela, s’il te plaît !
— Ouais, d’accord, je verrai !
La vieille dame partit en direction de la maison, espérant avoir réussi à faire changer l’avis de sa pensionnaire. Celle-ci enfila alors son casque et fila en direction du centre-ville. Et puis quoi, encore, faire confiance à cet inconnu, immigré d’on ne savait où ? Même pas en rêve !
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Arrivée devant un bar nommé ’’L’initiale’’, l’adolescente ralentit et s’engouffra dans l’étroite ruelle quelques mètres plus loin. Slalomant entre les bennes à ordures, elle finit enfin par se stopper en face d’une porte liée à l’arrière-boutique du bistrot chic.
Une fois son casque retiré, la jeune fille frappa sur la plaque d’acier, un coup, deux coups, un coup.
Un homme musclé ouvrit, c’était celui qui l’avait accompagnée lundi. Trentenaire flamboyant dépassant allégrement les deux mètres, il portait une barbe fournie qui couvrait sa mâchoire carré, contrairement au sommet de son crâne, qui était parfaitement rasé.
Sans dire un mot, il lui indiqua de le suivre au premier étage. Ce qu’elle fit sans hésitation.
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À l’étage, Coleene entra dans la première pièce sur la gauche, une chambre lumineuse, donnant sur la rue. Elle restait assez sobre, bien qu’elle soit plus chaleureuse que celles des hôpitaux. La mutante somnolait là, sur le lit en bois massif, tête orientée vers le mur de droite.
Entendant entrer sa sauveuse, la femme, ayant repris sa forme humaine, ouvrit les yeux.
— Ah, c’est toi ! fit-elle, souriant.
La fille aux cheveux de jais lui rendit son sourire. Il fallait se l’avouer, c’était rare de voir la jeune fille esquisser un sourire, qui plus est, franc. Pourtant, cela ne la rendait que plus belle.
— Ouais, je venais voir comment tu t’en remettais !?
— Ben, Steven m’a dit que je n’avais que quelques contusions et des plaies pas si profonde qu’elles en avaient l’air, donc rien de bien méchant. Il faut croire que mes pouvoirs de guérison fonctionnent bien.
L’héroïne hocha la tête, s’asseyant contre la tablette d’une des fenêtres.
— OK, cool ! Et mentalement ?
— Nickel ! Ces types m’avaient bien chargée niveau psychotropes, quand j’essaye d’y repenser, c’est très flou, comme un cauchemar au réveil.
— Pas étonnant, avec les pouvoirs mentaux que tu as, ils auraient jamais pu te kidnapper sans…
Elle se mordit la lèvre, embêtée.
— … Mais du coup, tu ne te rappelles pas s’ils parlaient de la date de leur prochain ’’Mutant’s Fight’’ ?
Voulant aider, l’hybride de Gardevoir se concentra un instant, fermant les yeux pour mieux explorer son propre esprit.
— Euh, si ! Attends !… Samedi Soir, à l’arène clandestine du 15éme…, non, celle du 16éme !… Mais je suis pas sûre du tout. Désolée !
— T’inquiète pas, tu nous aides déjà bien !
Coralie, c’était son nom, la dévisagea alors.
— Plus je te regarde, plus j’ai l’impression que… Tu ne serais pas une des filles d’Edgar, par hasard ?…
Même si elle ne voulait pas, Coleene fut obligée de hocher la tête.
Aussitôt, les pupilles de la mutante se dilatèrent, sa voix changea aussi, trahissant son excitation.
— … C’est un honneur de te rencontrer ! Surtout dans de pareilles circonstances !
La fille aux cheveux ébènes haussa les épaules, en soufflant, blasée.
— C’est bon ! En fais pas tout un plat, non plus ! S’il y a des gens à admirer dans ma famille, c’est pas moi, plutôt mes parents, ou même ma sœur, qui joue les Sherlock à Hoenn.
— Mademoiselle fait la modeste, c’est beau !… Mais du coup, t’es américaine, ça c’est la classe !
— Nope ! rétorqua la fille d’Edgar. Je suis née à Kalos. Par contre, ma sœur, ouais, elle est née là-bas, en Californie.
— Ah cool !…
La jeune femme aux cheveux verts tapa dans ses mains, elle se rappelait d’un truc.
— … Et le gamin, qu’est-ce qu’il est devenu ?
L’adolescente fronça les sourcils, ne comprenant pas.
— Le gamin ? Mais quel gamin ?!
