Chapitre 353 : La bataille de Veframia ( 5ème partie )
Gluzebub, Démon Majeur de la Gourmandise, ne comprenait pas trop tous les tenants et aboutissants de cette guerre. En réalité, il s’en fichait même un peu. Il existait un adage humain qui disait : « Ne mords pas la main qui te nourrit ». Pour Gluzebub, il s’agissait de respecter cela à la lettre près. Les humains de la FAL le nourrissaient, en lui faisant découvrir tous les jours de nouveaux mets absolument succulents. Ils connaissaient en outre le secret de la fabrication de ce liquide divin qu’était la mayonnaise. À contrario, quand Gluzebub travaillait pour le Marquis et son grand-frère Wrathan, il n’avait eu à manger que des humains par milliers, quelques Pokemon, et surtout le béton des villes qu’il détruisait. Du coup pour lui, il n’y avait pas photo : la FAL devait l’emporter.
L’amie humaine de Gluzebub, celle qui l’avait amené du bon côté et qui lui avait fait découvrir ces lieux paradisiaques qu’étaient les McDonald’s, Divalina, était partie avec son ombre Jivalumi pour battre le Marquis des Ombres. Cette bataille de Veframia avait elle pour but - de ce que Gluzebub avait compris - de battre Lady Venamia. Si les deux hôtes d’Horrorscor étaient vaincus, il en serait de même pour le Maître de la Corruption. Alors, plus de guerre, plus de destruction, seulement une découverte journalière de nourriture fantastique !
Comme ses frères et ses sœurs, Gluzebub souffrait de son Péché. C’était là la malédiction qui frappait les Démons Majeurs. Belfegoth était toujours apathique et à la limite du sommeil profond, ce qui lui rendait impossible toute action qui demandait un minimum d’efforts. Lusmodia était toujours frustrée sexuellement, hantée par un désir éternellement inassouvi. Wrathan était toujours en colère, ne pouvant refréner son désir de destruction. Et Gluzebub, lui, il avait toujours faim, victime de cette voracité qui ne semblait jamais vouloir s’apaiser. Il ne pouvait pas supprimer totalement sa faim, mais il avait découvert qu’en mangeant des choses variées et nouvelles, en compagnie de ces humains sympathiques, il ressentait un peu moins ce manque constant en lui. Et on avait beau qualifier de Gluzebub de vorace ou de trou sur patte, il n’en aimait pas moins les bonnes choses. Il avait, comme disaient les humains, du palais !
Il se trouvait actuellement dans l’un des vaisseaux de la Fédération, spécialement affrété pour lui, et rempli à ras bord de nourritures en tout genre ( le trajet Johto-Veframia était long, il fallait bien avoir de quoi manger ). Outre les quelques membres d’équipage de la FAL, il y avait une humaine qui était son instructrice pour la bataille. Jeannine, qu’elle s’appelait. En l’absence de Divalina, c’était à elle qu’on avait refilé Gluzebub. Sans doute parce qu’il était un Pokemon Poison, et que Jeannine était une experte de ce type. La FAL avait toujours du mal à bien catégoriser Gluzebub. Qu’était-il au juste ? Un humain ? Un Pokemon ? Les deux à la fois ? Un ennemi ayant changé de camp ? Un prisonnier coopératif ? Un monstre surnaturel ?
Le fait est que personne encore n’avait été assez sot pour essayer de le faire rentrer dans une Pokeball. Gluzebub aurait vivement protesté. On ne pouvait pas manger, quand on était dans ces petites boules. Bien qu’il y ait constamment quelqu’un de la FAL, dresseur ou non, pour le surveiller, il avait le droit de déambuler comme il l’entendait, bien que le plus souvent, il restait attablé au self. Puis on l’envoyait de temps en temps sur un champs de bataille, avec des ordres assez simples, du genre « détruire ceci », « ravager cela ». Fallait dire que Gluzebub n’avait pas le cerveau taillé pour comprendre des stratégies trop longues et développées.
