Chapitre 340 : G-Man et Apôtres
Peter Lance se souvenait comme si c’était hier du jour où il avait dû abandonner Doublonville aux mains de Venamia, quand le gouvernement provisoire d’Erend Igeus à Johto avait pris la fuite avec une partie de la population avant que l’armée Rocket n’arrive. Il avait approuvé alors la tactique d’Igeus, mais au fond de lui, il s’était senti lâche. En des décennies de carrière au sein de l’armée, et également dans l’Ordre G-Man qu’il présidait, on pouvait les compter que sur les doigts d’une seule main, les fois où il avait pris la fuite devant l’ennemi. Et aujourd’hui, il était de retour, bien décidé à reprendre la capitale de Johto. Il l’observait avec ses jumelles depuis le poste avancé de commandement de la Confédération. Calme… mais un calme trompeur. Lance était sûr que les troupes du Grand Empire savaient qu’ils étaient là et s’activaient partout pour les accueillir.
Le commandant en chef des armées de la Confédération Libre se tenait en compagnie de deux de ses collègues généraux : Gontran Van Der Noob, et Hegan Tender. Le premier faisait un peu office de meuble, tant son incompétence n’était plus à démontrer, mais il avait beaucoup d’argent, une influence notable et la loyauté de l’unité DUMBASS, donc Lance le gardait et faisait mine d’écouter ses recommandations. Quant au second, il avait pour Lance un défaut notoire : c’était un vieux de la vieille de la Team Rocket. Mais en dehors de cela, Tender était un militaire compétant, et un grand stratège. Après tout, Venamia avait bien hérité cela de quelque part… Tender était d’autant plus précieux pour cette bataille à venir, car le commandant ennemi qui tenait Doublonville n’était autre que son frère Kasai, lui aussi un Rocket dans l’âme, mais qui était resté dans le camp de Venamia.
- Nous donnons l’assaut dans M-30 messieurs, leur dit Lance. Souvenez-vous, il est très important de s’emparer au plus vite des tunnels sous la ville, qui nous permettront de déplacer rapidement nos troupes à des points stratégiques.
- Si toutefois le Grand Empire ne les a pas bouchés, rétorqua Van Der Noob. Parce qui si les tunnels sont bouchés, nous ne pourrons pas les emprunter, vous voyez ?
- Kasai n’aurait pas fait ça, dit Tender. Il est du genre à se servir de tout ce qui peut lui procurer un avantage sur le terrain.
Lance hocha la tête, et en songeant à Kasai Tender, un détail lui vint en tête.
- Comment se porte votre nièce, général ? Demanda-t-il à Tender. Il est toujours difficile d’affronter un parent proche dans une guerre.
- À qui le dites-vous…
Lance se reprocha son commentaire idiot. S’il y avait bien quelqu'un qui savait ce que ça faisait de combattre des membres de sa famille, c’était bien Hegan Tender, dont la fille était l’ennemie absolue de la Confédération.
- Anna va bien, poursuivit Tender. C’est une fille solide, et elle fera son devoir. Elle n’a de toute façon jamais trop porté son père en son cœur, de ce que je me souviens…
- Nous capturerons le colonel Kasai Tender si nous le pouvons.
Lance devait bien ça à Tender. Le pauvre homme avait perdu trop de proches dans sa vie ; sa première femme Sienela, sa seconde femme Livédia, son fils Lusso, et enfin sa fille Siena aujourd’hui disparue et considérée comme la plus grande criminelle de l’humanité. Que Tender arrive encore à se battre selon ses idéaux et sa loyauté après tout ça était tout bonnement admirable. Probablement qu’il devait le faire pour ses deux petit-fils, Indy Tender, le fils de Lusso, et Julian oc Lunaris, celui de Venamia. Lance aussi ne se battait pas pour lui, mais pour les futures générations qui hériteront de ce monde. En tant que Grand Maître de l’Ordre G-Man, il ne voulait pas leur léguer une planète vouée à l’anarchie, à la tyrannie ou à la corruption.
