25 - Quand vient la nuit
Claire expliqua ensuite que quelques hôpitaux avaient découvert la même chose mais étaient eux aussi sévèrement surveillés. Comme ils n'avaient pas les moyens de financer les soins de leurs deux amis grâce aux revenus apportés par leurs ventes, les Bêtes Nocturnes avaient conclu un marché avec l'hôpital : ils leur fournissaient du Repousse gratuitement mais ne payaient pas les frais d'hospitalisation.
La jeune femme avait ensuite demandé pourquoi Sam et ses amis n'aimaient pas les chasseurs. La Ranger avait répondu vaguement qu'ils les gênaient pendant leur voyage archéologique, ce qu'avait aussi dit Lunick devant le regard insistant et intimidant que lui avait lancé Sin.
Quelques jours après …
« Carme ! »
Alors que l'homme s'assurait du bon fonctionnement de l'irrigation de la serre avec Panéma, Steve l'interpella, appuyé contre la rambarde du haut. Il était allé en ville acheter des sacs de petits cailloux pour maintenir au frais les racines des plantes.
« Les habitants d'Alcaration disent que la maintenance de l'antenne aura lieu cet après-midi !
-Quoi ?! D'habitude ils préviennent deux ou trois jours avant … Genbu doit être sur ses gardes ... »
'' Ca doit être à cause de nous. '' songea Panéma.
L'antenne était entourée de véhicules semblables à celui dans lequel le trio avait trouvé le Myota. Des hommes armés en uniforme noir décoré d'un badge couleur bronze, orné du mot '' chasseur '' et d'une étoile bleu clair, montaient la garde.
Alors que le soleil avait presque disparu derrière l'horizon, une dizaine d'ouvriers sortit de l'immense colonne de métal, soigneusement encadrés. Certains déposaient de lourdes caisses dans le coffre des véhicules tandis que d'autres pianotaient sur divers ordinateurs ou avait les yeux rivés sur de la paperasse, un stylo à la main. Lorsque tout fut rangé et que les ouvriers furent montés dans les véhicules, un chasseur sembla passer un coup de téléphone. Il fit ensuite signe à ses collègues qui prirent à leur tour place aux côtés des ouvriers, tout en surveillant les alentours.
« Quand je vois les visages rassurés de tous ces gens après que nous ayons vérifié le bon fonctionnement de cette antenne, je me dis que les personnes pouvant s'opposer à nous sont des monstres, déclara un chasseur.
-Il y a des gens prêts à tout pour le pouvoir et l'argent tu sais. » répondit son collègue en admirant la ville qui rapetissait petit à petit.
Une alarme retentit. Des lumières rouges clignotèrent dans tous les véhicules tandis que le bruit sourd empêchait toute conversation inutile. Une voix électronique annonça la présence d'une multitude de créatures autour du convoi aérien.
L'instant d'après, les hélicoptères furent secoués dans tous les sens par des rafales de vent. Prises dans les Catabat, les hélices peinaient à tourner, faisant perdre de l'altitude aux engins. Les chasseurs ripostèrent en bombardant les Pokémon de balles en Callier et de rayons électrifiés. En quelques battements d'ailes, les acrobates aériens évitaient les projectiles. Quand on croyait qu'ils nous fonçaient dessus, hop ! ils remontaient à la verticale, riant au nez des chasseurs.
« Faisons demi-tour ! proposa un ouvrier, affolé, en retournant à Alcaration nous nous rapprocherons de l'antenne. Les ondes les éloigneront !
-Impossible ! Leurs attaques à distance pourraient blesser des gens ! répondit le chasseur le plus haut gradé de l'unité, à tous les véhicules : éloignez-vous les uns des autres et enclenchez le bouclier électromagnétique ! »
Les ailes engourdies par le choc électrique, quelques Marquilon furent contraints de se rapprocher des arbres au-dessus desquels se déroulait l'affrontement. Les autres attaquaient le champ d'énergie, lui assénant Catabat, Tornade et Cyclone.
A bord des hélicoptères, c'était une déferlante d'ordres hurlés, de rapports et d'allers-retours à toute vitesse. Malgré la surprise de l'attaque, la faction n'avait pas cédé à la panique. Les hommes étaient très bien entraînés et celui qui les avait sous son commandement avait de l'expérience.
Cachées au milieu du matériel de maintenance des antennes, les Bêtes Nocturnes observaient discrètement toute cette agitation. Leurs combinaisons noires comme la nuit leur permettaient de passer inaperçues dans l'ombre.
« Je ne pensais pas que ces bestioles les distrairaient aussi longtemps, souffla Ren en jetant un œil au couloir.
-Je vous avais bien dit que c'était une bonne idée, répondit Carme avant de se tourner vers Kinnie, tu as trouvé quelque chose ?
-Non et c'était le dernier, soupira la jeune fille en détachant les yeux de l'écran de son terminal, ces machines ont besoin d'être connectées à un ordinateur spécial pour fonctionner. Il doit être dans la grosse caisse que les ouvriers ont gardée avec eux.
-Il va falloir aller rendre une petite visite à leur chef alors.
-Mais vous êtes sûrs que les monstres ne vont pas s'enfuir ?
-Aucun risque, répondit Sin en désignant la télécommande qu'il tenait, tant que le cran est en haut, les bagues qu'on a fixées à leurs pattes les empêcheront de trop s'éloigner. C'est pour ça qu'ils sont immédiatement venus quand on a ouvert leurs cages à distance.
