« Je déclare forfait ! m'exclamai-je.
Flamiaou s'étrangla, Pinky se moqua de moi, et Bob me fit la grimace. Quoi ? Je suis une lopette ? Oui bah je vous y verrai bien vous, avec deux Pokémon de niveau cinq – et encore, je suis même pas sûr pour Keunotor – contre deux bêtes dix fois plus fortes. Alors d'accord, mes Pokémon sont des monstres, mais même...
— Comment ça, tu déclares forfait ? fit le champion. Le combat n'a même pas commencé !
— Oui euh... Bah justement je préfère prévenir que guérir. Nan mais vraiment, là je vais me faire massacrer.
— Comme tu veux, soupira-t-il. Heureusement qu'il y a des jeunes qui eux, se battent. Heureusement que tu ne veux pas participer au Grand Pokemon Festa, aussi.
Pardon ? Il me cherche le ricain ? OK, je m'en fous de ce tournoi, je passe mon temps à le rappeler, mais je vais te dire un truc :
— VOUS PARLEZ DE MOI LA ?!
— Ouais. C'est vrai, non ?
— OUAIS C'EST VRAI. Je m'en cogne du Grand Festa, mais je me suis pas cassé le cul à venir ici pour rien ! Ça fait que depuis hier que je suis parti de chez moi, et j'en peux déjà plus ! Vous savez ce que ça fait d'avoir la malchance qui vous poursuit et vous met des coups de bâton ? Moi oui. Et c'est même plus avec un putain de bâton qu'elle me frappe cette conne mais avec une POUTRE ! Et oui je suis vulgaire, mais JE M'EN COGNE AUSSI !
Ils restèrent sans voix. A part l'autre qui ricanait toujours.
— Vous savez quoi ?! poursuivis-je. On va le faire ce combat ! Et je m'engage à vous zigouiller, puis à remporter cette thune, et me casser de cette région POURRIE où il fait FROID !
— A...Ah bon ? Eh bien comme tu veux alors.
Voilà. Je me suis fait entendre. Par contre j'ai intérêt à gagner, avec tout ça. Sinon, je vais clairement passer pour un blanc-bec auprès du champion, et de l'autre bonbon. Bref, le combat s'apprête donc à commencer.
— Ce sera un combat en deux contre deux, fit l'arbitre. L'utilisation des objets est interdite. Prêts ? (nous répondîmes oui) Alors commencez !
Bon. A part que je me mets à stresser, tout va bien. J'ai juste à spammer Séisme, et la victoire m'appartient. Je prends donc cette intelligente initiative.
— Keunotor ! Attaque Séisme !Bob enchaîne du tac-au-tac :
— Elekable, attaque Tonnerre !
Rho c'est pas vrai, il veut déjà m'empêcher d'utiliser séisme...
— Keunotor, utilise Abri, en fait !
Le Pokémon s'entoura alors d'une sphère de protection, parfaite pour... pour regarder Flamiaou se prendre l'attaque Tonnerre.
— Oh bordel... Keunotor attaque Séisme, vite !
— Magnézone, utilise Vol Magnétik ! Elekable utilise Coup-Croix sur Keunotor !
Le premier commença à l'éviter, et avant que le castor n'ait pu lancer son attaque, le Pokémon Foudrélec se jeta sur lui. Misère de chez misère, croyez-moi. Le stress monte, je reconnais que je me suis fait avoir, et c'est la panique. Une attaque de type Combat sur un Pokémon de type Normal, qui plus est un Pokémon Normal aussi fragile qu'une foutue brindille sèche sous les roues d'un six tonnes, ça fait mal, je vous assure. OHKO. Rien d'autre à dire. Enfin si :
— KEUNOTOR ESQUIVE ! FLAMIAOU FAIS QUELQUE CHOSE !!
Le castor se mit à rouler (vraiment, top cette esquive ! ), et le chat tenta d'asséner un Lance-Flamme sur le yéti jaune. L'autre en profita cependant pour utiliser l'attaque Onde de Choc, électrocutant donc – respectueusement et amicalement – mon Pokémon.
— FLAMIAOU ! N'importe quoi, sauf te prendre des attaques !
— Tu crois que c'est facile, saloperie de dresseur ?! Qui c'est qui t'a dit qu'on allait perdre, au juste ? C'est bibi !