Divalina lui manquait. Elle lui manquait d’autant plus qu’elle avait promis, à son retour, de l’amener visiter le lieu sacré où la mayonnaise était produite. Cela dit, Gluzebub aimait bien Jeannine. Elle le traitait avec une déférence rare, et se mettait toujours en quatre pour lui dénicher les aliments qu’il voulait. Mais là, il n’était plus temps de manger. Le Démon Majeur le savait. Ils étaient presque au dessus de Veframia, et il était temps que Gluzebub gagne sa croûte.
- Vous êtes bien sûr alors, sire Gluzebub ? Lui demanda à nouveau la championne Poison. Il n’y a aucun autre Démon Majeur en ville ?
- Sûr de sûr, confirma Gluzebub. Je l’aurai senti.
Il n’ajouta pas que s’il l’avait effectivement senti, il y aurait réfléchi à deux fois avant d’attaquer cette ville. Autant il aurait été capable d’affronter Mavarice, Belfegoth ou Enviathan ( un seul d’entre eux bien sûr ), autant il n’aurait pas bougé d’un pouce si Lucifide, Lusmodia ou Wrathan avaient été présents. Il y avait des choses que même la promesse de mets succulents et infinis ne pouvaient pas forcer. Mais si aucun de ses frères ou sœurs n’étaient présents, si Lyre ou le Marquis ne l’étaient pas non plus, Gluzebub ne craignait pas grand-chose. Les humains et leurs armes, autant que les Pokemon, ne l’inquiétaient nullement quand il prenait sa véritable forme.
- Ça confirme ce qu’avait dit Dame Galatea grâce à son Flux, mais autant être certain, fit Jeannine. Nous sommes proche du point de lancement, sire Gluzebub. Vous vous souvenez des directives ?
- Oui. Je saute, je me transforme, je charge sans m’arrêter jusqu’au palais.
- Exactement. Nous avons ciblé une rue dans laquelle aucune de nos forces n’est encore engagée. Elle est spécialement réservée pour vous. Vous pourrez facilement briser tous les barrages mis en place, et attirer les forces ennemis en arrière tandis que le groupe de dresseurs Pokemon commandé par Sire Régis Chen progressera. Et une fois arrivé au palais, que faites-vous ?
Gluzebub réfléchit un moment.
- Euh… je le mange ?
- Ce serait mieux d’éviter, du moins tant que nous n’aurons pas le Prince Julian en main. Non, vous nous débarrassez au possible de tous les soldats du Grand Empire qui grouillent autour. Vous pouvez les dévorer si cela vous agrée.
- J’ai arrêté de manger les humains. Ils ont tous plus ou moins le même goût au final. Il faudrait les assaisonner à la mayonnaise.
En parlant de mayonnaise, il versa tout le contenu d’un dernier tube dans sa bouche avant de se lever, prêt au combat.
- C’est bon. Je vais aller casser du méchant. Le Guerrier Mayora est dans la place !
- Le Guerrier Mayora ? Répéta Jeannine.
- Mon surnom. Goldenger m’a dit qu’un super-héros devait avoir ce genre de chose. Je suis le preux Guerrier Mayora, prince de la mayonnaise.
- Je vois. Eh bien, Sire Mayora, je vous souhaite bonne chance. Je vais quant à moi rejoindre le groupe de dresseurs Pokemon qui n’attend que vous lui déblayez le chemin.
- Yep yep, comptez sur moi, gentils humains !
On ouvrit le sas en plein vol, et sans hésiter, Gluzebub sauta. À mi-distance du sol, il reprit sa forme de Pokemon, l’énorme sanglier violet avec une seconde gueule sur le ventre qu’il était en réalité. Quand il toucha le sol de Veframia, il provoqua l’équivalent d’un petit séisme, et tous les soldats du Grand Empire le mirent en joue en reculant, terrifiés. Gluzebub, Démon Majeur de la Gourmandise, alias le preux Guerrier Mayora, poussa alors son terrifiant cri de guerre avant de charger :
- MAAAAAAA-YOOOOOOOOOOO-NAIIIIIIIIIIISEEEEEE !
