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Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 15/11/2017 à 09:09
» Dernière mise à jour le 15/11/2017 à 09:09

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 19 : Le jeu des mots et des visages
Furaïjin


- Xanthos est peut-être sincère, mais je ne fais pas confiance à Daecheron. De plus, que ce soit l’un ou l’autre, ils se trompent s’ils pensent pouvoir apprivoiser l’Aura. Ils ne feront que la corrompre ou l’affaiblir… ou les deux à la fois.

J’hochai la tête. Moi non plus, je n’aimais pas ce qu’ils avaient prévu pour l’Ordre G-Man. Mais que pouvions-nous faire maintenant ? Comme à l’accoutumé, mon ami parut lire dans mes pensées, à moins que c’était dans l’expression de mon visage.

- Nous ne pouvons rien faire à l’heure actuelle, dit-il. C’est trop tard… ou trop tôt. L’Ordre est au pied des Seigneurs Protecteurs ; nous y avons veillé malgré nous. Il va s’agrandir de plus en plus… jusqu’à atteindre un point où il ne fera que régresser. Je ne suis pas G-Man psy, mais j’en ai la quasi-certitude. L’Ordre finira par se dissoudre dans l’Empire, jusqu’à ce que les G-Man n’existent plus ou ne ressemblent plus à rien.

Je posai une question. Mon ami grimaça.

- Non, ça ne servirait à rien. Nous perdrions. J’en ai assez fait. Je vais me retirer, abandonner la direction de l’Ordre. Je vais partir loin, et vivre les derniers jours qu’il me reste en compagnie des Pokemon qui n’ont pas encore adhéré à l’Empire Pokemonis. Mais toi mon ami, je vais te confier une tâche. La plus importante de toutes.

J’acquiesçai. J’y étais prêt, même si ça signifiait abandonner mon ami. Je devais mériter cette seconde vie, en protégeant l’héritage de mon ami.

- Le Phénix ne s’activera pas avant des centaines d’années, et seulement si la condition dont je t’ai parlée est remplie. Tu vas dormir, longtemps, très longtemps, plongé dans l’Aura et l’Eternité de Xanthos. Tu changeras. Tu deviendras un autre. Et quand tu te réveilleras, si ce que je redoute est bien arrivé, alors tâche de trouver quelqu’un qui usera du Phénix avec sagesse, et aide-le. Aide-le comme tu m’as aidé toutes ces années…

Je laissai couler mes larmes, sans honte. C’était un adieu. Je ne le reverrai plus. Mais je devais accomplir son projet. Pour sauver l’Ordre. Pour sauver les G-Man. Pour sauver l’Aura. Je lui faisais confiance. Je lui avais toujours fait confiance. Et qu’importe combien de siècles allaient s’écouler avant que je ne revois la lumière ; je lui ferai encore confiance. Il me prit dans ses bras et me serra contre son visage.

- Quelques soient les âges qui nous séparent, je serai toujours avec toi, d’une façon ou d’une autre. Crois en la lumière sacrée d’Ho-Oh.




J’ouvris doucement les yeux. J’étais perché sur l’arbre du jardin de Stuon, là où je m’étais endormi. Mes songes m’avaient ramené en un lointain passé. J’entendais encore la voix de mon ami, je sentais la chaleur de son visage contre mon corps. Et comme à chaque fois, ces sensations devinrent de plus en plus vagues jusqu’à disparaître totalement. Depuis le temps, j’aurai dû être habitué à cette torture qui consistait à se remémorer un temps oublié et joyeux pendant un petit moment pour ensuite voir ces souvenirs être impitoyablement oblitérés. Mais non, je ne l’étais pas, et ce malgré toutes ces années passées avec Kashmel.

Baillant et me grattant le pelage du cou avec ma patte arrière, je sautai habilement de mon arbre pour rejoindre la verte pelouse. Le manoir de Stuon et son jardin offraient un lieu de repos que je n’avais plus l’habitude de fréquenter. Faut dire qu’avec Kashmel, nous vivions à la dure. Nous étions que très rarement à la base Paxen ; la fameuse cité des plantes sur le dos de ce cher vieux Jartobylon. Nous parcourions le continent ci et là pour des missions Paxen de la plus haute importance, toujours pourchassés par le danger, et dormant parfois dans des lieux hostiles et peu ragoûtants.