— Putain mais je le sais qu'on va perdre, on est d'accord là-dessus ! Mais on n’a pas le choix, faut combattre, même si on risque de se faire ridiculiser !
— Mais on se fait DEJA ridiculiser, idiot !
Puis le petit commentaire agréable de Pinky : « Ah bah ça je confirme, abruti. », suivi du « LA FERME » collectif de Flamiaou et moi. Ah, quel esprit d'équipe ! J'aime ça. Si seulement ça marchait plus pour les combats, ça aiderait.
— Magnézone, Elekable, finissons-en avec notre combo super viril. Il est temps de montrer à cette lopette qui c'est le boss, ici.
Il m'a traité de lopette le blondinet ?! Lui, je lui réserve une petite surprise pour après le combat, parole de Red. Bref, revenons-en au combat. Les deux Pokémon adverses s'approchèrent de leur dresseur, et s'apprêtèrent donc à faire leur combo super viril. Ils se concentrèrent, et... ils se mirent à danser... et à « chanter »... sur un air de Fantal Goyah... Bordel qu'est-ce qui ne va pas avec ce type ? Toujours est-il que...
BOUM
Un « BOUM » se fit entendre. Quelle sorte de BOUM ? Celui que vous entendez lorsque la foudre s'abat trèèèèèès violemment sur vos Pokémon. Sérieusement, il y a vraiment eu un éclair qui a one-shot mes créatures. C'était même pas un Fatal-Foudre ! Ah et oui, quand je dis one-shot, c'est vraiment le cas, je vous assure.
[MUSIQUE FIN]
Les deux créatures étaient allongées, à plat ventre pour Flamiaou et sur le dos pour Keunotor, avec d'étranges spirales dans les yeux. Ils n'avaient clairement pas tenu le choc, et de l'autre côté du terrain, Bob félicitait ses Pokémon (ainsi que lui-même, par extension). Dans les gradins, c'était Craig (oui je l'appelle comme ça parce que entre nous, c'est quand même un tant soit peu moins ridicule (non pas que l'histoire, jusque là, ne le soit pas, mais bon..) que Pinky) qui se foutait de moi. J'avais envie de l'égorger. Mais surtout, ce qui m'attristait le plus, à cet instant, c'était la perte des six mille Pokédollars. Alors certes, je me doutais qu'on allait perdre, mais pas comme ça... Ou du moins, PAS AUSSI VITE !!
Je rappelai le castor dans sa Pokéball, et allai chercher le camionneur, faute de pouvoir faire la même chose. Le champion fit la même, et étrangement, il se mit à jongler avec ses balls. Mesdames et messieurs je vous présente le cirque Carmin et son clown, Bob !
…
Sérieusement, je n’en avais plus rien à faire. Il pouvait bien sauter au plafond et marcher sur les murs qu'après l'anesthésie générale au Fantal Goyah, je ne m'étonnais plus. Bon, il s'arrêta rapidement, et c'est dans la bonne humeur qu'il me dit :
— Bah... T'as perdu, jeune homme. C'est con mais c'est la vie.
A cela je répondis avec répartie :
— Euh... Ouais, c'est con.
Flamiaou sortit de son évanouissement et me regardant :
— Et lui, tu l'appelles pas Captain Obvious ?!
— Beh j'y ai pas pens... QUOI ?!
— Qu'est-ce qu'il y a ? me fit-il avec une mine étonnée. J'ai dis quelque chose qu'il fallait pas ?
— A... B... C... D... E... F... G... H... I... J... K... L... M... N... O... Pourquoi (oui je sais c'était inutile) t'es en pleine forme ?! Tu vas pas me dire que tu t'es fait mettre KO exprès ?!
— Nan en fait c'est que je récupère vite. Par contre c'est pas ça qui augmente ma résistance, désolé.
J'avais envie de le frapper. De shooter dedans. Genre de le prendre, de le laisser tomber, et le percuter de toute la force de ma jambe droite. Bon sang que je le hais ce Pokémon. Je ne répondis donc pas, et ne remarquai pas que Craig s'était approché.
— Bon bah c'était un beau combat de merde, la tomate. Heureusement que t'es passé avant moi, parce que sinon, ça aurait été pire.
