Le symbole de l’insignifiance
Iris courait derrière Lilie qui dévalait les escaliers de la villa en trombe, affolée par ce qui était en train de se passer au niveau de la réserve de PokéFlow. Elle sauta les quatre dernières marches et se dirigea vers un ascenseur intérieur qu’Iris n’avait pas remarqué lors de son entrée dans le vestibule, les portes étant finement encastrées dans le mur. Lilie appuya rapidement sur différents boutons et entra à l’intérieur, Iris à sa suite.
« - Lilie ! S’exclama le jeune Maître une fois que l’engin eut démarré pour rejoindre les sous-sols de la Fondation. Qu’est-ce qui se passe? Qu’est-ce que tu veux dire par ‘catastrophe’?
- Une réserve d’énergie servant pour la Fusion qui se déverse d’une manière totalement incontrôlée dans l’atmosphère et l’environnement, que crois-tu que cela va donner? Des arcs-en-ciel, peut-être? » Cracha la jeune Directrice, méprisante.
Iris ne répondit rien, saisissant sa propre sottise.
« - Tili et Gladio… murmura Lilie. Comment ont-ils fait pour arriver jusque là? Et Valhanya et Vinoth, quelle bande d’incapable… Argh ! »
Dépitée, elle tapa des deux poings la paroi de l’ascenseur, qui continuait inexorablement sa course vers les souterrains.
« - Il faut que tu m’aides, Iris, murmura-t-elle.
- Quoi?
- Tu comprends le danger si on détruit cette réserve, n’est-ce pas? Tili et mon idiot de frère ne m’écouteront pas si je leur explique. Mais toi… Toi ils t’écouteront.
- Pour l’instant, tout ce que j’en sais, c’est que cela ne produira pas d’arcs-en-ciel. »
Lilie lui lança un regard scandalisé, puis eut un petit rire nerveux.
« - Je suppose que Tili a déteint sur nous. Pour faire court, Humain comme Pokemon vont connaître une mutation non contrôlée et ce, dans le monde entier car si cette réserve explose, cela créera une réaction en chaîne avec celle de Kanto.
- Kanto possède une réserve similaire?
Oui, évidemment. Ah, et la source même de cette énergie est celle que l’on trouve dans l’Ultra-Brèche donc celle-ci s’ouvrira probablement et nous aurons probablement une invasion de Chimère. »
Un petit carillon sonna d’une note légère qui détonnait avec la tension qui régnait dans l’ascenseur. Lilie en sortit avant même que les portes ne soient totalement ouvertes et traversa en courant le long couloir qui se déployait devant elle. Iris se mit à sa hauteur et se cala sur son rythme de course. Elle remarqua par ailleurs que son amie n’avait pas pris la peine de mettre une paire de chaussures.
« - Pourquoi tu n’as pas expliqué aux garçons ce petit détail? Dit Iris, sa voix faisant écho contre les murs vides du corridor. Tu le savais pourtant qu’ils voulaient tout détruire, tu nous as espionné avec ton faux Bombydou !
- Tu penses sincèrement qu’ils n’étaient pas au courant?
- Quoi? »
Iris eut du mal à croire que les deux jeunes hommes puissent occulter une information aussi importante, surtout Gladio qui était quelqu’un de minutieux et ne négligeait aucun détail dans sa manière de raisonner ou même de se battre. En cela, il était similaire à sa petite sœur. Elle voulut demander plus détails sur ce problème mais l’attention de Lilie fut portée sur toute autre chose.
« - Quoi, ils ont réussi à détruire la porte… »
Elles arrivaient tout au fond du corridor, et Iris aperçut un trou béant et poussiéreux dans le mur avec de multiples débris à terre, comme si quelqu’un l’avait démoli à la seule force de ses poings. Des petites étincelles parcouraient le sol et les jointures de l’ancienne porte détruites, signe que le dispositif de sécurité avait été mis en miettes. Plus elles se rapprochaient, plus une sorte de bruit métallique et régulier se faisait entendre à travers le couloir vide.