-Bon Claire, Kinnie, Steve et Serges vous restez derrière nous et vous faîtes profil bas. Les autres, vous venez avec moi. On va faire diversion pour que Kinnie récupère ce dont on a besoin. »
Le canon du fusil électrique explosa. Les joues crépitantes, Négapi grimaça. Une petite étincelle en plus dans le transformateur et l'arme avait surchargé comme s'il avait lancé un Tonnerre ! C'était de la camelote en fait !
« Pas une seule trace de brûlure pour nous trahir ! Super bien visé Négapi ! le félicita Lunick en remettant le couvercle en Callier sur ce qu'il restait de l'arme, ils vont vraiment croire à un sabotage.
-Oui, dommage qu'on ne puisse pas faire de même avec les mitrailleuses, commenta Sam, ça serait beaucoup plus facile et moins risqué que de se débarrasser des munitions. »
Malgré tous les efforts des Marquilon, le champ électrique protégeant les hélicoptères ne faiblissait pas. Eclydon observait les manœuvres de ses protégés d'un peu plus loin, veillant sur les Pokémon trop affaiblis. Ils étaient au moins parvenus à empêcher les engins de trop s'éloigner les uns des autres. Cela aurait mis en danger le groupe d'oiseaux, dont la spécialité était de ne laisser aucun répit à l'adversaire.
Le chef observa que le Marquilon qui possédait Electrochoc ne l'avait pas utilisé. Il en fut content. L'électricité produite lors de l'attaque aurait sans douté renforcé le bouclier au lieu de l'endommager. Il était fier de l'intelligence dont faisaient preuve les oiseaux qu'il avait sous ses ordres. Tout le groupe avait compris qu'on leur demandait simplement d'occuper les chasseurs le plus longtemps possible. Une demande des humains ne valait pas la peine d'en faire d'avantage. Pourtant, Eclydon ne comptait pas en rester là. Il avait là une bonne occasion de montrer sa force à ces ignobles créatures bipèdes.
Il abandonna le groupe d'oiseaux blessés et se faufila rapidement sous le champ de bataille. D'un cri strident, il attira l'attention des Marquilon. Ce n'est que lorsque son corps s’enveloppa dans une lumière blanche comme une étoile que les chasseurs purent enfin le distinguer sans l'aide du radar. Les volatiles cessèrent leurs assauts.
Poussant un puissant sifflement, Eclydon abattit ses ailes scintillantes. Aussitôt un fort vent se leva derrière lui et s’estompa aussi vite qu'il était venu.
Bien que les chasseurs savaient ce que le Pokémon Vol avait fait, ils n'eurent pas le loisir de se préparer à ce qui suivi.
L'Eclydon plongea, aussitôt imité par le reste du groupe. L'oeil ne pouvant saisir leurs mouvements, ils laissaient dans leur sillage des images passées d'eux-même.
Les feuilles des arbres tremblèrent. La forêt si calme auparavant se transforma en un bruyant orchestre de cris et de fracas.
Aile d'Acier, Aéropiqué, Cru'Aile et Vive-Attaque fendaient les grosses branches en deux. Grâce à l'augmentation de vitesse conféré par Vent Arrière, il ne fallut que quelques secondes pour qu'il ne reste plus que des troncs sur une centaine de mètres carrés.
A coup de Tornade et de Catabat, les Marquilon soulevèrent le bois coupé. Grâce à leur incroyable capacité à manipuler les courants d'air, associée à leur travail d'équipe irréprochable, ils parvinrent à maintenir les branches au-dessus de celles épargnées.
Steve se jeta sur le bouton de fermeture automatique de la porte. A côté de lui, Serges prenait les commandes de l'appareil. Carme et les autres avaient réussi à attirer le reste des chasseurs hors de la cabine en prenant les ouvriers en otages.
Claire observa la scène. Pas de danger à l'horizon, Serges avait l'hélicoptère bien en main assisté par Steve, Kinnie avait trouvé l'ordinateur et tous étaient calmes et concentrés. La jeune femme rassura ses autres compagnons via son talkie-walkie. Inquiété par la multitude de points sur le radar, Steve se pencha pour voir ce que c'était.
« Ils sont en dessous des hélicoptères ! »
Il plissa les yeux, attendant que sa vision s'adapte à la faible luminosité de la nuit.
« Ne me dis pas qu'ils vont … ! »
Eclydon transperça la mer d'arbres dénudés. Dès qu'ils le virent, les Marquilon plongèrent à nouveau, laissant le bois coupé retomber. Les ailes du Pokémon Vol s'illuminèrent d'une lueur bleutée.
Le Vent Violent emporta les branches coupées, droit sur les hélicoptères. Celles-ci passèrent à travers les champs électriques pour venir se fracasser violemment contre les monstres à hélices. La puissance de l'attaque était parfaitement calculée pour qu'elle n'emporte pas les machines, les faisant simplement tanguer. Cela aurait risqué de les séparer, mettant en danger les oiseaux.
Plusieurs générateurs du précieux bouclier furent endommagés, laissant des parties à la merci des oiseaux. A l'aide de leur vue perçante, ils visèrent les fusils et mitrailleuses. Si leurs attaques n'avaient aucune chance de faire des dégâts aux armes, les hommes qui les maniaient furent durement touchés. Les malheureux qui tombaient dans le vide étaient des proies faciles – les parachutes étant trop peu maniables pour affronter des Pokémon oiseaux – et inoffensives. Cependant les Marquilon choisirent de ne pas s'en prendre à eux. Les machines représentaient un plus grand danger.