Lettre 8 : L’avenir Rouge nous attend
Mon cher Silver,
Voici mon ultime et dernière lettre. Dernière transmission avant nos grandes retrouvailles. Je te livrerai ici même les ultimes péripéties de mon voyage en Alola, en espérant qu’il t’aidera à mieux comprendre ce que je suis maintenant devenu. Comme je te l’ai témoigné à plusieurs reprises dans mes précédents écrits, tu es une fierté permanente pour moi. Il est maintenant temps que la réciproque devienne vraie, et que je devienne également une fierté pour toi.
Le nord-ouest d’Ula-Ula. Lieu de villégiature de la Team Skull. C’est ici que j’allais trouver la ville abandonnée de Kokohio, dont s’était accaparé mes ennemis tout désignés. Parfois, on a l’impression que tout désigne un lieu comme l’ultime pourriture de la planète. Et bien cet endroit en était certainement un. Ironie profonde ou obscure manipulation, le temps était particulièrement maussade au-dessus de la ville. Des nuages sombres qui semblaient ne pas vouloir quitter l’endroit faisaient tomber une pluie diluvienne sans discontinuer, chose d’autant plus étonnante que je n’avais quasiment jamais vu le moindre nuage ailleurs sur l’archipel.
La ville de Kokohio en elle-même, je ne pouvais l’admirer. Elle était cernée par de grands et imposants remparts qui ne semblaient ne vouloir dire qu’une seule chose : « Foutez le camp, qui que vous soyez ». Je passai une main dans ma barbe tout en observant la structure, me préparant mentalement à faire une entrée remarqué dedans. Mes chers Pokémon n’étaient désormais plus très loin de moi, et plus rien ne nous séparerait. Mais je devais me préparer. Repérant une petite maison aux abords des murs, j’entrepris de m’y reposer quelques instants avec Pandespiègle pour bien faire le point.
Coup de chance ou signe du destin, la maison était ouverte et abandonnée. Personne ne vivait dedans. Au moins j’y serai tranquille et à l’abri du mauvais temps. Je fis sortir Pandespiègle de son Hyper Ball et lui lança une des malasada que m’avait payé Danh afin qu’il se restaure.
Pendant qu’il dévorait l’aliment, j’observai ma demeure de fortune. Ce n’était en fait pas une maison, on aurait plutôt dit un commissariat. Dernier vestige de l’ordre qui devait avoir jadis existé dans cet endroit. Quelle ironie profonde, moi, je m’abritai dans un bâtiment des forces de l’ordre. Ces dernières, à Alola, semblaient particulièrement inefficaces pour avoir laissé une Team aussi ridicule que les Skull éclore et perdurer. Si j’avais opéré aussi au lieu de Kanto, je n’aurai probablement jamais été vaincu, c’était une certitude.
Voyant un miroir, je décidai de me regarder quelques instants dedans. Ma coiffure détrempée, ma barbe encore plus longue et mes vêtements ridicules commençaient sérieusement à me sortir par les yeux. Je ne ressemblai plus à celui que j’étais vraiment. Et s’il était plus que temps que je me reprenne en main ? Oui, après tout c’était pour ça que j’étais venu à Alola à la base. Pour le renouveau.
A ma propre surprise, je trouvai une trousse de toilettes abandonnée dans le commissariat. Sans doute que quelqu’un d’autre avait squatté l’endroit peu auparavant et était parti de manière précipitée. En fouillant dedans, j’y trouvai mon saint Graal. Oui, c’était décidé. R. allait laisser sa place à celui que j’étais vraiment. Brandissant fièrement le rasoir que j’avais trouvé, je retournai vers le miroir et commença à faire disparaitre cette barbe que je n’avais que trop vue de mon visage.
Il me fallut une bonne demi-heure pour venir à bout de cette encombrante barbe, mais j’avais enfin retrouvé mon visage lisse tel qu’il avait toujours été. Il manquait un second détail pour venir à bout de ma tête ratée. Un peigne. Et j’en avais aussi trouvé un. J’en fis usage pour bien me coiffer, ramenant et lissant mes cheveux vers l’arrière pour refaire ma coiffure originale, celle qui ne m’avait jamais fait défaut.