« - Laissez ma réserve tranquille ! Tili ! Gladio ! »
Lilie parcourut les derniers mètres en sprint, sautant agilement par-dessus les décombres et s’arrêta brusquement au milieu de la pièce. Iris la rejoint rapidement, en demandant à ses deux amis d’arrêter de détruire la réserve. Mais lorsqu’elle arriva dans la salle, elle vit que ce n’était ni Tili, ni Gladio et resta bouche bée devant la scène qui s’offrit à elle.
« - Sa… Sacha? »
Le Maître de Kanto tenait à la main une grande barre métallique avec laquelle il tapait avec acharnement un énorme tube contenant un liquide transparent, tube qui devait être composé d’une matière inconnue à Iris car les coups qui lui étaient portés n’étaient pas suffisants pour créer ne serait-ce qu’une petite rayure. Mais ce qui choqua Iris fut Sacha lui-même. De son corps émanait un puissant champ électrique dont les éclairs parcouraient la réserve mais sans encore l’endommager. Il portait un unique pantalon blanc qui était déchiré au niveau du mollet droit et des cuisses. Son torse était nu, ce qui laissait clairement apparaître sa peau devenue jaunâtre. Ses inquiétudes concernant le silence de son ami venaient de se confirmer.
« - Non… Non, non, non, Lilie ! »
Mais celle-ci s’était ruée sur Sacha, oubliant que son corps dégageait de l'électricité en permanence.
« - Arrête ! Criait-t-elle. Tu es en train de faire réagir le PokéFlow, arrête ça tout de suite ! »
Elle se jeta sur lui afin de l’éloigner mais les réflexes de son cobaye avaient été exacerbés par le processus de Fusion et par un simple mouvement de bras presque imperceptible à l’oeil nu, il projeta à terre Lilie qui tomba lourdement sur le côté. Le bref contact avec la peau électrifiée et le choc de la chute lui firent perdre conscience instantanément.
« - Sacha ! Sacha, c’est moi, Iris ! Arrête ça s’il te plait !
- Mal… Du mal… marmonna-t-il.
- Quoi? Tu as mal? Sacha, parle-moi, s’il te plaît ! »
Elle essaya de se rapprocher mais il avait de toute évidence lancé une attaque Champ Electrifié tout autour de lui. Iris réfléchit à une stratégie pour contrer et annihiler ce champ mais perturbée par l’attitude de Sacha, l’évanouissement de Lilie et la sauvegarde de la réserve, rien ne lui vint en tête.
« - M’a fait… Du mal…
- Cette réserve t’as fait du mal, c’est ça? Tu parles de la Fusion?
- Fusion… Fusion… Pikachu… Argh ! »
Il tapa avec plus de violence et de rapidité sur la machine, les éclairs au sol devenant plus important. Iris remarqua qu’effectivement, le liquide transparent contenu dans la réserve s’agitait, semblant créer une sorte d’ébullition.
Elle entendit derrière elle comme un bruit de tissu qui glissait sur le sol. Elle sursauta et se retourna vivement. C’était la Chimère Câblifère qui entrait dans la pièce avec son authentique démarche nonchalante, trainant ses tentacules par terre. Iris pensa tout d’abord que l’électricité produite par Sacha l’avait attiré jusqu’ici. Puis, elle le vit spontanément se diriger vers la réserve et il l’entoura de ses deux membres supérieurs, dont les bouts formaient une sorte de ventouse qu’il colla à la vitre du tube dans un bruit de succion. Iris se rappela des paroles de Lilie sur la source du PokéFlow. L’énergie trouvée dans l’Ultra-Brèche, la dimension des Chimères.
« - Sacha a stimulé le PokeFlow et a provoqué une sorte de réaction qui a attiré Câblifère, constata Iris pour elle-même. Et il croit que c’est le chemin pour retourner à l’Ultra-Brèche ! Si ça continue… »
Une petite fissure apparut sur le bord du tube mais aucun liquide n’en coula.