***
Les champions d’arène de Kanto arpentaient les rues de Veframia à une vitesse folle. Leur parfaite connaissance du terrain combinée à leur maîtrise des Pokémon ne faisaient qu’une bouchée des forces de la GSR. Et leur présence encourageait les autres dresseurs suivant les champions. Tous des dresseurs originaires de la région, qui n’avaient qu’un seul désir, rendre sa gloire au berceau du dressage Pokémon.
Les différents corps de dresseurs s’étaient séparés les secteurs de la ville, et les champions de Kanto, menés par Régis Chen, avaient pris le centre-ville, plus dur d’accès, et adjacent au Palais Suprême. Grâce à la charge folle de Gluzebub, le passage vers l’artère principale était pour ainsi dire ouvert, et pas qu’un peu. Les Démons Majeurs ne faisaient pas dans la dentelle. Avec ses jumelles, Régis étudiait le positionnement des troupes ennemies, qui avait été largement chamboulées par le Péché de la Gourmandise. Il entendit derrière lui comme quelqu’un qui venait d’arriver de part les airs ; un son fugace et discret qu’il avait toutefois appris à reconnaître et à associer à une certaine ninja.
- Tu lui as fais croire que le Palais Suprême cachait un stock entier de mayonnaise ou quoi, à ce gros balourd ? Demanda Régis.
- Le Sire Gluzebub avait à cœur de nous aider dans cette bataille, Seigneur Régis, répondit Jeannine.
- Il a surtout compris où étaient ses intérêts, mais soit. La route est plus ou moins dégagée. Ne reste plus que d’investir ce charmant immeuble… Tssss, je m’étais juré de ne jamais revenir dedans.
Régis faisait référence au plus grand bâtiment de la ville après le Palais Suprême : le siège de la Sylphe SARL. Le contrôle de ce lieu, à la fois symbolique et stratégique, serait une des clés de la victoire pour la stratégie du Général Lance. Entreprise à la renommée internationale, la Sylphe était si importante pour Kanto que le Protectorat de Giovanni l’avait maintenue tandis que Venamia l’avait carrément nationalisée. Ses meilleurs chercheurs et technologies avaient tous rejoints les équipes du fameux professeur Crenden. La Sylphe SARL avait ainsi contribué à la construction du Mégador mais aussi à la fabrication d’armes pour les troupes de la GSR.
Régis s’y était rendu une fois, en des circonstances particulières, quand la Team Rocket avait envahit les lieux et pris en otage ses dirigeants. C’était il y a dix-huit ans. Régis n’était alors qu’un tout jeune dresseur de dix ans au début de son voyage initiatique. Ça avait été la première fois qu’il voyait son père Giovanni de loin ; sans se douter qu’il était son géniteur bien sûr. Avec l’aide de ses amis Red et Leaf, il avait fait échouer son plan… même si quasiment tout le mérite était ensuite revenu à Red, mais peu importe.
Les champions d’arènes de Kanto avaient pour mission de prendre le bâtiment. Le nombre d’étage à sécuriser dépassait la dizaine, mais le cœur de cible, à savoir le générateur du bâtiment, qui alimentait tout le quartier et toutes les défenses de Venamia pour cette zone de la ville, était au sous-sol. Ils avaient pris donc décision de se séparer. Régis avait emmené avec lui Morgane, ancienne championne de Safrania, qui de fait connaissait plutôt bien les lieux. En outre, Morgane était aussi une G-Man ; pas formée, certes, et donc pas officielle, mais elle pouvait se servir de pas mal de capacités psychiques, ce qui pouvait toujours être utile. Il prendrait aussi Jeannine avec lui ; les shinobi étant pas mal qualifiés pour l’infiltration et le meurtre. Les autres, sont la direction de Bob, s’occuperaient de prendre le contrôle du reste de l’immeuble.
Descendant l’escalier menant au sous-sol, caché derrière son Tortank qui se débarrassait facilement des forces embusquées à coup d’Hydrocanon, Régis était concentré comme jamais. Il allait enfin libérer sa région natale, le combat de sa vie depuis l’avènement de Venamia. Presque depuis celui de Giovanni aussi, n’ayant jamais eu la moindre affection pour l’instable Protectorat Rocket de celui-ci. Il ne détestait pas TOUS les Rockets bien sûr ; il aimait bien sa sœur Estelle… et une certaine autre fille aux cheveux rouges et à la répartie cinglante. Mais il avait acquis depuis un moment la conviction qu’il ne sortirait rien de bon à laisser la Team Rocket gouverner quoi que ce soit. Qu’elle s’occupe donc de l’armée et de la défense de la FAL, comme la nouvelle Constitution lui permettait ; c’était très bien.
