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Empreinte émotionnelle de Vocalume



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Informations

» Auteur : Vocalume - Voir le profil
» Créé le 31/10/2017 à 18:23
» Dernière mise à jour le 06/11/2017 à 19:40

» Mots-clés :   Action   Alola   Présence de personnages du jeu vidéo   Suspense

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Chapitre V : Émergence
Images brumeuses. Elles se fondent les unes avec les autres, s’enchaînent, sans logique apparente. Il y a Gribouille qui dort sur la table, paisible, et les flocons de neige tombent sur son corps menu, le recouvrent… La voix de Sun, en fond. Elle répète en boucle les mêmes phrases « Tu aurais dû m’écouter. Tu aurais dû prendre des précautions. » Puis un Zéroïd est là, devant ses yeux, qui porte un imperméable brun clair. « Tu aurais dû m’écouter. » L’Ultra-Chimère devient de plus en plus floue, estompée, et elle finit par s’effacer complètement. La Combinaison Booster apparaît. Dès qu’elle veut en approcher la main, le costume explose en un fracas assourdissant. La voix de Sun se tait, remplacée par une autre. « Millie, rappelle-toi. » Un Cradopaud, juste devant elle. Il tient une clé entre ses pattes. Elle essaye de s’approcher, il s’éloigne. Elle court de plus en plus vite, lui marche à la même allure, et pourtant impossible de le rattraper ! Il avance, il avance, elle veut lui crier de revenir, Mais il s’éloigne avec la clé… Devant lui, une Ultra-Brèche. Un dernier regard et il s’engouffre dans le tunnel lumineux, disparaissant à jamais avec la clé. « Non ! »

Millie se redresse en sursaut, un cri mourant encore sur les lèvres. Ce n’était qu’un rêve. Au lieu d’être soulagée, elle panique en se découvrant dans un endroit inconnu, tourne la tête de tous les côtés à la recherche d’indices. Elle est dans un lit. Autour d’elle, des murs beiges, une moquette bleu pastel au sol, et derrière une grande fenêtre qui laisse passer en abondance la lumière du jour. Un peu plus loin, une table qui accueille un sac de ces douceurs aloliennes, les « malasadas », et contre le mur une commode sur laquelle repose une télévision éteinte. De sa position, une partie de la pièce lui est invisible.

À sa droite, elle aperçoit une femme d’apparence plutôt jeune, assise sur une chaise à son chevet, qui l’observe. Ses longs cheveux parme tombent en queue de cheval derrière son dos, coupe fantaisiste qui contraste avec son strict costume-cravate noir. Sur son visage, une expression rassurante qui incite à l’apaisement.

— Du calme, lui dit-elle d’un ton doux. Tout va bien, tu es en sécurité maintenant.
— Qui êtes-vous ? demande la jeune fille, encore méfiante. Où sommes-nous ?
— Je m’appelle Cathy, je suis la chef du P.L.O.U.C. et nous nous trouvons dans un motel de la route 8, à Akala.

Alors qu’elle s’apprête à répondre, un éclair gris passe devant ses yeux, et elle tend les bras au dernier moment pour attraper la boule de poils qui lui saute dessus.

— Gribouille !

Millie sourit lorsque le félin se serre contre elle en ronronnant. Elle caresse les poils ébouriffés du haut de son crâne, envahie par un soulagement immense de voir son ami sain et sauf.

— Ton Psystigri est resté caché dans un coin depuis qu’il est ici, je crois qu’il ne m’aime pas trop ! Enfin, tu peux le remercier, c’est grâce à lui que tu es encore vivante.

L’adolescente se rembrunit en se remémorant les évènements. Le Paradis Æther, l’Ultra-Dimension, Zéroïd qui la manipulait et… Monsieur Beladonis !

