Prologue
La tempête grondait, pareille à une créature blessée dont les lamentations couraient sans but. Toute odeur, tout autre bruit était balayé au gré des rafales qui faisaient plier la végétation et les êtres vivants. Un cercueil blanc plongeait ces terres isolées dans une étreinte gelée et mortelle, au point qu’il semblait impossible d’avoir un quelconque repère. Le temps lui-même se figeait dans l’espoir d’une accalmie…
Et pourtant, Amélie progressait au milieu de cette brume hivernale sans le moindre doute, insensible à l’appel de la cheminée où brûlait un feu ronflant, cambrée sous les foudres du temps qui faisaient virevolter sa chevelure dorée. Chacune était une gifle de plus sur sa peau meurtrie, mais le vent lui était bien égal. Le froid et la neige aussi. Du moment qu’elle pouvait s’éclaircir les idées, cela lui convenait parfaitement.
La jeune femme s’arrêta au détour d’un imposant rocher noir. Avec mépris, elle ôta ses gants et contempla des mains rougies, criant une douleur qu’elle ne pouvait plus sentir. Amélie pensa alors combien elle était faible, fragile.
Combien elle aimerait changer ça. Changer ce qu’elle avait fait moins d’une heure en arrière.
Elle hocha la tête, souffla avec exaspération. Et mince. Ce n’était pas suffisant, ses réflexions la menaient toujours au point mort ! Elle devait continuer à faire le vide. Se promener, réfléchir et trouver une solution au problème.
Elle reprit finalement sa route, observant les ombres qui flottaient dans son sillage sans parvenir à les ignorer. Des ombres floues et pesantes, à l’image des pensées qu’Amélie tentait d’ordonner. Jusqu’où devrait-elle aller comme ça ? Jusqu’où devrait-elle se perdre pour se retrouver ? Aurait-elle surestimé ses capacités ?
Les questions fourmillaient en elle et la jeune femme crut ainsi parcourir des kilomètres, inconsciente de ce qui l’entourait. En dépit de ses efforts, une rafale toujours plus soutenue répondait à chacune de ses suppositions, et la marcheuse finit par se demander si le climat n’était pas en train de la juger… Supposition qu’elle chassa d’une traite avec un petit rictus. Ce n’était franchement pas rationnel.
Après avoir longtemps erré dans ce cocon glacial, Amélie fit une deuxième halte, le souffle court et les membres engourdis malgré sa polaire. Elle tenta de sonder les alentours… en vain. La visibilité se limitait à deux mètres, tant et si bien que la zone paraissait irréelle, suspendue à une chape de paradis blanc. Ou plutôt d’enfer. Qui pouvait aimer le froid et la neige, sérieusement ?
Non pas qu’Amélie fût d’humeur contradictoire. Elle ne s’était aventurée ici que pour chasser les sentiments qui l’envahissaient. Ces sentiments qu’elle détestait par-dessus tout, ces fauteurs de troubles, ces parasites qu’elle ne parvenait jamais vraiment à détruire ! Quand ceux-ci devenaient trop forts, Amélie les réprimait en s’exposant à un élément qui la rebutait. En quelque sorte, elle chassait un mal grâce à un autre. Le froid lui paraissait, à sa façon, un mal moins insidieux, plus facile à gérer que la déconvenue dont elle avait été témoin aujourd’hui.
Pour autant, une bonne tisane n’aurait pas été de refus. Une tasse foutrement bonne, avec ses petites feuilles de verveine et un doigt de whisky à portée de main… Il n’y avait rien de mieux pour se détendre ! Sans parler du morceau de guitare qu’elle s’était juré de maîtriser avant le week-end.
— Mais f-f-faut d’abord que j’en termine avec cette histoire, marmonna la jeune femme, les yeux momentanément dans le vague. Elle n’aurait pas aimé c-c-ce que j’ai fait, alors je vais devoir faire des excuses. P-p-putain.
Un frisson la secoua et Amélie se tut. Alors qu’elle se réchauffait par des gestes maladroits, la blonde dut bien admettre qu’elle avait exagéré. Ses pas l’avaient menée au beau milieu de nulle part. La couche de neige était désormais telle que ses pieds disparaissaient complètement et, pour couronner le tout, la tempête ne semblait pas vouloir faiblir.
Amélie grommela. Se perdre dans le blizzard n’était pas dans ses coutumes. Elle appartenait davantage à cette catégorie de personnes qui, loin de goûter les joies du ski, préféraient se reposer dans leur canapé tout en feuilletant un ouvrage au coin du feu. Bien entendu, elle avait anticipé sa propre réaction. Ces coups de tête, en totale opposition avec sa logique habituelle, étaient déjà survenus quelques fois. Amélie savait donc comment prévenir le moindre risque. Elle avait appris à tolérer cette facette si désespérément humaine de sa personnalité, et même à en tirer profit. Aussi ne s’inquiétait-elle pas trop. Tout était prévu.