Au détour d’un couloir, le feu devant eux était tellement nourri qu’il aurait été suicidaire, même pour Tortank, d’attaquer de front. Tout en se couvrant dans l’angle d’un mur, Régis appela son Ptera. Il demanda ensuite à l’Alakazam de Morgane de lui mettre autour une Protection. Avec ça et son type Roche, il y avait peu de risque que les balles ne le blessent, mais Régis savait que les GSR utilisaient aussi d’autres trucs, comme l’Eucandia. Il décrocha deux grenades de sa ceinture, les fit tenir à Ptera par les serres, puis les dégoupilla. Dans les trois secondes avant l’explosion, Ptera avait foncé dans le couloir rempli d’ennemis, encaissant les tirs, et lâchant les grenades sur eux. Immédiatement après, Jeannine surgit avec sa vitesse habituelle pour aller achever ceux qui restaient. Mais quand Régis se leva de sa planque pour la rejoindre, Morgane lui bloqua le chemin d’un bras.
- Je sens quelque chose, fit-elle. Il y a un danger devant nous…
Régis fit signe à Jeannine de rester sur ses gardes. Il avait appris depuis longtemps qu’il ne valait mieux pas ignorer les prémonitions d’un dresseur de Pokemon Psy, surtout quand celui-ci avait des prédispositions G-Man. Il garda son pistolet braqué devant lui d’une main, avec la Pokeball de son Noctali dans l’autre, prête à être lancée à la moindre alarme. Tortank et Ptera restèrent bien devant leur dresseur. Arrivés devant la porte du générateur, Régis fit un signe de la main, et Tortank la défonça à coup d’Hydrocanon. Ils rentrèrent tous d’un coup, prêts à éliminer la moindre menace. Mais la salle du générateur était à priori vide, si ce n’est une étrange machinerie installée sur le générateur, avec une minuterie dessus, indiquant une vingtaine de minutes.
- Une bombe ? S’étonna Régis. Si c’est pas un peu cliché ça…
- Ils avaient donc prévu que nous prenions la Sylphe et voulaient la faire exploser avec nous dedans ? S’interrogea Jeannine.
- Mais on est sans doute arrivé plus tôt qu’ils ne l’avaient prévu, car vingt minutes, ça nous donne largement le temps de dégager.
- Je préfèrerais que ça n’explose pas, même si on est sauf, fit Morgane en fronçant les sourcils. Safrania a déjà beaucoup souffert de la précédente bataille, et est devenu méconnaissable suite aux transformations qu’a faites Venamia. L’immeuble de la Sylphe est tout ce qui reste de son ancienne grandeur.
Régis pouvait comprendre le raisonnement de la championne Psy. Elle était née à Safrania et avait toujours vécu là. C’était sa ville. Régis aussi le prendrait mal si quelqu’un mettait une bombe dans un des bâtiments phares de Bourg-Palette. Enfin, y’avait peu de chance que ça arrive, vu qu’il n’y avait quasiment rien là-bas…
- On va voir ce qu’on peut faire alors, fit-il en prenant son communicateur. Je vais dire à Bob de venir. Il avait piégé son arène avec plein de mécanismes à la con avant, et doit s’y connaître dans ce genre d’engin. Je vais demander aux autres d’évacuer quand même au cas où, l’immeuble et toute la rue.
Mais avant qu’il n’ait pu porter la radio à sa bouche, Morgane se plaça soudainement devant lui avec son Alakazam, sans que Régis ne comprenne pourquoi. Ils levèrent chacun simultanément une barrière psychique, pile au moment où un déluge de balles jaillit de derrière la porte. Elles furent stoppées par la double Protection de Morgane et Alakazam. Mais la porte trouée s’ouvrit alors à la volée, laissant passer ce qui semblait être un énorme Grahyena monté sur deux pattes. Morgane tenta de le repousser avec une onde psychique, mais le Pokemon ne ressentit rien du tout, et frappa. La double Protection vola en poussière, tandis que Morgane fut projetée contre le mur, se tenant son ventre ensanglanté en serrant les dents.
