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Team Rocket X-Squad de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 24/12/2017 à 09:32
» Dernière mise à jour le 21/01/2020 à 17:12

» Mots-clés :   Action   Fantastique   Organisation criminelle   Présence d'armes   Présence de Pokémon inventés

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Chapitre 342 : Triste existence
Dans l’idée de les envoyer au plus près du Mont Argenté pour y reprendre le Cœur d’Horrorscor, Silas Brenwark avait usé une nouvelle fois de pouvoirs dépassant l’imagination, en créant carrément un passage spatio-temporel de la planque du Marquis jusqu’au Mont Argenté. Ainsi, Zelan, l’ancien Marquis Balphetos et Lyre Sybel se tenaient sur la cime enneigée du plus haut mont de Johkan, là où l’ancienne famille royale avait eu son château ancestral. Un château désormais en ruines, mais où Zelan, en l’explorant une fois à la recherche d’artefacts antiques, y avait trouvé un ancien tunnel secret, sans doute pour permettre à quelqu’un de fuir incognito. Et c’est ici qu’il avait demandé à son fidèle Xan de cacher la Pierre d’Obscurité reconstituée, soit le Cœur d’Horrorscor.

Depuis sa résurrection finale, Zelan était prisonnier de son propre corps. De part son contrôle des cadavres qu’elle ressuscités, Lyre exerçait un contrôle absolu sur lui, et il ne pouvait que la suivre docilement. Il se serait même jeté du haut de la montagne si elle le lui avait demandé ( ce qui n’aurait pas été pour le déranger d’ailleurs ). Il était contre son gré un pion entre les mains des Agents de la Corruption… une nouvelle fois. Mais cette fois ci, il en avait réellement conscience.

- Eh ben, ça ne s’est guère arrangé, cet endroit, siffla Balphetos en regardant autour de lui. Vous n’avez donc plus aucun respect pour les lieux d’histoire, à votre époque ?

L’ancien Marquis faisait référence aux ruines du château royal. Effectivement, il ne restait pas grand-chose. Les palissades, certains escaliers, quelques anciennes colonnes, et c’était à peu près tout. Ça faisait plus de trois cent ans qu’il était inhabité, depuis la chute de la monarchie. Tous les objets de valeur et d’histoire avaient été déplacés ou volés depuis longtemps. Ces quelques ruines avaient toujours une certaine valeur architecturale et historique, et étaient donc protégées, mais le trajet pour s’y rendre depuis le bas du Mont Argenté était devenu si périlleux avec le temps que plus grand monde n’y montait.

- Tous les anciens symboles de la monarchie sont enterrés depuis belle lurette, répondit Lyre. Il était encore debout à votre époque, ce château ?

- Je suis né quelques années après la Révolution. Le dernier des Karkast avait déjà quitté le continent pour s’exiler à Mandad, mais le château était resté plus ou moins tel quel. C’était un peu une prise de guerre pour les Dignitaires de l’époque… bien qu’en réalité, ils n’ont pas fait grand-chose lors de la Révolution.

Zelan, ayant passé toute sa vie à rassembler des objets antiques ci et là et à étudier le passé, connaissait évidement l’histoire de la dynastie des Karkast, la lignée millénaire de l’ancien royaume de Johkania, et sa chute lors de la Révolution de 1700. Le dernier Karkast à avoir régné ici fut Zephren, dit le Roi Eternel, en raison de sa très longue longévité. Cet homme avait une réputation de sorcier maléfique, et après de très longues années de règne, il avait soumis le peuple à une répression sans pareille, jusqu’au jour où une révolte s’était montée, et où Zephren fut vaincu par les légendaires Dix Héros. Le Conseil des Dignitaires était né quelques temps après, et avait régné sur Johkan jusqu’à sa chute récente il y a trois ans. Une chute provoquée par Siena elle-même, d’après ce que Zelan avait appris…

- Dépêchons-nous de trouver le Cœur, ordonna Lyre. Toi, l’enflure borgne, passe devant.