Oui, tout était prévu.
Ourlée d’un air malicieux, la jeune femme finit par clamer d’une voix ferme, quoique tremblante :
— On g-g-gèle ici… Tu abuses vraiment, tu le sais ? Je t’avais b-b-bien dit de ne pas me suivre, mais j’imagine que tu es aussi t-t-têtu que moi !
Un éclat succinct, au rouge mordoré, lui répondit à travers l’écrin de la tempête. Pareil à un grondement plaintif.
— Je s-s-savais que tu me s-s-suivrais. Tu peux t-t-te montrer Hoguera, ajouta Amélie en faisant mine de trouver le ciel très intéressant.
Malgré le vacarme, une sorte de sifflement aigu se fit entendre. Quand Amélie se retourna, elle distingua des yeux plus sauvages, plus ardents que les siens. Les pupilles se confrontèrent l’espace d’une seconde, bleu contre bleu... Puis l’intempérie se fendit pour laisser place à une silhouette entourée de vapeur. Le corps d’Amélie reprit vie aussitôt, bercé par une chaleur telle que la neige fondait autour d’eux. Une fournaise vivante, rubis enflammé contre les plaines de marbre froid, se tenait désormais en face d’Amélie.
— Je disais quoi, déjà ? reprit-t-elle avec sérénité. Ah oui. Têtu !
La jeune femme donna un petit coup sur le torse velu d'Hoguera. Qui ne cilla pas. Au contraire, il continua de la sonder avec un calme désarmant. Amélie soutint malgré tout le contact visuel. Pas question qu’elle cède. Son compagnon exprimait un mélange confus de désapprobation et de soulagement, que seul trahissaient ses phalanges tendues. C’était le genre de petits détails que la blonde aimait relever. Ils semblaient bien souvent anodins, mais pouvaient révéler beaucoup sur un individu. De la respiration à la posture en passant par les tics ou l’intonation de la voix, Amélie avait l’œil pour repérer ce qui lui donnerait un avantage sur l’autre.
Et elle décryptait parfaitement les signaux que ce grand emplumé lui envoyait.
— Tu vas dire quelque chose, peut-être ? On n’a pas toute la journée, gros bêta. Soit tu piques ta crise ici, soit tu acceptes mon choix et on rentre à Autéquia.
Nul autre qu’Amélie aurait sûrement mesuré ses propos devant lui. A le voir, on comprenait aisément pourquoi : un colosse vermillon de deux mètres, aux bras musculeux terminés par des serres aiguisées, aux jambes puissantes et alertes, dont le bec aurait pu lacérer les chairs et broyer les os… Avec sa taille menue et ses membres graciles, Amélie paraissait bien peu de choses en comparaison. Même avec une polaire qui la grossissait deux fois.
Pour toute réponse, Hoguera grogna, croisa les bras et montra son dos.
« Il boude, ma parole ! »
Amélie était habituée au comportement de son ami. Et elle savait donc qu’une discussion serait nécessaire pour le calmer avant qu’il ne fasse une bêtise. Elle n’aimait pas maintenir un climat de rancœur entre eux. Mais avant cela, ils devraient rentrer pour se mettre au calme. Ils pourraient alors se concerter sans interférences. Maintenant qu’elle avait les idées claires, Amélie n’hésita pas avant de lâcher :
— Au fait.
Deux petits mots qui se répercutèrent dans l’immensité hurlante. Deux petits mots qui trouvèrent pourtant leur chemin. Hoguera fit mine de les ignorer, mais Amélie remarqua une imperceptible torsion de son buste. Parfait, elle avait son attention.
— Faut rentrer. On parlera après, d’accord ? Mais je suis contente que tu sois venu. T’es le meilleur.
Alors que la tempête diminuait en intensité et que la voie s’éclaircissait petit à petit, Amélie frôla les épaules d’Hoguera et chuchota :
— Même si t’es un grand gamin.
۞۞۞
Le chemin du retour fut nettement plus rapide que le périple d’Amélie à travers le blizzard. Il fallait dire que la présence d’Hoguera, quoique très silencieuse dans la mesure où ce dernier avait choisi de l’ignorer, n’y était pas étrangère. Un chauffage ambulant avait ses avantages ! Et c’est ainsi que, au bout d’une dizaine de minutes passées à voir défiler les contreforts du Site Météore, dont les pointes déchiraient le ciel avec insolence, le binôme finit par atteindre Autéquia.
Autrefois, elle avait eu toutes les parures que l’on pouvait attendre d’une petite ville de campagne. Avec ses maisonnettes de bois cendré et ses cheminées pointues qui reposaient aux côtés de granges et de jardinets, rien ne sortait de l’ordinaire. Désormais, Autéquia présentait un nouveau visage, bien différent de celui qu’Amélie, étant jeune, avait connu.