Puis, pour parfaire le processus, je retirai cette tenue provisoire de dresseur, et remis mon costume que j’avais conservé dans mon sac à dos. Je ne conservai que la ceinture de dresseur, pour raisons utilitaires. Et je m’y étais réhabitué maintenant. M’observant ainsi dans le miroir, je lâchai un sourire en coin de satisfaction face à mon allure et ma classe retrouvée. La Team Skull aurait le droit à une raclée en bonne et due forme. Même Pandespiègle vint m’admirer et fut visiblement satisfait de ma nouvelle apparence et de mon air déterminé, partageant avec moi ce sourire en coin, tout en mâchonnant sa brindille. Je le gratifiai d’une caresse sur la tête, machinalement, puis enfila le bracelet Z à mon poignet droit, faisant fi de la douleur dans ma main. Elle n’avait plus aucune importance désormais. Nous étions prêts.
Je rappelai Pandespiègle dans son Hyper Ball, l’accrochant à ma ceinture. Je regardai mon sac, hésitant, puis me décida à l’abandonner sur place. Je n’en aurai plus besoin. Ce petit retour aux sources fut des plus bénéfiques, mais il était grand temps de revenir aux choses sérieuses. Je m’emparai d’un vieux parapluie trainant dans le commissariat, puis sorti prestement pour aller défier la Team Skull.
Marchant d’un pas décida vers l’entrée, nous protégeant moi et mon costume avec le parapluie, je sentis comme une présence à ma ceinture. C’était curieux, mais en cet instant solennel et important, bien qu’il ne fût pas dehors, je ressentais la présence de Pandespiègle à mes côtés, sa détermination. Une chose que je n’avais plus ressentie depuis longtemps avec mes compagnons, dans leur mallette. Et ça avait quelque chose de rassurant et de très satisfaisant.
A l’entrée de la ville, un membre quelconque de la Team Skull montait la garde. Parfait, il allait m’aider à faire une entrée remarquée. Je vins me positionner devant lui, le gratifiant d’un regard intimidant et d’un sourire de prédateur qui eut l’effet escompté sur lui. Bien qu’il ignorait qui j’étais, il paraissait déjà intimidé juste par ma présence.
- Euh…oush oush, t’es qui m’sieur ? Tu veux quoi ? baragouina-t-il dans son incompréhensible langage.
- Va dire à tes Maitres que R. vient récupérer ses Pokémon. Et dépêche-toi avant que je n’aille le faire moi-même, dis-je d’un ton sec et autoritaire.
Je le vis frissonner et prendre peur. Il ne se fit pas prier et entra à l’intérieur de la ville sans m’attendre, détalant presque. Il m’avait obéi, je sentais cette confiance revenir en moi. Mon aura et mon charisme de meneur d’hommes étaient toujours là. Et ils fonctionnaient. Me faire obéir ainsi sans même avoir à se battre avait eu quelque chose de grisant.
Toutefois, j’avais dis R. encore une fois, machinalement. Peut-être que je n’étais pas encore prêt à totalement non plus assumer mon vrai nom. Je devais pourtant franchir ce cap. Pour retrouver qui j’étais, pour retrouver mes Pokémon, je devais assumer mon passé et renouer avec. Pris d’une hésitation, je pris mon Pokématos dans la poche intérieure de ma veste et envoyai un dernier message à mon contact, celui qu’il attendait depuis bien longtemps : « Il est l’heure, rejoins moi sur Alola au plus vite. »
Maintenant, il n’y avait plus de marche arrière. J’avais relancé la machine. Je devais y aller et vaincre pour faire revivre mes ambitions. Ou me confronter à un nouvel et sempiternel échec après Johto et Kanto. Mais il n’en était pas question, Alola ne serait pas le troisième. Ici et maintenant, je jurai que tout allait changer.
