Disaster Squad de Rodstar

« - Bon sang qu'il fait froid ! Je déteste le climat de cette foutue région !
- Tu crois que je suis mieux loti en venant d'Alola ?
- Puis-je vous demander de faire silence et d'arrêter de bouger autant ? Merci ! »

Arica et Victor, qui se frottaient les mains tout en soufflant des nuages de buée dessus pour tenter de se réchauffer regardèrent Nathanaëlle qui était droite dans son siège. Leur véhicule, une espèce de charrette rustique tirée par des Galopa, les emmenait vers Célestia, charmante petite bourgade perdue dans les montagnes. Leur mission du jour : rencontrer les responsables du village et réaliser une première observation afin de faciliter de futures interventions. Le côté isolé de l'endroit faisait craindre qu'un incident tel qu'une grosse avalanche serait très difficile à gérer, d'où l'étude du jour. Le moyen de transport utilisé pour les amener jusqu'à la localité leur faisait déjà craindre le pire. L'hiver qui durait malgré la mi-mai et l'altitude ne leur épargnait pas le froid, et le brouillard ambiant n'améliorait pas leur première impression.

Tous étaient habillés pour cette expédition, chacun à sa manière. Emmitouflée dans sa doudoune, ses écharpes et son bonnet, seuls les yeux d'Arica dépassaient. L'Alolien était moins couvert, portant néanmoins un gros manteau gris recouvert de poches et serrait sa thermos de café comme si sa vie en dépendait. Quant à Nathanaëlle, fidèle à elle même, elle arborait un manteau blanc, une écharpe à pompons et une toque en fausse fourrure du plus bel effet. Arica avait failli tourner de l'oeil en voyant qu'elle résistait au froid ambiant en tailleur jupe et collants.

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« - Alors ça s'est bien passé, Léanne ?
- Super ! Un peu chaud au début avec le truc de Verchamps, tu sais...
- Oh t'y étais ? On a du soigner un troupeau de Keunotor quelque peu traumatisé en urgence ce jour-là, répondit sa collègue.
- J'ai peur de voir à quoi tu fais référence... Et puis sinon formations sur la gestion de crise, rédaction de documentation et de rapports, je suis limite contente de revenir après cette période de mise en bouche ! »

Les deux ricanèrent avant de sortir du vestiaire réservé au personnel. Elles prirent un air plus sérieux avant de rejoindre toute l'équipe médicale pour le brief de début de semaine. Encore un bon sermon de la part de la Broubargis en perspective.

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Finalement arrivés à Célestia, le trio observa tout d'abord le village depuis son entrée. Ça ne payait pas vraiment de mine : une vingtaine de masures réparties en quelques cercles concentriques autour d'un espèce d'un cratère et d'une grotte. Arica avait des étoiles dans les yeux.

« - Les ruines les plus vieilles de Sinnoh avec les Colonnes Lances et les Ruines Sinjoh ! Vous vous rendez compte ?! J'ai tellement hâte de les étudier ! Même les Ruines de Bonville et les autels des lacs ont été datés comme ultérieurs ! Je me demande ce qu'il en est de la Source Adieu ceci dit, va falloir que j'aille me renseigner...
- Mademoiselle Olerisa, vous ferez du tourisme plus tard, nous n'avons déjà pas notre Ranger attitré, pas la peine de se disperser encore plus, indiqua Nathanaëlle, neutre.
- Protéger ces lieux est une priorité régionale, il va bien falloir que j'aille regarder un peu !
- Certes, n'oubliez pas pour autant de faire votre analyse des alentours. »

La brune regarda la périphérie de la ville et frissonna en apercevant les bancs de brouillard à n'en plus finir. Le trio se dirigeait vers ce qui servait de mairie, où Nathanaëlle et Victor allaient passer une bonne partie de la journée à étudier les plans d'évacuation et d'intervention. Arica devait faire un état des lieux tant vis-à-vis de la situation géographique que par rapport aux bâtiments et points à protéger en priorité. Comme l'avait souligné la plus sérieuse du groupe, Sulian aurait dû être là aussi, mais il était retenu par une mission pour la Base Ranger de Charbourg dont il se serait bien passé : débarrasser une partie de la mine de petits Pokémon qui gênaient les travailleurs.

