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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 13/01/2018 à 00:22
» Dernière mise à jour le 11/03/2018 à 22:37

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre 65 : Sourire en retour
Lina tira un carton de l’une des étagères, fouilla brièvement à l’intérieur, puis le remit à sa place en soupirant.

« Bordel, doit bien y avoir des ciseaux dans ce foutu entrepôt !
- On aurait dû faire un inventaire, fit remarquer Kate. Le jour où on aura besoin d’un truc en urgence, on aura l’air bien con. »

L’hybride à la chevelure erratique, qui l’avait accompagnée dans l’entrepôt du huitième sous-sol, fourragea quelques instants dans un autre carton de fournitures, avant de secouer la tête.

« A l’époque de la colonie, Amara y aurait pensé direct, reprit-elle.
- On n’est plus à l’époque de la colonie. On a des murs de béton et une porte blindée pour nous protéger, argua Lina.
- J’ai jamais dit que le danger viendrait de l’extérieur. » répliqua Kate.

Lina s’arrêta un instant et se retourna vers son amie.

« Tu ne leur fais toujours pas confiance, hein ?
- Parce que toi oui ? s’étonna l’hybride Métamorph.
- Non. Will est clairement barge, à parler tout seul, et Sanae me fait flipper. Mais comme dit Joshua, s’ils nous avaient voulu du mal, on aurait été au courant, en neuf mois.
- Je ne pense pas qu’ils nous veuillent du mal. Mais c’est évident qu’ils cachent quelque chose au dixième.
- Je sais bien… Mais pareil, si c’était dangereux, on l’aurait su, depuis tout ce temps, non ? »

Kate, qui farfouillait dans une caisse de matériel, s’arrêta et releva la tête, fixant Lina pendant quelques secondes.

« Quoi ? demanda celle-ci en remarquant que l’hybride la scrutait du regard.
- Rien, s’amusa la jeune femme aux cheveux bigarrés. Je me disais juste que y’a quelques mois, t’aurais tenu un discours beaucoup moins optimiste. C’est de sortir avec Joshua qui t’a rendu comme ça ?
- Faut croire. » fit la rousse en haussant les épaules.

Elle marqua une pause, puis soupira :

« Non, en vrai, je m’étais fait la même remarque. Il a toujours été le plus posé de nous deux, de loin, et c’est vrai que c’est contagieux.
- Vous vous complétez bien. Comment ça va, avec ses poumons ?
- Mieux qu’au début, mais il s’essouffle vite, avoua Lina.
- Il tient assez longtemps pour aller jusqu’au bout, quand même ? » s’enquit Kate d’un air faussement inquiet.

La rousse claqua la langue d’un geste agacé, et l’hybride éclata de rire.

« Suffit de le motiver correctement, répondit Lina avec un petit sourire. Et toi, ta main ? »

La jeune femme aux cheveux chamarrés s’arrêta de fouiller dans une caisse et plia légèrement la main droite en grimaçant. Toute trace d’hilarité avait disparu de son visage.

« Je n’arrive toujours pas à fermer le poing. Mais on s’y fait.
- Tu pourrais pas… je sais pas, te transformer en Sanae et essayer de te soigner ? Un truc du genre ? suggéra Lina maladroitement.
- Faudrait que je reste plusieurs mois sous son apparence pour commencer à avoir ses pouvoirs, répondit Kate en faisant la moue. Et puis, j’en ai marre, de ne pas être moi. »

La conversation s’arrêta et elles reprirent leur fouille en silence. Plusieurs secondes passèrent, pendant lesquelles on n’entendit rien d’autre que le brouhaha des objets qu’elles remuaient dans les cartons et les caisses qui peuplaient l’entrepôt.

« Un rasoir, ça te va ? demanda Kate à un moment.
- Je sais pas m’en servir. Il a accepté que je lui coupe les cheveux, pas que je le rende chauve, répliqua Lina.
- On pourrait peut-être l’offrir à Will, plaisanta l’hybride. Sa barbe me stresse. On dirait un naufragé.
- J’aurai plutôt dit une épave.
- Bien vu. Ah, ça y est, j’ai des ciseaux ! »

Lina se retourna vers son amie, qui agita l’outil sous son nez.