« - La puissance de Sacha et de Câblifère vont faire éclater la réserve ! Sacha ! Sacha, viens avec moi, je te ramène à Kanto ! On rentre !
- Détruire… Ce qui m’a… Mal…
- Sacha ! Allons nous-en ! »
L’énergie électrique de Câblifère se mélangeait avec celle de Sacha et la pièce commençait à être dangereusement chargée en énergie électrique.
« - Sacha ! » Hurla Iris, des larmes coulant sur ses joues.
Mais il restait sourd à ses appels désespérés et continuait à marteler le réservoir, émettant des râles et des longues plaintes. La résolution sans faille qui abritait habituellement son regard s’était transformée en folie. La réalité frappa le cœur meurtri d’Iris. Sacha était devenu exactement comme le Tentacruel qui avait attaqué le bateau, l’expérience de la Fusion l’avait lui aussi rendu dément. Tout comme le Tentacruel, il avait perdu sa personnalité. Tout comme le Tentacruel, il ne s’arrêterait pas tant qu’il n’aura pas assouvi sa soif de destruction. Tout comme le Tentacruel, il souffrait énormément et le processus était irréversible.
L’électricité envahissait la pièce. Partir d’ici signifiait abandonner Sacha et le laisser à une mort certaine. Partir d’ici signifiait que le PokéFlow allait se déverser dans l’atmosphère. Partir d’ici signifiait condamner le monde entier à une mutation forcée et incontrôlée, qui amènerait la confusion et le chaos. Frustrée, désespérée et impuissante, Iris se prit la tête dans ses mains, s’arrachant les cheveux. Etait-elle aussi faible? Ne pouvait-elle vraiment rien faire, elle, le Maître de la Ligue d’Unys, Maîtresse des Dragons?
« - Non… Non arrêtez… marmonna Lilie qui se réveillait, engourdie. Qu’est-ce que… Non, Zéroïde, n’y va pas! Ce n’est pas l’Ultra-Brèche ! »
Iris n’avait pas remarqué que le Pokémon mollusque, contre qui elle et Drattak avaient livré un dur combat à Lili’i, était apparu et s’était joint à Sacha et Câblifère. Il entoura également le tube de ses deux principaux tentacules et y resta collé. Un autre fissure, légèrement plus importante cette fois-ci, se matérialisa sur le réservoir. A l’intérieur, le PokeFlow s’agitait, devenant de plus en plus dense.
« - Lilie… Lilie il faut y aller… murmura Iris à contre-cœur, acceptant la fatalité de la situation.
- Non… Non, mon projet ! S’exclama Lilie, les yeux exorbités par une certaine hystérie. Mes ambitions ! Ma fierté ! Vous n’avez pas le droit de me l’enlever ! »
Heureusement pour Lilie, Iris la retint par le bras avant qu’elle ne pénètre le Champ Electrifié et la ramena vers elle.
« - Lilie, on doit y aller ! Déclara le Maître d’Unys sur un ton plus ferme.
- Vous n’avez pas le droit ! Vous n’avez pas le droit de détruire ma vie comme ça ! Hurla la Directrice déchue d’une voix éraillée.
- Lilie ! »
Iris la tenait fermement par le poignet et la tira vers elle, vers la sortie.
« - Non ! Mère ! Mère ! » Cria Lilie, sa main libre tendue vers le réservoir contenant les cinq dernières années de sa vie.
Iris courait à en perdre haleine. Le stress, les sanglots et la course lui irritèrent les poumons et comprimèrent sa cage thoracique et elle eut beaucoup de difficultés à respirer normalement. Elle tirait toujours par le poignet Lilie qui courait machinalement. Elle s’était renfermée sur elle-même, marmonnant des paroles incompréhensibles et insensées.