— Enfin, c’était pas vraiment un gamin, il avait ton âge. Enfin, je crois. Ça reste assez flou. Il est arrivé peu de temps avant toi, d’ailleurs… Il m’a dit qu’il venait me sauver… puis je crois qu’il est allé chercher une pince pour ouvrir le cadenas… Après, il a disparu.
Elle parlait évidemment de Samuel. Coleene était peut-être un peu têtu-bornée, c’est vrai, mais même si le résultat allait à l’encontre de ce qu’elle en pensait, elle pouvait toujours reconsidérer son avis, si tant est qu’il y avait des arguments très solides contre celui-ci.
Peut-être qu’ils avaient tous raison finalement, ce Samuel était peut-être un gars bien, et pas un anti, comme elle en était persuadée. C’en était certain maintenant, elle lui donnerait une chance, une unique chance.
Et puis, bon, elle ne pouvait se cacher qu’elle lui trouvait un certain charme.
— Il est partit peu de temps après, il a sûrement eu peur quand on est entrés.
— Dommage, il avait l’air sympa !
La jeune fille fit la moue, perplexe.
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Pendant ce temps, les autres jeunes de la pension jouaient aux cartes, autour de la table basse, avec, en fond, la TV qui diffusait une chaîne d’informations en continu.
Arthur et Marie-Kate étaient restés sur le canapé qu’ils occupaient, tandis que les autres avaient pris place assis, en tailleur sur des poufs, Brian tournant le dos à l’écran.
Samuel continuait à perdre, ne connaissant pas assez les règles du jeu auquel ils jouaient. De ce fait, la blonde l’aidait à choisir les bonnes cartes.
— Tiens, joue ton trois de trèfle, lui indiqua-t-elle, penchée vers lui pour voir son jeu.
Le jeune homme s’exécuta. Ces dernières années, il n’avait pas vraiment eu le temps de perfectionner sa maîtrise des jeux de cartes, ça faisait bien longtemps qu’il n’y avait pas joué.
Jetant une carte à son tour, le blond soupira.
— Bon ! Comme Henry annule sa soirée, on fait quoi ? On sort toujours, ce soir ?
— Ah ben, ouais ! affirma Sophia, motivée. On n’a qu’à aller en boîte ! Qui est chaud ?…
Les jumeaux levèrent aussitôt la main, Marie-Kate fit de même.
— … Tu viens avec nous, Sam ?…
Ça aussi, ça faisait longtemps. La dernière fois que le brun avait fait la fête, c’était avant son passage à la ligue, il y a trois ans. Il accepta volontiers. Elle sourit.
— … Ben parfait !
— Tiens ! Il ne s’est toujours pas fait assassiner celui-là ? constata Arthur en regardant l’émission qui passait en fond.
À la TV, un journaliste recevait un homme élancé, d’une trentaine d’année, à la barbe à peine rasée et aux cheveux noirs en bataille. Cet homme portait un pantalon de costume noir et une chemise violette criarde, surmontés par une longue blouse de chimiste. C’était vraisemblablement un scientifique.
— Pourquoi ? ne comprit pas le sinnohïte.
« Bonjour monsieur Platane ! Vous êtes professeur pokémon à Illumis, mais si nous vous accueillons dans notre chronique littéraire aujourd’hui, c’est pour la sortie de votre nouveau livre choc : ’’Mutants : De la biologie d’une espèce à part’’. Vous y prouvez scientifiquement qu’homo pokémonaensis, plus couramment appelé homme mutant ou hybride, serait plus proche d’homo sapiens que des pokémons. »
« Bien le bonjour. Tout d’abord, je vous remercie de m’avoir invité. En effet, c’est un des constats de mon étude. Néanmoins, j’ai aussi mis en évidence qu’ils étaient fondamentalement plus instables psychologiquement que nous. De par le fait que leurs pouvoirs peuvent les contrôler ou les faire se sentir supérieur à nous. L’Histoire nous montre indéniablement que ces individus sont souvent à l’origine d’événements tragiques. »
— C’est un des rares mecs connus qui peut se mettre à la fois les pros et les antis à dos, en une seul déclaration. Ça n’aurait pas été étonnant qu’il se fasse descendre par l’un des deux groupes.
Le journaliste continua son interview, présentant le livre face caméra.