Une vie pas vraiment sympathique. Je me dis que j’aurai pu rester dans ma stase dans les souterrains du manoir Irlesquo encore un ou deux siècles. Mais je n’aurai pas pu rencontrer Kashmel. Même s’il n’aurait jamais pu remplacer mon premier et ancien meilleur ami, il était ce qui s’en rapprochait le plus. Mon frère d’arme chez les Paxen, et également mon frère d’Aura, celui que mon ami a prophétisé il y a si longtemps ; celui qui serait digne de se servir du Phénix et ramener l’Aura à son stade naturel.

Me battre aux cotés des Paxen n’avait été qu’une distraction, au final. Mon véritable but, mon véritable destin, j’allais l’accomplir très bientôt, entre les murs de cette ville où j’avais reposé si longtemps avant que Kashmel ne me trouve et ne me réveille. C’était ce pourquoi je vivais. C’était ce pourquoi j’avais traversé tant de siècles. Mais, à ma grande honte, plus le moment approchait, et plus mon cœur était traversé par le doute. Était-ce vraiment la bonne solution ? Le moment était-il propice ? Kahsmel respecterait-il vraiment la volonté de mon ami ? Et moi… en aurait-je la force ?

Je me dirigeais vers le manoir, dans l’idée d’y trouver quelque chose à grignoter. Stuon ne paraissait pas être là. Quant à Six, elle était rentrée tard hier soir de sa petite virée nocturne et dormait encore. Je trouvai Kashmel, seul dans le grand salon, assit par terre, en train de méditer. Il faisait ça souvent. Il se plongeait dans l’Aura pour observer tout ce qu’il pouvait, et parfois s’y perdait tellement qu’il voyait des choses d’une autre époque ou d’un autre lieu. Car l’Aura reliait le temps et l’espace. Elle était une et unie dans le grand Multivers. Kashmel ne devait pas être bien enfoncé ce jour là, car il perçut ma présence dès que j’arrivai et ouvrit les yeux.

- Des cauchemars ? Me demanda-t-il.

Liés comme nous l’étions depuis tant d’années, par l’Aura mais aussi par quelque chose de plus, nous n’avions plus aucun secret l’un pour l’autre. Si nous dormons en même temps, nous partageons nos rêves. Là, Kashmel n’était pas endormi, mais en méditant, il pouvait percevoir une partie de mes songes.

- Des vieux souvenirs plutôt, répondis-je. J’ai l’impression que plus nous nous rapprochons de notre but, plus ils sont fréquents.

- L’Aura s’impatiente. C’est peut-être elle la responsable. Tout sera terminé dans peu de temps. Non… ce ne sera pas une fin, mais un commencement.

J’enviais à Kashmel sa certitude absolue. Ses idéaux étaient forts, et ne souffraient d’aucun doute possible. C’était aussi cela qui faisait sa force : la solidité de ses convictions. Moi, j’avais puisé les miennes dans celles de mes partenaires. J’y croyais, bien sûr, mais jamais elles ne seraient aussi puissantes que les leurs. Un homme comme Kashmel avait le pouvoir de se lier avec quiconque et de transmettre ses idéaux, tout comme mon ancien camarade avant lui. Il avait d’ailleurs commencé à le faire avec la jeune Six. Il se voyait en cette G-Man illégal tel qu’il était jadis.

- Six va bien ? Demandai-je. Elle est rentrée bien tard hier soir. En fait non, ce n’était plus le soir, mais le matin.

Un sourire s’afficha derrière la moustache touffue de mon ami.

- Elle a pris mes mots à la lettre. Un peu trop même. Elle s’est amusée à écumer la ville basse sous un manteau à capuchon et à botter le train de Pokemon brutaux et de G-Man de Lance qui cherchaient à commettre des meurtres. Elle s’est même donnée un nom : Burning Feline ! Même le vieux con que je suis trouve ça d’une ringardise aberrante, mais bon, il faut bien que jeunesse se passe…

- Des G-Man de Lance ? M’étonnai-je. Elle ne s’est pas fait reconnaître j’espère ? Sinon ça risque de compliquer les choses.

- Elle m’a assuré que non. Par contre, elle, elle a pu avoir l’identité de ces deux lascars. Visiblement, elle nous sera plus efficace pour démasquer Lance en justicière de la nuit qu’en noble dansante.

- On arrête les bals alors ?