C’était un poumon mécanique, réglé telle une horloge dont les rouages broyaient tout entre leurs dents. Des bâtiments austères côtoyaient les pâles habitations en émettant un roulis tantôt grave, tantôt strident. Leurs façades rutilantes évoquaient à la fois entreprises, hôpitaux, agences d’emploi et magasins, là où la végétation avait jadis le loisir de pousser. Au détour d’un de ces géants, on trouvait volontiers une pile de déchets mal gérée, une bande d’herbe famélique et quelques curieux, avides de comprendre ce qu’était devenu la si paisible Autéquia.
Même la neige peinait à radoucir cette ville toute en lames et en vrilles. Quand Amélie scruta les nuées, où un nuage de pollution grise étendait sa morsure âcre, son estomac se noua. Malgré ses efforts constants pour écarter toute émotion, le sort de cette ville la touchait. Elle songea combien la transformation avait été rapide, honteuse, marquée par l’appât du gain. Ce n’était pas normal. Faire d’une bourgade aussi humble un centre d’exploitation industrialisé n’avait rien de normal. Tout ça pour extraire un satané minerai, dont les prétendues vertus révolutionneraient le monde actuel !
Il n’y avait pas à chercher bien loin pour soupçonner la Première Ministre et ses principes technocratiques dénués d’éthique. Elle était nécessairement à la base de cette métamorphose radicale. Pour cela, il ne lui aurait fallu que l’aide de deux-trois lobbyistes influents... et pouf !, voilà que les résistances s’effondraient.
Oui, Mayleen Aginta était ce genre de personne. Une hydre dont chaque tête avait sa propre ambition, capable de tirer les ficelles dans l’ombre et sacrifier une patrie entière au nom du progrès. Un monstre sans vergogne qui méprisait la nature et les pokémons. Un vampire adepte de l’extorsion de fonds et des cabales. Plus d’une fois, ses opposants avaient « mystérieusement » disparu sans laisser de traces. Et il n’était pas rare que les protestataires se voient conviés, avec une délicatesse très technocratique, au poste de police, voire au sein d’un tribunal.
Oui, Mayleen Aginta était ainsi. Telle était la femme qui, depuis bientôt trois ans, gérait Ônokuni, le pays formé par Kanto, Johto, Hoenn et Sinnoh.
Amélie n’eut guère le loisir d’alimenter sa rancœur, toutefois. A peine était-elle rentrée dans la ville qu’un homme en uniforme bleu doublé de fourrure, couronné d’épaulettes et d’un képi, vint à son encontre. La jeune femme ne laissa rien paraître malgré son étonnement. Ses yeux fixèrent l’insigne, puis concertèrent Hoguera qui grimaçait. Se pouvait-il que… ? Elle ne pensait pas que la nouvelle se répandrait aussi vite. Et encore moins que la police l’attendrait à son retour. Depuis quand les autorités se souciaient-elles des pokémons ?
— Amélie Doyus ? lâcha le policier d’un ton solennel.
— C’est bien moi, que puis-je pour vous ? dit-t-elle, tout sourire.
— Agent Blake. Je suis là au sujet de l’incident qui est arrivé pendant la finale du concours.
Evidemment. Elle aurait pu le deviner sans lui ! Pour autant, Amélie se contenta de hocher la tête et d’afficher un calme qu’elle était loin d’éprouver. Qu’allait-il donc lui annoncer ?
— Un certain Baptiste Dolen, serveur au Centre pokémon d’Autéquia, souhaiterait porter plainte contre vous pour, je cite, « abus de violence sur son partenaire durant le combat, et mise en danger de celui-ci », reprit l’agent.
Pendant un court instant, l’homme dévisagea Hoguera, dont les traits s’était durcis et les membres agités. Lorsqu’elle vit une goutte de sueur perler sur le front du policier, Amélie se sentit obligée d’ajouter :
— Et donc ? C'est un pokémon, les lois sont très claires à ce sujet.
Son vis-à-vis parut émerger d’un rêve.
— B... Bien entendu, mademoiselle ! Je tenais simplement à vous informer en personne qu'il n'y aura aucune suite. Enfin, vous voyez ce que je veux dire...
Amélie l'entendit bredouiller des mots inarticulés : « votre père... respect... la moindre des choses ». La jeune femme tiqua. En son for intérieur, un lion rugit, assénant des coups de griffe à ses entrailles. Ne surtout pas faire de bourde, ne surtout pas faire de bourde...
— Quoi, mon père ?
Et merde. Fallait toujours qu'elle dérape quand on parlait de son père.
— Eh bien... commença l'agent Blake avec surprise. Je pensais que..
Il se ravisa bien vite quand Hoguera le toisa de toute sa hauteur. Ses yeux globuleux ne firent qu’un tour tandis qu’il louchait vers les serres du bipède géant. Amélie crut que son ami allait se jeter sur le policier - ses poings tremblaient et une veine battait à sa tempe. Pour être honnête, elle ne lui aurait pas refusé ce petit plaisir si cela ne dépendait que d'elle.