« Très bien. Tout le long du livre vous êtes pourtant plus enclin à des arguments en faveur des mutants. Que pensez-vous des actions de la M.E.A ? »
« Leur but est tout à fait louable, je ne dit pas le contraire, mais leurs méthodes d’interpellation et d’incarcération sont, je trouve, trop dures. Je l’ai dit, les mutants sont proches des humains, ils doivent être traités comme tels. »
« Effectivement, et donc que pensez-vous d’Edgar Dorgman, le leader reconnu de l’A.M.L ? »
« Je ne suis pas sûr que la violence permette de lutter contre la violence. Et puis, vous savez, Edgar Dorgman est américain. Il vient là où il veut, quand il veut, pour faire ce qu’il veut. Les États-Unis ont déjà causé suffisamment de problème dans le monde : que ce soit au Viêtnam, ou au Proche-Orient. Qu’ils partent faire la guéguerre ailleurs, nous réglerons nos problèmes pacifiquement. Je suis persuadé que nous obtiendrions un bien meilleur résultat… »
— Heureusement qu’elle n’est pas là. marmonna la cousine de Coleene, en cachant son visage avec sa main, exaspérée par les propos de l’écrivain. On a échappé au pire.
Soûlée, l’adolescente changea aussitôt de chaîne, passant sur celle qui diffusait de la musique.
Même chez les pro-mutants, les agissements de l’Armée Mutante Libre faisaient débats.
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Aux alentours de 21h, Sophia toqua à la porte de chambre du sinnohïte.
— Sam, t’es prêt ? On y va !
— Oui, j’arrive !
Sur ces mots, le jeune homme sortit, refermant la porte derrière lui. On pu néanmoins apercevoir, un court instant, le tas de babioles électroniques, sur son bureau, qui avait augmenté depuis l’autre jour.
— Hey, t’es beau gosse ! siffla la rousse, en le scrutant de la tête aux pieds.
Ayant quitté son look de vacanciers, le brun portait un jean noir ainsi qu’une chemise en lin blanche. Le tout agrémenté par des tennis noires, et une ceinture, où trônaient ses PokéBalls.
Ne s’y attendant pas, il sembla gêné, haussant un sourcil.
— Heu… merci !… T’es pas mal non plus !
En effet, pour aller en soirée, la jeune femme avait revêtue une robe bustier beige, qui sublimait sa frêle silhouette, surmontée par un mini-gilet gris. Pour compenser sa petite taille, elle portait aux pieds des bottines aux talons de dix centimètres.
Même s’il préférait toujours les courbes musclées de la fille aux cheveux noirs, Samuel devait avouer que la rousse avait aussi du charme.
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Dans l’entrée, les autres les attendaient déjà. Les jumeaux s’étaient aussi mis sur leur trente-et-un. Marie-Kate, elle, n’avait fait l’effort que de mettre une jupe blanche plissée, qui s’arrêtait aux genoux. Elle avait en effet gardé le sweat à capuche qu’elle portait l’après-midi, et les mêmes baskets que tous les jours.
— C’est bon, pas besoin, j’y vais pas pour pécho, moi ! rétorqua-t-elle à l’aînée, qui lui posa la question, alors qu’elle était dans les bras d’Arthur.
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Arrivés dans la boîte de nuit, où les kalosiens allaient régulièrement, le groupe s’installa à une table entourée de fauteuils, de celles qui bordaient la circonférence de la salle circulaire. À cause de l’éclairage, des faibles néons multicolores, l’ambiance était sombre et chaude à la fois. La musique techno emplissait l’endroit, à un niveau sonore beaucoup trop élevé, faisant se trémousser la foule en son centre.
Tout ce monde, tout ce bruit, Samuel n’était pas à l’aise dans tout ça, mais il devait se faire violence, tôt ou tard, il ne pourrait y échapper.
Aussi, on sentait déjà les vapeurs d’alcool émaner des tables voisines.
— Alors, vous prenez quoi ? questionna le grand brun, collé à la blonde, tout deux le nez dans la carte.
— Je sais pas, comme d’hab’ ! Deux bouteilles, une de whisky, une de Coca, et on fait le mélange comme on veux ?!
Tous approuvèrent la proposition de Brian, qui apostropha aussitôt une serveuse.
Trente secondes d’attente suffirent pour que la commande soit satisfaite. Ce fut Arthur qui se préposa au service. Marie-Kate, Brian et lui prirent une part égale des deux liquides. Sophia, quant à elle, remplit entièrement son verre d’alcool, ne voulant une goutte de soda que pour la forme. Enfin, le sinnohïte ne prit tout simplement pas de whisky, juste du Coca.
— Tu bois pas d’alcool ? s’étonna la blonde.
— Oui, j’ai arrêté ! Mon envie pour l’éthanol était un peu trop importante, il y a pas si longtemps.