Lance alla rejoindre le reste de ses troupes à l’arrière, qui attendaient fébrilement le début de la bataille. Une bataille qu’ils finiraient à coup sûr par gagner, étant donné leur supériorité écrasante, mais qu’ils voulaient gagner avec le moins de pertes possibles. Mewtwo, qui était l’un des plus gros atouts de la Confédération en combat, était en train de booster sa puissance psychique à l’aide d’autres Pokemon Psy. Quand elle eut atteint un niveau suffisant, il méga-évolua de lui-même, passant sous sa forme Y, qui démultipliait sa puissance télékinésique déjà immensément haute. Ce sera à Mewtwo d’ouvrir les hostilités, en créant ce qu’il appelait une Bombe Psychique. Cette concentration d’ondes psy allait rendre inopérants tous les équipements de l’ennemi qui fonctionnaient par ondes pendant un bon moment - et donc principalement les radars et les systèmes de visées - en plus de perturber sévèrement les Pokemon Psy adverses.
Lance passa devant des membres de la X-Squad, notamment la lieutenante Tender, en grande discussion avec Bertsbrand. La nièce du général Tender semblait effectivement aller bien, vu la puissance habituelle avec laquelle elle cognait sur le crâne de son supérieur. Même si Mercutio Crust manquait toujours à l’appel, la X-Squad demeurait l’équipe phare de la Confédération, et sans nul doute que Doublonville n’allait pas faire long feu face à elle. Lance rejoignit ses deux subordonnés et amis ; Clément et Marion, des G-Man comme lui, qui lui étaient d’une loyauté sans faille.
- Maître, vous avez un invité de marque qui est là, lui indiqua Clément. Il vient tout droit d’arriver du QG de l’Ordre à Alamirgo !
Lance haussa les sourcils, se demandant de qui Clément voulait parler. Alamirgo était une minuscule région autonome et sans gouvernement d’aucune sorte, qui, selon la légende et quelques études scientifiques peu probantes, serait le point central de la planète. C’est ici que l’Ordre G-Man avait fait son quartier général, il y a de cela des siècles. Bien que Lance y était censé être le maître, ça faisait un moment qu’il ne s’y était plus rendu.
- Un G-Man ? S’étonna Lance.
- Ouaip. Il veut vous parler. Je lui ai dit que nous étions en plein préparatifs de bataille, mais c’est « urgent », parait-il…
Il désigna la tente de commandement. Lance s’y rendit et tomba sur un individu portant une cape brune et des lunettes carrés. Il ressemblait vaguement à un secrétaire qui voulait se donner de l’importance, et devait avoir une trentaine d’années, bien que l’âge était toujours difficile à estimer pour les G-Man, qui faisaient toujours bien plus jeunes que leur âge véritable. Le G-Man s’inclina vivement devant Lance, et rajusta ses lunettes sur son nez avant de déclarer.
- Grand Maître Lance, c’est un immense honneur que de pouvoir enfin vous rencontrer en personne. Je suis Lord Termain Argoin, de la cinquième génération G-Man de la Maison Argoin.
Lance se retint de lever les yeux au ciel. Ce type faisait partie des G-Man que Lance pouvait difficilement encadrer : ceux qui se donnaient du « Lord » et qui se prenaient pour des nobles du fait de leur seul titre de G-Man. La terminologie « génération G-Man » leur était propre, à ses familles souvent très vieilles qui avaient l’habitude de ne se marier qu’entre G-Man pour transmettre leur ADN. Une manie absurde, selon Lance. Tous les généticiens du monde étaient d’accord pour affirmer qu’un G-Man avait autant de chance d’enfanter un autre G-Man qu’il épouse une G-Man ou une humaine normale. Ce n’était que le hasard de la génétique.