D’un pas décidé, je franchissais la porte en fer de la ville, pénétrant dans l’enceinte du repère de la Team Skull, prêt à en découdre avec eux et à tous les écraser avec mon seul et unique Pokémon.
Ce n’était en fait pas une ville. Ou alors c’était une ville à leur image. Une épave, une ruine. Dans l’atmosphère régnait un laisser-aller total et une franche allure de je-m’en-foutisme le plus total. Des voitures détruites, des maisons qui tombaient en morceaux, des tags partout en veux-tu en voilà. Comment pouvait-on faire une chose pareille, et laisser ses hommes et son organisation s’empâter dans un gourbi pareil ? Moi je n’aurai jamais laissé faire une telle chose.
Tout au fond se trouvait ce qui ressemblait à un vieux manoir à l’abandon. Sans doute l’ancien hôtel de ville. Je trouverai surement ce que je cherchais là bas. Je commençai à m’y diriger sans me faire interrompre. Pourtant je voyais bien des sbires sur les côtés, sur les toits des batiments, entrain de me regarder, mais ils n’osaient pas intervenir ou même m’approcher. Malgré leur couvre-chef et leur bandana, je voyais comme une forme d’appréhension dans leur regard. Ils avaient raison.
Alors que j’avais fais la moitié du chemin, je me fis alpaguer par une voix que je connaissais, et que j’espérais entendre de nouveau. Ce n’était ni plus ni moins que cette chère Sista, dont le maquillage bas de gamme était entrain de couler sous la pluie, renforçant son apparence de fille ridicule et malpropre.
- La leçon de la dernière fois t’a pas suffit ? T’en reveux plein la tronche ? me railla-t-elle.
- Rend moi mes Pokémon. Ceci est le premier et dernier avertissement, la prévins-je sans me laisser impressionner.
- T’a besoin d’un petit rappel d’où es ta place, on dirait. Faut pas se frotter à oim’ ! Tu crois que ton nouveau look changera quoi qu’ce soit à l’issue du combat ?
Elle appela son Malamandre, celui qui m’avait intoxiqué lors de notre dernière rencontre. Sans que je n’eus besoin de faire quoi que ce soit, Pandespiègle sorti de son Hyper Ball et vint se mettre entre mon adversaire et moi. Je souri pour le petit Pokémon qui était lui aussi pressé d’en découdre, tandis que des cris d’encouragements vinrent de toute la ville pour Sista.
- T’es genre sérieux là ? Tu veux me battre avec ce truc ? ricana-t-elle.
- Tu as laissé passer ta chance, gamine. Je vais te montrer le vrai écart qu’il y a entre toi et moi. Pandespiègle, utilises ton Poing Comète !
Malamandre était de type Poison, je l’avais bien compris. Utiliser les capacités de type Combat de Pandespiègle serait inutile. Il me faudrait ruser pour en venir à bout. Mais j’avais déjà mon idée en tête. Alors qu’il se ruait vers le Pokémon Reptile, ce dernier esquiva en utilisant son corps souple pour se mouvoir sur le côté. Comme je m’en doutais, il serait difficile de le toucher. Il avait l’air rapide.
- Malamande, enfume-le avec ton Gaz Toxik !
Ouvrant grand sa gueule vers Pandespiègle, il cracha son épaisse fumée mauve. Cette idiote de Sista me procurait l’ouverture que j’espérais bien plus vite que prévu. J’avais appris à Pandespiègle quoi faire dans cette situation, et j’espérais qu’il agirait en conséquence. Lorsque le nuage commença à se dissiper, je fus rassuré. Il avait bien commencé à creuser un trou et s’était échappé par là. Maintenant, il attendait mon signal pour surgir et frapper le Malamandre.
- Tu crois qu’un Tunnel et qu’une attaque Sol viendront à bout de oim’ ? Tu t’goures complètement le vieux. Malamandre, Lance-flamme !