Elle ne posa pas plus de questions. À coté de lui, la rousse ricana, avalant ensuite une gorgée.
— T’as bien raison ! Moi, le jour où l’alcool me fera de l’effet, on sabrera le champagne. Je peux en boire deux litres sans en ressentir les effets.
— Comment ça se fait ?
Elle haussa les épaules, souriant malgré un certain dégoût.
— Aucune idée !
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La soirée se poursuivit dans la joie et la bonne humeur. Poussé par les jumeaux, qui entre-temps, avaient recommandé une bouteille, le brun finit même par prendre un fond de whisky.
Les deux bouteilles finies, les jeunes voulurent bouger un peu, danser. Après tout, s’ils n’avaient voulu que boire, ils seraient restés à la pension. Mais, à la vue de la foule sur la piste, Samuel fut soudain réticent. Il resta assis.
— Tu viens pas ? Lui demanda Sophia, inquiète.
Le jeune homme lui sourit, touché par son inquiétude. Mais il secoua tout de même la tête.
— Non, je préfère pas.
— Mais, viens !… le supplia t-elle, en lui tendant la main… S’il te plaît !…
La rousse lui fit les yeux doux.
— … Tu sais, c’est pas grave, si tu ne sais pas danser.
Comment pouvait-il résister à une jolie fille qui lui faisait clairement des avances ? Il ne pouvait pas. C’est ainsi que le sinnohïte se fit emmener par son amie au cœur de la foule.
Les deux jeunes dansèrent quelques minutes côte à côte. Le jeune homme bougeait un peu n’importe comment, il n’avait jamais vraiment eu le rythme dans la peau. Et en vérité, comme beaucoup d’autres choses, cela faisait longtemps, qu’il n’avait pas essayé de danser.
Quand tout à coup, ce que le brun craignait, se produisit.
Sa respiration s’accélérant, cumulée aux effets de l’alcool, sa tête se mit à tourner. Dans son esprit, les acclamations joyeuses des fêtards furent progressivement remplacées par des cris d’horreur, la musique, par des explosions et des rafales de balles.
Déboussolé, il manqua de s’effondrer. Le jeune homme se précipita alors aux toilettes, slalomant entre les fêtards.
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Samuel donna un grand coup d’épaules dans la porte des WC. Il se pencha aussitôt au dessus du premier lavabo venu. Il tremblait. Sa respiration était haletante. Son cœur menaçait dangereusement de quitter sa cage thoracique.
C’est à ce moment que, sentant la crise de panique de son dresseur, Gallame sortit de sa chambre sphérique, paniqué.
— Grégory, ça va ?!
— M’appelles… pas… comme… ça… s’il-te-plaît !
Rapidement, voyant l’état de son maître, le pokémon plongea sa main dans la poche arrière de son jean. Il en sortit deux gélules encapsulées dans de l’aluminium.
— Tiens, prends ça !…
Il ouvrit les médicaments, et les mit directement dans la main que lui tendait Samuel. Celui-ci les jeta dans sa bouche, puis pencha la tête en arrière pour les avaler. Il se pencha ensuite pour prendre de l’eau au robinet.
S’essuyant le bas du visage avec un mouchoir, le jeune homme commença presque aussitôt à pouvoir calmer sa respiration erratique.
Au bout de quelques longues minutes, le corps de Samuel se détendit complètement, reprenant ainsi son fonctionnement naturel. Durant cette interminable attente, le pokémon resta muet. C’était loin d’être la première fois que son dresseur faisait ce genre de crise. Parler n’aurait fait qu’empirer les choses.
— … C’était les mêmes hallucinations que d’habitude ?…
Toujours muet, le sinnohïte hocha la tête, et prit celle-ci dans ses mains, des larmes glissant le long de ses joues.
— … Maintenant qu’on est stabilisé, j’espère que tu comptes arranger ta situation ?
— Pourquoi ? Qu’est-ce que ça va changer ? Ça n’effacera pas ce que j’ai fais !
Le type psy dodelina de la tête.
— Je sais pas ?! Au hasard, t’aider à aller de l’avant !…
Il marqua une pause, voyant qu’il commençait involontairement à hausser le ton.
— … Je pourrai pas toujours te protéger de tes démons, tu sais. J’ai été autant touché que toi… Mais il faut continuer d’avancer, même si le passé est sombre, même si le futur l’est aussi…
Nouvelle pause. Une larme coula sur sa joue.
— … C’est le fardeau qu’on tient, de ceux qui sont restés derrière nous.