« Ça te va, ça ? lui demanda Kate.
- Nickel. Tu veux pas que je coupe les tiens, aussi ? Ils commencent à être sacrément longs.
- J’ai pas besoin de ciseaux pour les raccourcir. »

Elle sourit et fit volte-face, et Lina aperçut que la chevelure multicolore de l’hybride, qui lui arrivait au bas du dos un instant auparavant, venait de remonter de cinq bons centimètres.

« P’tain, murmura la jeune femme rousse, soufflée. C’est vraiment trop bien, ton truc.
- Je le contrôle de mieux en mieux. J’arrive à changer la couleur de mes yeux, aussi.
- C’est pas juste, grommela Lina. Je vais finir par être jalouse.
- Te plains pas. Au moins, tu te rappelle de qui tu es, toi. »

L’hybride l’avait dit sur le ton de la conversation, mais Lina avait senti que ça la travaillait réellement. L’espace d’un instant, la jeune femme eut envie de lui parler de l’existence qu’elle menait jadis à Omnia, de son travail dégradant, de sa sœur malade, histoire de faire comprendre à Kate qu’elle n’avait pas forcément à regretter ses souvenirs. Machinalement, elle toucha le ruban noir qu’elle gardait toujours noué dans ses cheveux, mais ne put se résoudre.

L’occasion passa, et l’hybride lui sourit.

« Bon, on remonte ? »

Lina acquiesça, distraite, et toutes deux s’éloignèrent en direction de l’ascenseur tandis que la jeune femme méditait sur ce drôle de paradoxe qui l'opposait à Kate. Elle évitait de parler de sa vie d'antan et préférait l'oublier, alors que l'hybride, elle en était sûre, aurait tout donné pour retrouver la mémoire.

L'ironie de la situation lui arracha un rictus tandis que les portes de la cabine se refermaient dans un battement métallique.

~*~
Sanae retira sa main posée sur le torse de Joshua et se releva.

« Désolée. Je ne peux rien faire de plus. »

Le jeune homme, allongé sur la paillasse de l’infirmerie, se redressa lui aussi et renfila le haut de sa combinaison.

« Ça ne fait rien. Merci d’avoir essayé, Sanae.
- Je devrai pouvoir faire mieux qu’essayer. » lança froidement l’Apocalyptica.

L’ex-étudiant en psychologie leva la tête vers elle et la fixa quelques instants. L’hybride gardait peut-être un visage de marbre, mais Joshua commençait à la connaître. Et même si Sanae gommait quasiment tout langage corporel, le jeune homme arrivait à percer la carapace froide et à deviner les émotions qui agitaient l’Apocalyptica.

« Tu t’en veux, devina-t-il.
- Oui.
- Pourquoi ?
- Parce que vous m’en voulez. » répondit simplement Sanae.

Joshua fronça les sourcils. Lentement, il se redressa et s’assit sur le bord du lit.

« Qu’est-ce que tu racontes ?
- Toi et Jade. Vous m’en voulez.
- Je n’ai jamais dit ça, se défendit le jeune homme.
- Pas avec ta bouche, non. » rétorqua Sanae.

Il soupira. Elle rentrait dans sa tête. Evidemment.

« Je croyais t’avoir demandé d’arrêter ça ?
- Toi et Jade, vous le pensez tellement fort que je ne peux pas m’empêcher de le capter.
- On pense quoi ?
- Que vous êtes des moins qu’humains. Des gens cassés. Que ce n’est pas juste que ça soit tombé sur vous.
- Ce n’est pas vrai, s’offusqua le jeune homme. Je…
- Bien sûr que si, c’est vrai, coupa Sanae froidement. Je te vois détourner le regard quand Lina revient de sa séance de sport. Je vois l’espèce de ride qu’il y a au coin de ton œil gauche quand tu vois Will s’entraîner à la course d’endurance avec Fenrir. Jade, c’est encore pire. Chaque fois qu’elle regarde quelqu’un marcher, ses mains tremblent, son cœur s’accélère, ses oreilles rougissent. J’ai l’impression qu’elle va exploser. Kate aussi, je sens quand sa main lui fait mal et qu’elle se demande si elle ne pourrait pas copier mon apparence pour hériter de mes pouvoirs de guérison. »