Le Malamandre se pencha pour se mettre sur ses quatre pattes et enfonça sa gueule dans le trou de Pandespiègle, crachant un torrent de flammes dedans. Évidemment, c’était bien pensé. L’attaque irait droit sur mon Pokémon. Elle n’était pas si nulle que ça, cette Sista, et avait de bonnes réactions. Et je n’étais pas le seul à le voir. Les sbires qui nous observaient se mirent à faire de plus en plus de bruit pour encourager leur championne contre moi. Mais ce ne serait pas suffisant pour réussir à me vaincre.
-Maintenant Pandespiègle, jaillis et utilise ton Plaquage ! hurlai-je à son attention, satisfait de voir mon plan fonctionner.
Ce trou n’était qu’un leurre. En tant que professionnel des types Sol, je savais que Tunnel avait une grosse faille qui faisait d’un Pokémon une proie facile. J’avais donc appris à Pandespiègle à faire un trou pour tromper l’adversaire et partir se cacher ailleurs. Ce qu’il avait pu faire grâce à la couverture du Gaz Toxik. Il surgit de derrière une palissade, et retomba droit sur la tête du Malamandre qui la sortait à peine du trou. Il fut sonné sur le coup, et j’y reconnaissai les effets de la paralysie occasionnée par la capacité Plaquage.
- Malamandre, relève-toi bon sang, trépigna Sista.
- Tu apprendras qu’il y a certaines techniques que la force brute ne peut pas vaincre…mais bon parfois, elle résout quand même bien les problèmes. Pandespiègle, Projection en tornade !
- Ton attaque Combat ne servira à rien ! cria-t-elle.
Qu’elle croyait. Pandespiègle vint se saisir du reptile par sa longue queue, et commença à tourner sur lui-même, entrainant le Malamandre dans son élan, de plus en plus rapide. Ainsi, il donnait l’impression d’une tornade qui se formait peu à peu. Il avait beau être petit, il était suffisamment costaud pour soulever son adversaire, et la force centrifuge l’y aidait bien. C’était un moyen astucieux de combler sa petite taille. Mais il ne le relâchait pas encore, mon but n’était pour le coup pas de le renvoyer dans la Poké Ball de sa maitresse, les dégâts ne seraient que trop minimes et ne la décourageraient pas comme Chrys.
- Maintenant, éclate-le contre le mur.
Pandespiègle ne relâcha pas le Malamandre mais se déplaça vers la palissade, et ce qui devait arriver arriva. Entrainer par mon Pokémon, la tête du reptile s’éclata contre le muret dans un violent choc sonore. Et le silence fut soudain dans la ville, tandis que mon Pandespiègle semblait avoir un peu le tournis des suites de son attaque. Le Malamandre, lui gisait au sol, la tête posée sur le muret qui avait volé en éclat sous l’impact. Il ne répondait plus et ne donnait plus signe de vie. Sista ne savait plus comment réagir, regardant son Pokémon.
- Ma… Malamandre ! bégaya-t-elle, les larmes aux yeux.
- Les combats Pokémon ne sont pas un jeu, gamine. C’est un art. Un art que je suis le seul ici à maitriser. Alors, pousse-toi avant que je ne passe le reste de ton équipe à la moulinette, dis-je d’un ton menaçant.
Elle tomba à genoux devant son Pokémon essayant de le rappeler dans sa Poké Ball mais n’y parvenant pas. Plus jamais il ne rentrerait dedans. Et oui, les combats comportaient tous leurs lots de risques. Elle n’aurait plus qu’à en entrainer un nouveau. J’étais au fond un peu désolé car ne je comptai pas non plus à la base faire preuve d’une telle violence, mais il était nécessaire que je fasse comprendre à tout notre auditoire que je n’étais pas de leur calibre. Que j’étais bien au dessus d’eux dans la chaine alimentaire.
- Tu as des capacités petite. Ne te laisses pas abattre pour si peu, et sert toi de cet échec pour progresser, dis-je à l’adresse de Sista, en lui accordant un petit regard de compassion.