Le chemin du retour jusqu’à l’ascenseur lui sembla encore plus long qu’à l’aller. Ses pas résonnaient avec furie dans le corridor vide qui par chance, avait été bâti uniquement en ligne droite. Le chemin jusqu’à la surface était tout tracé.
« - Lilie ! S’exclama Iris une fois arrivée devant l’élévateur. Lilie, mets en route l’ascenseur, vite ! »
Son amie ne l’entendait pas, coupée de la réalité. Immobile, son regard était vitreux, ses lèvres bougeaient frénétiquement. Iris eut beau l’appeler ou la secouer, rien ne semblait pouvoir sortir Lilie de sa torpeur. Désespérée, elle émit une longue plainte et malmena les portes et le système électronique de l’ascenseur à coup de poings et pieds. Rien ne se passa. Elle regarda autour d’elle pour vérifier s’il n’y avait pas une sortie de secours par escaliers. Son regard tomba sur une créature à fourrure grise foncée et aux longs cheveux rouges attachés en une queue de cheval lâche, aux membres musclés, qui se tenait en silence derrière elle et l’observait d’un regard vide. Iris retint sa respiration.
« - Pau… Pauline, c’est ça? Balbutia-t-elle.
- Viens. » Dit-elle au bout d’un léger silence.
Iris fut surprise lorsqu’elle l’entendit parler avec une voix d’enfant. Elle n’avait pas remarqué, lorsqu’elle l’avait vue la première fois endormie dans le caisson, qu’elle était aussi grande.
« - Je connais la sortie, continua la Fusionnée voyant que son interlocutrice ne répondait pas. Viens. »
Elle se tourna, mis sa queue de cheval par dessus son épaule et s’accroupit, lui faisant signe qu’elle pouvait monter sur son dos. Iris lui donna la main de Lilie, de peur que celle-ci ne s’enfuit vers la salle du réservoir, et chevaucha Pauline, s’accrochant fermement à la peau du cou. Sa fourrure était dense et douce, rappelant à la jeune fille la texture d’un coussin moelleux. Elle y posa son visage, se délectant du pelage délicat pour essayer de se calmer et de faire le vide dans sa tête.
Pauline prit Lilie sous son bras droit et se lança dans une course effrénée. Iris renforça ses appuis sur la Fusionnée renarde. Elle jeta un rapide coup d’oeil aux alentours, se demandant où pouvait bien être la sortie. Pauline bifurqua à gauche, dans un petit embranchement qu’Iris, dans la précipitation, n’avait pas remarqué. Elles arrivèrent devant une porte coupe-feu verrouillée. Pauline concentra dans sa main gauche une énergie violette sombre et striée de noir qui prit la forme d’une boule pleine et la lança dans la porte qui explosa au contact de la Ball’Ombre. Iris fut impressionnée par les capacités et la puissance de la Fusionnée.
Pauline monta quatre à quatre les marches de l’escalier de secours en colimaçon. Après une course qui lui sembla interminable, Iris accueillit dans un grand soulagement l’air de la surface, où elle put enfin vider ses poumons. La sortie donnait directement sur les quais privés de la Fondation.
Elle sauta du dos de Pauline qui déposa avec délicatesse Lilie sur le sol. Le comportement de celle-ci n’avait pas changé, elle resta assise sur ses genoux à murmurer, la tête baissée. Iris se plaça près d’elle afin de la surveiller, tout observant les alentours.
Elle ne savait pas où elle avait atterri par rapport au quai de débarquement et donc, où pouvaient se trouver Tili et Gladio. L’endroit était étrangement silencieux.
« - Tu cherches quelqu’un? Demanda simplement Pauline tout en se léchant une patte.
- Oui euh… Un garçon de mon âge à la peau basanée et un autre blond, un peu plus âgé qui ressemble à Lilie, répondit Iris.
- Je peux aller les chercher. Nous devons partir d’ici. »
Avant même qu’Iris n’ait pu répondre, Pauline s’était lancée à leur recherche et disparut à travers les docks. Ahurie, Iris resta un moment debout immobile, puis se résigna à l’attendre. Malgré l’urgence de la situation, elle ne pouvait partir sans ses deux amis.