Cela faisait neuf mois qu’ils vivaient avec Sanae, mais Joshua était toujours aussi épouvanté de constater qu’elle lisait en eux comme dans un livre ouvert. Elle semblait être capable de les comprendre avec une telle facilité…

« Un tic de visage ou une main qui tremble n’est pas un reproche, argumenta Joshua. Les humains éprouvent un tourbillon d’émotions, ils ne contrôlent pas ça. Il ne faut pas prendre tout ce que tu ressens chez nous comme argent comptant, ok ? Tiens-t’en aux mots. Ce qu’on formule à l’oral, on le contrôle, c’est plus réfléchi que ce qu’on ressent. C’est sur ça que tu dois te baser pour savoir si on t’en veut ou non.
- Il y a toujours une différence entre ce que vous ressentez et ce que vous dites, rétorqua Sanae. Vous vous empêchez de me reprocher de ne pas vous avoir soignés, parce que vous vous dites que ça ne se fait pas. Ça ne vous empêche pas de le penser quand même. Vous m’en voulez. Et vous avez raison de m’en vouloir.
- Tu extrapoles, protesta le jeune homme. Si on ne te reproche pas nos handicaps, c’est parce que la gratitude qu’on ressent depuis que tu nous as sauvé la vie dépasse la déception qu’on en ait gardé des séquelles. »

Il dût se retenir de grimacer. Il n’était pas si sûr de ce qu’il était en train d’avancer, surtout dans le cas de Jade, dont l’isolement et la jalousie étaient flagrants, même pour lui. Il hésitait – et Sanae le sentit.

« Arrête, Joshua. J’ai été créée pour deviner ce genre de chose, je te signale, souligna l’hybride.
- Comment ça ?
- On a été conçus pour être empathique. Vous n’avez pas besoin de dire que vous souffrez pour qu’on le ressente. Vous n’avez pas besoin de nous crier dessus pour qu’on sache que vous nous en voulez. Et vous n’avez pas besoin d’essayer de nous réconforter pour la forme, parce qu’on le sent aussi.
- Attends, attends. D’où est-ce que tu tiens ça ? »

C’était la première fois qu’il entendait Sanae parler des raisons derrière la création des Apocalyptica.

« D’où est-ce que je tiens quoi ? demanda l’hybride.
- Que vous avez été créés pour être à moitié télépathes. Will et toi avez toujours dit que vous n’aviez aucune idée du but du projet Apocalyptica. »

Elle garda le silence un bref instant, avant de répondre :

« J’ai dû entendre les scientifiques qui s’occupaient de moi en parler.
- Mmh. » marmonna Joshua, peu convaincu.

Il remarqua une minuscule crispation de mâchoires chez l’albinos, mais ne dit rien, préférant ne pas pousser son avantage.

Un silence retomba, pendant lequel Sanae resta debout devant lui, droite comme un I, le regard dans le vague. Joshua l’examina quelques instants. Son visage était de marbre, mais il savait qu’elle ruminait. Il décida de changer d’approche.

« Je sais à quoi tu penses, lança soudain le jeune homme.
- Ah oui ?
- Tu l’entends encore. L’Autre.
- Exact.
- Et il te dit que si tu le laissais prendre le contrôle, il pourrait nous guérir complètement, Jade, Kate et moi. J’ai tort ? »

L’Apocalyptica le fixa de ses yeux gris, puis opina lentement du chef.

« Et tu le crois ? demanda calmement Joshua.
- Il t’a ramené. Il a ramené Kate. Il a ramené Lyrian, énuméra l’hybride aux cheveux blancs. Il en est capable.
- Capable, oui. Mais pourquoi est-ce qu’il le ferait ?
- Il vous a bien sauvé, vous, rétorqua Sanae.
- Il m’a empêché de mourir pour que je l’amène à ce bunker, répondit le garçon. Et c’est quand je l’ai menacé de ne pas obéir qu’il a soigné Kate. Il s’est comporté par intérêt personnel à chaque fois, et rien d’autre.
- Il t’a aussi aidé à enterrer les corps de tes amis, non ? Et il a sauvé Thrak, Kate, Lina et Jade des Nettoyeurs plusieurs fois à Salmyre. Ça n’a pas l’air d’être de l’intérêt personnel, pour moi.
- On ne peut pas lui faire confiance, Sanae ! s’exclama Joshua, frustré de perdre pieds. J’ai essayé de passer un pacte avec lui, je te l’ai déjà dit ! La première chose qu’il a faite en arrivant ici, c’est d’essayer de tuer Lina !
- Elle avait tiré une balle dans la tête de Lyrian.» répliqua l’hybride.