Néanmoins, Amélie reprit contenance et, après avoir adressé un signe à Hoguera, elle afficha un large sourire.
— Je comprends. Merci beaucoup pour cette attention, agent Blake. Je sais que vous avez beaucoup de travail, alors je trouve ça vraiment cool de votre part.
La tension du policier retomba aussitôt. Il posa un regard concupiscent sur Amélie qui jouait avec sa chevelure.
— Bonne journée, mademoiselle Doyus, finit-il par dire, manifestement soulagé. Au plaisir de vous revoir.
— Vous de même, agent Blake.
Le policier rehaussa son képi dans un salut cordial puis, l’œil alerte, tapotant l'arme qu'il portait à la ceinture, il s'éloigna afin de rejoindre son véhicule de fonction. Amélie, quant à elle, prit une direction au hasard, le pouls battant à tout rompre. Elle avait bien failli commettre une erreur. Manquer de respect à un policier et, surtout, perdre ses moyens, aurait pu lui coûter sa réputation si durement entretenue.
Le félin rugissait toujours en elle. Son père... Argh, cette ordure ! Ce manipulateur ! Ce faux-jeton ! Bordel !
Derrière elle, Amélie sentit la présence éthérée d’Hoguera ainsi que toute sa colère. Leur colère. D’un geste, elle lui prit le bras et l’entraîna vers l’un des rares bancs que l’on pouvait encore trouver à Autéquia. Ils en chassèrent la neige puis s’assirent, tel un couple étrangement dépareillé, avant d’échanger leur premier vrai regard de la journée.
Autour d’eux, les passants discutaient sur un ton vif, enchaînaient des phrases creuses mâtinées du fort accent hoennois. Un vent frais et léger balayait les toitures qui grinçaient toute leur vieillesse et répandaient une odeur de bois humide ou de rouille. Il était difficile de croire que, ce matin, un évènement d’une rare violence s’était déroulé en ville, sous le regard médusé d’une centaine de spectateurs…
— Je…
Amélie se tut, cherchant la meilleure formulation. Elle gratta la peinture écaillée du banc, avec ce geste si caractéristique qu’elle avait développé à force de pratiquer la guitare. Au loin, un bruit de sirène retentissait et donnait à la scène un caractère irréel. La jeune femme savait que son ami, qui la fixait toujours, était à deux doigts d’incendier quelque chose. Littéralement.
Elle devait parler. Parler maintenant.
— Je sais ce que tu penses, murmura-t-elle enfin. Ce que tu ressens. Ce monde est injuste et tu ne le comprends pas, pas plus que tu ne comprends ce qui t’est arrivé pendant le concours.
Un bref silence suivit, tandis qu’Amélie s’efforçait de ne pas songer au combat qui avait eu lieu pendant la finale. Un combat auquel Hoguera et elle-même avaient participé…
— Ce qui nous est arrivé.
La jeune femme sentait qu’Hoguera cherchait à tout prix un élément de réconfort dans ses propos. Son visage, plus expressif que celui de bien des humains, se fendait en une expression d’enfant coupable, à mille lieues de la puissance qu’il dégageait habituellement. Elle ne pouvait pas le décevoir. Pas lui.
— Mais je sais aussi que, toi et moi, on a surmonté pire que ça - largement pire, en fait. Ce n’est pas ce qui nous empêchera de continuer à avancer. Et même d’être plus forts, tous les deux. On a un nouveau défi et on va le surmonter ensemble, OK ?
La conviction dont elle faisait preuve sembla trouver un écho en Hoguera. Amélie posa une main sur le front du géant qui émit un grondement paisible et acquiesça. Avec un sourire qui n’avait rien de feint, la blonde ajouta :
— Pis bon, je voudrais pas radoter mais… t’es vraiment têtu.
۞۞۞
Une bonne heure passa avant qu’Amélie et Hoguera ne décident de se rendre à l’hôpital pour connaître l’état du pokémon qu’ils avaient rencontré en finale. Tout d’un coup, chaque détail, chaque prétexte les intéressait de manière très opportune. La naissance d’un bourgeon, signe que le printemps approchait, était l’évènement le plus extraordinaire qu’ils aient jamais vu. Quant à la nouvelle recette de viennoiserie inventée par la boulangère locale, elle ne leur échappa aucunement. Et que dire, si ce n’est combien leur fascination fut grande, quand ils apprirent que leur voisine octogénaire avait enfin reçu cette canne en orme blanc qu’elle attendait depuis un mois !