Totalement vidée physiquement et psychologiquement, elle s’assit par terre, aux côtés de Lilie. Elle sentit le sol vibrer légèrement, le réservoir au sous-sol devait commencer à saturer. L’image de la détresse et la folie de Sacha lui revint à l’esprit mais elle la chassa rapidement, ne pouvant supporter davantage cette situation.
Elle observa l’océan dont les vagues paraissaient légèrement plus agitées que d’habitude, se demandant si l’environnement réagissait déjà à l’écho du PokéFlow. Elle se remémora sa chute dans l’océan de Mele-Mele et l’attaque Aromathérapie qui l’avait sauvée. Tili et Gladio lui avaient assuré que ce n’était pas de leur fait, aucun de leurs Pokémon ne connaissant cette capacité. Elle était certaine que ce n’était pas le Capitaine Vinoth non plus.
« - Lilie, je ne t’ai pas remercié de m’avoir sauvé à Lili’i, dit Iris. Sans toi, qui sait ce qui aurait pu m’arriver durant cette chute… »
Son amie ne répondit pas. Elle lui jeta un coup d’oeil et remarqua qu’elle avait arrêter de murmurer. Est-ce qu’une partie d’elle, même infime, l’écoutait? Elle décida de continuer sur cette voie et de lui parler, espérant la faire réagir d’une quelconque manière.
« - C’était une belle attaque Aromathérapie. Quel Pokémon l’a lancé? Etait-ce une Chimère?
- Tais-toi ! »
Le claquement de la main de Lilie sur la joue droite d’Iris résonna à travers tout le quai. Iris resta un moment immobile, les yeux agrandis par la stupéfaction et la surprise du geste qu’elle n’avait pas vu venir.
« - J’aurais dû te laisser mourir ce jour-là ! S’écria Lilie d’une voix aigue, les yeux remplis de larmes. Si j’avais su que tu ne me soutiendrai pas, je t’aurais laissée mourir, tu m’entends? »
Se tenant la joue de la main droite, Iris ne répondit pas tout de suite, choquée par la véhémence des propos de la jeune fille.
« - Lilie, se plaignit-t-elle une fois qu’elle eut retrouvé l’usage de la parole, j’ai toujours voulu te soutenir ! Je suis venue à Alola car j’étais inquiète pour toi, j’étais inquiète pour mon amie, je ne voulais pas te laisser embarquer dans quelque chose de trop dangereux ! Je voulais te sauver Lilie, c’est tout ce que je voulais faire !
- Tu n’as même pas essayé de me comprendre Iris, je l’ai vu ! »
Telle une furie, Lilie se jeta sur Iris, qui tomba sur le dos. Elle la chevaucha et aveuglée par la colère, elle lui donna une deuxième gifle avant de la secouer par les épaules. Ses larmes tombaient sur le visage gonflée d’Iris, qui n’osa pas riposter.
« - Tu m’as rejetée ! Cria Lilie, hystérique. Tu as directement tout rejeté, ma propre personne et mon projet et tu as préféré t’allier à ces imposteurs que sont Tili et Gladio ! Tu m’as trahi en te rangeant du côté de ces escrocs !
- Qu’est-ce que tu veux dire par là? Souffla Iris, paralysée par l’appréhension. Ce n’est pas la première fois que tu fais allusion à ça… »
Lilie secoua la tête et émit un rire sans joie mais tonitruant.
« - Que tu es naïve ! Tout ce qu’ils voulaient, c’était ma déchéance ! Me voir pointée du doigt par le monde entier, me voir être trainée dans la boue par le monde entier, me voir être accusée d’être une meurtrière par le monde entier ! Voilà leurs plans ! Et ils se sont servis de toi pour pouvoir le mettre à exécution ! Pourquoi crois-tu que je les ai bannis de la Fondation? Pour les empêcher de s’approcher du réservoir de PokéFlow, qu’ils prévoyaient de faire sauter alors qu’ils en connaissaient les conséquences !