- Non. Même si elle n’arrive pas entrer en contact avec des membres de Lance là-bas, j’ai besoin d’elle pour continuer à espionner ce qui s’y passe. J’ai bien Stuon, mais deux paires d’oreilles valent mieux qu’une, et la gamine peut entrer dans des cercles qui sont interdits d’accès à notre artiste raté. Stuon doit d’ailleurs continuer les leçons de danse avec elle aujourd’hui, pour le bal de demain soir chez au manoir Psuhyox.

- Et il est où, Stuon ?

- Il m’a dit qu’il allait mettre au clair cette histoire avec la soi-disant mère de Six. J’ignore comment il a prévu de s’y prendre, mais vaut mieux qu’il s’en occupe avant le prochain bal, sans que Six ne s’en mêle. Mais le connaissant, je ne peux m’empêcher d’être inquiet.

- Pourquoi ? Stuon sait bien gérer les rapports avec les autres G-Man sans se faire démasquer.

- Oui, mais là, il s’agit d’une femme, seule, et sans mari. Qu’elle soit G-Man ou simple humaine n’y change rien.

- Tu crains qu’il ne tente de faire du charme à la mère de Six ?

- Non, je ne le crains pas, car c’est exactement ce qu’il fera. Ce que je crains, c’est qu’il fasse du charme à la mauvaise personne, justement. On ne sait pas qui est réellement cette femme ni ce qu’elle veut. Elle pourrait être dangereuse. Et cet abruti aux mille maîtresses ne pourra s’imaginer une femme comme une possible ennemie…


***


Stuon




Le manoir Jastermine était vacant depuis le décès de Lord Angurin Jastermine, il y a quatre ans. Comme son épouse était morte avant lui, et sa fille unique partie vivre en province, plus personne n’y avait mis les pieds depuis tout ce temps. Aujourd’hui, il était de nouveau habité, par Lady Firenne, fille de feu Lord Angurin, qui avait surpris tout l’Ordre en décidant de revenir vivre à la capitale sans prévenir qui que ce soit. J’avais moi-même été surpris par son retour. Je me rappelais d’une adolescente charmante mais discrète, sans doute trop jeune à l’époque pour que je me sois amusé à la draguer. Mais à la voir aujourd’hui, notre différence d’âge ne me gênait plus autant.

Évidement, si Six disait vrai et que « Lady Firenne » était en réalité sa propre mère Mizulia, ça risquait de poser un peu problème. Je me rendais justement au manoir Jastermine pour enquêter à ce sujet. Il fallait qu’on découvre la réelle identité de cette prétendue G-Man. Soit Six s’était trompée et cette femme était bel et bien Firenne Jastermine, qui ressemblait seulement beaucoup à sa mère. Soit c’était bien la mère de Six, une humaine déguisée en G-Man et infiltrée dans l’Ordre pour une raison ou une autre. Soit encore, ça pouvait être aussi la mère de Six, mais également une véritable G-Man, qui aurait caché sa véritable nature tout ce temps.

Bref, il fallait décortiquer tout cela. Kashmel n’aimait pas quand des éléments inconnus venaient perturber ses plans, surtout celui-ci qu’il préparait depuis des lustres. Comme je lui ai dit, j’allais vérifier avec l’Aura si Lady Firenne était une G-Man ou non. Si elle ne l’était pas, elle ne remarquerait pas que je l’observe avec l’Aura. Si elle l’était mais que c’était bien une espionne, je risquais de passer un sale quart d’heure. Et si enfin elle était tout simplement celle qu’elle disait être, je passerai pour un voyeur inqualifiable, et plus aucune femme ne voudra m’approcher.

La troisième solution me serait très désagréable, pour tout dire. Je préférait même que Lady Firenne soit une espionne et ne tente de me tuer dès qu’elle m’aura remarqué plutôt que ça. Mais bon, après tout, j’étais le complice d’un révolutionnaire qui complotait contre l’Empire et l’Ordre G-Man. Il fallait bien prendre quelque risques. Si d’aventure cette femme était une humaine, il faudrait que je sache pourquoi elle était là sous des robes G-Man avec l’identité d’une autre, et pour qui elle travaillait. Je pense qu’on pouvait exclure le groupe Lance. Ils avaient beau se déclarer tolérants avec les humains, je ne les voyais pas en engager pour qu’ils espionnent à leur place. De plus, ça ne leur aurait été d’aucune utilité, vu qu’ils étaient même des espions au sein de l’Ordre.