Mais le moment tant redouté se produisit. Les compères finirent par s’arrêter devant l’immense façade au blanc délavé qui signalait l’hôpital, ne sachant que faire de leurs mains et leurs appréhensions. Amélie déglutit et observa les fenêtres couvertes de cendre et de poussière qui s’alignaient le long des étages. Elle se moquait pas mal du serveur et des reproches qu’il pourrait lui faire, pour être honnête. Ce qui l’effrayait, c’était de se retrouver confrontée à la trahison dont elle avait été l’auteure en brisant sa promesse.
« Je ne blesserai jamais un pokémon, maman. Promis ! »
L’écho du futur mensonge, pourtant si lointain, se fraya un chemin jusqu’au plus profond d’Amélie, là où elle n’avait guère l’habitude d’être attaquée. C’était une sensation étrange et douloureuse. Une sensation qu’elle ne comprenait pas, qu’elle ne souhaitait pas. Et surtout, cela l’énervait. Comment pouvait-elle ignorer quelque chose, ne pas savoir quel plan établir ? En presque vingt années d’existence, elle n’avait éprouvé ce malaise qu’une seule fois.
Il fallait se rendre à l’évidence. Son séjour dans le blizzard, son attitude envers l’agent Blake, sa peur de franchir l’entrée de l’hôpital… Aujourd’hui était une journée où elle ne maîtriserait pas tout. Elle devait l’accepter.
Alors qu’elle s’apprêtait à entrer, armée de cette conviction et décidée, Amélie se rendit compte qu’Hoguera n’était plus à côté d’elle. Une fraction de seconde lui suffit pour repérer son ami qui se précipitait à l’aide d’une vieille dame. En effet, l’auxiliaire qui l’accompagnait, en raison du poids de l’infirme, peinait à la faire entrer dans la voiture qui devait la ramener chez elle. Et l’absence de rampe dédiée ne facilitait pas la tâche. C’était sans compter sur la force prodigieuse d’Hoguera, qui prit la dame dans ses bras avec délicatesse, comme s’il tenait un bébé, puis écarta son fauteuil roulant avec négligence pour la positionner sur la banquette arrière.
En temps normal, les deux humains auraient protesté face au « monstre », mais cette intervention inattendue leur avait ôté toute répartie. Amélie contint un fou rire devant la stupeur – et la crainte, il fallait bien le reconnaître -, qui fleurissait sur le visage de l’auxiliaire. Ah là, là, quelle stupide guimauve il faisait, ce dadais…
C'est à ce moment qu'un détail la fit réfléchir. Hoguera était si spontané, devrait-il... ? Hum. Non, en effet, ce ne serait pas judicieux.
— Au fait, lâcha-t-elle quand le pokémon revint, je ne pense pas que... que tu devrais venir avec moi. C'est plus prudent.
Hoguera fit un geste étrange, comme si deux humeurs contradictoires se battaient en lui pour prendre les rênes. Sa musculature tressaillit et un bruit rauque jaillit de son bec tandis qu’il sondait Amélie. Il jeta une poignée de flammes sur le sol enneigé. Les vapeurs dessinèrent une arabesque qui passa entre eux. Lente, obscure, amère.
— Bon, écoute, reprit Amélie avec une patience à toute épreuve. Je sais très bien que ce serveur te tape sur les nerfs, on ne voyait que ça pendant la finale. Et ça n’ira pas mieux si tu entres dans cet hôpital. Je te conseille donc d’aller faire un tour dans la montagne pour casser quelques trucs pendant que je m’occupe de ça.
Avec une respiration théâtrale, le géant acquiesça. Ses traits exprimaient toujours haine et dégoût, mais il semblait résigné. Hoguera cédait presque toujours aux exigences d’Amélie malgré ses caprices très convaincants. Rien d'étonnant : le pokémon était encore jeune et plein d’ardeur, et seul une main ferme pouvait le canaliser. Beaucoup s'étaient littéralement brûlé les ailes après avoir essayé. C'est pourquoi Amélie, qui y parvenait si bien, rayonnait de fierté quand d'autres se heurtaient au mur "Hoguera". Un mur de deux mètres huit, très exactement.
Quelques secondes furent nécessaires à la blonde pour réaliser qu’Hoguera avait rejoint la ruelle qui jouxtait l'hôpital. Elle était beaucoup trop occupée à se rappeler de quelle façon son ami avait roussi le derrière d’un soi-disant éleveur professionnel, à l’occasion du Festival de la Paix qui s’était tenu il y a deux ans. Elle s’approcha de l’embouchure et murmura à travers l’obscurité :
— Reste invisible. Tu sais, comme ces ninjas que tu adores regarder à la télé. C’est déjà un miracle que le Centre ait accepté ma demande pour que tu sois exempté de PokéBall, alors évite de te faire voir sans ton « dresseur ». Et surtout, sois prudent… d’accord ?
Même si elle ne le voyait pas, la jeune femme savait qu’Hoguera l’avait entendue. Le plus important était fait. Un léger souffle agita la rue calme, pareil à une lame d’acier, puis ce fut le silence. Il était parti.