Comme si elle avait besoin de le dire, songea Zelan avec aigreur. Il lui suffisait seulement de penser un ordre pour que Zelan ne l’exécute. Il prit donc malgré lui la tête de leur petit groupe pour pénétrer dans l’ancien domaine du roi. Le peu qui restait de l’ancien symbole de la royauté malgré les ruines avait été préservé. Zelan put ainsi voir un morceau de bannière qui était resté accroché à un mur à demi effondré. Une bannière rouge et bleue, couleurs de la royauté de Johkania.

C’était en un sens triste de songer que les Karkast avaient régenté Johkan pendant des millénaires, pour au final se faire tous exterminer par la faute d’un seul individu qui avait poussé le bouchon un peu trop loin. Enfin, la lignée n’avait pas totalement disparu encore. Zelan était parvenu à remonter jusqu’à une personne en particulier, l’une des rares à avoir du sang Karkast dans les veines. L’ironie avait voulu ensuite que Zelan recrute cette personne, et que finalement, elle le trahisse. Mais même si le sang des Karkast n’avait pas encore totalement disparu, ce n’était sûrement pas demain la veille que le royaume de Johkania soit refondé. Si on suivait la logique de Venamia, ce serait plutôt un Empire.

- C’est ici, fit Zelan au bout d’un moment en montrant un léger trou dans le sol au milieu des ruines. Il faut creuser. C’est un tunnel qui descend jusqu’au flan de la montagne.

- Intéressant, commenta Balphetos. Le roi Zephren l’a fait peut-être construire parce qu’il avait prévu la Révolution, et qu’il lui fallait une porte de sortie si jamais le château venait à être assiégé.

- Il ne l’a pas utilisé, visiblement, rétorqua Lyre. L’Histoire dit qu’il s’est fait tuer ici-même, dans son jardin, découpé en morceau par les Dix Héros.

- C’est ce que l’Histoire dit, oui, acquiesça Balphetos. Mais l’Histoire est bien souvent incomplète. Il se serait passé autre chose quelques années plus tard, juste avant la mise en place du Conseil des Dignitaires et la scission du royaume.

- Du genre ? Demanda Lyre, vaguement curieuse.

- Du genre mystérieuse, paranormale, et sanglante…

Sans que Lyre ne lui en donne l’ordre à voix haute cette fois, Zelan fut forcé d’utiliser son œil cybernétique pour dégager la voie avec un de ses lasers. Il se servit ensuite de ses mains, jusqu’à ce qu’un trou de taille acceptable soit créé pour passer dans le tunnel. Lyre s’avança et regarda dans ce puits sombre, le visage concentré, comme si quelque chose l’y appelait.

- Il est ici, confirma-t-elle. Le Cœur de notre Seigneur Horrorscor. Je peux sentir de là la corruption qu’il dégage. C’est magnifique…

Balphetos regarda la jeune femme d’un drôle d’air.

- Vous pouvez sentir la corruption ? Comment cela ?

- Je suis issue en partie d’Horrorscor lui-même, répondit Lyre sans quitter le trou des yeux. Je suis une Enfant de la Corruption.

D’abord stupéfait, Balphetos recula de deux pas, comme si Lyre était soudainement devenue contagieuse.

- Les Enfants de la Corruption étaient interdits à mon époque, siffla l’ancien Marquis. Trop dangereux, trop incontrôlables, même pour les Marquis ! Lequel d’entre eux a été assez fou pour rompre ce tabou ?

- Le Marquis d’avant. Le 35ème. Ma mère, Marine Sybel.