Le jeune homme tiqua, déstabilisé. Il sentit la colère monter en lui.

« Tu le défends ?
- Non, je...
- Tu sais pourquoi est-ce que Lina a été obligée de tirer sur Lyrian, ce jour-là, au moins ? l'interrompit le jeune homme. Parce qu’il allait tuer Thrak ! Thrak, qui était venu les sauver, lui et Elise, des hommes de Kendall qui s’apprêtaient à les exécuter juste parce qu’ils étaient des hybrides ! Thrak, celui qui l’a sauvé dans le désert, qui l’a défendu face aux humains qui avaient peur de lui ! »

Joshua se releva brusquement et se campa face à Sanae, qui, même si elle le dépassait d’une tête, ne l’intimidait nullement :

« L'Autre a démembré des gens. Il leur a arraché les bras, les jambes, il les a même placés en cercle autour de lui !
- Des gens innocents ? demanda calmement Sanae. Je croyais qu'ils s'apprêtaient à les tuer.
- L’une d’elle l’était, oui ! tempêta le jeune homme. Elise ! Elle aussi, il lui devait la vie ! Ça ne l’a pas empêché de lui arracher la tête à mains nues ! »

Il serra les poings à s’en faire blanchir les jointures. L’espace d’un instant, il eut envie d’hurler à Sanae à quel point il la trouvait insensible, inhumaine, monstrueuse. La frapper, lui crier qu’il la méprisait, comme Lina avait si souvent eu envie de le faire.

C’est peut-être cette dernière pensée qui l’empêcha de basculer. Lina lui répétait souvent qu’elle admirait son calme, qu’elle lui était reconnaissante d’être là pour la tempérer quand elle s’emportait. Que penserait-elle s’il se mettait à aboyer lui aussi ?

Lentement, il se rassit sur la paillasse, sous le regard neutre de Sanae qui l’observait toujours. Elle semblait avoir suivi le conflit intérieur qu’il venait d’éprouver, car ses traits de marbre se radoucirent très légèrement. Elle vint s’asseoir à côté de lui, et tous deux restèrent là, côte à côte, fixant le sol.

« Désolée. Je sais bien que ce que fait l’Autre n’est pas excusable. Je ne voulais pas t’énerver. » lâcha finalement l’hybride.

Joshua resta silencieux, crispé. Le sang battait à ses tempes, et il se faisait violence pour ne pas s’emporter à nouveau.

Il s’était attendu à ce que Sanae se lève et s’en aille, comme à son habitude quand elle n’arrivait pas à gérer les émotions de son interlocuteur, ou que la conversation s’ennuyait.

Mais il ne s’était certainement pas attendu à voir une larme rouler sur la joue de l’Apocalyptica.

« J’en ai peur, tu sais, murmura l’hybride. De ne pas parvenir à différencier le bien du mal. C’est facile, pour toi, ou pour Lina. Vous avez vécu dans l’ancien monde. Vos parents, vos frères, vos sœurs, vos amis vous ont appris ce qu’il fallait faire ou ne pas faire. Moi, tout ce que j’ai connu, c’est ce bunker. Quand je me suis réveillée, l’Autre m’a poussée à massacrer tous les scientifiques, pour me venger de ce qu’ils m’avaient fait. Ce n’est que quand Will est arrivé que j’ai compris que ce n’était pas bien. Que j’ai compris ce que j’avais infligé à ces gens. »

Elle émit un bruit qui ressemblait à un sanglot.

« L’Autre était le seul à me parler, se défendit Sanae. A me guider. C’est la première voix que j’ai entendue. C’était le seul qui tenait à moi, le seul qui savait ce que je ressentais. Comment voulais-tu que je comprenne que ce qu’il m’ordonnait de faire était horrible ? Sa colère était ma colère, et il m’a appris que ces scientifiques méritaient leur sort. Et que si je n’étais pas assez forte pour les tuer, lui le ferait de toute façon. »

Le jeune homme ouvrit la bouche, mais ne répliqua rien. La colère se dissipait petit à petit, et il comprenait ce que Sanae ressentait.