Mais ces G-Man là, fiers de leur lignée et de leur sang, se considéraient comme hautement supérieur aux humains normaux et n’en auraient jamais épousé un pour tout l’or du monde. Ils étaient élitistes, eugéniques, suprémacistes et passablement irritants. Lance ne pouvait pas les supporter, mais hélas, il devait quand même traiter avec eux, car ils représentaient bien 40% de l’Ordre, et s’étaient regroupés sous l’appellation de « Parti Gémanique Traditionnel ». Et surtout, ils avaient beaucoup, beaucoup d’argent…
- Que puis-je faire pour vous, Lord Termain ? Demanda poliment Lance. Nous sommes relativement occupés là.
- C’est ce que j’avais cru comprendre, mais le Grand Maître que vous êtes ne devrait pas ignorer que les affaires de l’Ordre passent avant celle de n’importe quel pays ou organisation, que vous ayez jugé bon de soutenir ou non…
Peter eut un sourire ironique. Cet Argoin n’était pas le premier G-Man - et ne serait pas le dernier - à lui reprocher vertement son engagement pour une nation alors que les G-Man étaient, par définition, neutres. Mais Lance avait appris depuis longtemps à passer outre.
- Très bien, je vous écoute.
- Comme vous le savez déjà, l’Ordre n’a rien à redire de votre implication dans cette guerre, du moment que vous agissez en votre seul nom et pas en celui de l’Ordre. Il en est de même pour vos disciples Lord Psuhyox et Lady Karennis. Toutefois, nous avons appris, du fait de la propagande de votre Confédération, l’existence d’un G-Man non déclaré qui se battrait à vos côtés. Inutile de vous préciser que c’est contraire à notre réglementation.
Lance se gratta le menton, et dit :
- Vous voulez parler d’Ithil de la X-Squad ? Il n’est pas un véritable G-Man attitré, il a juste reçu une formation éclair pour mettre ses dons au profit de sa famille, les Igeus.
- Nous avons fait nos recherches, répliqua froidement Argoin. Cet Ithil a été formé par Castalno Beuverose, ce G-Man renégat qui a trahi l’Ordre il y a quarante ans et qui s’est servi de ses pouvoirs pour son propre intérêt. Il a sans doute été fortement rémunéré par la famille Igeus pour former de façon tout à fait illégale ce jeune homme.
Lance soupira.
- Il n’y a pas de façon « tout à fait illégale » de former un G-Man, monsieur Argoin. L’Ordre n’a jamais prétendu avoir le monopole de tous les Aura Gardien potentiels du monde. Castalno Beuverose a quitté l’Ordre après un désaccord, ce qui était tout à fait son droit. La façon dont il a formé Ithil et les raisons qui l’ont poussé à le faire ne nous concernent en rien.
- Hélas, je crains que si, désormais.
Argoin tira un papier de son costume, et le présenta à Lance.
- C’est le nouveau décret, voté il y a deux semaines. Désormais, toute formation G-Man devra être dispensée ou au minimum approuvée par l’Ordre lui-même. Tous les G-Man qui s’aviseraient de former quelqu’un sans autorisation de l’Ordre seront poursuivis pénalement, et passibles de bannissement. Et tous les G-Man potentiels qui ont bénéficié de ces formations illégales devront séjourner quelque temps à Alamirgo pour suivre un enseignement approprié et officiel, sans quoi ils seront dans l’interdiction d’utiliser leurs pouvoirs.
Lance lut le décret d’un air dégouté. Les puissantes familles G-Man avaient dû profiter de son absence pour faire passer ce texte en douce. Ce qui était étonnant, c’était qu’ils avaient réuni la majorité nécessaire pour cela. De l’argent avait dû circuler sous pas mal de tables…
- Je serai curieux de connaître le nom du G-Man qui a présenté ce texte. Ne serait-ce pas, par le plus grand des hasards, Lord Shayor ?
Shayor Marghul était le leader du Parti Gémanique Traditionnel, le représentant des « nobles » G-Man, et le principal opposant de Lance, qui ne rêvait que de prendre sa place de Grand Maître. En tant que G-Man du légendaire Raikou, il était puissant, très puissant. Mais c’était aussi un extrémiste, qui pensait que l’Ordre G-Man, au lieu de jouer la police du monde, devait au contraire prendre le pouvoir pour diriger les humains et les Pokemon. Ce décret était une preuve de plus de ses objectifs à long terme : il voulait que tous les G-Man du monde dépendent de l’Ordre, et lui vouent une loyauté absolue.
