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Distort City de Feather17



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Informations

» Auteur : Feather17 - Voir le profil
» Créé le 10/04/2018 à 13:10
» Dernière mise à jour le 10/11/2021 à 14:00

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Kanto   Présence de personnages du jeu vidéo

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001. I - 1 : Un jour pas comme les autres
JOUEUR RED
BADGES : 0
POKÉDEX : 0
TEMPS : 0:03

— Pfou ! Des Pokémon sauvages peuvent surgir à tout instant ! me réprimanda-t-il ce jour-là.

Le Professeur Chen ramassa sa pokéball et me toisa du regard, comme s’il évaluait chaque détail de mon anatomie. Confus, j’ai tenté de bredouiller une excuse mais rien n’y fit, ma voix se perdit dans ma gorge.

— Tu as besoin d'un Pokémon pour te protéger ! continua le scientifique dont la colère ne faisait que s’amplifier.

Par mon silence, il comprit que je n’en possédais pas. Son regard s’est alors assombri, comme s’il était possible qu’il s’énervât davantage. Je dus me résoudre à lui avouer mes projets et en m’entendant parler, je compris à quel point je m’étais montré téméraire. Ce jour-là, je venais d’atteindre la majorité légale pour obtenir un Pokémon. Comme tous les jeunes de mon âge, j’étais décidé à partir sur les routes sinueuses de Kanto en quête d’une renommée mondiale, prouvant à toute la région que j’étais le dresseur le plus talentueux. Mais ma rencontre avec ce Pikachu sauvage n’avait prouvé qu’une seule chose : mon incompétence.

— On n’a pas idée de s’aventurer dans les hautes herbes sans un seul Pokémon, maugréa le quinquagénaire sur la route qui nous menait vers le Bourg-Palette.

J’ai alors osé prononcer son nom, comme un gamin qui commence par présenter ses excuses en espérant que l’adulte lui pardonne tout.

— Ah ! Il parle ! lança le Professeur Chen de manière sarcastique. Pour toute réponse à ma demande de pardon, il soupira dans sa barbe.

Le Professeur Chen me toisa du regard en me faisant passer devant lui à la sortie de la Route 1. Comment avais-je pu me mettre à dos l’homme le plus sérieux de la région de Kanto, l’homme que j’admirais le plus au monde — après mon père, évidemment — en m’aventurant sur les sentiers dangereux de Kanto sans un seul pokémon à ma ceinture ? pensais-je.

— Alors pourquoi quitter la ville ?! explosa le Professeur Chen en m’interrompant dans mon mea culpa.

Nous étions arrivés à son laboratoire Pokémon et tous ses assistants s’interrompirent dans leur travail. L’un d’eux posa son regard réprobateur sur moi et je me jurai de lui faire baisser ses yeux lorsque je serais devenu un grand dresseur.

Je lui expliquai alors les véritables raisons qui m’avaient poussé à enfreindre la première règle de tout bon dresseur. En réalité, en y repensant, je me trouve particulièrement stupide. À l’époque, j’étais épuisé par la vie monotone de Bourg-Palette. Il ne s’y passait rien d’intéressant. C’était à peine si les Roucool daignaient survoler le village tellement la vie y était ennuyeuse. Tous les soirs, je regardais les matchs de la Ligue Indigo en boucle dans ma télévision.

Nidorino est envoyé face à Ectoplasma. Les deux monstres se jugent du regard, s’observent, attendent patiemment, cherchent la faille chez l’adversaire. Nidorino bondit dans les airs, Ectoplasma l’évite avec une facilité déconcertante. Je rembobine la cassette. Nidorino bondit dans les airs, Ectoplasma disparait une demi-seconde, comme une ombre éclairée par un rayon de soleil furtif. Je rembobine la cassette…

Je rêvais de voyages, de découvertes sur le monde qui m’entourait, je désirais tellement partir à l’aventure avec des Pokémon que j’aurais moi-même élevés… Je conclus mon discours en admettant que le fait de tourner en rond dans ce village paumé, c’était l’enfer pour moi.

En m’entendant parler, je me rendis compte d’à quel point je sonnais geignard et ennuyeux à souhait. Pas étonnant que le Professeur Chen ne m’écoutait plus. Toi-même, dans ta Pokéball, tu devais me juger sans une once de pitié.

Comme pour me convaincre moi-même, je m’écriai que je voulais être le dresseur le plus puissant de Kanto, que je voulais arriver à la cheville de mon père et le dépasser. Un jour, il faudra que je te parle de mon père et de ce que je ressentais pour lui à l’époque où je ne le connaissais que de rumeurs.

— Comme ton père ? releva enfin le Professeur Chen qui s’était arrêté devant son ordinateur. Rappelle-moi ton prénom ?

