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Là où l'horizon s'efface de Oriwan



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» Auteur : Oriwan - Voir le profil
» Créé le 31/10/2017 à 21:17
» Dernière mise à jour le 31/10/2017 à 21:17

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Épilogue - Embrylex
Mélofée refusa toute nouvelle expérimentation. Apparemment, revivre ce souvenir une nouvelle fois le terrifiait. Mais peu importe, nous avions de nouveaux éléments sur lesquels travailler. La tour de Lavanville… Plus jeune, elle m’avait déjà fichu la frousse. Mais dans ce souvenir… C’était pire.

- Tu as dit que l’ombre avait surgi de derrière la tour, n’est-ce pas Taki ? demanda Chrys.
- Oui. Enfin de beaucoup plus loin, il y avait une montagne derrière, et l’ombre venait de par là.
- Hmmm… Chrys réfléchissait, il avait étalé une grande carte de Kanto sur une table en bois.
- Derrière la tour de Lavanville… Il n’y a qu’une montagne qui pourrait correspondre… La montagne de la grotte sombre. Mais il n’y a rien là-bas… A moins que…
- La centrale… dis-je dans un murmure. Oui, ça pourrait être ça, acquiesçais-je en regardant la carte.
- L’ancienne centrale, rectifia Chrys en fronçant les sourcils. Elle a été reconvertie en centre d’expérimentations de ce que j’en sais… Quelque chose a dû briser le bâtiment, et libérer ce qu’elle contenait… Enfin ce n’est qu’une hypothèse, je ne sais même pas sur quoi ils travaillaient. Je vais essayer de me renseigner.

Les choses avançaient aussi avec l’homme mystérieux. Maintenant que l’on savait pour Lavanville, nous pouvions essayer de stimuler ce souvenir. Cela commençait à porter ses fruits. Plusieurs fois ses yeux tressautèrent en entendant le nom de la ville. Une fois, il fut même pris d’une crise d’angoisse. Je n’aimais pas ça. Mais le professeur Pimprenelle disait que c’était un mal pour un bien, cela voulait dire que sa conscience revenait.

Après une séance particulièrement éprouvante, j’éprouvais le besoin de sortir prendre l’air, sur la terrasse de l’observatoire. Le soleil était en train de se coucher, le temps devenait plus frais maintenant que la fin de l’été approchait. Jin était là, accoudée à la balustrade, ses longs cheveux blancs ondulant paresseusement dans la brise.

- Comment ça va ? demandai-je en m’accoudant moi aussi à la barrière.
- Ca va, me répondit-elle sans me regarder, je me demande juste… comment tout cela va finir.
- Oui, je vois ce que tu veux dire.
- Parfois, j’ai l’impression de la voir, l’ombre, dit-elle en fronçant les sourcils, regarde, tout là-bas, c’est là qu’est Johto.

Je regardai dans la direction indiquée par son doigt.

- J’ai l’impression de la voir, reprit-elle, là où l’horizon disparaît.

En regardant de plus près, je voyais moi aussi une minuscule zone, au loin, où le ciel et la mer semblaient se confondre dans un flou sombre. La seconde d’après, cette vision avait disparu.

- Tu penses qu’on pourra y retourner, un jour ? demandai-je.
- J’ai l’impression de ne déjà plus me souvenir d’Ebenelle, des montagnes, des cascades, des pins… Tout ça s’effrite dans mon esprit, et ça me rend triste.

Une larme coulait sur sa joue.

- A quoi bon retourner là-bas si l’on ne peut pas retrouver ce qu’on a laissé ? demanda-t-elle.

Avant que je puisse répondre, le hautparleur sur la terrasse se mit à grésiller et la voix de Chrys se fit entendre :

- Le professeur Pimprenelle est attendue en urgence dans la salle de contrôle !
- Il se passe quelque chose, viens ! lançai-je à Jin. On se rua dans l’escalier. Lorsque nous arrivâmes à la salle de contrôle, Chrys expliquait déjà la situation au professeur :
- Notre satellite vient de le détecter il y a quelques minutes. Vous voyez cette tâche ici ?
Il montrait sur l’ordinateur un petit rond presque imperceptible, d’un gris plus clair que le reste de l’écran.
- C’est un trou dans l’ombre, expliqua-t-il.
- Un trou ? s’écria Jin, vous voulez dire que…
- Oui, pour la première fois, et pendant un bref instant, l’ombre s’est dissipée et on a pu voir la surface, le Mont Argenté en l’occurrence.
- Et ce n’est pas tout, ajouta un des scientifiques qui pianotait sur son ordinateur, pendant ces quelques secondes, nous avons reçu un signal, très faible, quelques bips, mais ils proviennent d’une machine humaine ça ne fait aucun doute. Il… il y a encore des gens là-dessous, et ils appellent à l’aide.
- Euphorbe… murmura le professeur Pimprenelle, les yeux embués, c’est lui, je le sais !
- C’est une super nouvelle ! S’écria Jin.
- Il faut envoyer une expédition de secours, ajoutai-je, peut-être que l’on peut encore sauver Kanto !
- Il n’y a plus rien à sauver à Kanto.