Alors déjà mon coco, « la tomate », c'est pourri comme surnom. Ensuite... Ensuite il a raison, parce que le pire c'est qu'il va certainement gagner. Et comme c'était un véritable enfoiré, il poursuivit son lynchage verbal :
— Je sais pas ce que tu fais là, mais tu ferais mieux de rentrer chez toi. T'as pas le niveau, et tu l'auras jamais. Alors contente toi d'attraper des Keunotor et ne reste pas sur mon chemin, microbe.
Je le regardai droit dans les yeux, puis me retournai vers les escaliers.
— Major, dis-je.
— Ouais ?
— Participerez-vous au Grand Pokémon Festa ?
— Ouais.
— Alors, fis-je, nous nous y retrouverons.
Puis, fier de mon attitude de gagnant, je m'en allai.
— A... Ah bon, tu es employé, là-bas ? Tu fais quoi, tu vends les boissons ?
Je m'arrêtai, et jurai intérieurement. Je me retournai vers le champion, et énervé au possible, je lui balançai mon attaque finale. Oh, je n'ai peut-être pas réussi à vaincre tes Pokémon, mais je te présente ma capacité OHKO à moi :
— Oui, c'est ça. Allez, sur ce, au revoir, soldat Bob !
Pour accompagner mes mots je me mis au garde à vous, et tout souriant, je m'en allai. Lui, pour sa part, devint plus blanc que Reshiram, se mit à trembler, et se recroquevillant en position fœtale, se mit à pleurer, sous les yeux ébahis de son prochain challenger. Et ouais, faut pas me chercher. Quoi qu'il en soit nous sortîmes une nouvelle fois du bâtiment – moche – et restâmes en plan devant la porte, à ne pas savoir quoi faire, tandis que nous méditions sur les événements passés.
— On a perdu, hein ?
Je ne répondis pas. Évidemment qu'on a perdu, saloperie de chat. Tu t'es fait écraser. J'osai tout de même :
— Tu m'as pas dit que t'avais des stats hors-norme ?
— Si mais je suis pas divin non plus. Je suis un Flamiaou, rien de plus.
Dans ma prochaine vie, faites-moi penser à ne plus prendre des Pokémon qui puent l'embrouille à trois kilomètres. Et si je me fais agresser par un chat qui crache des flammes, ou toute autre créature stupide et faible, rappelez-moi de COURIR.
— En tout cas t'es peut-être juste un Flamiaou, mais on n'a plus une thune.
— Tu vas devoir vendre ton corps, Red, fit-il en soupirant.
— Bref, faut qu'on trouve une réelle solution, dis-je. On va déjà chercher une carte de la région de Kanto, y'en a toujours dans les centres Pokémon.
Et aller, rebelote dans le bâtiment rouge où on va encore se faire agresser par un malade à cheveux bleus, sbire d'une organisation criminelle à la con. Vous savez quoi ? A cette heure-là (soit un peu plus de midi), je devrais être tranquillement devant la télé. Je suis parti quand, déjà ? Hier ? J'en perds le fil, avec tous ces événements. Qu'importe, nous nous dirigeons donc gaiement vers le centre Pokémon – oui parce que je dois aussi soigner Keunotor, je l'ai oublié celui-là… - et tandis que la porte en verre automatisée s'ouvre devant nous, une vague de fraîcheur nous envahit.
Ah parce que j'ai oublié de le préciser aussi, mais nous sommes en mai, et par le plus grand des hasards, l'été a décidé de venir plus tôt. Dooonc il fait une petite trentaine de degrés, et je crève de chaud. Rajoutez à ça les saloperies d'embruns qui se collent à ma peau et me grattent, me piquent, m'énervent... Nous nous retrouvons donc de nouveau dans le centre très moderne, très beau, très bondé, très bruyant, et... et... très... très... euh... nous nous asseyons à la table où nous étions auparavant, une fois que j'eus confié le castor-huître à l'infirmière Joëlle, et que son Leveinard eut finit de me faire des clins d’œil. Comme je l'ai dit, la salle est très bondée, toutes les tables sont prises. SAUF UNE. Vous comprenez ? Eh oui, notre putain de table est libre, à croire que personne ne veut s'y asseoir, de peur d'être maudit. Mais vous comprenez aussi quand, dès l'instant où votre voyage commence, et que vous tombez dans une galère sans fond, ce genre de choses n'effraie plus.