- Tu n’es pas sérieuse… Ce n’est pas vrai !
- Bien sûr que c’est vrai ! Lui hurla-t-elle au visage. Sacrifier des millions de vies uniquement pour se venger d’avoir envoyé sa petite amie dans le coma ! Sacrifier des millions de vies uniquement pour une histoire de famille ! Sacrifier des millions de vies uniquement pour leur vengeance personnelle ! Voilà le genre de personne avec qui tu t’es alliée ! C’est la réalité Iris, ouvre les yeux ! »
Iris fut incapable de parler. Elle avait l’impression que son cerveau bouillonnait et allait déborder d’un trop plein d’informations incroyable et d’émotions négatives. Elle sentait que son cœur, constamment sous pression depuis d’une semaine, allait exploser et sortir de sa poitrine.
« - Valhanya était ma meilleure amie sur Alola ! Continua Lilie en sanglotant. C’était un accident ce qui lui est arrivée, personne ne croyait que j’étais affectée par ce qui s’était passée ! Personne ! Tout le monde m’a rejetée, même mon propre frère, jaloux de mes succès, de mes ambitions, de ma relation avec Vinoth! Alors… »
Elle renifla bruyamment, de la morve coulant avec abondance de son nez.
« - Alors, j’ai décidé de les provoquer et de me venger aussi ! J’ai guéri Valhanya à ma propre manière, l’ai ralliée à mes côtés et je les ai fait venir ici pour qu’ils comprennent la douleur que j’ai ressenti lorsqu’ils m’ont tourné le dos ! »
Elle s’essuya grossièrement les yeux avant de les planter dans ceux d’Iris. Celle-ci pu y lire un énorme désespoir mélangé à une souffrance restée trop longtemps enterrée au plus profond d’elle-même.
« - Tu étais mon dernier espoir ! Je pensais qu’enfin, j’allais avoir une amie qui me soutiendrait, une amie sur qui je pourrais me reposer, une amie à qui je pourrais me confier! Mais tu n’as rien fait de tout ça ! Tu as été comme les autres, tu m’as rejetée ! Moi tout ce que je voulais… Tout ce que je voulais c’était… »
Un son guttural sortit de la bouche de Lilie, qui stoppa brusquement sa tirade. Son visage se figea dans une expression horrifiée, inhumaine. Un filet de sang coula à la commissure de ses lèvres. Iris remarqua que quelque chose sortait de sa poitrine. Une sorte de pieu en fer, dont le bout très aiguisé s’était arrêté à quelques centimètre de sa propre poitrine.
« - Qu’est-ce que… »
La barre bougea et se retira lentement du corps de Lilie dans un horrible bruit de succion. Sa robe blanche immaculée absorbait progressivement une flaque de sang rosée, dont de petites gouttes perlaient à un rythme régulier sur les vêtements d’Iris. Lilie s’effondra mollement sur son amie, qui sentait dans son cou sa respiration devenue faible.
« - Je voulais… Rendre fière mère… »
Le souffle de Lilie disparut. Iris ne réalisa pas la situation. Elle bascula le corps lourd de la jeune fille sur le côté qui tomba par terre, sur le dos. Ses yeux ne purent quitter la mare sanguinolente qui tâchait sa robe. Elle l’appela par son nom, lui secoua les épaules, lui fit un massage cardiaque qui lui souilla les mains. Lilie restait immobile, ses yeux mi-clos et la bouche légèrement entre ouverte, telle une poupée de porcelaine.
« - Tu peux arrêter, Iris. »
Ce n’était qu’à cet instant qu’elle le remarqua. Gladio, assis par terre, tenant dans sa main droite l’arme du crime.
