Introduction 2 : Jeune, Jolie et Jamais fatiguée
Arica soupira. Pourquoi, oh grand pourquoi, était-elle encore collée au scanner, avec encore trois dossiers à passer sur la dizaine qui l'attendaient depuis ce matin. Elle se mordilla les lèvres en regardant la pluie qui frappait la fenêtre du petit labo d'analyses sismologiques de Verchamps. On l'y reprendrait à dire qu'elle avait le temps d'aider un peu. La jeune adulte grommela tout en repoussant Ask, son Zarbi ressemblant à un point d'interrogation, qui était venu essayer de s'emmêler dans ses cheveux. S'il elle n'avait pas été très occupée à s'ennuyer, nul doute qu'elle aurait volontiers joué avec le pauvre Pokémon Psy, qui s'en était allé pleurnicher auprès de Pop, le Zarbi point d'exclamation.
« - Prenez donc exemple sur Wattouat et rendez-vous utiles, les affreux. »
Les deux Pokémon regardèrent, blasés, leur compère. Le petit et débonnaire mouton était tranquillement en train de manger les résidus de la broyeuse de documents, épargnant visiblement quelques voyages à la décharge à sa Dresseuse. Numérisation des documents protégés, ses fesses, ouais ! C'était mis sur un serveur à peine sécurisé. Elle était quasiment certaine que les accès étaient encore le fameux Hoothoot. Blague d'étudiants en informatique basique, faites pas attention.
Entre ses explorations des Ruines Alpha depuis sa plus tendre jeunesse, ses études d'histoire menées en double cursus de celles de sécurisation des réseaux dont elle ne faisait pas l'étalage devant tout le monde et maintenant un super premier poste slash stage (très) longue durée en tant qu'assistante d'un brillant chercheur archéologue, elle en avait vu des choses du haut de ses vingt-trois ans. Bon, d'accord, elle était totalement surexcitée et enthousiaste pour tout et n'importe quoi et cela jouait dans ses résultats. La preuve ? Elle n'avait jamais rien terminé de ce qu'elle avait commencé. Ses deux diplômes supérieurs par exemple. Sauf une chose et ses deux mascottes rappelaient à qui les voyaient que la gamine avait découvert une des dernières antichambres encore scellées des ruines à l'ouest de Mauville. Elle ne se vantait certainement pas de sa méthode pour la découvrir ceci dit.
En vrai, Arica se faisait beaucoup de films dans sa tête à propos des réactions des gens quand elle narrait son parcours atypique et sa bonne volonté. Et dans la réalité, on retenait surtout qu'elle n'avait aucun diplôme tangible, si ce n'était cette licence d'histoire et ces quelques bêtises d'exploratrice du dimanche. Du coup, elle était au service numérisation, vu que son supérieur était en arrêt maladie pour la septième fois ce mois-ci. Autant dire qu'elle déchantait pas mal.
Le plus rageant ? Depuis qu'elle avait commencé à travailler, elle était restée enfermée ! Pas d'exploration, pas de déplacement sur un lieu de fouilles, même pas une excursion pour ramasser un caillou au Mont Couronnée ! Ça ne faisait que six mois, mais elle sentait que personne ne la prenait au sérieux et qu'elle n'était pas prête de quitter la machine à café ou à photocopier. Elle en devenait malade. Certes, elle avait un joli petit appartement en collocation avec des filles de son âge à Voilaroc. Certes, elle allait dans des bars, faisait les boutiques et traînait même parfois en boîte. Chose qu’elle ne se serait jamais permise à Johto soit dit en passant.
Mais son ennui était palpable et ne tarderait pas à tellement la lasser. Assez pour qu’elle envoie encore tout bouler. Secouant la tête pour chasser ces noires pensées, la brunette tenta d’attraper le dossier suivant. Elle ne toucha que de l’air, ce qui lui semblait étrange. Un coup d’oeil à droite, puis à gauche, et elle remarqua enfin son Pokémon électrique qui faisait du zèle avec une pile de papiers qui était tombée par terre, pendant que les deux Psy étaient en pleine sieste. Poussant un glapissement de surprise, la Dresseuse éloigna rapidement le petit mouton des documents. Par chance, ils étaient juste prémachés. Une fois secs, ils paraîtraient juste abîmés par le temps.
« - Wattouat, doucement quand même, je ne voudrais pas que tu aies une indigestion à base de … relevés ultra-secrets sur la composition du terreau de Floraville. Sérieusement… »
Arica soupira et termina sa corvée sous l’œil protecteur de son premier Pokémon. Il se frotta un peu sur ses jambes, laissant sortir des étincelles et quelques coups de jus, que sa Dresseuse accueillit d’une caresse et d’un grommellement, habituée. La petite troupe sortit de la salle de numérisation pour retourner vers le tout petit bureau qu’on avait laissé aux “externes”. Le mouton se glissa sous la chaise pendant que les symboles de ponctuation se plaçaient dans coins de la pièce exiguë. La géologue-slash-archéologue-slash-hackeuse en devenir se plaça devant un ordinateur dont l’écran devait bien fait au moins deux fois sa tête et l’alluma, profitant ainsi d’un agréable bruit de ventilation en fin de vie. Elle soupira, soulevant un petit nuage de poussière et attendit patiemment qu’un écran de connexion monochromatique s’affiche, puis entreprit de trier ses dossiers pendant la petite demi-heure qui lui restait. Une fois enfin libérée, elle retourna à l’accueil, fit la causette avec la secrétaire et s’en fut.