Avec tout ça en tête, je me présentai à la porte du manoir Jastermine vêtu de mon plus beau costume ( mais toujours avec mon béret blanc bien sûr ) et un sourire éclatant. Je tenais même un bouquet dans mes mains, de fleurs de toutes les couleurs provenant de mon jardin. On pouvait m’accuser de laisser l’intérieur de ma maison dans la plus grande pagaille, mais jamais l’extérieur ; c’était indispensable pour s’attirer les exclamations ravies des jeunes G-Man qui se promenaient dans le quartier à la vision de mes rosiers.

Je frappai à la porte, me composant une posture assurée et élégante. Même si ma mission était de démasquer Lady Firenne et si possible de la faire chanter, hors de question que je l’espionne de dehors, que ce soit avec l’Aura ou sans. J’étais un gentilhomme, et plus que tout, j’avais le don de savoir dire ce qui plaisait aux femmes. La porte s’ouvrit quelque secondes plus tard, et Lady Firenne - ou qui qu’elle fut d’autre, apparut dans l’encadrement. Elle écarquilla les yeux de surprise à ma vue, et j’aimai à croire qu’il s’agissait à cause de mon costume élégant ou de mon bouquet.

- Lady Firenne, je suis Lord Stuon Jarminal, fis-je en m’inclinant parfaitement. J’habite non loin au bout de la rue, et je me devais de venir vous rencontrer après votre récente arrivée dans notre belle ville. Qu’il me soit permis de vous souhaiter le bonjour, et de vous offrir ceci.

Je lui tendis mon bouquet. Elle le prit avec délicatesse, et m’accorda un sourire. Oh oui, elle était tout à fait mon type de femme, avec ses grands yeux bleus pâles expressifs et ses cheveux bruns si brillants. Mais j’avais beau examiner son visage sous toutes les coutures possibles, j’étais incapable de dire s’il s’agissait bien de la jeune Lady Firenne que j’avais connu y’a dix ans. Nous n’avons jamais été spécialement proches, et ma mémoire ne fonctionne à sa pleine puissance que sur les femmes avec qui j’ai couché, ou celles que je courtise.

- Ah, Lord Stuon, comme c’est fort aimable de votre part, me dit-elle. Vous êtes le premier à venir me voir. Même ma voisine, Lady Volcheint, n’est pas encore passée.

- Quelle indélicatesse ! M’exclamai-je en me prenant le cœur. Une G-Man aussi ravissante et aimable que vous ?! L’adolescente timide dont j’ai souvenance s’est assurément muée en une délicieuse jeune femme, qui doit attirer toutes les convoitises.

- Hi hi, Lord Stuon, quel vilain charmeur vous faites !

Elle avait les accents et la gestuelle typiques d’une femme de la noblesse. Je ne pensais pas qu’une humaine, comme Six le prétendait, aurait pu imiter parfaitement cela de façon si naturelle.

- Permettez-vous d’entrer, je vous en prie, m’invita-t-elle en me laissant passer. Je n’ai pas encore fini de tout mettre en place - cette maison est restée vide si longtemps ! - mais nous pourrons boire tranquillement un thé dans le séjour.

Elle se déplaça avec grâce et je la suivis tout en maintenant mon Aura à l’affut. Je ne l’examinai pas ; pas encore. Je voulais essayer de faire ça à un moment où elle serait distraite, pour qu’il y ait une chance que je ne me fasse pas repérer. Car après cette première rencontre, je doutais vraiment que Lady Firenne soit une humaine. Six avait dû se tromper, ou alors elle ignorait que sa mère était une G-Man depuis le début.

- Votre jeune cousine n’est pas avec vous ? Fit-elle une fois entrée dans le grand salon. Je l’ai vue au formidable bal des Irlesquo.

Tiens, tiens ? Elle s’intéresse à Six ? Bon, en même temps, ça ne voulait rien dire. Elle m’aurait posé cette question par politesse, ou parce que Lady Sixtine Jarminal était, comme elle, une G-Man qui venait de la province.

- Elle est très timide, la pauvre enfant, répondis-je. J’ai presque dû la persuader à genoux de venir au bal du Grand Maître, et je bataille encore pour qu’elle vienne à celui des Psuhyox demain.