C’était une enfant. Une âme vide qui venait de naître, à qui personne n’avait appris à discerner le bien du mal. Une coquille qui n’avait rien vécu, rien connu du monde extérieur, et qui avait été exposée, dès sa naissance, à la haine d’une entité psychotique qui l’avait poussée au pire.

« J’ai ressenti l’horreur de Will quand il est arrivé au bunker et qu’il a découvert les cadavres, continua l’Apocalyptica d’une voix faible. C’est là que j’ai compris que l’Autre m’avait fait faire quelque chose de mal. »

Joshua opina. Il eut envie de questionner Sanae sur l’arrivée de Will dans l’abri, et sur toutes les zones d’ombre qui avaient toujours entouré cette rencontre, mais le moment était mal choisi. Pour une fois, la carapace d’indifférence de Sanae semblait s’ébrécher, et le ton enfantin et la simplicité de ses propos trahissait la fragilité de l’hybride.

« Tu n’imagines pas la torture que c’est, lança soudain la jeune femme. L’Autre avait bloqué mon empathie pendant qu’il… qu’il… »

Elle s’interrompit, et Joshua réalisa qu’elle était au bord des larmes.

« Mais quand j’ai compris ce que j’avais fait… J’ai recommencé à sentir. La douleur que je leur ai infligée. La souffrance qu’ils avaient ressentie avant de mourir. Tout ça… tout ça flottait dans l’air, partout, peu importe où je regardais. C’est comme si je m’étais mutilée moi-même.
- C’est pour ça que tu restes au dixième le soir, devina Joshua. Tu t’enfermes. Parce que tu as peur de toi-même. »

L’hybride opina en reniflant.

« Il me parle tout le temps… gémit-elle. Il est tout le temps là, à la frontière de mon esprit, à me raconter ces choses… Sur l’infériorité des humains… Sur ma place dans le monde.
- Et tu as peur, parce que tu ne sais pas qui a raison. Parce que tu comprends pourquoi ces scientifiques méritaient de mourir. Que tu comprends pourquoi on t’est inférieur. Et ça t’effraie, parce que tu as peur d’être d’accord avec l’Autre. De partager ses idées. D’être comme lui. »

Sanae tourna son visage pâle vers lui, et son regard embué croisa celui de Joshua, qui sut qu’il avait vu juste.

« Comprendre ne veut pas dire être d’accord, ou excuser. Et puis pour être honnête, l’Autre n’a pas totalement tort, avoua Joshua. Tu pourrais me tuer en un claquement de doigt, donc oui, j’imagine que d’un certain point de vue, tu es effectivement supérieure aux humains. Mais ce qui compte, ce n’est pas ce que tu es, c’est ce que tu fais. »

Il marqua une pause et fixa le carrelage du mur d’en face, cherchant ses mots – comme à chaque fois qu’il discutait avec Sanae.

« Je ne le connais pas, mais de ce que je l’ai entendu dire à travers la bouche de Lyrian, l’Autre se considère comme notre dieu, ou en tout cas, il estime que sa supériorité lui donne le droit de nous dominer. Mais je ne crois pas que tu sois comme lui. Toi, tu comprends notre peine, notre colère, notre jalousie. Tu le comprends même tellement bien que tu t’en veux de ne pas avoir réussi à nous guérir complètement. Et c’est ça qui te rend si différente de l’Autre. Lui cherche à asservir, mais toi, tu cherches à nous protéger. A nous aider. Même quand on t’en veut, même si ça signifie que tu dois t’enfermer chaque soir dans une cellule du dixième, tu préfères nous protéger plutôt que nous dominer, et tant que ce sera le cas, je ne pense pas que l’Autre puisse te forcer à faire quoi que ce soit. »

Joshua reporta son regard vers Sanae, et leurs yeux se croisèrent à nouveau. Le feu blanc qui brûlait d’habitude derrière les prunelles de l’hybride s’était changé en une lueur de gratitude, et le jeune homme comprit à quel point elle devait lui être reconnaissante de l’avoir comprise, elle, celle qui ressentait si bien les émotions des autres mais peinait tant à exprimer les siennes.

Alors, le jeune homme sourit à Sanae, et pour la première fois depuis qu’il la connaissait, l’Apocalyptica lui sourit en retour.