- Ah, une femme, évidemment ! Cracha Balphetos. J’ai toujours dit à notre Seigneur Horrorscor que c’était folie pour lui de se réfugier en elles. Les quelques Marquises qu’il y a eu dans notre histoire ont toujours fait des choses insensés. Seul un homme devrait être autorisé à devenir Marquis…

- Vos théories machistes sont très intéressantes, coupa Lyre d’un air légèrement agacé, mais si je n’avais pas été une Enfant de la Corruption, vous ne seriez pas là aujourd’hui. C’est de la part d’Horrorscor en moi que me vient ce pouvoir de ranimer les morts.

- Un pouvoir contre nature.

- Dit celui qui a un œil au milieu du front et qui peut pénétrer dans l’esprit des gens…

- Je suis né comme ça, c’est donc naturel.

- Moi aussi, je suis née ainsi. On m’a mis des gants toute ma vie pour que je ne puisse toucher personne par inadvertance et le tuer.

- Vous n’auriez jamais dû venir au monde, insista Balphetos. Le dernier Enfant de la Corruption, Grazavel, le fils du 14ème Marquis, avait le pouvoir de transformer toute matière organique en énergie spectrale, et il a bien failli détruire le monde. Ces mutations des pouvoirs de bases d’Horrorscor ne sont pas compatibles avec le cerveau humain ; ça les rend dingues. Je présume que vous-même, vous ne devez pas être tout à fait saine d’esprit.

- C’est le cas de le dire… marmonna Zelan.

Quand Lyre se retourna, furieuse, les deux hommes ressuscités furent envoyés au sol et se convulsèrent, en proie à une terrible douleur.

- Que les choses soient claires : vous n’êtes rien. Que des zombies que je contrôle comme des marionnettes. Je peux faire de votre seconde vie un calvaire de tous les instants, à tel point que vous supplierez Giratina de vous laisser retourner dans le monde des morts. M’énerver serait donc pour vous un très mauvais calcul !

Quand Lyre fit cesser la douleur, Balphetos se releva avec un air contrit sur le visage.

- Mille excuses, gente dame. Je ne voulais en aucun cas paraître insultant.

Mais quand Lyre se retourna, l’ancien Marquis murmura à l’adresse seule de Zelan.

- On peut la remercier de nous avoir donné raison…

Zelan l’aimait bien, ce Balphetos. Il lui semblait être un homme cultivé et raisonnable. Il ne semblait pas non plus faire preuve d’un fanatisme particulier à l’égard d’Horrorscor, qu’il servait parce qu’il ne pouvait pas faire autrement. Peut-être, durant ces siècles de mort, s’était-il rendu compte qu’il n’avait été qu’un pantin pour le Maître de la Corruption, comme tous les Marquis avant lui ?

- Tu descends le premier, le pirate, siffla Lyre. Et toi, le cyclope, tu restes devant moi. Comme le bon Zelan semble avoir oublié quel genre de pièges il a posé en bas, vous me ferez bouclier de vos corps. Et surtout ne vous inquiétez pas : même si vous mourrez à nouveau, on vous ramènera sous peu.

- Quelle chance… maugréa Balphetos.

Zelan descendit dans le trou sombre avec une légère appréhension. Certes, au point où il en était, mourir lui importait peu, mais il redoutait le genre de pièges qu’il avait pu inventer à cette époque. Tous ses souvenirs à leur sujet avaient disparu après sa mort ; seul celui de la localisation de la Pierre d’Obscurité avait subsisté dans la mémoire de son œil cybernétique. Quand il eut enfin posé pied sur terre, il activa la vision infrarouge de son œil artificiel, et guida les deux autres à travers le long tunnel. À peine eut-il fait quelque pas que son œil repéra une source d’énergie non loin, qu’il se sentit obligé de révéler à Lyre.

- Je détecte de l’Eucandia un peu plus loin.

- Et c’est quoi ça ? Demanda Balphetos.

- Une source d’énergie venant de la terre que vous connaissiez peut-être sous le nom d’Energie Draconique à votre époque, répondit Zelan. Elle est verte à son état normal, mais passe au violet quand elle est instable, et c’est à ce moment qu’elle produit une grande puissance. J’ai passé des années à en récolter ci et là dans le monde. J’en ai probablement mis ici pour garder la Pierre d’Obscurité.