Il n’était pas si tard, mais la brunette était déjà particulièrement gavée. Le lendemain, elle devrait en plus s’auto-infliger la rédaction d’un rapport des plus lourdingues à envoyer à son patron. Joie, quoi. La pluie et la boue qui entouraient Verchamps la mettaient de plus en plus de mauvais poil, alors qu’elle attendait son bus pour Voilaroc, trempée malgré son parapluie en plastique. Quand, enfin elle poussa la porte de son appartement, elle se prit un coussin en pleine tête.
« - Non mais ça va pas la tête, Chloé ?
- Ouais ouais excuse moi, j’ai cru que c’était encore ce gros con de Bryan qui venait essayer de me draguer.
- Mais t’as qu’à fermer la porte à clé ! Attends… la porte était verrouillée, non ?
- Ouais mais il a les doubles, tu sais, c’est plus pratique quand il vient la nuit pour pas que je te réveille avec la lumière du salon. »
Arica regarda sa colocataire, blonde, voluptueuse et en BTS esthéticienne. Elle se demanda brièvement pourquoi sa vie de merde était emplie de tant de clichés, puis si elle pouvait tuer la dinde qui vivait avec elle et cacher le corps sans se faire prendre, puis enfin si elle ne pouvait pas déménager. Après quelques secondes de battement, elle haussa les épaules et se dirigea vers sa chambre. Elle ferme la porte, mit un tour de clé et poussa son loquet artisanal. Jamais trop prudente dans ces cas-là. On toqua à la porte.
« - Au fait ! Y a eu un vieux schnock qui a téléphoné et qui te voulait ! Un Teckel je crois.
- Purée le boss ! Je le rappelle de suite ! T’as été correcte avec lui au moins ?
- Ugh. Moi blonde bimbo, moi sauter sur les vieux aussi. Moi pas pouvoir aligner deux phrases. BIEN SÛR QUE J’ETAIS CORRECTE ! »
Arica étouffa un rire et se dirigea vers son bureau. Elle sortit un ordinateur portable d’un placard fermé par une combinaison et attrapa son portable. Tout en connectant des fils divers à son “bébé”, elle tapota son téléphone, à la recherche du numéro de son patron, qu’elle n’avait appelé en tout et pour tout que deux fois.
« - Allo, Professeur Tecktel ? Arica Olerisa à l’appareil, vous avez essayé de me joindre ? »
Elle plissa les yeux, retint un nouveau soupir et se frotta le front en rentrant ses identifiants d’une main. Bien sûr, ce cher scientifique avait bien trop d’assistantes, oui au féminin, pour se rappeler de celle qu’il avait contacté il y a à peine une demi-heure. Et il était aussi trop occupé pour utiliser le numéro de portable de ladite assistante plutôt que le numéro personnel, qui était normalement à réserver aux urgences.
« - Ah oui la petite Arica… Pourquoi j’avais besoin de vous, déjà… Ah oui ! Voilà voilà, j’avais besoin de vous, j’avais ce rendez-vous au labo d’Unionpolis pour une œuvre caritative pour laquelle je m’étais engagé il y a quelques jours et vous savez ce que c’est, mon lumbago, tout ça… Est-ce que vous pouvez y aller pour moi ? Vous-en faites pas, tout est déjà prêt, la personne que vous allez rencontrer va juste vous poser quelques questions sur mes recherches.
- Au...cun problème, professeur, mais je suis à Voilaroc, là. Avec les bus , je serai au plus tôt là-bas dans … quarante minutes ?
- Attendez, vous n’habitez pas Charbourg ? Et votre Airmure ?
- C’est … Lisette qui a un Airmure. Et Pauline qui habite Charbourg, monsieur. Vous en faites pas, je m’occupe de tout. »
La brune coupa la conversation, rangea son téléphone, prit une grande inspiration et sortit son grand blouson en cuir, sous le regard intrigué de ses Zarbi, qu’elle n’avait toujours pas rentrés. Elle chaussa ses grandes, bottes, pensa à éteindre son ordinateur et sortit de sa chambre pour aller fouiner dans l’entrée. Sa colocatrice, intriguée de la voir hors de son antre passa la tête par la porte de la cuisine.
« - Wow, toi dehors ? Tu fais quoi ?
- Je t’emprunte ton casque et ta moto, je reviens dans la soirée.
- Ah ouais comme ça ?! Oh ! Ma super copine a enfin un rencart ! C’est ça, dis ?!
- Dans un sens, ouais. »
Chargeant son sac sur ses épaules, qui contenait entre autres un antivol et une grosse thermos de café, la jeunette claqua la porte, tombant nez-à-nez avec un bellâtre qui venait voir son amie. Grand bien lui fasse, pensa t-elle, en le dépassant, son casque sous le bras. Une fois dehors, elle retint un grommellement, la pluie ayant redoublé d’intensité. Elle n’aimait vraiment pas ce temps. Qu’est-ce qui lui avait pris d’être partie de Mauville, de tenter d’être responsable, de stopper ses études classiques pour “l’expérience sur le terrain” ?! La jeune adulte enfourcha le deux-roues qu’elle fit bien vite vrombir. Quitte à bien faire, au moins essayer de tirer quelque chose de cette opportunité.
« - Et dire que Maman me disait que j’arriverai jamais à conduire autre chose qu’un tricycle… »