Régis allait envoyer ses Pokemon contre l’agresseur, quand il fut forcé de lever le bras pour les retenir, car toute une troupe de GSR, au moins une dizaines d’hommes, apparurent à la suite du Pokemon. Et eux, c’étaient de vrais GSR, l’élite de l’élite, avec l’armure noire intégrale, les brassards d’Eucandia et les boucliers portatifs. Leur chef, qui était le seul à avoir le visage découvert, était un quasi-géant avec les cheveux blonds en queue de cheval. Régis avait souvent vu son visage lors des briefings stratégiques, et surtout avant, quand la GSR s’adonnait aux raids punitifs parmi la population. C’était Ian Gallad, le capitaine de la GSR, et le bras droit de Venamia. Et sa bestiole semblable à un loup-garou ne pouvait être que Kinghyena, l’incroyable évolution de Grahyena. Gallad entra dans la salle comme s’il ne craignait rien, et dévisagea un moment Morgane qui semblait beaucoup souffrir de la blessure que Kinghyena lui avait infligée.
- Messieurs, vous noterez le courage de cette femme, dit le capitaine à ses soldats. Elle a fait preuve d’incroyables réflexes. Hélas pour elle, le type Ténèbres de Kinghyena le protège de tout ce qui est psychisme.
Tous les GSR braquaient leurs armes sur eux, et Kinghyena était sur le point de leur sauter dessus pour les bouffer au moindre geste de son dresseur. Avec Morgane mal en point, Régis savait qu’ils étaient quelque peu en sous-nombre. C’était la seule raison qui l’avait poussé à ne pas se lancer à l’attaque.
- Vous êtes arrivés plus tôt que prévu, poursuivit Gallad. Mais ça ne change rien. Cette bombe explosera et vous avec. Je ne vous laisserai pas prévenir vos amis en haut. La destruction du dernier vestige des Dignitaires sera aussi celle des sept champions restants. Kanto n’a plus besoin de vous. Mais je suis prêt à vous accorder un dernier combat Pokemon, si vous le souhaitez, le temps que la bombe explose.
- Vous comptez sauter avec nous ? S’étonna Régis.
- Le sacrifice est le don de soi ultime pour la cause. Avant que Lady Venamia ne me recrute, je n’étais rien, je n’avais aucun but, aucun idéal. Elle m’a donné tout cela. Ma loyauté pour elle est sans faille. Ma vie comme ma mort lui appartiennent.
- Ouais, je te comprends vieux. Donner sa vie à quelqu’un, ça évite de trop réfléchir, vu qu’on le fait à ta place.
Tout en parlant, Régis avait discrètement vu Morgane, toujours blessée au sol, lui faire un rapide clin d’œil. Elle bougeait doucement des doigts, signe qu’elle utilisait ses pouvoirs psy. Les GSR, trop concentrés sur Régis, ne voyaient pas que leurs grenades à leurs ceintures étaient en train d’être dégoupillées toutes seules. Morgane enlevait mentalement la goupille, tout en maintenant une pression psychique sur les leviers pour ne pas les faire exploser immédiatement. Elle allait tous les lâcher d’un seul coup. Régis continua à parler avec Gallad pour occuper son attention.
- D’après ton CV, ta famille a été tuée lors de l’invasion vriffienne. J’sais pas si tu t’en rends compte, mais tu agis maintenant tout à fait comme eux. Un bon gros fanatique qui ne prend pas la peine de penser par lui-même.
- Si je n’approuvais pas les idéaux de Lady Venamia, je le la servirai pas, répliqua Gallad. C’est vous qui être trop attachés au passé, entravés par lui, au point ne pas pouvoir discerner les transformations nécessaires à notre temps. Les champions d’arènes, franchement… C’est dépassé, c’est inutile. Dans le nouvel ordre de Lady Venamia, les gens auront autre choses à faire que passer du bon temps avec leurs Pokemon à vadrouiller ci et là pour aller affronter des bobos dresseurs d’élites comme vous !