- C’est tout naturel, dit Lady Firenne en m’invitant à m’asseoir sur l’une des chaises. Une G-Man si jeune, voir la capitale et le cœur de l’Ordre pour la première fois… Je dois avouer que, même si je suis née ici et que j’y ai passé toute mon enfance, revenir ici après tout ce temps n’est pas sans faire palpiter mon cœur.

- Que c’est si joliment dit ! Je pourrai vous le faire palpiter de bien des façons…

Généralement, après ce genre de phrase, soit les femmes m’amenaient dans leurs lits, soit elles me giflaient. Lady Firenne, elle, se contenta de sourire de façon amusée.

- Vous êtes tel que les rumeurs vous décrivent, milord. Un impétueux séducteur.

- Notre mode de vie de G-Man est si morne et répétitif qu’il faut bien un peu d’impétuosité pour vivre, expliquai-je avec philosophie.

Firenne me servit son thé dans une tasse en porcelaine marquée du sceau de la famille Jastermine. Je le bus à moitié et le trouvais délicieux. J’aimai les femmes qui faisaient du bon thé…

- J’ai ouï dire que vous étiez revenue à la capitale pour vous trouver un époux, continuai-je. Vous avez quelqu’un en particulier en vue ? Si bien sûr ce n’est pas indiscret à demander…

Bien sûr que si, ça l’était, mais je savais juger les femmes, et Lady Firenne me semblait tout à fait réceptive à mes tentatives de drague.

- Oh, je ne saurai dire encore, milord. Ma famille est assez importante en province, mais ici, à Axendria, elle n’a ni richesse ni pouvoir.

- Le G-Man que vous épouserez pour vos possessions et non pour votre beauté serait indigne de fouler cette terre.

- Vous êtes trop aimable, Lord Stuon.

- Je vous en prie, appelez-moi simplement Stuon, très chère. J’aimerai qu’on arrive à devenir… proches.

Je lui avais pris la main par-dessus la table en disant cela. Je ne la draguais pas sans but, bien sûr, même si j’aimais ça. Je tenais à la séduire suffisamment pour pouvoir lui arracher un baiser et ainsi l’examiner avec l’Aura pendant qu’elle serait toute retournée. Firenne ne retira pas sa main mais me regarda avec un haussement de sourcils.

- À ce qu’on dit de vous… Stuon, vous ne semblez pas être le genre de G-Man qui court après le mariage.

- Effectivement. J’entend demeurer célibataire le restant de mes jours. Car savez-vous, le célibat offre des avantages considérables, comme le fait de pouvoir rendre visite à de charmantes femmes telles que vous sans se sentir déshonoré.

- Ce sont plutôt ces « charmantes femmes » qui se sentiront déshonorés en sachant que vous contez fleurette à une un jour pour en changer le lendemain, répliqua Firenne d’un air amusé.

- Hélas, je ne puis appartenir à une seule femme. Je me dois à toutes. Tel est le sens de mon engagement. Mais je mets toujours un point d’honneur à profondément satisfaire mes partenaires d’un soir. Qu’en dîtes-vous, très chère ?

Je m’étais levé et rapproché d’elle. Sacré bout de femme que cette Firenne ; elle ne bougeait pas, ne gloussait pas comme une idiote, ni ne rougissait. Les G-Man de la province avaient visiblement des mœurs plus ouvertes qu’ici, à la capitale. Il faudrait que j’y fasse un tour un jour.

- Nous ne sommes pas encore le soir, précisa Firenne.

- Si on ferme les volets, ce sera tout comme…

Je me penchais sur son visage. Elle ne me repoussa pas. À l’instant où je capturais ses lèvres avec les miennes, j’usai de mon Aura pendant deux secondes, deux seules petites secondes, pour contempler sa propre Aura, en espérant qu’elle serait assez occupée par notre baiser pour ne pas repérer ma manœuvre. Et alors, je vis. Lady Firenne n’avait pas une once de la couleur très significative des G-Man dans son Aura. C’était tout bonnement une simple humaine. Le choc de la découverte fit que je reculai malgré moi, brisant notre étreinte pourtant forte agréable. « Lady Firenne » me dévisageait d’un air malicieux.

- Alors, milord Stuon… Mon Aura est-elle belle ?