- Tu peux la contrôler avec ton œil non ? Fit Lyre.

- Ça dépend sous quelle forme elle est.

- Tu n’aurais pas mis des pièges que tu aurais été incapable de franchir, à part être débile.

- Sauf si j’avais prévu que quelqu’un me contrôlerai pour récupérer la pierre…

- Eh bien nous verrons ça. Avance, et crie fort si tu te fais désintégrer ou autre.

Tout en obéissant, Zelan se demanda vaguement avec espoir s’il avait été assez intelligent - ou assez parano - pour placer une bombe à l’Eucandia qui tuerai tous les intrus présents, Lyre comprise. Il fut vite déçu. Le premier obstacle ne fut rien d’autre que des lasers à Eucandia, croisés et entrecroisés, pour former une grille infranchissable. Rien qu’il ne puisse annuler avec son œil, ce qu’il fit malgré lui. Le second piège en revanche, il ne le détecta pas. Il s’activa quand Zelan mit un pied dans son domaine d’activation. Alors, ce fut comme si une espèce de brume sombre et toxique les recouvrit tous. Inquiète, Lyre recula, une main placée sur sa bouche et son nez. Zelan, qui reconnut la chose, dit :

- Ce n’est pas du poison. C’est un puissant gaz hallucinogène, qui nous fait voir nos pires peurs. J’ai créé ce truc en combinaison avec des capteurs sensoriels qui analysent l’esprit et qui matérialisent en hologramme les pensées.

- Ça veut dire quoi ? S’agaça Lyre.

- Que tes peurs vont se matérialiser devant nous en hologramme. Quelqu’un qui n’est pas prévenu du mécanisme croira à une malédiction ou à un cauchemar éveillé, et fera demi-tour. Ça ne marchera pas sur moi, car mon œil fait barrage à tout ce qui peut influencer mon esprit. Et j’imagine que ce sera tout aussi inefficace sur Balphetos du fait de son pouvoir.

- Eteins ça, ordonna Lyre.

- Je ne peux pas. Ce n’est pas désactivable. Ce sont justes des images projetées, il n’y a aucun danger. C’est juste pour effrayer.

Zelan ne pensait pas que Lyre soit incapable d’affronter des hologrammes de ses propres peurs si elle était prévenue à l’avance du truc, mais elle semblait surtout agacée à l’idée que Zelan et Balphetos les voient. Ils continuèrent à avancer malgré tout à travers la brume, jusqu’à ce que les premières images apparaissent. Elles furent d’abord trop troubles pour qu’on y discerne quoi que ce soit, mais peu à peu, elles devinrent plus claires, plus précises. Ce fut une silhouette humaine qui était apparue devant eux. Une femme. Jeune et belle, mais avec un air de cruauté sadique sur le visage. Elle avait les cheveux noirs, et des yeux de couleurs différentes. L’un était noisette, exactement comme ceux de Lyre, et l’autre rouge vif, symbole d’une possession par Horrorscor. Elle portait une tenue sombre richement décoré, et un masque blanc pendait à son cou. À la vue de cette femme pourtant immatérielle, Lyre s’immobilisa, le visage pâle.

- Tu as été une mauvais fille, Lyre ! Une très mauvaise fille, fit la femme-illusion avec une voix cruelle. Le Seigneur Horrorscor n’apprécie pas les enfants qui n’obéissent pas à leurs parents. Il va te montrer l’étendue de son mécontentement…

L’illusion fit un pas en direction de Lyre, et ça suffit pour que l’Enfant de la Corruption se plaque contre la paroi en se mettant la tête entre les mains et en criant de peur. Non, c’était plus que de la peur. C’était un véritable cri de détresse et d’horreur.