Voyant que personne ne venait vers moi, je rappelai Pandespiègle et repris ma route vers le manoir. Là-bas, un sbire rentra à l’intérieur tout paniqué en hurlant un nom que je ne parvins pas à comprendre. Alors que j’avançai, je pouvais désormais profiter du silence total qui régnait sur Kokohio. Plus personne ne disait rien, plus personne ne bougeait sauf moi. Je n’entendais que mes bruits de pas, qui se confondaient avec la pluie s’écrasant contre mon parapluie, et les sanglots de Sista. Ce qui m’alourdit un peu plus le cœur. A sa place, je n’aurai pas aimé voir mon Pokémon encaisser pareil coup. Je devais être moins violent dans mes prochains combats. Sitôt que j’aurai récupéré mes compagnons, je tâcherai de faire parvenir un nouveau Malamandre à Sista pour m’excuser de ça.
Car mon but premier n’était pas de faire souffrir les gens. Si j’avais fondé mon organisation, ce n’était pas pour ça. Bien au contraire. Je m’en souvenais parfaitement maintenant. Ce R devait être un symbole de ralliement pour tout ceux qui voulaient devenir fort, venant de tous horizons. Tout ceux qui en avaient assez d’être lâché à l’abandon par les professeurs Pokémon. Tout ceux qui voyaient plus en leurs Pokémon que des animaux de compagnie, qui voyaient leur potientiel. J’avais décidé de m’occuper d’eux, de devenir un phare, un guide. De mettre mon savoir à leur service, en échange de leurs capacités à mon service.
Nous avions ainsi établi une vraie relation de respect et de confiance mutuelle. Je tenais à mes hommes comme à la prunelle de mes yeux, et eux même m’adoraient. Ensemble, nous devions changer la face du monde, nous devions apporter notre vision. Mais je m’étais perdu en cours de route. Cette quête de rassemblement et de partage s’était muée en quête de puissance personnelle. Et c’est pour ça que j’avais autant perdu. Car j’avais fini par penser que j’étais le seul rouage indispensable du R, que tout ne tenait qu’à moi et rien qu’à moi. Mais j’avais eu tort. Nous étions un groupe, une famille. Nous étions tous indispensable, et le fait qu’ils avaient réussi à se réunir sans moi à Johto aurait du me mettre la puce à l’oreille sur leurs capacités.
On ne peut pas réussir seul. On a toujours besoin d’être entouré, et j’avais échoué à m’en souvenir, condamnant mon propre fils à croire qu’il valait mieux évoluer seul. Quelle erreur. Si tu savais comme je m’en voulais. Mais maintenant je sais que toi comme moi avons évolué sur ce point, nous avons tous les deux compris de nos erreurs et de notre passé difficile.
M’arrêtant devant le Manoir, je pris une grande inspiration. L’instant fatidique allait arriver. Le combat pour récupérer mes compagnons, et recommencer ma vie. Je sentais leur présence à l’intérieur, qu’ils étaient là. C’était plus qu’une certitude. Je vis alors les portes s’ouvrir, et un type que je n’avais jamais vu en sorti. Il portait des lunettes dorées et une grosse chaine en or reprenant le logo de la Team Skull. Avec un baggy noir, un t-shirt blanc et une veste noire, le tout faisant ressortir sa chevelure blanche. Il arborait un air sacrément insolent et sûr de lui qui me fit comprendre qu’il devait bien être le chef de la Team Skull.
- Place au boss que tout le monde déteste, celui qui adore éclater des têtes... Bling bling et sapes de marque, c'est Guzma qui débarque ! déclama-t-il comme un slogan.
- Alors c’est toi le chef de cette bande de pathétiques déchets ?
Il me jaugea du regard, sans se départir de son insolence chronique. Je fis de même, mais sans l’insolence. Ce que je tâchai d’inspirer, c’était la crainte et le respect. De par mon air, il devait comprendre que j’étais le patron. Je vis alors qu’il tenait à la main ma mallette. Il la jeta d’un air dédaigneux entre nous, comme par provocation. Comment osait-il lancer avec une telle négligence mes précieux compagnons ?