— Qu… Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Beaucoup de choses, soupire Cathy. On avait presque fini d’élaborer un plan pour stopper la Fondation Æther, quand Sun est arrivé en catastrophe. Ses explications étaient confuses, mais on a finalement réussi à comprendre qu’un Psystigri l’avait contacté par télépathie, et que « la fille avec une combinaison » dont il nous avait parlé avait été kidnappée. Mon collègue, Beladonis, s’est précipité dehors. J’ai voulu le dissuader d’y aller, mais même si je suis sa supérieure, il n’a rien voulu entendre… Tout juste si j’ai pu le contraindre à accepter ma présence et le convaincre de prendre avec lui des hommes et un bateau ! Je ne l’avais jamais vu aussi stressé, et pourtant il ne brille pas par son calme en temps normal…
» Arrivé sur les lieux, il a presque agressé un employé innocent en lui demandant ce qu’ils avaient fait de toi. On a finalement trouvé leur laboratoire… c’était un carnage. Tous ces gens et ses Pokémon qui gisaient, ces appareils cassés… J’ai cru que Beladonis était devenu fou quand il ne t’a pas vue dans la pièce, il avait perdu tout self-control, il a hurlé sur Saubohne pour savoir où tu étais… En apprenant que tu avais été aspirée dans l’Ultra-Dimension, et que le portail s’était refermé derrière toi, il l’a forcé à ouvrir une autre Ultra-Brèche. C’est presque un miracle que Saubohne ait réussi, vu l’état de ses appareils… Quand enfin le couloir vers l’autre dimension a été ouvert, j’ai voulu y aller avec lui. C’était de la folie, son entreprise ! Il n’a même pas de Pokémon, et il voulait s’exposer à des Ultra-Chimères ? Mais il a refusé catégoriquement toute aide, et il y est allé seul.
» Ce qui s’est passé à l’intérieur, tu le sais sûrement mieux que moi. Moi, je suis restée devant la Brèche, j’ai ordonné qu’on passe les menottes à toutes les personnes sur les lieux – même Saubohne n’a pas résisté, il n’était vraiment pas bien depuis que Beladonis l’avait interrogé –, et j’ai dit « si dans vingt minutes il n’est pas sorti, on intervient. » Les vingt minutes sont passées. J’ai laissé traîner, à chaque minute je me disais qu’il sortirait à la suivante… Au bout d’une demi-heure, je ne pouvais toujours pas m’y résoudre. Ça aurait été admettre à moitié qu’il était…
» Finalement, j’ai vu sa silhouette se dessiner dans le tunnel. Il en est sorti ; il saignait abondamment, et il te portait, évanouie. Il n’a pu faire que quelques pas avant de perdre connaissance.

Millie a blêmi tout au long du récit. Aux derniers mots de Cathy, elle semble sur le point de défaillir.

— C’est horrible ! Monsieur Beladonis…
— Il a été transféré à l’hôpital. Ses blessures sont importantes, mais ils disent qu’il est hors de danger.

L’adolescente soupire ; son soulagement est palpable.

— Tu le connais, hein ? J’en étais sûre. Il a réagi bizarrement lorsque Sun est venu nous annoncer que Saubohne voulait se servir d’une fille avec une combinaison pour contrôler des Ultra-Chimères, et il est juste devenu fou quand il a su que tu avais été capturée…
— Oui, je… je l’ai connu, souffle-t-elle, tout bas.

Cathy reste silencieuse, pour lui laisser le temps d’organiser les sentiments qui se mêlent dans son esprit, de trouver les mots justes pour exprimer ses émotions.

— Cet homme… Il m’a tout appris. Je n’avais rien, je ne savais rien, et lui il m’a recueilli. Il m’a offert un logement, une éducation, un but dans la vie. Il m’a offert plus que ça : le sentiment d’être à ma place. Et puis, il est parti… C’est ironique, non ? En tant que détective privée, je cherche les indices laissés par les gens. Les empreintes… Et Monsieur Beladonis, il a laissé en moi une… une empreinte émotionnelle, si forte qu’elle est restée gravée dans mon cœur, elle ne s’est pas estompée. J’ai voulu tenir bon. Faire de mon mieux pour être digne de lui. Mais tout ce que j’ai fait, au final, c’était juste pour oublier qu’il n’était plus là. Plus j’essayais d’avancer, plus son absence me rattrapait. C’était horrible…

Son regard s’égare vers le plafond, et un sourire mélancolique vient se peindre sur son visage. Elle caresse machinalement le Psystigri à côté d’elle.

— Mais maintenant, avec toute cette affaire… Je crois que je suis enfin prête à me libérer de tout ça. Pas à renier le passé, mais à l’accepter. J’ai trop souffert de ces nuits passées à ruminer, à me renvoyer mon incompétence en pleine figure, à me dire que je ne mériterais jamais de l’avoir connu… Que tout ce que je faisais ne servait à rien… C’est fini, ça. Tant pis si je ne revois jamais Beladonis. Tant pis si je dois apprendre à me construire seule ! Et puis, c’est faux, je ne suis pas seule. J’ai Gribouille. J’ai mes anciens amis, s’ils veulent encore de moi même si je les ai abandonnés… Je compte bien avancer !

Cathy observe, avec un sourire attendri, cette fille en train de grandir, de devenir une adulte…

— Tu sais quoi ? Beladonis est un idiot. Je ne sais pas quelles sont les circonstances, pour qu’il soit parti sans te donner de nouvelles, mais rien ne justifie d’abandonner une personne aussi belle que toi.

Millie rougit, gênée, cherche quelque chose à répondre… Trois coups contre la porte lui offrent une diversion bienvenue.