- Ce n’est qu’une illusion, ma dame, tenta de lui rappeler Balphetos. Elle ne peut rien vous faire.

- NON ! FAITES LA DISPARAITRE ! FAITES LA DISPARAITRE !

Elle secoua les bras devant elle à l’aveugle comme pour se protéger. Zelan était un peu embêté. Il était obligé d’obéir aux ordres de Lyre, mais savait qu’il était impossible d’effacer cette illusion. Il suffisait que Lyre continue à avancer pour sortir de la brume au bout d’un moment, mais elle ne semblait pas en état de bouger. Elle s’était recroquevillée par terre, en boule comme une enfant, et était en train de pleurer.

- Pardon… Je te demande pardon maman… Je ne le referai plus…

Comme l’illusion était directement tirée des peurs ou des souvenirs de Lyre, elle lui répondit comme si elle était vraiment là :

- Dan va bientôt arriver, mais j’aurai tout le temps de te montrer la véritable corruption avant qu’il ne soit là. Tu es issue d’elle après tout…

- Nooooooooon… Je ne veux pas… Papa, aide-moi…

Devant ce spectacle qui faisait étrangement pitié, même s’il s’agissait de Lyre, Balphetos échangea un regard avec Zelan.

- La jeune dame semble avoir eu une enfance pas très agréable, si une simple illusion peut provoquer de tels traumatismes, dit-il.

- Vous voulez que je la plaigne ?

- Les Enfants de la Corruption sont tous à plaindre, jeune Zelan. Ils n’ont pas choisi leur naissance, et en souffrent toute leur vie… qui est souvent très courte, ce qui est préférable pour eux. Leur corps renferme une puissance obscure qui les dévore de l’intérieur, et leurs esprits finissent tous par sombrer dans une corruption telle qu’elle entraîne la plupart du temps la folie. Oui, je plains cette petite. Car même sans la connaître, je peux dire qu’elle n’a connu que souffrance et peur, et que quelque soit l’issue de toute ceci, même si le Seigneur Horrorscor triomphe, elle connaîtra une fin misérable et douloureuse.

Zelan haussa les épaules. Quelle différence y’avait-il avec lui au juste ? Lui aussi avait eu une enfance tragique, lui aussi avait sombré dans la corruption, et lui aussi avait connu une fin misérable. Et pour ne rien arranger, voilà qu’Horrorscor, après lui avoir pourri la vie, cherchait aussi à lui pourrir la mort. Balphetos prit Lyre dans ses bras pour l’amener loin de la brume et du champ d’action des holo-projecteurs mentaux. Ce ne fut seulement que cinq minutes après que la vision de Marine Sybel se fut dissipée que Lyre recouvra ses esprits… et son mauvais caractère.

- Qu’est-ce que… Lâche-moi tout de suite, le cyclope ! Cracha-t-elle à Balphetos quand elle se rendit compte qu’elle était dans ses bras.

- Mes excuses, jeune dame, fit l’ancien Marquis en s’exécutant, mais il m’a semblé pertinent de ne pas vous laisser sur place avec ce fantôme de votre chère maman.

À la mention de sa mère, Lyre se crispa. Zelan sut que c’était dangereux pour lui de la narguer à ce sujet, mais il ne put s’en empêcher.

- C’était donc elle, la 35ème Marquise ? À en juger par votre réaction, je dois en conclure qu’elle n’était pas du genre à gagner le trophée de la meilleure mère de l’année…

Zelan s’attendit à ce que Lyre lui provoque une nouvelle dose de douleur pour le punir, mais étrangement, il n’en fut rien. Lyre dit seulement :

- Ma mère… m’a appris ce qu’était la corruption. En seulement trois jours, après qu’elle m’ait capturée. Quand mon père, le Premier Apôtre Dan Sybel, est finalement arrivé, je n’étais plus la fille qu’il avait connue.

Elle n’en dit pas plus, mais Zelan avait une vague idée de ce que Marine Sybel avait pu faire subir à sa propre fille pendant ces trois jours.