Je ne connaissais pas cette voix. En me retournant je vis, dans l’embrasure de la porte, moitié chancelant, l’homme qui était arrivé par la mer.


Jin et Pimprenelle s’étaient précipitées avant que l’homme ne s’effondre. Apparemment il avait fourni un grand effort pour quitter sa chambre et venir jusqu’ici. Il n’avait pas dit un mot de plus après ça, mais les premiers qu’il avait prononcés nous restaient en tête. Kanto était-il vraiment perdue ? Pourtant, ce signal que nous avions reçu… Il y avait encore des gens là-bas, j’en étais persuadé ! Il le fallait…

Les heures qui suivirent furent consacrées à discuter de l’opportunité ou non de monter une nouvelle expédition pour Kanto. Pimprenelle s’était isolée dans une pièce pour communiquer les nouveaux éléments dont nous disposions aux scientifiques des autres régions. Elle revint, souriante.

- Hoenn et Shinnoh sont avec nous, ils enverront du monde si jamais on décide d’y aller.
- Et Unys ? Et Kalos ? demandai-je.
- Toujours pareil, le professeur Platane me dit qu’il nous assisterait avec plaisir, mais son gouvernement n’autorisera jamais une expédition, répondit Pimprenelle en hochant la tête, et c’est la même chose pour Unys.
- Et on va avoir un autre problème sur les bras, lança Chrys en entrant dans la pièce, un papier à la main.
- Que veux-tu dire Chrys ? demanda le professeur Pimprenelle.
- On vient de recevoir de nouvelles données du satellite. Le signal n’est pas la seule chose qui soit sortie de l’ombre par le trou qu’on a observé, regardez.

Il nous tendit le papier, c’était une image satellite de mauvaise qualité, mais on distinguait tout de même une forme sombre qui ressemblait à un Pokémon oiseau. Jin fut la première à le reconnaître :

-Ho-Oh ! s’exclama-t-elle, c’est Ho-Oh !

Elle avait raison, je reconnaissais à présent la forme si caractéristique de sa queue.

- Mais… Il a été le premier à se ruer vers l’ombre quand elle a atteint le Mont Argenté, c’était il y a des mois de cela, dit Jin, on l’a vu passer au-dessus d’Ebenelle.
- Ça voudrait dire qu’il a survécu pendant tout ce temps… murmurai-je, mais, Chrys, en quoi est-ce un problème ?
- Il se dirige par ici, répondit-il. Pimprenelle fronça les sourcils. Et nous ne sommes pas les seuls à l’avoir repéré. La police est en état d’alerte.
- En état d’alerte ? répéta Jin, vous ne voulez quand même pas dire qu’ils ont l’intention de…
- C’est bien ce que je craignais, coupa Pimprenelle. Vous vous souvenez de ce qu’il s’est passé avec Elkethor ? D’après mes sources, ils l’ont coincé dans le volcan de Mele-Mele maintenant. Son affrontement avec Tokorico a fait de nombreux dégâts. Ils ne laisseront pas un autre Pokémon légendaire s’approcher d’Alola. Même si pour ça ils doivent réveiller les divinités de l’archipel.
- Mais alors ça va dégénérer en guerre ouverte ! s’écria Jin. Tous ces gens de Johto, ils ne laisseront pas faire du mal à Ho-Oh, surtout après l’avoir cru mort pendant des mois !
- Précisément, dit Chrys. C’est pourquoi nous n’avons plus le temps de tergiverser, il faut lancer cette expédition, plus vite on arrivera à régler le problème à Johto et Kanto, plus vite on pourra désamorcer la situation ici.
- Taki, lança le professeur Pimprenelle, je sais que c’est très dangereux, tu as tout à fait le droit de refuser mais… Voudrais-tu te joindre à nous ? Nous pourrions mettre tes compétences à profit sur le terrain.

Pendant un moment, je ne dis rien, j’avais peur, c’est vrai. Peur de cette ombre qui avalait tout. C’était bien pour ça que j’avais choisi de partir. Mais je me souvins de Lugia. Alors que tout le monde s’enfuyait, lui se ruait vers le danger. Et maintenant Ho-Oh apportait la preuve que l’on pouvait survivre sous cette chape de plomb. On avait le devoir d’essayer de faire quelque chose.

- Je… Oui, je veux bien vous accompagner, répondis-je d’une voix que j’essayais de rendre assurée.
- Je vais rester, dit alors Chrys, je suis un des capitaines de cette île, mon rôle est ici, il faut à tout prix empêcher les gens ici de s’entretuer. Ils auront besoin de moi !
- Puis-je venir avec vous, Chrys ?
C’était Jin qui avait parlé, le poing serré.
- Si la situation dégénère, Aris, Yan et Tobi ne seront plus en sécurité ici, je ne peux pas les laisser tomber. Et puis Taki… dit-elle en me regardant, toi tu as encore de l’espoir. Je ne sais pas si je supporterai de voir Ebenelle en ruines, je crois que je préfère la garder intacte, dans mes souvenirs.