Régis eut un rictus moqueur à cette description du voyage initiatique.
- Ton discours sent à plein nez le gars qui a foiré son propre voyage initiatique, mec.
- Comme si j’avais eu besoin de ça pour devenir fort. Mon Grahyena a obtenu son évolution unique suite à un rigoureux entrainement qui surpasse largement celui des champions ! Et qu’en est-il de toi, Régis Chen, l’éternel numéro deux, celui qui a eu le mandat de Maître le plus rapide de l’histoire de Johkan !
Régis, qui était en train de regarder discrètement où en était Morgane de son dégoupillage de grenades, revint d’un coup sur Gallad, les yeux plissés et les poings serrés. Évoquer sa défaite face à Red était un sujet sensible, même des années après.
- Enfoiré, je vais te… commença-t-il.
Sentant que Régis allait perdre le contrôle de ses nerfs, Morgane fit retomber d’un coup la pression psychique qu’elle avait sur les grenades dégoupillés. Elles tombèrent toutes d’un coup par terre, en alertant bien sûr tous les GSR. Certains hurlèrent et tentèrent de se jeter au loin. D’autres levèrent leur bouclier d’Eucandia à temps, et d’autres enfin ne comprirent pas ce qui leur arrivait. L’Alakazam de Morgane se dépêcha de lever une attaque Protection devant eux, et Jeannine eut le bon réflexe de faire bouclier de son corps à la bombe, pour éviter que le souffle des grenades ne l’enclenche par mégarde.
Régis se retrouva un peu soufflé par les explosions consécutives malgré la présence de la Protection d’Alakazam, mais se reprit vite. Il ordonna à son Tortank de lancer Hydrocanon à l’aveuglette, et envoya son Ptera et son Noctali dans le tas. L’Aéromite de Jeannine suivit. Les coups de feu commencèrent à pleuvoir, et tandis que Jeannine les couvrait en lançant des étoiles ninjas et des kunaïs, Régis leva Morgane pour l’aider à se mettre à couvert derrière une grosse console informatique, puis se mit à tirer lui aussi. Il vit le Kinghyena de Gallad faire un bond de dingue pour atterrir non loin d’eux, les griffes tirées, prêtes à déchiqueter. Jeannine se jeta sur lui pour tenter de le maîtriser avec ses techniques d’immobilisation, mais la jeune femme, malgré son entraînement, restait petite et mince, alors que Kinghyena avait une carrure monstrueuse.
Régis vida ce qui restait de son chargeur sur les GSR désorganisés et blessés avant de siffler pour rappeler Noctali et d’aller aider Jeannine. Mais ce fut alors Ian Gallad qui arriva sur lui, un couteau cranté en main. Régis ne tenait pas à affronter ce gars là au corps à corps. Il savait qu’il se ferait descendre en moins de deux. Il ordonna donc à Noctali une attaque Abri, qui stoppa momentanément Ian. Un cri de douleur de Jeannine se fit entendre entre temps ; Kinghyena venait de refermer ses énormes mâchoires sur son bras gauche. Et une fois l’Abri de Noctali terminé, Ian repassa à l’attaque. Régis n’eut d’autre choix que de s’exclamer :
- Tortank, Hydroblast !
La toute puissante attaque Eau déferla sur eux et entraîna tout le monde dans un ballet de bras et de jambes. Régis espérait que l’attaque n’allait pas enclencher la bombe par accident. Régis se relevait à peine qu’il vit un rayon d’Eucandia passait à ras de ses parties sensibles. Momentanément affaibli par le contrecoup de son attaque ultime, Tortank se fit mettre KO par Kinghyena. Les quelques GSR encore debout se rassemblèrent autour de Gallad, acculant Régis, Jeannine et Morgane contre un mur.
- C’est terminé, décréta Ian. Vous avez bien lutté, comme attendu des célèbres champions de Kanto. Vous pourrez partir dignement.