« - Gladio… balbutia Iris, la gorge sèche. Gladio, c’est… Ta propre sœur…
- Cette personne n’était… N’était pas ma soeur, répondit-il dans un souffle. Je t’ai dit qu’il fallait être prêt à… tous les moyens… »
Son visage était déformé par la souffrance. Il jeta la barre qui tomba dans un grand bruit métallique sur le sol un peu plus loin, s’allongea sur le côté et ramena ses jambes vers lui, se tenant le ventre de ses deux mains.
« - Elle avait raison… murmura-t-il, faible. Nous t’avons… Menti… Pardonne nous… Iris, pardonne… »
Il s’arrêta de parler et ferma les yeux, le corps figé en position fœtale. Iris se rua vers lui à quatre pattes et entreprit de le réanimer avec un massage et en essayant de lui donner le peu d’air qu’il semblait lui rester. Elle remarqua une blessure béante et profonde au niveau de son abdomen; il avait perdu beaucoup de sang.
Iris tremblait de tout son corps, se tenant si fort la poitrine que le tissu de son vêtement craqua et se déchira, laissant apparaitre un pan de sa peau nue. Elle haleta la bouche grande ouverte. L’air autour d’elle était étouffant et ne remplissait pas correctement ses poumons, ce qui ne l’aidait pas à retrouver un rythme de respiration régulier.
Pauline arriva en silence, regardant les corps inertes qui entouraient une Iris pétrifiée par le choc émotionnel. Elle portait dans ses puissants bras Tili, dont le corps ensanglanté présentait des ecchymoses et de multiples griffures profondes. Elle le déposa avec douceur par terre, aux côtés de Gladio. Iris lui jeta un regard rempli de terreur.
« - Il est mort. » Dit simplement Pauline.
Iris explosa. Ses cordes vocales produisirent un cri inhumain qui éclata dans le ciel nocturne et silencieux d’Alola, un cri révélant tout son chagrin et sa tourmente. Une rivière de larmes incontrôlable coula de ses yeux. Elle se roula par terre, tapant le sol de ses poings, ignorant les blessures que le goudron et le ciment étaient en train d’infliger à ses mains souillés du sang de ses amis. Un cliquetis aigu et métallique se faisait entendre à chaque fois qu’elle martelait le sol. Elle réalisa que ce son était produit par le Bracelet Z accroché à son poignet, qui arborait fièrement la Dracozélite. La vue du bijou la frustra davantage. Elle n’avait même pas pu utiliser son pouvoir pour sauver qui que ce soit. Il avait été inutile. Tout comme elle.
Elle perdit non seulement la notion du temps et de son environnement mais également la notion d’elle-même. Criait-elle encore? Pleurait-elle encore? Avait-elle mal? Toutes ces questions étaient à présent futiles. Son coeur était déchiré, son esprit fut confiné dans le néant le plus total.
Ainsi, elle ne sentit pas le tremblement de terre naissant qui agita furieusement la mer.
Elle n’entendit pas qu’on essayait de l’appeler et de la ramener à la réalité.
Elle ne réalisa pas que quelqu’un la soulevait afin de la positionner sur le ventre à travers une selle. Elle ne sentit pas la chaleur de la main qui essayait de la maintenir stable sur la monture.
Elle n’entendit pas le furieux grondement du PokéFlow qui jaillissait de son réservoir et se déversait progressivement dans le ciel.
Elle ne vit pas la fabuleuse lumière aveuglante aux sept couleur de l’arc-en-ciel que ce phénomène produisit lorsqu’il entra en contact avec l’atmosphère.
Elle ne réalisa pas la catastrophe naturelle qui était en train de s’abattre sur le monde.
La seule chose présente dans son esprit fut la Dracozélite, symbole de sa lâcheté, sa fuite et son échec. Symbole de ses amis qui eux, avaient eu le courage de se battre et de mourir pour leurs croyances respectives, malgré les dissensions que cela avaient pu engendrer.
Symbole de sa propre insignifiance dans ces évènements.
FIN