C’est ainsi que nos chemins se séparèrent. Les adieux furent bref, nous n’avions plus vraiment de temps à perdre. La nouvelle de l’arrivée de Ho-Oh s’était répandue sur l’île et, comme on pouvait s’y attendre, des affrontements avaient déjà éclaté.

Jin et Embrylex, accompagnés de Chrys et d’un petit groupe de dresseurs quittèrent l’observatoire au matin et descendirent la montagne. J’avais conscience que je ne la reverrai peut-être jamais, mais j’essayais de ne pas y penser. Notre groupe à nous était composé du professeur Pimprenelle, quelques scientifiques, deux dresseurs volontaires et de moi-même. Notre hélicoptère ne devait arriver que le lendemain matin.

Le jour du départ, il y avait dans l’air un je ne sais quoi inquiétant, un petit quelque chose dans l’atmosphère qui distingue les jours normaux des journées décisives. Ou peut-être était-ce juste le stress du départ. Le temps défilait au ralenti. Vers 6 heures du matin, une grande explosion retentit plus bas dans la vallée. Les gens avaient donc recommencé à se battre ? J’espère que tout allait bien pour Jin. Le calme revint assez vite. Les gens de l’observatoire finirent même par penser qu’il s’agissait simplement d’un Boumata isolé, certes particulièrement puissant. Et puis l’hélicoptère arriva. Le matériel fut chargé à son bord et puis ce fut notre tour. Pimprenelle n’avait pas prononcé un mot ce matin, je savais qu’elle pensait à son mari, Euphorbe. Se pouvait-il que le signal que l’on avait capté vienne de lui ? Tout comme elle, je m’accrochais à cette idée. Sinon cela voudrait dire que nous volions vers une mort certaine. Au moment du départ, elle avait retrouvé sa douceur. Posant sa main sur mon épaule, elle me dit :

- C’est le moment ! Allons-y ! Je te remercie de faire ça pour moi, non, pour Kanto et Johto.

Les entrailles nouées par le stress, je me contentais d’acquiescer. Pimprenelle fit un signe au pilote, et l’hélicoptère prit de la hauteur. Les montagnes jumelles d’Ula-Ula rapetissaient petit à petit, le soleil commençait à se lever derrière l’horizon. Vu d’ici, Alola avait l’air si paisible… Si paradisiaque. Elle le resterait sans doute si nous réussissions la mission ! Je tournai la tête, et le vent rabattit mes cheveux blonds sur mon visage. A travers les mèches volantes, je regardais notre destination, encore plongée dans les ténèbres de la nuit. C’était comme si l’ombre avait recouvert tout ce qui s’étendait devant nous.


Si Taki avait attendu quelques minutes de plus, ou si l’hélicoptère était arrivé en retard, les nouvelles du jour apportées par le coursier auraient pu lui parvenir. A peine descendu de son Bourrinos, le coursier était entré en trombe dans l’observatoire, brandissant le journal du matin, hors d’haleine. Les scientifiques s’étaient alors rassemblés autour de lui et avaient lu l’article en silence, tétanisés.

« Un capitaine d’épreuve trouve la mort dans une explosion

Peu avant 6 heures du matin sur l’île d’Ula-Ula, une violente explosion a ravagé une maison de Kokohio, faisant 15 morts selon un premier bilan, parmi lesquels le capitaine d’épreuve Chrys, ainsi que son groupe de scientifiques.

La ville de Kokohio accueille depuis quelques mois des centaines de réfugiés venus de Johto, et de nombreux affrontements avaient déjà éclaté ces dernières semaines avec des groupes de milices autoproclamés.

Selon nos informations, Chrys, qui travaillait à la résolution de la crise à Kanto depuis son observatoire, s’était rendu à Kokohio afin d’essayer d’apaiser les tensions… »

L’article continuait, mais personne n’avait le courage d’en lire plus. Une équipe fut envoyée pour tenter de voir si l’on pouvait trouver des survivants, une autre était chargée de faire le tour des hôpitaux. Mais sans grand espoir.


Ce soir-là, si quelqu’un s’était trouvé à la pointe nord de l’île, là où la montagne se jette dans l’océan, il aurait vu arriver, dans les dernières lueurs du jour, un petit Pokémon blessé. Boitant, le côté droit de son corps brûlé et noirci, Embrylex se frayait tant bien que mal un chemin parmi les roches escarpées. Des larmes coulaient sur son museau, mais il ne gémissait pas, n’émettait aucun bruit, car sa dignité le lui dictait. Il ne s’arrêta que lorsqu’il eût enfin trouvé un emplacement sûr, en hauteur, où il pourrait enfin se reposer, seul. Le regard perdu au loin, il s’affaissa, l’océan, l’horizon semblaient s’effacer dans ses yeux embués. Mais c’était là qu’il voulait regarder, car c’est par là qu’il allait revenir, un jour, il le savait.

Un intense halo de lumière bleue entoura Embrylex. Quand les teintes du crépuscule furent revenues, Ymphect ferma les yeux. Il n’avait plus qu’à attendre