- Lord Shayor est un visionnaire, répondit simplement Argoin. Pendant que vous jouez à la guerre à Johkan depuis des années, lui su voir les dangers qui menacent l’ensemble de la planète. Et pour les affronter, nous aurons besoin que tous les G-Man soient unis sous une seule bannière, et non dispersés à travers le monde en servant des intérêts particuliers.
- De quels genre de dangers parlez-vous au juste ? S’irrita Lance. Le danger immédiat pour la planète est ce qui est en train de se passer ici ! Le Grand Empire et les Agents de la Corruption !
- Vous êtes restés trop longtemps loin d’Alamirgo, messire. Vous ne savez pas ce qui se trame dans les régions reculées, où les Pokemon deviennent de plus en plus agressifs et hostiles aux humains, et commencent à se regrouper derrière Suicune, le Vent du Nord.
- J’ai entendu des rapports, mais…
- Les rapports officiels sont une chose, et ce que sait Lord Shayor en est une autre, l’interrompit Argoin. Le fait est qu’il nous faut nous préparer à cette menace, Lord Lance. Nous aurons besoin de tout le monde, et il faut que ce soit l’Ordre qui guide les nouveaux Aura Gardien. Le dénommé Ithil, de la maison Igeus, Aura Gardien de Branette, devra donc se rendre à Alamirgo, pour y suivre une éducation et une formation officielle, et pour y devenir un G-Man officiel.
Lance rendit son papier à Argoin d’un geste agacé. Tout Grand Maître qu’il était, il ne pouvait pas s’opposer à un texte qui a été officiellement voté. Ceci dit, il était impensable qu’Ithil s’en aille maintenant. Il ne l’accepterait pas de toute façon.
- Ithil ira à Alamirgo une fois la situation à Johkan stabilisée, promit Lance. Nous sommes en pleine guerre ; ça vaut bien une petite dérogation non ?
Argoin arbora un sourire de négociateur.
- Peut-être bien, Grand Maître. Mais les dérogations sont d’autant plus pertinentes quand elle sont négociées, n’est-ce pas ? Nous vous laisserons Ithil le temps que vous pliez votre petite guerre, en échange, disons… d’une petite augmentation de budget du Parti Gémanique Traditionnel ?
Lance soupira, vaincu. Il était parfois écœuré par la façon dont l’Ordre G-Man s’était peu à peu transformé, devenant quasiment une institution politique. Qu’il était loin, le temps où un Aura Gardien défendait tel ou tel royaume avec sa seule Lamétrice sans jamais rien demander en échange. Lance se promit qu’une fois cette guerre terminée, il allait passer plus de temps à Alamirgo pour y tenter de reprendre les choses en mains, si toutefois ce n’était pas déjà trop tard…
***
En tant qu’ancien assassin de profession, Izizi savait comment rester discret. Ce talent fut fort utile aux trois derniers Apôtres d’Erubin pour fuir le domaine du manoir Brenwark sans se faire repérer par les fanatiques en délire qui s’adonnaient à dévaster les lieux de fond en comble. Ils avaient d’abord mis les jeunes Gardiens en sécurité, en leur intimant l’ordre de rentrer chez eux et se faire le moins remarquer possible. Vaslot savait que les Blancs Manteaux ne se casseraient pas la tête à rechercher les simples Gardiens de l’Innocence s’ils ne faisaient pas de vague ; c’était les Apôtres qu’ils voulaient, et Worm plus que tout.
Il aurait pu lui aussi se terrer dans un trou où les sbires d’Eryl ne pourront jamais le trouver, ou carrément changer d’identité, comme c’était courant dans le milieu mafieux d’où il venait. Mais il n’entendait pas se cacher. Il avait encore des choses à faire, d’autant que la fin était proche. Cela faisait quatorze ans que Vaslot mettait en œuvre son projet, lentement, sûrement, toujours dans l’ombre. Alors qu’il allait très bientôt aboutir, il n’allait certainement pas laisser des fanatiques débiles mal défroqués le contrarier.