— Entrez, c’est ouvert ! indique la chef du P.L.O.U.C.

La porte s’ouvre, et une jeune femme aux cheveux noirs pénètre dans la pièce.

— Luana !

La jeune fille tente de se lever, mais des courbatures se déclarent dans tout son corps, la forçant à rester assise dans le lit. Qu’est-ce que l’employée de la Fondation fait là ? Celle-ci se fige en voyant Millie, et fait même un pas en arrière.

— Ah, Luana ! l’appela Cathy, sans remarquer ou sans tenir compte de leur trouble. Entre, tu es en avance de trois minutes.
— Je… je savais pas qu’elle serait réveillée, bredouille-t-elle.
— Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer ?

Luana s’empourpre ; elle semble vouloir disparaître. C’est donc la policière qui répond :

— Cette jeune femme a fait preuve d’un très grand courage. Alors qu’on était en train de gérer les problèmes administratifs liés à cette… opération pas vraiment autorisée au Paradis Æther, elle est venue me voir d’elle-même. Elle m’a raconté son histoire…
— Millie la connaît déjà.

Elle ose enfin regarder la détective en face, pour lui raconter la suite des évènements :

— J’ai beaucoup hésité, mais cette fois ils sont allés trop loin. Je pouvais pas continuer à accepter ça. Et puis, il y a d’autres personnes dans mon cas qui travaillent pour la Fondation. Alors j’ai été voir Mademoiselle Cathy, et je lui ai dit que je lui donnerais les noms des employés réellement impliqués dans les affaires louches de Saubohne, qui ne l’ont pas aidé par obligation. Les voilà.

Elle s’approche de l’agente costumée aux cheveux clairs et lui tend une feuille de papier pliée en quatre. Puis elle baisse à nouveau les yeux, se met à danser nerveusement sur ses pieds.

— Maintenant, j’ai plus d’emploi… Je sais pas comment je vais faire. Même si Mademoiselle Cathy m’a promis un dédommagement, ça suffira pas pour une vie, et je vais avoir du mal à trouver un travail, sans diplôme…

Une idée travers l’esprit de Millie. Elle repense à cette main, que lui ont tendue aussi bien Beladonis que Xanthin, quand elle était dans le besoin. Elle reconnaît ce moment, ce moment qui ne vient parfois qu’une fois dans une vie, où on a l’occasion, enfin, d’aider la personne qui n’a pas eu notre chance. L’occasion de rendre ce qui lui a été donné, en tendant à son tour la même main… Elle se lève finalement, et s’approche de la jeune femme.

— Luana, si tu veux… J’ai un appartement à Illumis. C’est un peu petit pour trois, mais en se serrant et en aménageant… Je vis bien, je pourrai t’aider à financer tes études, pour que tu puisses ensuite trouver un travail.
— Quoi ? Je… je peux pas accepter une telle proposition ! Je vais t’être endettée à vie…
— Mais non. Si tu préfères, dis-toi que c’est en remerciement pour m’avoir écouté quand je t’ai dit que tu avais le choix, et pour avoir eu le courage de te libérer de la Fondation. Peu de gens en auraient été capables…
— Tu… tu ferais vraiment ça ?
— Bien sûr, soupire Millie, puisque je te le dis !

Un sourire réservé éclaire le visage de la timide jeune femme. Plus personne dans la pièce ne sait quoi dire, et un silence un peu gênant s’installe. Finalement, c’est la sonnerie du téléphone de Cathy qui le brise. Elle décroche.

— Allô ?... Beladonis ?... Quoi ?! Espèce d’abruti !... Bien sûr que si, je m’inquiète, tu as failli mourir la nuit dernière et là tu m’annonces tranquillement que tu es sorti de l’hôpital !... Non, tu n’as pas besoin d’être actif, tu as besoin d’être soigné ! Et pas seulement sur le plan physique… Comment ça, « je te rejoins » ? Mais quel idiot !... (Un silence plus long que les précédents.) …Hein ? Oui, la petite Millie est déjà partie, tu peux venir…

Elle raccroche, l’air passablement remonté.

— Mais quel imbécile, soupire-t-elle. Il est beaucoup trop insouciant, il s’inquiète pour les autres et pas pour lui…

Puis elle se tourne vers Millie, stupéfaite par le mensonge qu’elle a entendu, et murmure à son oreille :

— Moi, je n’ai pas la chance d’avoir un passé. Alors, la moindre des choses que je puisse faire, c’est t’aider à être en paix avec le tien… Beladonis arrive dans une minute, et il ne sait pas que tu es là.

La jeune fille lui lance un regard indescriptible, à mi-chemin entre l’incompréhension et le remerciement, incapable d’exprimer toute l’étendue sa gratitude envers elle. Cathy lui rend un sourire heureux ; elle comprend.