- C’est moi qui l’ai tuée vous savez ? Ajouta-t-elle. Ces crétins de Gardiens de l’Innocence glorifient mon père en pensant qu’il a donné sa vie pour vaincre le Marquis de l’époque, mais en réalité c’était moi. Tandis que mes parents s’affrontaient, j’ai laissé ma haine prendre le dessus, et j’ai touché ma mère avec ma main mortelle. Et ensuite, j’ai…

Lyre s’arrêta, se rendant compte qu’elle s’apprêtait à révéler des informations sensibles. Zelan se doutait que ça concernait l’actuel Marquis. Était-il toujours Marine Sybel, mais en version ressuscitée comme lui, contrôlée totalement par Lyre ? Elle et Silas étaient-ils les vrais cerveaux derrière lesquels Horrorscor œuvrait ?

- Puis-je vous demander quel est votre but, dame Lyre ? Demanda Balphetos. Pourquoi servir le Seigneur Horrorscor ? Qu’attendez-vous d’un monde entièrement corrompu ? Après tout, tous les Marquis qui se sont succédés, et même les simples Agents, avaient des raisons différentes de servir la cause. Moi par exemple, c’était parce que je ne supportais plus tous ces imbéciles de l’époque, ces humanistes, qui se plaisaient dans leurs valeurs hypocrites d’égalité, de droit de l’homme et tout le reste. Je voulais que tout revienne à la corruption primaire, qui était bien plus naturelle à mes yeux que cette soi-disant démocratie où l’élite devait se rabaisser pour se retrouver au niveau des perdants.

- Vous n’étiez pas une espèce de noble par hasard ? Demanda Zelan.

- En effet, j’étais baron. Les Dignitaires de l’époque avaient osé me voler une grosse partie de mon domaine pour le donner à mes propres serfs. Il faut préciser qu’ils me méprisaient et avaient peur de moi à cause de ma… particularité. Et toi, ami Zelan ? Pourquoi as-tu voué ton âme à Horrorscor ?

Zelan garda le silence un instant, puis dit, machinalement :

- Pour un monde débarrassé des Pokemon. Je les haïssais pour ce qu’ils avaient fait à mon père, à moi et à Siena. Je voulais un monde d’humains, un monde de liberté et de paix, un monde où j’aurai pu protéger ce à quoi je tenais.

- Je vois. Oui, c’est typique du Seigneur Horrorscor ça, il sait très bien jouer avec la haine des autres. Et donc vous, douce amie ? Quelles sont vos raisons ?

- Je ne vois pas pourquoi je devrais vous les donner, répliqua sèchement Lyre. Cessez votre bavardage débile maintenant, et trouvons le Cœur au plus vite !

Il s’avéra que le troisième et dernier piège fut six Porygon-?, ces Pokemon synthétiques et immatériels que Zelan avait conçus pour sa Team Némésis à l’aide de l’Eucandia. Si leur programmation de base impliquait la destruction de tous Pokemon aux alentours, ceux-ci avaient dû être spécialement programmés pour anéantir tous ceux qui tenteraient d’emmener la pierre. Ils se tenaient autour d’elle justement, flottant dans les airs comme des vigiles.

- Bizarre ces créatures, commenta Balphetos. Je n’en ai jamais vu de pareille, à mon époque. Au fait, quel est le nombre de Pokemon recensés, de vos jours ?

- On a cessé de compter, répondit Zelan.

Il chercha dans son œil synthétique le programme clé pour commander les Porygon-?, et effaça à distance leur programmation, les rendant inoffensifs. Lyre s’approcha alors de la Pierre d’Obscurité, posée sur un petit socle. On aurait dit une tête, car les deux parties droite et gauche avaient gravé dessus un petit cercle qui semblait faire office d’yeux. En fait, le Cœur d’Horrorscor ressemblait aux pierres d’où étaient issus les Pokemon Spiritomb, mais en plus gros. Comme Horrorscor était un peu comme un Spiritomb largement amélioré par Asmoth, ceci expliquait cela.