- Où va-t-on maintenant ? Demanda Izizi. Dans notre QG de secours à Ecorcia ?
- Mauvaise idée, répondit Vaslot. Johto est en train d’être reconquit par la Confédération, et les laquais d’Eryl sont encore plus nombreux qu’ici. Nous n’arriverons jamais jusqu’à Ecorcia sans nous faire prendre. Par contre… nous allons bien à Johto. Au centre de Johkan, plus précisément.
Worm désigna la plus grosse montagne de la région dont on pouvait discerner la cime atteignant les nuages jusqu’ici.
- Le Mont Argenté ? S’étonna Cosmunia. Pourquoi là-bas ?
- Parce que c’est là-bas que Zelan Lanfeal a caché le Cœur d’Horrorscor il y a cinq ans. Le Marquis vient de l’apprendre, et y a envoyé ses sbires le chercher. Il vaudrait donc mieux y arriver avant lui.
Ne parvenant pas à déceler un seul mensonge dans les paroles du Premier Apôtre, Cosmunia n’en resta pas moins insatisfaite.
- Encore une fois, vous savez des choses étonnantes, Vaslot. Mais il ne reste plus que nous trois maintenant. Si vous êtes sincère et que nous devons vous suivre, nous aimerions que vous nous fassiez confiance, et que vous nous dites tout ce que vous savez.
- Je viens de le faire. Mais je suppose que votre question était plutôt : comment je le savais ?
- J’aurai du mal à croire que votre réseau espion mafieux s’étende jusqu’aux proches du Marquis des Ombres.
- Et pourtant, c’est tout à fait ça. J’ai une taupe auprès du Marquis. Je sais tout ce qu’il sait peu de temps après lui.
- Oh, un agent double ! S’exclama Izizi. Ça, ça me parle ! L’espionnage, le contre-espionnage, les complots, l’invasion de la planète par les raptors franc-maçon… Alors ? Qui est-ce ? Qui est-ce ?!
Worm haussa les épaules en rajustant sa cape.
- Si vous vous y connaissez tant que ça dans ce domaine Izizi, vous devriez savoir qu’il est imprudent de révéler à qui que ce soit le nom d’un de ses espions.
- Vous ne nous faite donc pas confiance ? Demanda calmement Cosmunia.
- Tout comme vous à mon égard. Je ne peux pas vous en vouloir, vu mes liens récents avec les Agents de la Corruption et mon plan pour faire tomber Brenwark. Et vous ne pouvez pas m’en vouloir non plus ; j’ai toujours agis seul, dans l’ombre, sans compter sur quiconque. C’est ainsi que je travaille. Après, je ne vous oblige pas à me suivre. Vous pouvez même rejoindre la Reine Eryl pour lui jurer allégeance si vous voulez.
Izizi secoua ardemment la tête.
- Hors de question ! Le costume des Blancs Manteaux m’irait très mal, et je les sens pas, ces types… Ils doivent être affiliés au grand syndicat des fromagers biochimistes néonazis.
- Pour ma part, je reste fidèle au Premier Apôtre, tout comme je l’ai toujours été depuis la création des Gardiens, répondit Cosmunia.
- Je ne suis plus vraiment Premier Apôtre, renchérit Vaslot. Et les Gardiens n’existent plus. Nous ne sommes que trois disciples d’Erubin entourés d’ennemis. Et nous sommes faibles. Vous êtes tous deux bien conscients que si on va à l’affrontement contre les serviteurs du Marquis, on risque de ne pas s’en sortir ? À fortiori si le Marquis est lui-même présent au Mont Argenté.
- Vous avez pris connaissance du rapport que la comtesse Divalina nous a envoyé, il y a plusieurs mois ?
Worm ricana.