C’est fou comme jamais personne ne se souvenait de mon prénom. Red, ce n’était pas si compliqué à retenir, si ? Une seule syllabe qui explosait tel un volcan en éruption : la passion brûlante incarnée.

— Très bien. Repasse ce soir avec tes affaires de voyage prêtes. Tu peux disposer.

Et il me tourna le dos. Comprenant qu’un mot de plus et le Professeur Chen se raviserait, je pris mes jambes à mon cou et courus vers mon destin, le cœur léger. Ce fut la dernière fois que nous nous retrouverions dans la même pièce avant un long moment, toi et moi.

***

Redwan ouvrit les yeux subitement. Il venait de faire un de ses rêves dont on vivait chaque instant avec ardeur et dont on en oubliait la quasi-totalité à peine le cerveau éveillé. Une seule image était restée gravée dans sa rétine : celle d’un dragon enflammé disparaissant dans les ténèbres et les cris d’effroi. Redwan savait pertinemment bien que les dragons n’existaient pas, ou que toute autre créature magique n’était tirée que des contes et légendes. Cependant, ce rêve lui avait laissé une sueur froide dans le dos. C’était la première fois qu’un rêve lui paraissait aussi réel. Il secoua sa tête pour se remettre de ses émotions, et les derniers souvenirs de son cauchemar s’évaporèrent.

Comme tous les jours, sa journée commença par les soins qu’il prodigua à son rongeur. Ce n’était pas grand-chose : il s’agissait simplement de l’apport de nourriture quotidien dont l’animal avait besoin. Stuart, sa petite souris aux poils dorés, n’avait rien de passionnant : elle passait ses jours et ses nuits à tourner dans sa roue — qui émettait un son si strident que son propriétaire allait en perdre la tête — et ne s’arrêtait que pour se nourrir et dormir.

En général, Redwan n’était pas un grand fan des animaux, voire n’en avait pas le moindre intérêt. Il était même secrètement terrifié à la vue de plusieurs espèces, particulièrement les tortues de mer. Mais Stuart ayant un pelage intriguant par ses reflets dorés, et l’ayant reçu de son père avant que celui-ci ne décède lorsqu’il était enfant, il avait toujours apprécié la compagnie de cet animal stupide et inutile. Comme chaque matin, Redwan attrapa Stuart entre son pouce et son index, et comme chaque matin, une décharge d’électricité statique lui rappela sa phobie. Il le lâcha à nouveau dans sa cage et n’y retournerait que le soir.

La routine du jeune adolescent démarrerait alors comme une mélodie perpétuelle : il s’apprêterait longuement dans sa salle de bain, se contemplerait patiemment dans une glace afin de trouver le défaut dans son physique qui ruinerait sa journée, descendrait prendre son petit déjeuner en lisant le mot que sa maman lui aurait laissé une heure plus tôt en partant travailler, enfourcherait son vélo, pédalerait à travers la ville, s’arrêterait devant la piscine municipale où il léguerait à la jeune orpheline sans-abri le peu de monnaie qu’il gardait dans sa poche, se rendrait à l’Académie où il suivrait ses cours de solfège, de piano, de théâtre — des disciplines qui ne le passionnaient guère — irait boire un capuccino seul au Café du Coin (avec de la crème Chantilly, merci bien), et retournerait se vautrer dans son divan en attendant que le lendemain annonce le commencement d’une nouvelle routine ennuyeuse.

Redwan n’était pas un adolescent comme les autres. Non, lui, il se considérait encore plus banal que n’importe quel autre jeune de son âge. Il n’était pas aussi populaire que Sabrina, qui ne se promenait qu’entourée d’une demi-douzaine d’autres filles éclatant de rire pour la moindre raison. En revanche, il n’était pas non plus aussi rejeté que Cyano, ce jeune imbécile qui passait sa vie à la bibliothèque de l’Académie à s’abreuver d’images d’animaux — raison pour laquelle Redwan s’accordait à détester cet ado. Lui, Redwan, était simplement et résolument banal.

D’ailleurs, Redwan ne poursuivait pas une scolarité passionnante. Il avait été décidé qu’il ne suivrait pas d’études supérieures dans l’université prestigieuse de la ville, mais qu’il s’inscrirait à l’Académie afin d’y suivre un parcours artistique qui ne l’intéressait pas davantage. Avec ses trois statues figées dans la cour principale de l’Académie, Redwan ne pouvait que déprécier son lieu de scolarité. Ces colosses de marbre, surplombant de toute leur hauteur les étudiants qui flânaient autour, représentaient respectivement un dragon ailé, une tortue de mer et un immonde batracien en l’honneur des créatures magiques qui, d’après la légende, avaient permis la fécondité sur l’île. Ces trois statues n’étaient qu’une excuse de plus fournie à Redwan pour détester l’école. De toute façon, Redwan n’avait aucune passion dans la vie. Sa vie monotone et sans périple lui convenait, et il était bien décidé à ne jamais avoir à vivre plus d’émotion que sa routine ne le lui offrait. À bien y réfléchir, cette vie monotone sonnait comme un petit coin de paradis pour Redwan. Et il était résolu à ne jamais quitter Distort City.