Mettant fin à cet instant de complicité, la porte s’ouvre à la volée, et une voix s’en élève :

— Salut, Cathy-chef, alors, quoi de n… ?
— Monsieur Beladonis !


Musique d’ambiance conseillée

En un instant, Millie a bondi vers lui et l’a pris dans ses bras. L’arrivant grimace, le contact lui rappelant douloureusement ses blessures récentes. Il l’a reconnue immédiatement, n’a pas encore réalisé ce qui lui arrive. Regard d’incompréhension vers Cathy, qui lève les yeux au ciel.

— Tu es un imbécile doublé d’un nul en relations sociales. Tu n’aurais jamais voulu la revoir, sinon.

Enfin, il se soustrait à l’étreinte de la jeune fille et l’observe, incrédule.

— Millie ? Bon sang, Millie…
— Monsieur Beladonis… Tu m’as tellement manquée !

Des larmes lui montent aux yeux, qu’elle ne tente pas de refouler. En même temps, un grand sourire éclaire son visage. Drôle de mélange, et pourtant si représentatif de son état d’esprit actuel… L’enquêteur hésite. Cathy a raison sur lui, au fond, il n’a jamais bien su réagir aux émotions des autres.

— Euh, alors, euh…

Gribouille, toujours là au bon moment, s’approche de Beladonis, d’abord d’un air méfiant… Pour finir par se frotter contre ses jambes en ronronnant. Millie éclate de rire. En silence, Cathy fait signe à Luana, et les deux jeunes femmes s’éclipsent pour les laisser à leurs retrouvailles.

— Si tu savais comme je suis contente de te retrouver !
— Tu… ne m’en veux pas ? s’étonne Beladonis. D’être parti sans te donner de nouvelles… ?

La détective le regarde avec un air sérieux qui n’est plus celui d’une enfant.

— Je ne m’en suis jamais voulu qu’à moi.
— Je suis tellement désolé… Ma petite Millie, si tu savais…
— Je sais, souffle-t-elle. Je sais.

Il lui demande ce qu’elle devient. Elle raconte l’agence, les affaires, son travail… Elle tait les doutes auxquels elle a fait face, parce que son ami s’en veut déjà, et aussi parce qu’une voix empreinte de certitude murmure en elle que c’est fini, tout ça.

Lui, il relate certaines des enquêtes qu’il a menées, avec force détails. Il la fait sourire, avec sa façon de parler… Elle apprend qu’il faisait déjà partie du P.L.O.U.C. pendant les évènements d’Illumis. Il était venu pour découvrir la source de cette présence inexpliquée d’énergie chimérique dans la capitale, en fait due aux recherches de Xanthin.

— À propos de Xanthin, demande à un moment Millie. Tu pourrais me dire où il est incarcéré ? J’aimerais le revoir aussi…
— Je peux faire mieux que ça. J’ai été lui rendre visite récemment. Il sera libéré dans deux mois pour bonne conduite. Il m’a demandé si tu étais toujours à Illumis : il compte venir te voir.

La détective esquisse un sourire incrédule. Heureuse comme elle ne l’a pas été depuis longtemps, elle se jette à nouveau dans les bras du policier, qui la laisse faire malgré ses blessures. Ça lui apprendra, à sortir trop tôt de l'hôpital...

— Tu sais, Millie, lui dit-il un peu plus tard, quand je suis parti… tu voulais me suivre dans la police. Tu n’étais qu’une enfant, mais maintenant… Je crois qu’avec cette affaire, tu as démontré que tu avais plus de qualités qu’il n’en faut pour l’emploi. Que dirais-tu d’intégrer les FPI ?
— Je suis très honorée de ta proposition, répond Millie sans même s’accorder une seconde de réflexion. Jusqu'à récemment, j’aurais sûrement accepté, juste pour être avec toi. Mais j’ai mûri. J’aime mon travail, et pour rien au monde je ne voudrais en changer.

Beladonis lui lance un regard, légèrement déçu tout de même. Sa protégée lui sourit.

— On pourra quand même se voir de temps en temps, hein ?

Mince alors, c’est qu’il en serait presque ému aux larmes. Il n’avait pas réalisé, jusque-là, à quel point elle lui avait manqué…

— Bien sûr, ma petite Millie, bien sûr… Tout ce que tu voudras.

Ils discutent encore pendant plusieurs longues heures. Ils comblent un peu le vide que chacun a laissé chez l’autre à leur séparation. Pour le reste… le temps s’en chargera. Finalement, alors que la nuit est déjà bien entamée, Millie se décide à partir, sereine. Elle va retourner à Illumis, continuer les enquêtes… Elle a foi en l’avenir.

Tout va bien se passer.