Elle savait. Même si elle n’était pas une G-Man, elle avait compris que je l’avais examiné via l’Aura. Elle s’était donc attendue à ce que je le fasse. Et ce dès qu’elle m’avait vu sur le pas de sa porte. Donc, elle s’attendait à ma venue… parce qu’elle se doutait que Six l’avait reconnue lors du bal, et qu’elle m’avait tout dit. Elle m’avait donc tendu un piège. J’ignorai encore la nature du piège en question, mais je tirai ma Lamétrice du fourreau pour me tenir prêt à toute attaque.

Ou du moins, j’essayai de tirer mon épée. Je n’y arrivai pas. Mes doigts semblaient comme paralysés, et peu à peu, ce furent mes bras. Mes jambes ne me portant plus, je tombai au sol, en renversant le contenu sur la table. Le bol de thé se brisa, renversant le liquide encore chaud qui coula près de moi. Le thé… Firenne n’en avait pas bu une gorgée. La garce m’avait donc empoisonné. Je m’étais fait avoir comme un débile. Pourquoi je n’avais pas pensé à au fait évident que Lady Firenne… non, que Mizulia saurait que Six m’avait dit la vérité sur elle, et que je viendrai donc forcément à elle pour en savoir plus ?

- Juste ciel, vous ne vous sentez pas bien, Lord Stuon ? Fit mine de s’inquiéter l’humaine déguisée. Ne vous inquiétez pas ; ce breuvage n’est pas mortel. Il se contente de vous paralyser totalement pendant une vingtaine de minutes. Je sais que vous êtes G-Man de Queulorior et que vous devez avoir une belle collection d’attaques en réserve, dont peut-être certaines qui soignent les problèmes de statuts des Pokemon, mais ne vous donnez pas cette peine. Il n’y a aucun antidote à cette paralysie.

Constatant que mon visage n’était pas paralysé lui, je sourit difficilement et dit :

- Lady Mizulia, je présume ? Je crains de m’être laissé voir sous un bien mauvais jour. D’habitude, je ne suis pas aussi stupide. Mais votre beauté m’a comme qui dirait ensorcelé…

- Il n’est plus utile de me couvrir de louanges, milord. J’ai couché avec un G-Man une fois, et c’est quelque chose que je ne réitérerai plus jamais.

Fini, la voix gracieuse et aimable et le sourire ravissant. Ses yeux tout comme sa voix s’étaient transformés en quelque chose de glacial et de tranchant. Elle me regardait clairement avec une répulsion évidente et une envie de meurtre qu’elle avait formidablement cachée jusqu’ici. Il n’y avait aucune forme de crainte ou de respect chez elle, bien qu’elle soit une humaine et moi un G-Man. La chère maman de Six était visiblement une humaine peu commune. Ce qui ne m’étonnait pas outre mesure, vu qu’elle avait réussi à berner un Seigneur G-Man et à échapper aux Nettoyeurs tout ce temps en élevant un G-Man illégal. Mizulia se pencha vers moi et tira un curieux poignard dentelé dont on ne sait où.

- J’ai appris à combattre et à tuer ton engeance il y a des années, G-Man, me dit-elle. Sois sûr que tu rejoindras ton Sacha Ketchum adoré d’ici tes vingt minutes de paralysie. C’est à toi de voir comment tu veux le rejoindre : tranquillement, ou en souffrant comme un damné. Cela dépendra des réponses que j’obtiendrai de toi.

- Allons allons, tant de violence est inutile, lui assurai-je. Je suis juste venu parler. Nous avons une connaissance commune après tout. Votre fille est fort charmante et c’est une bonne amie à moi. Je crois qu’elle vous en voudrait un peu si vous m’assassinez…

- Je suis contente que t’y vienne, car c’est ma première question : qu’est-ce que tu fiches avec Six ? Pourquoi a-t-elle rejoint l’Ordre sous une fausse identité ? Qu’est-ce que tu attends d’elle, G-Man ?

Je ne pouvais pas parler de Kashmel à cette femme sans savoir qui elle servait et qu’elles étaient ses intentions. J’allais donc devoir endosser le rôle du maître chanteur. Mais je lui demandai d’abord :

- C’est pour ça que vous êtes venue ici déguisée en G-Man ? Pour la revoir ?

Je ne gagnai à cette question qu’une vilaine coupure sur la joue droite.

- C’est moi qui pose les questions, G-Man. Dépêche-toi, ton temps s’écoule vite.