Amélie tourna la tête et serra les dents. Le décor hétéroclite d’Autéquia imprima sa rétine, mélange incertain de formes anguleuses et de couleurs austères sur fond blanc... Un sentiment de vide l’emplissait à l’idée que, de tous les individus qu’elle avait aimés, Hoguera fût le dernier en vie. Un sentiment de colère profonde l’emplissait à l’idée que, malgré ses efforts pour rester froide et détachée, elle eût toujours une étincelle d’humanité pour lui. Avec Hoguera, ce n'était pas si facile de garder le masque...
En fait, elle n’arriverait pas à lui en vouloir d’agir comme un gosse. Et elle irait même se faire pardonner d’une manière ou d’une autre. Amélie soupira et darda un œil vindicatif sur la foule qui sillonnait les artères robotiques d’Autéquia. Tout d’un coup, elle se sentait étrangement normale, semblable à ces bouffons larmoyants qui l’entouraient. Quelle attitude détestable. Tellement superficielle. Tellement faible. Tellement… humaine. Eh merde, elle ne voulait pas de ça !
MERDE.
La jeune femme piétina la neige qui émit un doux craquement. Après tant d'années passées à réprimer ses émotions, elle n'arrivait toujours pas à les chasser. Mais pour son propre bien, elle devait y croire. Être un monstre, s'imprégner du rôle et oublier qui elle était... sous peine de souffrir, encore une fois. Oui, il le fallait.
Amélie inspira longuement. Malgré le froid, elle commençait à avoir chaud dans sa polaire. Elle l’ouvrit donc, révélant un simple débardeur noir sous lequel frémissait une peau blanche, puis laissa passer dix secondes en comptant à rebours.
Dix… Neuf… Huit…
Parfait… Son esprit reprenait contenance…
Sept… Six… Cinq…
Elle chassait enfin les pensées parasites.
Quatre… Trois… Deux…
L’heure était à l’action, désormais.
Un.
Quelque part dans les étages de l’hôpital, un défi l’attendait. Un défi qui, Amélie le savait, était la source de sa soudaine fragilité. Un défi qu’elle allait remporter.
Alors, la blonde afficha son masque préféré – l’indifférence sereine – et franchit l’entrée du bâtiment, prête à en découdre.
۞۞۞
Une piste de sucre glace s’étendait aussi loin que son regard portait, perdue entre deux flancs marbrés aux teintes savoureuses, miroitée par l’éclat incertain de ces étranges barbes à papa volantes qu’Amélie observait souvent. La substance blanche fondait à chacun de ses pas. Dommage, ça n’avait que l’apparence du sucre, ça ne caramélisait pas une fois chauffé. Peut-être que s’il goûtait… ?
Mais Hoguera se rappela qu’il n’était pas d’humeur. Et ce chemin était si loooooooong, ça ne l’aidait pas ! Où était le bout ? Où était le début ? Il allongea le pas, souffle précipité et regard fixe tandis qu’il essayait d’évacuer ses émotions. La pente se faisait de plus en plus raide à mesure que le géant progressait, seulement ponctuée de rochers noirs qui émergeaient tels d’étranges bonbons colorés. Ces reliefs qui bordaient le Site Météore lui avaient toujours évoqué des toboggans naturels. Et s’il glissait pour aller plus vite ? Sans compter que ce serait super amusant ! Oh, oui, ça le tentait bien !
Puis le pokémon se rappela une nouvelle fois qu’il était énervé, et il serra les poings. Ses yeux au bleu profond voyaient rouge. Il ne savait déjà plus ce qu’il voulait, ni ce qu’il faisait là.
Ah, oui. L’autre, là ! Elle !
Eux…
Le visage du serveur flotta dans son esprit. Aussi moche, aussi transparent et aussi fragile que ces « esprits » dont les humains parlaient entre eux. Des fantômes, ou quelque chose comme ça - rien d’important en tout cas.
De manière générale, Hoguera ne s’encombrait pas avec les détails. Il était bien trop impatient pour s’épuiser en réflexions. C’était un sportif, lui, un actif ! Mais voilà, le gallinacé avait une question impossible à ignorer : pourquoi Amélie se conduisait-elle ainsi avec lui ? Pourquoi le croyait-elle incapable de se tenir si jamais il voyait leurs anciens adversaires ? Il n'avait pas mal agi à ce point... Si ?
Le pokémon ne comprenait pas. Ses pensées fusèrent, brillèrent, se télescopèrent… bien vite oubliées quand un oiseau attira son attention, effrayé par le vacarme qu’il répandait. Hoguera reprit conscience et ses traits s’affaissèrent ; il cherchait à reformuler le problème. Sauf que ça ne venait plus.