Le brun, séchant ses larmes, se redressa enfin. Puis, il se retourna, face à son fidèle allié, soudainement déterminé.
— Tu as raison ! Peu importe ce qui s’est passé, je ne peux pas abandonner ! Pas après qu’elles soient parties !
— Je te préfère comme ça. assura Gallame, le sourire aux lèvres, face à sa mission accomplie.
Sans rien ajouter d’autre, le pokémon rentra de lui-même dans sa SuperBall.
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Sortant enfin des WC, Samuel tomba nez-à-nez avec Sophia, dont le visage, livide, trahissait son inquiétude.
— Je t’ai vu partir précipitamment, j’ai eu peur ! le questionna-t-elle aussitôt. T’as rien de grave ?!
Le jeune homme sourit, secouant la tête.
— Non, rien, t’inquiète pas. Je me suis juste sentit un peu oppressé par tout ça.
Les traits de la rousse se décrispèrent de soulagement.
— Ah, tant mieux. Tu m’as fait vraiment peur, n’empêche !… Tu veux qu’on sorte prendre l’air, un petit peu ?… J’ai envie de fumer, en plus.
Le brun ne put qu’acquiescer, l’air frais ne pourrait lui faire que du bien.
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Dehors, le duo s’éloigna un peu des néons criards de la façade de la discothèque, pour se réfugier dans la douceur réconfortante de la pénombre.
Sophia sortit une cigarette de sa pochette, la porta aussitôt à sa bouche et en alluma l’extrémité, d’un seul et même geste. Pourtant, le jeune homme ne sembla pas l’avoir vue sortir un briquet.
Après une bouffée, elle s’excusa, gênée.
— Je suis désolée te t’avoir forcé la main pour venir sur la piste, je n’avais pas voulu comprendre que toute cette foule te causais autant de stress.
— C’est pas grave ! lui sourit le brun en retour, assis contre la bordure d’une fenêtre. Tu ne pouvais pas t’en douter.
La kalosienne sourit, heureuse qu’il le prenne bien. Inquiète mais curieuse, elle lui posa alors une question qu’il redoutait.
— Ça fait longtemps que ça te provoque ce genre de réaction ?…
Préférant regarder le sol, le sinnohïte ne répondit pas. Intérieurement, la jeune se rendit compte de son erreur, elle s’excusa à nouveau.
— … Excuse-moi, je te comprends ! On a tous eu des périodes difficiles dans nos vies…
Nouvelle bouffée, Sophia regarda ses mains, une pointe d’amertume se trahissant dans sa voix douce.
— … des moments qu’on voudrait oublier, des aspects de nous qu’on voudrait voir parfois disparaître…
Ses yeux regardèrent dans le vague. Samuel releva légèrement la tête, étonné qu’elle s’arrête comme ça.
— … J’ai …
Perdant le fil de ce qu’elle disait, la rousse approcha tout doucement son visage de celui du garçon, jusqu’à ce que leurs lèvres se touchent. Un contact qui ne dura qu’un instant. Encore sonné par les pilules, il ne recula pas. C’est elle qui le fit.
— … Pardon ! Excuse-moi ! Je suis désolée ! Vraiment, j’aurais pas dû ! commença à paniquer la jeune femme, en faisant des grands mouvements de bras. C’était absolument, absolument, pas ce que tu crois ! Sur le coup, j’ai cru que ça pourrait t’aider à te détendre ! Après tout, on m’a toujours toujours dit qu’un contact apaisait… Je sais pas ce qu’il m’est passé par la tête !
Le brun fut aussitôt gêné, plus par la réaction de son amie, que par son action, d’ailleurs. Il tenta vainement de la calmer.
— Non, non, c’est pas grave ! Ne te fait pas de mauvais sang pour si peu !…
Mais elle ne l’écoutait pas, trop occupée à s’en vouloir, à s’insulter elle-même de tout les noms.
— … Sophia ! Sophia ?…
Définitivement, la jeune femme s’était déconnectée de la réalité. Il n’y avait plus d’autres choix. Le jeune homme prit son courage à deux mains, et l’enlaça.
Surprise, la fille se laissa faire, mais il préféra s’expliquer. Une pointe de mélancolie se percevant dans sa voix.
— … T’inquiète pas, je comprends.
Le sourire aux lèvres, heureuse qu’il l’ait comprise, Sophia finit enfin par poser sa tête contre l’épaule du jeune homme.
— Merci ! chuchota-t-elle, reconnaissante.