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« - J't'en ficherai des Nodulithe et des Rattata. Espèces indigènes, mes fesses... LA Y EN A UN, A L'ATTAQUE TAUPIQUEUR ! »

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« - Bonjour monsieur le ... maire.
- Oh non ma petite dame, si j'étais maire je serais élu, je suis plus ou moins le chef de village depuis maintenant ... trente ans ? Rentrez-donc, rentrez-donc ! »

Nathanaëlle et Victor échangèrent un regard, peu rassurés. Ce qu'on leur avait vendu comme la mairie était en fait une pièce annexe de la maison du vieil homme qui leur avait fait faire le tour du village. Une immense table en chêne recouverte de papiers divers faisait office de bureau, accompagnée de plusieurs chaises à très hauts dossiers. Deux sculptures de Carchacrok et une cheminée stylisée formant la bouche d'un Bastiodon finissaient le cadre plus que spécial de l'endroit. Sans être trop impressionné, Victor se plaça sur un coin plus ou moins libre de la table et commença à étudier quelques documents que le chef de village avait réussi à leur dégoter. Il fronçait régulièrement des sourcils et se saisissait bien plus souvent de son style rouge que de son stylo vert. Nathanaëlle, qui tentait difficilement de faire sens des budgets du village claquait de la langue par intermittence. Après une petite heure, elle poussa un râle.

« - Ce n'est PAS possible. Monsieur Eissen, je vous laisse regarder les plans de recensement, je vais classer tout ce ... fourbis ! »

Le blond regarda sa collègue et haussa un sourcil en la voyant ranger la table, créant des piles de formulaires parfaitement ordonnées. Elle posait quelques fois des questions à leur hôte, ne lui laissant pas une seconde pour répliquer ou l'empêcher de continuer. L'agent judiciaire retourna vers son inventaire des forces de secours qui pouvaient intervenir en cas d'ennui. La bourgade avait à peine un Centre Pokémon en état de marche et une des doyennes se chargeait de faire la classe au peu d'enfants qui y habitaient. Autant dire qu'il y allait avoir du travail. Fort heureusement pour eux, ils devaient juste réaliser un rapport pour le moment, les actions seraient prises par le Conseil Régional, qui tenterait de dépenser le moins pour sécuriser le plus possible la bourgade.

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Pendant ce temps-là, Davin était très content, tout seul à assurer la permanence des locaux. Il avait juste peur du standard téléphonique, qu'on lui avait confié puisque le portable passait mal dans les montagnes de la Région, empêchant Nathanaëlle d'effectuer cette tâche qui lui tenait à coeur d'habitude. Il observait avec un oeil critique la banderole "Disaster Squad de Sinnoh" accrochée au dessus de la porte, réalisée par Arica après avoir appris que ce surnom était souvent utilisé par les missions gouvernementales similaires des autres Régions. Il remercia Scalproie qui venait de lui amener un café et se replongea dans sa documentation, profitant du silence à peine troublé par les ronflements de Tiboudet.

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A l'extérieur, la petite ronde à la recherche de dénivelés dangereux d'Arica s'était transformée en jogging forcé quand elle avait dérangé quelques Insécateur qui s'entraînaient tranquillement là. Comme elle avait rapidement laissé tomber le petit vieux qu'on lui avait assigné pour l'aider, elle n'avait pas été prévenue pour les Pokémon sauvages agressifs. Entourée de ses Zarbi, elle courrait en hurlant qu'on l'y reprendrait à ne pas commencer par des ruines. Ses habits pour le moins handicapants l'empêchaient d'aller à pleine vitesse et elle perdait du terrain, malgré les efforts de ses Zarbi pour ralentir les poursuivants. Elle s'arrêta en entendant un gros "BONK" et en voyant les insectes tomber au sol puis s'enfuir. Elle se retourna et avisa une scientifique ou une médecin plutôt âgée, accompagnée d'un Archéodéong.