Sa jambe partit toute seule. Et le coup fut net. Il fendit un rocher proche dont la plaie béante exsuda du magma, telle une proie blessée à l’agonie. Quelques flammes crépitèrent dans un ultime râle, insignifiantes comparées à celles qui dévoraient les pupilles d’Hoguera. Il gronda de plus belle. Sans le filtre de l’innocence, tout lui était bien différent. La nature avait retrouvé sa brutalité. Désormais, elle brillait d’un éclat farouche, impitoyable. La neige n’avait plus rien de sucré, les massifs se paraient de teintes amères, le ciel gris tourbillonnait sous forme de spirales véhémentes…
Hoguera observa le granit se consumer sous la morsure des braises qu’il avait invoquées, la respiration sifflante. Plus rien d’autre n’existait que cette frustration, cette noirceur, cette rancœur. C’était comme si une tumeur enflait en lui jusqu’à devenir un tout, jusqu’à l’absorber pour ne laisser qu’un amalgame douloureux et palpitant. Grrrr, tout ça l’énervait ! Et Amélie qui ne l’écoutait pas ! Avec ses belles paroles qui faisaient mouche et sa certitude de tout savoir ! Il avait besoin d’elle, là…
A moins que ce ne soit le contraire ? Rien de certain. Son amie jouait les dures, les insensibles, mais il savait que ce n'était qu'une apparence à laquelle Amélie s'accrochait tant bien que mal. Elle craignait les émotions au point de simuler tout le temps. Au point même de croire que, finalement, elle était devenue une psychopathe imperturbable. Et c'était un vrai problème : comment deviner les vrais sentiments d'Amélie ? Même lui, après quatre ans passés avec elle, n’était pas toujours sûr de savoir ce qu’elle éprouvait. De la déception ? De la tristesse ? De la peur… ?
Oh et puis zut, il n’allait pas se prendre la tête. Pour le moment, il allait tout casser. Après ça, il…
Verrait.
Un nouveau rocher fut réduit en poussière.
Quoi.
Deux autres s’effondrèrent, carbonisés.
Faire.
Hoguera marqua une pause et soupira sans retenue. Ahhhhh, ça allait déjà mieux. Bien mieux ! Encore quelques dizaines et il serait peut-être calmé. Peut-être. Après tout, rien n’était jamais sûr, avec un caractère comme le sien. Mais ça valait la peine d’essayer. Une satisfaction morbide l’envahit tandis qu’il furetait en quête de nouvelles cibles ; bien vite, le sentier ressembla à un champ de tir, empli de cratères dont les fumerolles s’élevaient avec indifférence. Le venin qui coulait en lui était beaucoup plus supportable à présent… Le flot cesserait un jour, qui sait ?
Au moins, le conseil d’Amélie fonctionnait. Il voulait se défouler, s’épuiser, évacuer cette colère qu’il craignait de ne pas maîtriser. Car la vérité se faisait peu à peu un chemin en lui : il était vraiment incontrôlable. Il avait mal agi.
Comme ce matin… Quand il avait humilié Amélie devant une foule entière.
Voilà pourquoi elle souhaitait l'écarter... Hoguera serra les poings à s’en faire mal et brisa un autre rocher. Des larmes marquèrent son acte. Oh non, il n’était pas prêt d’oublier cette journée.
۞۞۞
— Ah, ah, ah, vraiment ? Elle est bien bonne, celle-ci !
La réceptionniste gloussa en tapant de la main sur le comptoir alors qu’Amélie finissait de raconter son anecdote. Le rire de l’employée sonnait, cristallin, presque trop naturel dans une salle où tout, depuis les revêtements jusqu’aux murs en passant par les fauteuils, exhalait un atroce parfum de synthèse. Autour des femmes, le personnel et les patients assistaient avec curiosité à l’échange, peu habitués à une telle effusion dans ce monolithe aseptisé.
— Moi qui pensais que seul ma mère rigolait à cette histoire, je devrais peut-être me produire sur scène !
Amélie jouait. Jouait la symphonie pour laquelle elle était la plus douée après les airs de guitare : la manipulation. Même si ça ne valait pas la douce frénésie du rock ou la sérénité ordonnée du classique, la jeune femme devait bien admettre que cela marchait pour obtenir les faveurs d’autrui.
— Je n’irais pas jusque-là, mais qui sait ? lâcha la réceptionniste en gratifiant Amélie d’un clin d’œil entendu. Et donc… ajouta-t-elle après avoir brièvement consulté un dossier, vous… tu cherchais Baptiste Dolen ?
— C’est exact. Et promis je suis sérieuse, cette fois, ah, ah !
L’écho de leur plaisanterie commune fit tomber les dernières barrières de son interlocutrice, qui répondit sans retenue :
— Tu le trouveras chambre numéro 503. Je crois qu’il sera heureux d’avoir une amie comme toi pour lui redonner le sourire !
— Baptiste a toujours su trouver les mots et être là quand il faut, assura Amélie en feignant la nostalgie. Venir est la moindre des choses que je puisse faire.