- Je vous assure que je n’ai aucune mauvaise intention quant à Sixtine…

- Comment connais-tu son vrai nom ?

- Elle me l’a dit. Elle me fait confiance. Je l’ai sauvée des Nettoyeurs.

- Toi ? Tout seul ?

Je lui servis un sourire assuré.

- Ne basez pas votre impression sur moi par rapport à la situation actuelle - qui ne m’est guère favorable, j’en conviens. Je suis un G-Man très doué et inventif. Il se trouve juste que je suis quelque peu en désaccord avec la façon dont l’Ordre G-Man est administré et quelques lois impériales. Je n’apprécie guère, par exemple, que les G-Man puissent se servir d’esclaves humaines comme jouets sexuels avant de les tuer froidement. Je trouve aussi répugnant la tuerie de masse dont les G-Man illégaux ont toujours fait les frais.

Je pensais l’amadouer en disant cela, en lui faisant bien comprendre que j’étais un gentil G-Man, de son côté et de celui de Six, mais la froide Mizulia n’eut cure de mes paroles.

- Si ton but est de protéger Six, pourquoi tu l’as fringuée en G-Man et amenée dans un de leurs bals ?

- Mais, ma chère madame, quel meilleur endroit pour la protéger que l’Ordre lui-même ? Je l’ai fait passer pour une cousine éloignée, quelque chose qui ne sera jamais vérifiable pour les autorités impériales qui n’ont strictement rien à faire des G-Man de la province. De plus, j’ai fait en sorte qu’elle soit la G-Man d’un Mangriff. Elle est dès à présent considérée comme une G-Man à part entière, sans que personne ne puisse la soupçonner d’être une bâtarde.

- Tu as tout faux, sinistre crétin. Les Nettoyeurs connaissent très bien son nom, et se doutent qu’elle est ici.

- Et alors ? Tant qu’ils ne peuvent pas prouver que c’est une G-Man illégale, ils ne pourront jamais rien tenter. Les lois d’indépendance de l’Ordre par rapport à l’Empire leur interdit de…

- Ces lois seront très bientôt caduques, m’interrompit Mizulia. À cause de Lance. S’ils poursuivent leurs provocations, l’Empereur n’aura d’autre choix que d’exterminer l’Ordre entier. L’arrivée de Jugeros dans le Quartier G-Man pour enquête n’est que la première étape. Dis-moi, G-Man… Vu que tu es en désaccord avec la politique du Grand Maître, et que tu protèges les G-Man illégaux malgré les risques… tu ne serais pas toi-même un terroriste de Lance ?

Répondre oui m’aurait arrangé, pour la crédibilité de mon histoire et de mes buts. Mais j’avais la vague impression que si je le faisais, cette femme allait m’égorger sur le champ.

- Non, je ne fais pas partie de Lance, dis-je enfin. Toutefois, ce groupe m’intrigue. J’enquête donc discrètement sur eux pour tenter de découvrir qui sont les G-Man qui le composent. Six a accepté de m’aider, et joue pour cela la jeune G-Man provinciale un peu naïve qui ferait une recrue de choix pour ces terroristes.

Ma réponse sembla intéresser l’humaine.

- Tu enquêtes sur Lance ? Qu’as-tu découvert ?

- Pourquoi un tel intérêt ? Vous voulez les rejoindre ?

Mizulia me fit un sourire qui fit froid dans le dos.

- Pas vraiment. Je souhaite plutôt les exterminer. Eux… et à terme tous les G-Man !

Je gardai mon aimable sourire sur le visage, mais intérieurement, j’étais terrifié. À cause de ma paralysie, je ne sentais plus grand-chose de mon corps, mais j’étais certains que plusieurs gouttes de sueur étaient en train de perler sur ma nuque. Cette femme était sérieuse, j’en aurai mis ma main à couper. Son sourire démoniaque et cette lueur démente dans ses yeux ne pouvaient pas mentir. J’ignorai à quel point elle était capable de mettre son souhait à exécution, mais elle était de toute évidence une folle dangereuse.

- Euh… je vois. Je crains de n’avoir rien découvert de concret pour le moment. Six n’a qu’un seul bal à son actif. Je compte qu’elle se rapproche suffisamment près d’un membre de Lance pour qu’il se confie à elle et tente de la recruter.