- C’est ça qu’tu veux ? T’a pas compris que c’était à Guzma on dirait mon pote.
- Ce sont mes Pokémon, et tu vas me les rendre. Que tu le veuilles ou non, prévins-je le bonhomme.
- Oush, mais il me menace les gars, non ? dit-il à l’adresse de ses sbires.
Il lui répondit en criant, retrouvant leur confiance perdue. Ils vinrent se rapprocher pour nous entourer, m’empêchant toute échappatoire. Nous y étions. Curieusement je ne voyais pas Sista dans les rangs, sans doute pleurait-elle son Malamandre encore.
Je commençai à m’approcher pour prendre ma mallette mais Guzma lança une Poké Ball dessus, libérant un Migalos qui se positionna sur mon bien, m’empêchant de l’atteindre. Aussitôt, Pandespiègle sortit à la rescousse, venant s’opposer au Pokémon de Guzma. Soit, il faudrait donc se battre. Mais devais-je privilégier d’écraser mon adversaire pour faire revenir vers moi ma mallette ? La seconde option, sans aucun doute. J’aurai besoin d’eux pour vaincre tous ces déchets autour de moi.
Son double-type Insecte et Poison ne me faciliterait pas la tâche, mais qu’importe, ça n’allait pas me stopper. Pas maintenant qu’ils étaient là, juste devant moi.
- Tu vois ma caisse là-bas ? L’aut’ jour, elle voulait pas démarrer ! J’étais super furax, alors j’ai envoyé mes Pokémon la dézinguer. Maintenant elle marche plus mais au moins elle sait pourquoi ! Et toi, ben j’vais te faire tout pareil, dit-il sans se départir de son sourire.
- Pandespiègle, Cogne le à ton maximum, eus-je pour seule réponse à ce grand n’importe quoi.
Le combat démarrait enfin. Pandespiègle se rua vers son adversaire et utilisa l’attaque à multi-coups Cogne. Elle n’allait pas lui faire très mal, mais la vraie utilité était surtout de le repousser et de l’éloigner de la mallette, pour la libérer de son emprise. Et ça fonctionnait comme espéré. Il me fallait mes compagnons au plus vite.
- Maintenant ! Projette-là moi ! hurlai-je à Pandespiègle en indiquant mon bien.
- J’crois trop pas, non ! Marave-le avec Ombre Portée !
Il fit demi-tour et tenta de me l’envoyer avec son attaque Projection mais fut repoussé par Migalos qui n’eut même pas besoin de bouger. Il s’était contenté d’envoyer furtivement et rapidement son Ombre frapper mon Pokémon. Je grommelai face à cette attaque en fourbe.
- Tu le prends comme ça ? Pandespiègle utilise ton Poing Comète !
- Pourris-le avec Coup Bas !
Avant que Pandespiègle ne puisse agir, le Migalos se déplaça avec une grande vivacité pour frapper mon Pokémon. C’était à vrai dire l’occasion que j’attendais.
- Maintenant Pandespiègle ! lui hurlai-je.
Comme d’habitude, il creusa son Tunnel sans que je n’aie à lui le dire avec précision. Il avait vraiment bien compris ça. Plus qu’une attaque, Tunnel devait devenir une habitude, un moyen d’éviter et de se déplacer. Et, annulant son offensive envers Migalos, ce dernier ne put réussir son Coup Bas. Il parut même déstabilisé, ne parvenant pas à retrouver mon Pokémon. Et contrairement à Malamandre, il n’avait pas de gaz ou de lance-flamme à cracher dans le Tunnel de toute façon trop petit pour lui. Une aubaine.
- Fuir ? C’est tout c’que t’a trouvé ? se moqua-t-il.
- Tu es trop sûr de toi, ça te perdra. Pandespiègle, Stratopercut !