La petite ville de Distort City s’était développée rapidement au cours de ces dernières années. À présent étalée sur la majorité de l’île, Distort City regorgeait de lieux différents qui suffisaient au bonheur de sa population. Entre le petit port qui avait développé une activité commerciale importante, la mine qui offrait aux ouvriers un travail stable, la ville aux activités culturelles innombrables, et le petit bois au nord qui procurait un espace de liberté en nature, les habitants de Distort City ressentaient ce que Redwan appelait « le bonheur paisible » : une envie irrésistible de se laisser bercer par la monotonie de la vie qu’ils menaient. Si vous sondiez chacun des habitants de Distort City sur leur volonté de quitter cet endroit, vous n’obtiendriez aucun résultat positif. Distort City était tout ce qu’il leur importait, et tout ce qui leur importait était à Distort City.

Sauf que… Ce jour-là, la quiétude de Distort City allait subir un léger imprévu de la taille d’une griffe venant rayer le disque mélodieux de la monotonie.

Redwan s’étonna de trouver un courrier pour le moins inhabituel dans sa boîte aux lettres, lorsqu’il rentra chez lui en fin d’après-midi. Il s’agissait d’une publicité pour des vacances à l’étranger, dont le nom du pays en question ne lui disait rien. La publicité mentionnait un camp de vacances avec des activités sportives qui, d’après elle, « formerait la jeunesse ». Redwan en tressaillit de dégoût. Qui voulait d’un dépaysement quand on était si bien à Distort City ?

Il jeta la brochure à la poubelle et se servit une boîte de thon pour souper. Comme toujours, sa maman était restée bloquée au boulot et ne rentrerait qu’après qu’il se fût glissé dans son lit. En montant dans sa chambre, évitant au passage de regarder les émissions télévisées soporifiques sur l’élevage de chats et de chiens qui semblaient rendre si heureux les enfants, il découvrit un nouvel objet qui l’intrigua. Simplement posé sur son ordinateur portable replié traînait une console de jeu d’une ancienne époque, fourrée par une cartouche de jeu de couleur rouge. Surpris, surtout parce que Redwan n’avait jamais joué à aucun jeu vidéo de sa vie, il se demanda si c’était sa maman qui l’avait déposé là.

Préférant ne pas encombrer son esprit par des questions énigmatiques, il poussa la console de jeu sur le côté et se laissa tomber sur son lit. Le lendemain, tout serait oublié et sa vie monotone reprendrait.

« BONG ! »

Redwan alluma la lumière et bondit hors de son lit, le pouls rapide. La porte s’ouvrit à la volée et sa maman entra en chemise de nuit

— Tout va bien ? s’inquiéta-t-elle.

Redwan s’était précipité sur la fenêtre de sa chambre : grande ouverte, les rideaux volant à l’extérieur, sa fenêtre pendait sur le côté comme si on l’avait ouverte dans la précipitation. Redwan se jeta à moitié à travers l’ouverture — habitant un bungalow, il se trouvait au rez-de-chaussée — mais la rue était sombre et vide.

— Il y avait quelqu’un dans ma chambre ! s’exclama Redwan.
— Tu es sûr que ce n’est pas un courant d’air ?

Sa maman vint refermer sa fenêtre et le pressa à se coucher dans son lit.

— Tu m’as l’air bien agité, ces temps-ci. Tout va bien à l’Académie ?
— Pas pire que d’habitude, marmonna Redwan.

Elle fronça les sourcils.

— Bon, reprenons notre nuit de sommeil.

À ces mots, elle quitta la chambre de son fils et éteignit la lumière.

Mais Redwan n’était pas prêt à se rendormir : il venait en effet de découvrir un détail perturbant. Les affaires sur son bureau avaient changé de place. Son ordinateur portable était ouvert et décalé sur le coin du bureau, sa casquette rouge avait disparu ainsi que la fameuse console de jeu. Quelque chose attira aussi son attention : la roue de Stuart ne couinait plus. Pis : Stuart n’était plus dans sa cage !

Lorsque l’agent de police termina sa ronde dans le bungalow, tard dans la nuit, elle rejoignit les deux propriétaires terrifiés dans leur salon.