- Celui où elle m’accusait d’être moi-même le Marquis ? Oui, que trop bien…
- Elle faisait aussi référence au point faible du Marquis. Si l’on admet que parmi les trois dons qu’Horrorscor fait à ses hôtes, il a choisi son corps, il serait donc de type Spectre et Ténèbres. Et il y a aussi cette histoire à propos de la formule Sygma de Munja… que vous auriez commandé vous-même au laboratoire secret du professeur Lirian.
- C’est un mensonge, répliqua Worm d’un air catégorique. Je n’ai jamais rien commandé de tel à ce professeur de la Team Rocket. Si quelqu’un l’a vraiment fait en mon nom, c’était contre ma volonté.
- Le fait est que si c’est vrai, le Marquis serait comme un Pokemon Spectre/Ténèbres avec le talent spécial Garde Mystik. Il est donc insensible à tout, sauf… aux attaques Fée.
- Oui, et par chance vous êtes un Pokemon Fée, Dame Cosmunia, renchérit Worm. Cela dit je doute qu’un seul Pokemon, même aussi puissant que vous, suffise face au Marquis, surtout s’il est entouré de Silas Brenwark ou de Lyre Sybel.
- Mais vous avez collaboré un temps avec eux non ? Pour révéler au grand jour les mensonges et les secrets de l’ancien chef Brenwark ? Fit Izizi. Ils doivent vous considérer comme l’un des leurs.
L’œil visible de Worm se fit soudain très froid.
- Je ne suis pas un des leurs. Et ils le savent. Je n’étais qu’un allié temporaire de circonstance. Pour pouvoir refonder les Gardiens et en finir avec les secrets de Brenwark, j’ai dû sacrifier la Bénédiction de la Lumière. Ça m’allait, car je ne comptais pas me servir de ce pouvoir une fois Premier Apôtre ; il n’aurait rien fait au Marquis de toute façon s’il est vraiment ce que Divalina suspecte. Et ça allait au Marquis, car il préférait de loin la disparition de la Bénédiction de la Lumière que des Gardiens remobilisés. Il nous a toujours considéré comme des moins que rien, et se dit qu’il n’a rien à craindre de nous. J’ai même tendance à croire que la voie radicale dans laquelle s’est engagée la Pierre des Larmes contre la corruption est quelque chose qu’il a prévu, voir même encouragé.
Vaslot regarda la nuit étoilée, apparemment perdu dans ses pensées.
- Il faut que vous compreniez bien ceci : le Marquis des Ombres actuel est sournois. Qui qu’il soit derrière son masque, il réfléchit toujours deux coups à l’avance, et ce depuis des années. Tout ce qui est en train de se passer aujourd’hui est son œuvre. C’est un esprit diabolique, mais terriblement intelligent et retors.
- Plus que vous ? S’étonna ironiquement Cosmunia.
Worm se permit un léger sourire.
- L’avenir le dira, très chère. Je crois que c’est le plus retors qui remportera à terme la victoire. Ce n’est ni l’innocence naïve de Brenwark, ni celle conquérante d’Eryl qui pourront nous faire gagner, mais bien l’innocence retorse, celle qu’il ne craint pas d’utiliser les méthodes de ses ennemis pour les vaincre. Les armes ne font que renforcer Horrorscor, et les larmes d’amour et de chagrin sont dépassées. Il faut combattre le mal par le mal. Il n’y a que ça qui tienne : la détermination d’arriver à ses fins, quels que soient les moyens utilisés.
Izizi et Cosmunia gardèrent le silence un moment, puis la Pokemon Cosmique dit :
- Nous vous suivrons, car nous voulons aussi la défaite d’Horrorscor. Mais sachez ceci, Vaslot Worm : vous n’êtes pas un homme de l’Innocence. Vous ne l’avez jamais été, même si vous combattez la corruption.
- Peu m’importe de l’être ou non, Dame Cosmunia. La seule chose qui m’importe, c’est d’annihiler Horrorscor. Vous pouvez douter de beaucoup de choses me concernant, mais pas de celle-ci.
Et les trois derniers Apôtres d’Erubin se mirent en route vers le Mont Argenté, futur lieu d’affrontement entre l’Innocence et la Corruption, où tous ne s’en sortiront pas vivants…