Je parlai en connaissance de cause pour la trop grande confiance en soi. Maintenant, j’étais beaucoup plus prudent. Comme allait l’être mon mouvement. Jaillissant juste en dessous de l’insecte, Pandespiègle lui asséna directement un Stratopecut. Bien sûr son double type lui assurait une bonne résistance, mais l’effet escompté était bien là. L’attaque le projeta loin, très loin dans les airs, laissant ainsi le terrain libre.
- Comment il sait faire ça lui ! hurla Guzma, surpris.
- Lances-moi la mallette, vite ! dis-je à l’attention de Pandespiègle, sans me soucier de Guzma.
- Tu t’y crois trop, Migalos lance ta toile !
Alors que Pandespiègle arrivait sur la mallette, il fut cloué au sol et sur cette dernière par une toile gluante venue du ciel. De là haut, il avait eu une vue imprenable pour sniper mon Pokémon. J’étais encore tombé dans mes travers, je n’aurai pas du autant me précipiter. Et en plus, le Migalos utilisa sa toile pour se tracter droit sur mon Pokémon, tombant sur lui et le coinçant entre ses multiples pattes, posant ses mandibules sur sa tête.
- Tu sais maint’nant pourquoi Guzma le balèze est le plus fort d’Alola, déclama-t-il, fier de lui.
- Pandespiègle, utilise Tranche pour te libérer, criai-je un peu désespéré.
- T’auras pas le temps, Harcèlement !
Mais Pandespiègle était coincé dans la toile. Et maintenant le Migalos le frappait continuellement avec ses mandibules, entamant son énergie à petit feu. J’étais bloqué, dans l’impasse. Allais-je encore échoué ? Je me crispai à cette idée, serrant ma main sur le manche du parapluie. J’allais encore m’énerver mais je ne devais pas. Je devais songer aux ressources à ma disposition, trouver un moyen d’exploiter les capacités de mon Pandespiègle.
Mais rien ne venait, je ne voyais pas de solution à la situation. Les pattes de Pandespiègle étaient bloquées. Je regardai fixement mon Pokémon se faire mettre en pièces, et ma défaite se profiler de nouveau. Puis, mon regard se déporta sur ma mallette. Danh avait raison, si seulement j’étais resté proche d’eux, ils seraient immédiatement sortis à mon secours. Ils m’auraient sorti de ce mauvais pas. Comme je m’en voulais. Alors, comme pris d’un désespoir, je me mis à hurler.
- Pardonnez-moi ! Je vais encore échouer devant vous, ma fidèle équipe. Je ne suis pas assez bon dresseur pour vous.
Les larmes me montaient aux yeux, et j’entendais la foule qui se moquait de moi. Même Guzma riait à gorge déployée maintenant. Tout allait donc s’arrêter là ? Ce voyage juste pour confirmer que j’étais un raté et que mes ambitions étaient dépassées ?
Pourtant, quelque chose me redonnait espoir. Pandespiègle continuait à se débattre, il n’abdiquait pas, lui. Oui, je ne devais pas renoncer. Quitte à perdre, il me fallait tout tenter jusqu'au bout, comme lui.
- Pandespiègle…utilise Machouille !
Il mordit alors hargneusement la tête du Migalos, qui se retrouva bloqué, tandis que mon Pokémon ne voulait plus le lâcher, le bloquant à son tour. Il déversait son énergie ténébreuse à travers sa morsure, et alors, l’impensable se produisit. A ma propre surprise, Pandespiègle se mit à luire d’une forte lueur, faisant taire l’assistance. Une aura l’entoura et il grandit fortement, se libérant de la toile, la brisant. Puis, l’aura se dissipa, dévoilant une version bien plus massive de mon Pokémon qui jeta le Migalos au sol et l’écrasant avec son poing tout en poussant un cri rauque. Pandespiègle avait évolué en Pandarbare.
- Mais…comment ? me demandai-je.