Lyre prit la pierre entre ses mains, le regard hypnotisé. Elle devait probablement sentir toutes la corruption qui se dégageait de ce rocher, et qui n’attendait plus que d’être à nouveau le réceptacle de l’âme entière et réunie d’Horrorscor. Zelan, qui avait longtemps cherché les différentes parties de cette pierre pour la reconstituer, fut pris d’un frémissement de dégoût en la revoyant. Ce rocher était l’ancrage terrestre d’Horrorscor, la source de toute corruption. Il ne pouvait être brisé par des méthodes conventionnelles. La seule chose qui avait pu avoir raison de lui et qui l’avait divisé en trois morceaux était la légendaire Pierre des Larmes d’Erubin.

- C’est merveilleux, murmura Lyre pour elle-même. C’est comme si j’étais moi aussi issue de cette chose. Je me sens enfin… entière.

Zelan et Balphetos échangèrent un regard. À quel point l’engeance d’Horrorscor était-elle présente dans un Enfant de la Corruption pour que ce dernier ait l’impression de ne faire qu’un avec la Pierre d’Obscurité ? C’était fichtrement inquiétant…

- Et maintenant ? Demanda Balphetos. Si la pierre a été reconstituée, ça veut donc dire que l’âme de notre Seigneur aussi ? Le Marquis actuel l’a entièrement en lui ? Il suffirait donc qu’il tienne la pierre pour qu’Horrorscor revienne.

- Non, répondit Lyre. Le Marquis a en lui la même partie d’Horrorscor que vous aviez eue de votre temps. Le reste se trouve dans le corps de quelqu’un d’autre. Une pseudo-alliée qui s’est servie d’Horrorscor pour tenter de conquérir le monde… et une ancienne amie de notre cher Zelan.

Elle fit un clin d’œil moqueur à ce dernier, qui serra les dents de colère.

- En temps voulu, le Marquis la tuera pour s’emparer de son morceau d’âme, poursuivit Lyre. Mais avant cela, pour que notre Seigneur revienne avec la totalité de sa puissance d’autrefois, il nous faut recouvrir ce monde de corruption. C’est là que l’Armée des Ombres va entrer en scène, et vous aussi, tous les anciens Marquis ressuscités !

Sur ces bonnes paroles apocalyptiques, ils firent marche arrière et remontèrent le tunnel. Cette fois, la brume hallucinogène n’eut aucun effet sur Lyre, probablement car elle était protégée par le Cœur d’Horrorscor qu’elle portait. Quand Zelan réémergea à la surface, il sentit que quelque chose n’allait pas. Avant qu’il n’ait pu prévenir les autres, un choc l’envoya plusieurs mètres plus loin, et fit de même avec Balphetos. Les deux ressuscités furent pris au piège dans ce qui semblait être une prison de cosmos, comme une cage au milieu de l’immensité du vide intersidéral, de couleur rose. Ils virent bien vite le responsable : un Pokemon d’allure féminine, dont le corps semblait avoir la texture de l’espace. Quand Lyre sortit à son tour, elle fut bien vite maîtrisée par un étrange individu, portant un manteau beige, une écharpe et un chapeau, qui lui plaça un couteau sous la gorge.

- Un seul geste, et je te fais un second sourire sur le cou, vile complotiste horrorscienne.

Zelan fut pris de court par la situation. Qui étaient ces gars ? Et d’où sortaient-ils ?

- Vous ! Cracha Lyre à l’adresse d’une troisième personne.

Le troisième individu était un homme à demi-masqué, aux longs cheveux noirs et portant une riche tenue bleue foncée. Il sourit à Lyre.

- Cela faisait longtemps, chère nièce. Vous avez l’air en forme, fit Vaslot Worm d’un air joyeux.