« - Ouf, merci madame ! Ask et Pop n'arrivaient pas à me débarrasser de ces fous dangereux...
- Et bien, jeune fille, que faîtes vous donc dans les sous-bois de Célestia si vous n'êtes pas une Dresseuse confirmée ?
- Oh euuuuh... Je m'appelle Arica Olerisa et je fais partie de la Disaster Squad ! Enfin euuuh... de la mission gouvernementale de prévention et de gestion de crise. Je devais faire une ronde d'observation aux alentours pour... vérifier qu'il n'y avait rien de très dangereux ! C'est plutôt loupé, ahah.
- Je ... vois. Carolina Karashina, enchantée. Suivez-moi, je vais vous conduire à mon centre de recherche afin que vous vous remettiez de vos émotions. Et surtout pour vous partager nos relevés à propos du village. Je me demande pourquoi vous n'avez pas commencé par là, d'ailleurs... Je n'étais même pas prévenue. Il va m'entendre celui-là. »

La brunette ouvrit grand la bouche et les yeux et emboîta le pas à sa sauveuse. Quelle chance de tomber sur cette éminente Professeure, la grand-mère de la Championne de la Région, rien que ça ! C'était une sommité dans l'étude des ruines sinnoïtes, une des ses idoles, qu'elle n'espérait jamais rencontrer. Elle se retrouva donc assise sur une chaise de laboratoire, avec un chocolat chaud dans les mains, à discuter joyeusement avec la scientifique à propos de la situation géographique de Célestia, mais aussi des ruines du village, de Zarbi et même de la situation politique de la Fédération. Pendant qu'elle papotait, la scientifique écrivait des rapports alors qu'Arica notait tout ce qu'elle pouvait retenir dans son calepin. Elles ne s'arrêtèrent que quand le portable de la brune se mit à sonner.

« - Hey Arica, tu fiches quoi ? On t'attend pour manger, Nathanaëlle va te tuer !
- Il est déjà midi ?!
- Rassure moi, t'as pas passé ta matinée aux ruines, hein ? Elle va te cuisiner comme elle a cuisiné ce pauvre vieux ! J'ai dû prétendre aller aux toilettes pour qu'elle me lâche la grappe... »

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« - Et donc c'est pourquoi les éboulements sont très rares dans le coin. Il faudra faire plus attention aux avalanches, mais tout est plutôt bien protégé par les ravins autour de la ville. Tout au plus on peut craindre des dégradations sur les ponts qui mènnent au Mont Couronné, mais en émettant une alerte sur les fils d'actualité habituels des voyageurs il ne devrait pas y avoir de problème. Il y a aussi déjà un plan d'évacuation prévu par les habitants vers le refuge plus bas dans la montagne et à Bonville en cas de gros pépin. »

Arica déballait ses notes, devant une Nathanaëlle agréablement surprise, un Victor rassuré, un chef de village qui n'en menait pas large et une scientifique qui avait bien fait comprendre à ce dernier qu'il « devrait rester à faire les cérémonies et me laisser gérer les affaires courantes parce que, mon vieux, t'es autant au fait des mécaniques de la mairie que moi du cours de mes actions de Féli-Télé ». Oui, Carolina Karashina était impressionnante.

« - Et tout ça pour dire que j'ai toujours pas été visiter les Ruines et donc que j'y passerai l'après-midi pendant que vous resterez à lire tous ces nouveaux documents, salut ! »

La brune partit en trombe sur ces entrefaites, ayant à peine fini son tupperware. Victor regarda Nathanaëlle qui haussa les épaules. Elle s'en fichait maintenant, elle avait eu tout ce qu'elle voulait, la manière dont Arica occupait son après-midi n'était plus de son ressort. Le fonctionnaire de justice regarda les petits tas de papiers à étudier et soupira une nouvelle fois. Il aimait son travail, mais parfois il avait lui aussi envie d'aller se dégourdir les jambes.

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Arica était toute joyeuse et observaient les bas reliefs dépeignant les trois divinités des lacs. Cette fresque était la trace la plus ancienne du mythe de création de la Région. On ne savait pas encore pourquoi elles se trouvaient à Célestia, mais une des théories les plus plausibles était que la bourgade servait à l'origine de camp de base au pèlerins qui montaient aux Colonnes Lances. Un chemin antique reliait d'ailleurs ces trois lieux mystiques ensemble, ainsi que la Source Adieu. Ce qui avait amené quantité d'autres théories, que son interlocutrice lui faisait un plaisir de détailler.