L'infirmière revient, avec son gros Pokémon rose qui me bouffe du regard – je tourne la tête –, et me rend ma Pokéball.
— Vous êtes déjà venu ici tout à l'heure, non ? Que vous arrive-t-il ?
— Oh bah que des belles choses, répondis-je. On vient d'Alola, et on avait prévu d'aller au Grand Festa, mais malheureusement nous n'avons pas pris le bon bateau et nous nous sommes retrouvés ici. Puis, on nous a volé tout notre argent, et là, nous venons juste de perdre contre lopette Bob.
Oui je sais c'est lui qui m'a traité de ça, mais on va pas se mentir, c'est vraiment une lopette.
— Quel malheur... fit tristement Jojo. Si vous le souhaitez, vous pouvez dormir ici, cette nuit. Par contre, en ce qui concerne l'argent, je ne sais pas comment vous pouvez en retrouver. Je vais tout de même me renseigner et voir ce que je peux faire pour vous.
Quel ange, cette infirmière. Je la remercie mille fois, et tout sourire, elle se remet au travail. J'ignore bien entendu bouboule rose qui me dévore, évitant ainsi un frisson. Une fois éloignée, Flamiaou se tourne vers moi.
— Ok, il nous reste plus qu’une solution, fait-il.
J’ai peur.
— La…quelle ?
— Dès qu’on a récupéré le mollusque, on décampe de là et on va voler. Y’a pas de meilleure solution.
Je le regarde fixement pendant quelques secondes. C’est-à-dire que je ne sais pas s’il déconne où s’il a vraiment atteint le fond, moralement parlant.
— Tu penses vraiment ce que tu dis ? j’ose lancer.
— T’as vraiment cru que je vais rester à moisir ici ?! Puis c’est toi qui as proposé cette merveilleuse idée, alors assume !
Du coup, j’ai pas nécessairement envie de lui répondre. Mais il a raison, le con. Je réfléchis quelques instants, et me vient soudainement une idée. Je me lève et cours jusqu’au comptoir, manquant de près de glisser et de m’y écraser magistralement, sous le regard de deux douzaines d’inconnus. Je leur lâche un sourire gêné et attrape une brochure qui traîne, avant de retourner m’asseoir.
— Bon, dis-je en dépliant le papier, t’as déjà joué aux jeux d’argents ?
— J’ai vraiment l’air d’un Poichigeon ? qu’il répond de son air blasé.
Je prends la remarque personnellement. Mais je fais plus gaffe, maintenant.
— Tu peux critiquer autant que tu veux, mais si on se débrouille bien, aussitôt qu’on gagne on repart à Alola ! (je fais défiler mon regard à travers le tract) Voilà, regarde ! Le casino de Céladopole ! C’est juste au nord-ouest, je suis sûr qu’on peut y arriver vite !
— Et pour y faire quoi ? On n’a même pas de quoi jouer, au cas où tu l’aurais oublié !
On reste silencieux pendant de longues secondes. J’avais oublié ce détail en effet. M’enfin c’est pas faute d’avoir essayé. Ce problème de thune commence sérieusement à me casser les pierres précieuses…
— Ou alors, propose le chat, on part faire un casse dans une banque !
— Tu sais, dis-je calmement, je suis pas sûr que l’illégalité soit une bonne chose… Le Grand Festa est filmé, hein, et un gosse équipé de deux armes nucléaires nommées Keunotor et Flamiaou c’est comment dire… pas discret ?
— Du coup on oublie ?
Je fixai la table, pensif.
— Ouais.
Je me levai, signalant à mon congénère que j’allais faire mes besoins (dit d’une autre manière, vous vous en doutez). J’avais strictement aucune idée d’où les toilettes pouvaient se trouver, mais pour une fois j’aurais bien aimé me débrouiller seul, alors j’évitais de demander. Surtout que jusque-là, j’avais déjà fait mauvaise impression devant à peu près tout le centre Pokémon. Autant vous dire que passer pour un demeuré, ça m’épuise à force.