Régis regarda le minuteur de la bombe. Plus que cinq minutes. Impossible pour Bob de venir ici et de la désamorcer à temps. Cela étant, ils avaient toujours l’Alakazam de Morgane, qui connaissait Téléport. Donc tout n’était pas perdu. Ils devaient juste se débarrasser de ces enfoirés en noir.
- Vous pouvez me créer une protection contre les balles ou laser pendant une dizaine de seconde ? Demanda Régis à Morgane et à son Pokemon.
- Si on alterne… les Abri et Protection… chacun son tour, oui, fit faiblement Morgane. Mais pourquoi ?
- J’ai un dernier truc à tester. C’est trop la honte, donc je le gardais vraiment en dernier recours.
Il fouilla dans sa veste et en sorti un bracelet noir qu’il équipa à son poignet, un souvenir de son dernier voyage à Alola avec Red, justement. Il y plaça un petit cristal brun avec le symbole du type Roche dessus.
- Qu’est-ce que tu fais ? Demanda Ian, plus curieux que suspicieux.
- Allons bon, tu te prétends dresseur, mais tu n’es pas au fait des coutumes d’Alola ? C’est un Super Bracelet Z, et une Rocazélite. Les noms craignent à mort, oui, mais ça peut être utiles ces machins. Ptera, tiens toi prêt !
Comprenant que Régis allait tenter quelque chose, les GSR ouvrirent le feu, et comme prévu, leurs balles se heurtèrent aux protections psychiques de Morgane et d’Alakazam. Régis entama une drôle de chorégraphie avec les bras, faisant d’amples mouvement rapides sous les regards médusés des autres, qui devaient penser qu’il avait perdu la tête. Régis se sentit totalement ridicule, mais tant pis. C’étaient là les gestes pour débloquer la capacité Z Roche.
- Ptera, lance Apocalypse Gigalithique !
Une lueur brillante et brune entoura le Pokemon préhistorique, et des morceaux de béton du mur, du sol et du plafond commencèrent à se rassembler devant lui en une énorme boule rocheuse. Ayant pris conscience du danger, Gallad ordonna la retraite, mais c’était trop tard. Ptera envoya son énorme bloc de roche, qui défonça le mur devant lui, entraînant les GSR dans son sillage avec des échos de cris de douleur et de rage. Le fracas engendré confirma à Régis qu’ils avaient traversé probablement plusieurs murs d’affilée. Même si par chance ils n’étaient pas tous morts écrabouillés, Régis doutait de les revoir de si tôt.
- Morgane ! Fit-il ensuite en voyant le compteur de la bombe à deux minutes.
- Oui, fit cette dernière.
Elle savait quoi faire, et le transmit à son Pokemon par télépathie. Alakazam se téléporta aussitôt hors du bâtiment, la bombe avec lui, directement dans le ciel de Veframia, où la bataille aérienne continua de se jouer. Il se téléporta en plusieurs saut sur un vaisseau du Grand Empire, y laissa la bombe, et revint auprès de sa dresseuse. Quelques secondes plus tard, ils entendirent une forte déflagration qui venait de dehors, signe que le Grand Empire venait de perdre un vaisseau de plus. Régis put enfin reprendre son communicateur et ordonner aux autres champions de vite se regrouper en bas, pour trouver d’éventuels GSR survivants, ou d’autres bombes. Il demanda aussi un toubib d’urgence pour Morgane et le bras de Jeannine. Puis, trempé jusqu’aux os et crevé, il se laissa tomber contre le mur pour souffler un peu.
- Pfffiouuu, souffla-t-il.
- Oui, Seigneur Régis, pfffiouuu, confirma Jeannine.
Elle était en train de prodiguer les premiers soins à Morgane avec un morceau arraché de sa tenue ninja. Cette dernière, bien que durement blessée, ne put s’empêcher de briser son très célèbre visage de marbre inexpressif pour étirer ses lèvres en un sourire douloureux.
- Elle était très intéressante, ton espèce de danse, Régis. Je l’ai bien mémorisée, et je pense être capable de la montrer à la jeune dame Crust par télépathie.
Régis lui jeta un coup d’œil fatigué.
- Si tu veux. Mais transforme-moi en poupée avant, que je sois incapable d’entendre quoi que ce soit.