Mizulia dut voir l’intérêt d’une telle stratégie, et surtout celui d’user de sa propre fille. Elle réfléchissait comme quelqu’un d’habitué à espionner les autres.

- Si… tentai-je. Si vous me laissez la vie, je pourrai partager des informations avec vous une fois que j’en aurai. En revanche, si je meurs, je crains que la pauvre Six ne se retrouve bien démunie et ne fasse quelque chose de malheureux.

Mizulia réfléchit un moment. Un long moment. C’était comme si je voyais à l’intérieur de son crâne de nombreux rouages se mettre en marche, peser tous les inconvénients et les avantages. Techniquement, elle était gagnante sur tous les points, mais ça impliquait pour elle de faire confiance à un G-Man, et j’avais bien senti qu’elle ne nous portait pas spécialement dans son cœur. Finalement, elle planta son poignard juste devant mon nez, et se pencha pour me dire :

- Désormais, tu travailles pour moi, G-Man. Tu continueras à recueillir des infos sur Lance, et tu me les feras parvenir. Tu ne diras rien à Six. Tu ne dévoileras évidement pas mon identité à tes amis G-Man. Hors de question également de m’aborder en public comme si on se connaissait. Si tu ne respecte pas un seul de ses points, sois sûr que je te retrouverai où que tu te caches, même si j’ai tout l’Ordre à mes trousses. Je n’ai jamais raté une seule de mes cibles. Aucune n’a survécu.

- L-loin de moi l’idée d’en douter, lui assurai-je.

Et effectivement, je n’en doutais pas. Cette femme avait déjà tué des gens, je le voyais dans ses yeux. Pire ; elle semblait aimer ça.

- Si… si je peux me permettre… Il serait souhaitable que vous n’assistiez pas au bal des Psuhyox demain. Vous risqueriez de troubler Six à nouveau.

- Si tu t’occupes de la collecte d’information sur Lance pour moi, je vais plutôt m’atteler à d’autres tâches. Aucune raison que je m’inflige vos bals pompeux et vos présences dégoûtantes à nouveau !

Elle se leva et me tourna le dos, comme si elle en avait fini avec moi.

- Dès que tu pourras bouger, file d’ici en vitesse, et sans te faire voir. Et n’oublie pas : je te garde à l’œil, Lord Stuon. Ne commets pas la bêtise de penser qu’être un G-Man te sauvera si je décide de t’éliminer.

Flippante. Terriblement flippante. C’était cette femme qui avait élevé Six ? Le Six timide et effacée qui aimait se faire petit dans les coins ?! Alors qu’elle s’apprêtait à quitter la pièce, Mizulia s’arrêta et me demanda, d’une voix un peu plus adoucie :

- Sixtine… Elle t’a parlé de moi ? Qu’est-ce qu’elle t’a dit sur moi ?

- Pas grand-chose. Que vous lui avez appris à survivre avant tout. Que c’était vous qui lui avez dit de se faire passer pour un garçon. Et que… vous l’aviez abandonné à Immotist il y a quatre ans.

J’hésitai, puis décidant d’être sincère, j’ajoutai :

- J’ai peur qu’elle ne vous aime pas beaucoup.

Mizulia haussa les épaules, comme si ça l’indifférait.

- J’ai fait mon boulot de mère en lui enseignant la survie. C’était ensuite à elle de se démerder. Je n’avais nulle envie de rester plus longtemps avec une sale G-Man, même si elle est sortie de mon ventre.

Pour la première fois depuis le début de notre conversation, je détectai l’ombre d’un mensonge dans sa voix, mais je ne relevai pas. À la place, je demandai :

- Puis-je vous poser une question ?

L’interroger sur son histoire, sur ce qu’elle était, si elle travaillait seule ou pour quelqu’un, et pourquoi elle voulait anéantir les G-Man ne me semblait pas prudent. Elle ne me semblait pas très stable mentalement et pourrait changer d’avis et revenir me trucider si je tentais d’en savoir trop. Mais il y avait une question qui attisait ma curiosité depuis le début.

- Qui est le père de Six ?

Mizulia se retourna légèrement, et un sourire moqueur apparut sur ses lèvres. Elle reprit sa voix d’aristocrate G-Man et me répondit :

- Allons allons, Lord Stuon, quel coquin vous faite ! C’est malpoli d’interroger une femme sur ses ex…

Puis elle quitta la pièce, me laissant croupir au sol.