Je trouve finalement un panneau indiquant « WC ». Il était genre à dix mètres de notre table. Du coup Flamiaou me suit du regard quand je repasse devant lui, et j’ai le temps de voir un rictus moqueur apparaître. Saloperie de chat. Je pousse la porte en acier et pénètre dans une petite salle aux murs carrelés blancs, équipée de trois vasques, au-dessus desquelles trônent des miroirs, et derrière des portes équipées de verrous masquant des cabinets. Bref, des toilettes, quoi. Je me dirige vers les urinoirs, blasé au possible, et me « jette » sur le premier. Je commence mon affaire.
— Ҫa va, bonhomme ? me jette un homme à ma droite.
Il a une douce voix. C’est sûrement une personne très agréable et mignonne.
— Niquel… je souffle.
Je tourne la tête vers lui et manque de m’étouffer. Un PUTAIN de Mackogneur qui pisse à mes côtés. Alors niveau taille, la bestiole est pas grande hein. NORMALEMENT. Là, le truc fait bien trois mètres !! trois mètres de muscles qui balancent un jet digne d’un Hydrocanon dans le petit récipient en porcelaine blanche.
Ah.
C’est donc ça les embruns que je sens depuis tout à l’heure…
._.
— Ҫa va un peu moins, du coup, ajoutai-je.
— Qu’est-ce qui t’arrive ? demanda-t-il de sa grosse voix.
Oui, nan, on va la refaire en fait. Sa voix est grosse, certes, mais suave. Ex-trè-me-ment suave. Pire que celles des pubs de lingerie pour hommes. Et il me broie du regard, qui plus est. Comprenez que je sois gêné…
— Oh, trois fois rien, la routine. Mis à part que je suis perdu à cinq cents kilomètres de chez moi, tout va bien. Ah et j’ai perdu toute ma thune aussi. Je sais pas comment repartir, et je dois être au Grand Festa dans deux semaines et six jours.
Il hocha la tête vigoureusement. Puis, le titan leva les yeux vers la fenêtre en verre dépoli qui se trouvait au-dessus de lui, en mode « Je regarde le ciel, prend ma sagesse dans la gueule. ». Je suis un peu confus face à ça, alors je regarde autour de moi tant que l’autre est absorbé dans son vélux, espérant y trouver une quelconque aide. PER-SONNE. Tant pis, j’ai fini d’essorer ma vessie. Je tire la chasse et me retourne discrètement, puis commence à m’en aller. Soudain…
— Tu sais bonhomme, Arceus donne ses plus durs combats à ses plus forts soldats. Sois en fier.
Et là, je m’arrête.O M F G
Je tremble, des gouttes de transpiration apparaissent sur mon front. Mes mains sont moites. Je crois que mes jambes vont me lâcher. « Non, pas ça ! ». Mes pensées se brouillent, j’ai chaud. Je me tourne vers le Mackogneur, mais c’est trop tard, je tombe à genoux au sol.
— C’est… C’est… Impossible… je souffle, le visage pâle.
Le colosse s’approche de moi, faisant trembler le sol à chaque pas. Sa lourde tête bloque les rayons de la lumière, et dans l’obscurité je ne peux que discerner son large sourire.
— M-M-Mighty M ! je m’écrie finalement.
— Enchanté, jeune homme.
Il pose alors un genou au sol, fracassant le carrelage sous celui-ci.
— Le plus grand catcheur du monde, la légende vivante, ayant forcé Duane « The Wock » Djonson à prendre sa retraite !
En voilà enfin, une bonne nouvelle. Je viens de faire la rencontre d’une de mes idoles.
— C’est tout moi, ça ! continue-t-il. Maintenant relève toi !
Tant bien que mal, je m’exécute.
— Mais q…que faites-vous ici, ô grand maître du catch !
— AH AH AH ! Je ne fais que passer. Je suis venu donner le bonjour à Bob.
Je réfléchis un instant.
— Bob… Vous voulez dire Lopette Bob ? je demande innocemment.
S’en suit un silence des plus terribles. Vous savez, ceux qui suivent une blague de merde où une remarque hautement déplacée. A ce moment-là, vous priez pour que l’autre personne oublie tout d’une coup les mots que vous venez de prononcer, ou pour que l’on vous foudroie afin d’éviter de vivre ça. Heureusement pour moi, Mighty M a beau savoir broyer des voitures, il n’est pas aussi performant mentalement.
— Euh… Non, Major Bob !