— Rien à signaler, annonça-t-il. Il n’y a personne chez vous.
— Mais puisque que je te dis qu’il y avait quelqu’un dans ma chambre ! insista Redwan à l’attention de sa maman qui était bien en peine de le croire.
— Stuart se sera probablement enfui de sa cage.
— Et il aurait refermé la porte tout seul ?
— Écoutez, je sais que c’est difficile de perdre un animal de compagnie, intervint la policière, mais la prochaine fois, évitez de rameuter toutes les forces de l’ordre pour un tel évènement.
— Puisque je vous dis qu’il y avait quelqu’un !
— Merci, Madame l’agent.

Sa maman raccompagna l’officier de police fatiguée à l’extérieur et préféra n’offrir qu’un regard réprobateur à son fils.

— Va te coucher, demain est une longue journée.

Frustré, Redwan se jeta dans son lit avec une seule envie : tout oublier.

Redwan ouvrit les yeux subitement. Il venait de faire un de ses rêves dont on vivait chaque instant avec ardeur et dont on en oubliait la quasi-totalité à peine le cerveau éveillé. Une seule image était restée gravée dans sa rétine : celle d’un dragon enflammé disparaissant dans les ténèbres et les cris d’effrois. Redwan savait pertinemment bien que les dragons n’existaient pas, ou que toute autre créature magique n’était tirée que des contes et légendes. Cependant, ce rêve lui avait laissé une sueur froide dans le dos. C’était la première fois qu’un rêve lui paraissait aussi réel. Il secoua sa tête pour se remettre de ses émotions, et les derniers souvenirs de son cauchemar s’évaporèrent.

Comme tous les jours, sa journée commença par les soins qu’il prodigua à son rongeur. Ce n’était pas grand-chose : il s’agissait simplement de l’apport de nourriture quotidien dont l’animal avait besoin. Stuart, sa petite souris aux poils dorés, n’avait rien de passionnant : elle passait ses jours et ses nuits à tourner dans sa roue — qui émettait un son si strident que son propriétaire allait en perdre la tête — et ne s’arrêtait que pour se nourrir et dormir.

— Maman ! s’écria Redwan.

Puis, il se souvint que sa maman devait être partie au travail depuis longtemps. Comment allait-il lui expliquer que Stuart était réapparu dans sa cage ? La souris avait-elle réellement disparu la veille ? Il ouvrit sa cage et, comme chaque matin, attrapa Stuart par l’index. Comme toujours, une décharge d’électricité statique lui rappela sa phobie des animaux. Il le laissa retomber dans sa cage et n’y retournerait que le soir.

La routine du jeune adolescent démarrerait alors comme une mélodie perpétuelle : il s’apprêterait longuement dans sa salle de bain, se contemplerait patiemment dans une glace afin de trouver le défaut dans son physique qui ruinerait sa journée, descendrait prendre son petit déjeuner en lisant le mot que sa maman lui aurait laissé une heure plus tôt en partant travailler, enfourcherait son vélo…

— Qu’est-ce que… ?!

Les chaînes de son vélo trainaient avec lassitude sur le gazon humide du jardin. Redwan jeta des regards autour de lui : son vélo avait lui aussi disparu. Voilà comment le voleur avait pu prendre la poudre d’escampette aussi vite durant la nuit. Cette fois-ci, il avait bien la preuve qu’ils s’étaient fait cambrioler ! Mais, pourquoi leur aurait-on simplement volé un vélo, une casquette et une console de jeu qui ne lui appartenait même pas ?

Décidant que l’affaire était trop louche, l’adolescent préféra se diriger vers l’arrêt de bus. Une fois monté dans le véhicule, il fourra les écouteurs qui le reliaient à son smartphone dans ses oreilles et choisit sa musique.

Le chemin lui paraissait si long, en bus. Il perdit son regard sur les navetteurs qui l’accompagnaient dans son périple ennuyeux et ses yeux s’arrêtèrent sur un enfant. Le petit garçon ne devait pas avoir plus de dix ans. Ce qui avait attiré son regard, c’était la vieille console de jeu avec laquelle l’enfant jouait et la cartouche rouge qui se trouvait logée à l’intérieur. Et, sur ses cheveux couleur paille, sa casquette rouge.

— Ma casquette ! s’écria Redwan.

Autour de lui, les regards l’oppressèrent. Le bus s’arrêta devant la mairie et l’enfant en sortit. Sans réfléchir, Redwan se jeta à sa poursuite et le rattrapa devant le musée archéologique de Distort City.

— Eh toi ! Viens un peu par ici !

Redwan attrapa l’enfant par le bras avec vigueur et l’obligea à lui faire face. Lorsque les yeux d’un bleu pur de l’enfant croisèrent son regard, il afficha un large sourire resplendissant de bonheur, ce qui troubla l’adolescent.

— Je me demandais combien de temps tu allais mettre pour enfin venir me trouver, lui dit l’enfant.