« - On suppose que la Bonville d'origine a été détruite lors du schisme entre les adorateurs classiques de l'histoire originelle et ceux de Giratina. Les deux partaient du même point mais dans des directions différentes, il a fallu que ça pète. Ce qui renforce cette théorie c'est qu'on a retrouvé des reliques datant de la même époque dans la base ancienne de la Tour Perdue et dans les sites de fouilles des alentours de la Grotte Retour. On suppose donc qui y a eu une grande guerre, peut-être moins violente mais plus ancienne que celle de Kalos, mais qui a laissé ses marques.
- Attendez, attendez ! La Tour Perdue est beaucoup plus récentes que ça, non ? Il me semblait que tout ce qui était archéologique avait été révélé lors de sa rénovation par les Farbes !
- On parle encore une fois de l'ancienne Tour Perdue. Il existe plusieurs reliquats de tours semblables près du site actuel, l'un d'eux permettant d'ailleurs de réanimer des Spiritomb, Pokémon qui est apparu, toujours selon cette théorie, au même moment que cette guerre.
- J'ai du mal à voir ce que ça a à voir avec ces Ruines... soupira Arica, dépassée.
- J'y viens, j'y viens : les artéfacts de la Tour datant de cette prétendue guerre ont été retrouvés dans les Souterrains.
- Mais alors s'il y en a là-bas... »

La vieille dame claqua des doigts avec un air ravi. Une surprenante complicité s'était établie entre les deux.

- Oui, les fresques que nous voyons ici sont théorisés comme étant originelles. On suppose que d'autres oeuvres ont été détruites par des adorateurs de Giratina et qu'ils ont laissé ce qu'ils respectaient intact. Les Originels auraient gagné cette guerre et, en représailles, auraient détruit un maximum le lieu de pèlerinage de la Grotte Retour. Ce qui explique que plus on avance dans la Grotte, plus ce qu'on trouve est conservé : les pillards n'ont pas pu mettre à sac les salles les plus éloignées vu qu'on s'y perd toujours. C'est du moins notre théorie actuelle.
- Absolument fascinant. Et donc voilà pourquoi vous vous intéressez tant aux alentours de Célestia et non pas qu'aux Ruines !
- Exactement, de plus, en fouillant les Souterrains, on trouvera peut-être des reliques comme à Bonville, de quoi corroborer toute cette théorie du complot. Et encore on pense que rien que découvrir quelque chose permettrait d'invalider cette hypthèses ou de nous conforter dans d'autres pistes. Dis-voir, tu connais celle des Gardiens mobiles ? »

Arica et le Professeur Karashina continuaient de papoter, ne voyant pas l'après-midi avancer. Victor était bien passé pendant une de ses pauses café pour voir comment elles se débrouillaient mais était très vite reparti en se rendant compte qu'il comprenait un mot sur trois. Comme d'habitude quand il travaillait avec Nathanaëlle, il essayait de rester parfaitement dans le protocole, en s'étant bien vite aperçu que ses petites habitudes qui lui permettaient d'être plus productif étaient mal reçues par sa collègue. Comme il respectait grandement le travail sans reproche que cette dernière arrivait à produite, il faisait preuve d'une attention toute particulière aux détails. Exit ses brouillons et ses rendus dans l'ordre de traitement, il suivait les consignes à la lettre. Et tant pis si ça aurait put être fait plus rapidement.

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« - Bon et bien ce fut un plaisir, mademoiselle Olerisa. Et dès que vous avez fini votre stage avec Tecktel, appelez-moi de suite, je me ferai une joie de vous intégrer à mon équipe, c'est rare de voir des jeunes aussi intéressées que vous !
- Merci beaucoup, professeur, à bientôt j'espère ! »

Les deux femmes échangèrent une vive poignée de main avant que la brunette ne monte dans la charrette qui les remmèneraient au pied de la montagne. De là, ils prendraient le bus pour rentrer chez eux. Et le lendemain serait la première journée de rédaction du super rapport auquel deux d'entre eux ne voulaient pas penser.

« - Vous avez passé une bonne journée sinon ? »

Le regard neutre et dur de Nathanaëlle et le las, très las de Victor donnèrent toutes les réponses dont Arica avait besoin. Elle ferma donc la bouche pour toute la durée restante du trajet, laissant un silence pesant s'installer. Bah, après tout, elle avait bien assez parlé pour la journée, non ?