Je souris malgré moi. Franchement, j’étais super content d’avoir rencontré Mighty M, d’avoir reçu sa punchline en plein dans la gueule, mais c’est tout. Dans la réalité, je me rends compte que je n’ai rien à lui demander.
— Il… va falloir que j’y aille ! je lui lance alors. On se tient au courant ?
— Bien sûr ! me sourit-il. Tu as un téléphone ?
[MUSIQUE FIN]
Et voilà comment j’ai obtenu le numéro de Mighty M. Dans la salle principale, Flamiaou m’attend toujours, se roulant sur la table pour passer le temps. Soudain, un gros « BONG ». Suivi d’un « BAM ». Cinq hommes ou femmes cagoulés entrent dans le centre Pokémon, armés d’armes à feu et masqués. Tous portent des masques de Keunotor. C’est mignon. Bref :
— QUE PERSONNE NE BOUGE !! cria l’un d’eux en visant les gens. TOUT LE MONDE SOUS LES TABLES !!
Les autres s’exécutent. D’autres hommes sortent de derrière le comptoir, tenant en joue les infirmières Joëlle.
— Non mais c’est une blague ?! couina Flamiaou avant de se réfugier sous la banquette.
Les gens, apeurés, crient, mais au bout de quelques instants, à force d’insultes et de menaces, le silence se pose sur la salle. Seule une petite musique est discernable, mais elle semble loin.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? demande l’un des ravisseurs.
— On dirait que ça vient des toilettes, répond l’un de ses collègues.
Ils s’approchent tous deux de la porte, et la musique semble de plus en plus forte.
Oui. Vous avez très certainement compris d’où vient la putain de musique. Dans les toilettes, sur un air de Magic Team à fond, Mighty M et moi reprenons ses postures de combats les plus légendaires. Comment vous expliquer la peur que j’ai eu quand deux individus masqués et encapuchés sont entrés dans les toilettes, et comment vous décrire la honte que je me suis tapé quand ils nous ont jeté de la, et ont sorti, devant tout le monde (et Flamiaou, évidemment) « On en a trouvé deux qui jouaient aux majorettes ! » ?
Voilà, j’avais envie de pleurer désormais. Ils ligotèrent la trentaine de clients avant de barricader les fenêtres et de verrouiller les portes d’accès. Seuls restaient les infirmiers et docteurs, qui continuaient de travailler sous la surveillance des individus masqués. Un SUV débarqua alors devant le centre, et trois hommes en sortirent avant qu’il ne reparte aussi vite. Leurs compagnons à l’intérieur leur ouvrirent la porte et ils y pénétrèrent. Celui au centre retira son masque et sa capuche, laissant apparaître des cheveux bleus très courts, des yeux fins et un sourire plus que mesquin.
— Commandant Amos, salua l’un des preneurs d’otages. La situation est sous contrôle.
Le dénommé Amos claqua des doigts et tous les hommes et femmes présents retirèrent leur cape pour laisser apparaître une combinaison grise sur laquelle était imprimée un grand R rouge.
— La Team Rocket ! je soufflai.
Mighty M était attaché à côté de moi, et malgré ses muscles saillants, il n’en menait pas large. Il faut dire que vu comment les guignols étaient armés, je le comprenais. Même moi, je flippais ma race. Le commandant de la Team Rocket s’avança au centre de la pièce.
— Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est simplement pour voler des Pokémon. Nos sources nous ont confirmé la présence de Pokémon très rares par ici.
Merde. Flamiaou est rare ici, c’est vrai. Ah, et surtout : POURQUOI JE ME RETROUVE TOUJOURS AU PIRE ENDROIT AU PIRE MOMENT ??!! Sans rire, c’est vraiment possible d’avoir autant de malchance en à peine vingt-quatre heures ? Franchement, si on s’était arrêtés à une embrouille par jour, à la limite, j’aurais pu tolérer. Mais là, sérieusement, c’est du non-stop. Et je pense qu’on atteint le fond, maintenant.
— Vous allez donc nous restituer toutes nos Pokéball ainsi que les Pokémon qui en sont sortis, poursuivit Amos. Si vous n’opposez aucune résistance, alors nous ne vous ferons aucun mal.