Une hésitation parfaite ourlait son timbre et sa lèvre, suspendue à un léger frémissement, se retroussait sur une expression rêveuse. Du grand art qui n’aurait pas dénoté au Pokéwood. Amélie se stupéfiait elle-même, parfois. Finirait-elle par se convaincre de la réalité de ses propres rôles, un jour ?
— Pour des raisons de sécurité, nota la réceptionniste en lui tendant une carte de visite, je dois quand même te prévenir : le patient qui accompagne Mr Dolen est un Aligatueur. Dans l’genre extrêmement féroce. J’imagine que tu le sais déjà, mais je suis tenue de t’en informer au cas où. C’est pas pour rien qu’on ne laisse pas rentrer n’importe qui, même si son dresseur est en règles.
— Oui, je comprends très bien. Merci beaucoup, Claire. Au plaisir de te revoir !
La blonde effectua un quart de tour sur elle-même et prit la direction de la cage d’escalier proche, souhaitant éviter ces horribles ascenseurs exigus. Ainsi, elle éviterait d’être prise entre un vieil obèse couvert de sueur et une pimbêche trop parfumée. Derrière Amélie, la fameuse Claire lui adressa un léger signe de la main :
— A une prochaine, Disa !
Quoi ? Une petite voix susurra à l’oreille d’Amélie. Comment ça, elle avait menti ? Pas vraiment, il s’agissait de son deuxième prénom. Sa mère l’avait choisi en hommage à leurs ancêtres, qui venaient d’un pays lointain et froid (où elle ne mettrait sûrement pas les pieds, brrr). Si jamais quelqu’un s’avisait de l’interroger, elle pourrait toujours dire qu’elle préférait être appelée Disa. Ce n’est pas comme si elle avait eu à signer un registre et se déclarer officiellement, après tout…
Un rictus fleurit sur son visage. Quelle satisfaction de plier les gens à sa volonté avec juste quelques artifices ! Souriez, suscitez des émotions positives pour créer un lien, et vous avez la recette parfaite pour cuisiner votre entourage ! C’était presque trop facile, au point qu’Amélie regrettait parfois le manque de difficulté. Mais ça lui évitait des formalités déplaisantes. Comme, oh, attendez… avoir à justifier son identité à la réception de l’hôpital, par exemple ?
Alors qu’elle franchissait une porte lourde à double-battants, la blonde repensa à Claire, à combien il avait été facile de la tromper. Une vague de fierté la submergea. Ce n’était pas donné à tout le monde de pouvoir rentrer sans être contrôlé. Oui, elle savait y faire. Dans un monde dominé par l'hypocrisie, elle s’en sortait mieux que la majorité et jouait à la perfection. Plutôt ironique venant d'une hypersensible, n’est-ce pas ? Fallait-il en conclure que toutes ces années de pratique avec sa mère avaient porté leurs fruits ? Qu'on pouvait effectivement être quelqu'un d'autre au prix de grands efforts ?
Mais sa mère n'avait pas prévu qu'un jour, Amélie briserait les règles qu'elles s'étaient fixées. Peut-être était-ce pour cela qu'elle perdait le contrôle, aujourd'hui. Peut-être qu'il lui fallait un temps d'adaptation face à cet imprévu...
Derrière Amélie, le vacarme qui animait l’hôpital parut s’éteindre avec la fermeture des portes. Une vieille odeur de renfermé et de javel embaumait l’atmosphère plongée dans le clair-obscur. Des particules en suspension miroitaient à la faveur d’un rayon de soleil égaré, décrivant une lente spirale vers quelque paradis imaginaire. Le décor aurait parfaitement eu sa place dans ces films d’horreur où la victime, étage après étage, tentait de fuir son poursuivant jusqu’à atteindre le sommet et se retrouver bloquée. Quant aux escaliers beaucoup trop propres, ils semblaient l’appeler, la supplier d’y mettre un pied. A croire que personne ne les empruntait jamais.
Avec le gouvernement Aginta et l’importation massive de technologies, l’humain était devenu bien fainéant… Plus que jamais, Amélie se demanda comment elle pouvait appartenir à la même espèce. Un éclat attira son œil et elle fit volte-face, observant son reflet dans une des vitres épaisses qui bardaient l’entrée de la cage d’escalier. Un reflet atypique, déformé, incertain.
Comme elle. La vérité sous le masque éclaterait-elle un jour ?
Mais pour le moment, l’impassible-et-géniale Amélie serait bientôt de retour, prête à organiser une réunion d’anciens élèves avec ses potes de la 503 ! Les choses s’annonçaient bien : elle retrouvait déjà son humour douteux.
Bon retour parmi nous, Amélie. Comment vas-tu ? Moi, ça gaze.
Rien de tel qu’une bonne plaisanterie pour retrouver sa motivation. L’esprit plus léger, elle repoussa sa chevelure en arrière puis lâcha :
— C’est parti.
Et elle grimpa les premières marches.