Il s’approcha de moi. Bordel de merde, pourquoi ? Le grand malade sortit un pistolet de sa ceinture et me pointa avec. Heureusement que je revenais des toilettes, sinon je me faisais dessus.
— Toi, m’adressa-t-il poliment, tu vas servir d’exemple. Donne-nous tes Pokémon.
Et là, mindfuck total :
— Euh… couinai-je. J’en ai pas.
Pour rappel, dix secondes plus tôt ils ont implicitement dit que si on ne leur donnait pas nos Pokémon ils nous tuaient, cinq secondes plus tard l’homme a braqué un fuckin’ revolver sur moi, et enfin moi, Red, l’homme le plus logique du monde, je lui fais un doigt. C’est ce que j’en retiens, en fait. Bon bah adieu maman, adieu papa, désolé que votre fils soit un aussi gros débile.
— Quoi ? fit-il étonné.
Mindfuck réciproque, donc. Par contre je le sentais qui commençait à s’énerver, et un gars vénère avec un flingue dans les mains je suis pas fan. Il pointa son arme sur Mighty M, que je vis se tendre soudainement (pour rappel, le gars pèse deux cent kilos et mesure trois mètres).
— Et lui alors, il t’appartient, non ?!
Ce à quoi le maestro répondit :
— Noon, je suis pas un Pokémon, moi !
Et ouais. Grand moment de blanc. Chapeau l’artiste, sérieusement. Même Amos n’a pas su quoi lui répondre. Par contre c’était vraiment la merde ! Si ces enfoirés me volaient mes deux Pokémon, je pouvais rester à finir mes jours dans une ruelle de cette ville. Il fallait que je trouve une solution, et vite. Idéalement, tout reposait sur Keunotor, mais il y avait des dizaines d’innocents et des fusils d’assauts braqués sur nous, alors je ne voulais pas tenter la mort. Je me rapprochai discrètement du catcheur (discrètement, certes, mais toujours dans le champ de vision du criminel, hein), et lui murmurai :
— Fais-lui ton move signature !
— C’est du faux, gamin ! Et puis je veux pas me faire fusiller !
J’en avais sérieusement marre, là. Je cherchai Flamiaou vers notre table, et je réussis à voir ses petits yeux luisants cachés sous la banquette. Quel courage, c’était admirable. Amos soupira bruyamment et partit voir d’autres dresseurs. A mon tour, je soupirai. De satisfaction, cette fois. Je fais un signe à mon abruti de chat. J’ignore s’il l’a compris, mais moi oui. La porte s’ouvre, l’infirmière Joëlle revient avec un Pokémon dans les mains. Oh que oui. Vous le sentez venir, hein ?
Il est là. THE MONSTER.
— KEUNOTOR, BLIZZARD !
Bien entendu, personne ne comprend, tous les Rocket sont perdus. Mais du castor vient soudain une énorme vague de froid, et de la neige qui masque leur vision. Par contre je me les gèle royalement. La salle se remplit de poudreuse et j’entend leurs cris d’incompréhension. Flamiaou profite de l’occasion, et saute pour me déchirer mes liens. Keunotor s’échappe des bras de l’infirmière et vient nous rejoindre. Je l’attrape et nous nous ruons hors du centre Pokémon. Derrière, j’entend des coups de feu retentir, la panique des otages, et Mighty M qui beugle. Trop pressés pour attendre, la vitre de la porte vole en éclats et on s’écrase sur le sol.
— Rattrapez-les !! hurla Amos.
Remis sur ses pattes, Flamiaou fait volte-face et lâche un violent Lance-Flamme sur deux sbires derrière-nous.
— Courrez ! m’écriai-je.
La mort aux trousses, on dépasse les premières bâtisses et on s’engouffre dans une ruelle. A notre suite accourent un Medhyena et un Malosse.
— Keunotor, Hydrocanon !
La bestiole s’arrête et crache un puissant jet d’eau qui les repousse et les fait s’écraser sur un mur non loin, les mettant KO. Une fois fait, nous reprenons notre course. Cinq minutes plus tard, lorsque nous nous sentons en sécurité, nous nous arrêtons, essoufflés. Au loin, nous entendons les sirènes de police retentir.
— Et maintenant ? m’adresse Flamiaou.
Je regarde partout autour de moi. Mon cœur bat la chamade, et je suis confus.
— On doit retourner les sauver. »