Il me lança alors ma mallette dans coup de pied, me regardant d’un air entendu. Je l’attrapai au vol et en sorti toutes mes Poké Ball, soulagé de voir que les cinq étaient bien la. Ne voulant plus attendre, tandis que Guzma rappelait son Migalos qui ne demandait plus son reste, je libérai ma fine équipe. Persian, Kangourex, Nidoking Nidoqueen, et Corboss. Bien sûr, j’avais lu que les Pandespiègle ne pouvaient évoluer qu’avec un Pokémon de type Ténèbres dans l’équipe. Est-ce que cela voulait dire qu’au moment de l’évolution, mon équipe s’était de nouveau sentie attachée à moi grâce à ce petit Pokémon collé sur eux… ?
Ils poussèrent tous des cris de joie à ma vue, et je le leur rendis, venant leur offrir des caresses bien méritées. Ils étaient en forme, la Team Skull devait les avoir soigné, à ma propre surprise. Puis, ils se mirent en cercle autour de moi, intimant aux sbires de s’éloigner, ce qu’ils firent, mais ne venant pas gêner Pandarbare, seul face à Guzma.
- Ce n’est pas fini…mon meilleur Pokémon va te briser la tête ! Vas-y Sarmuraï !
Il appela un imposant insecte qui tenait sur deux pattes, quasiment aussi grand que moi. Sa carapace semblait former une armure très résistante, et ses pattes avant semblaient sacrément puissantes. En revanche, celles sur lesquelles il s’appuyait semblaient frêles. Il ne devait pas être rapide.
- Es-tu sûr de vouloir mener ce combat Guzma… ? Tu n’es pas de taille face à moi.
Je m’étais repris. La confiance était revenue, je me sentais parfaitement bien au milieu de toute ma petite équipe, avec mon apparence refaite, et ma détermination retrouvée.
- Peu importe qui tu es, je t’écraserai et c’est tout ! Escarmouche !
- Qui je suis ? serrai-je les dents. Je suis Giovanni, le Boss de l’unique et inégalable Team Rocket ! Rentres-toi ça dans le crâne, déchet ! Marto-Poing !
C’était sorti tout seul, comme une libération, comme un cri du cœur. J’affirmai enfin haut et fort ma vraie identité, et ils allaient être les premiers à le déguster. Tandis que son Sarmuraï se lançait avec une vitesse surprenante sur Pandarbare, celui-ci le retint à la force de son corps, sans trembler, encaissant les dégâts, et lui asséna un fort coup de poing sur le crâne, repoussant le Pokémon insecte.
- Pourquoi est-il encore debout après avoir autant dégusté ! cria Guzma.
- Parce que tout comme moi et ses frères d’armes, il est le porte étendard du R triomphal de la Team Rocket. La force de ses convictions et sa rage de vaincre sont inébranlables.
Je lançai alors le cristal d’Althéo à Pandarbare qui l’attrapa au vol, et actionna le bracelet Z volé à Chrys. Il était temps d’en finir en un seul coup. Le coup de la libération et de la renaissance. Faisant-fi du public autour de nous, n’ayant dans l’esprit que l’importance de cette victoire, j’entamai la danse que m’avait montré Althéo. Et lorsque celle-ci se conclue, une lueur orangée entoura Pandarbare, qui luisait désormais de puissance. Face à une telle manifestation, je poussai un cri de satisfaction, que Pandarbare poussa également. Puis, je brandissais le poing en avant tout comme Pandarbare fonça devant lui, droit sur le Sarmuraï, son aura le recouvrant totalement désormais et devenant blanche. Il le percuta avec une force et une violence rarement vue, l’éjectant au loin et lui faisant traverser le mur du manoir dans un fracas épouvantable, sous l’air médusé de tous les membres de la Team Skull, Guzma compris.
- Je... je ne comprend pas. Pourquoi est-ce qu’on perd encore ? jura-t-il.
Je rappelai mes Pokémon tandis que je prêtai attention au désespoir de Guzma. Il me faisait presque pitié lui aussi finalement. En un sens, avec ses laquais ils tentaient juste de se trouver une place dans Alola, on dirait bien.
- Vous n’êtes que des déchets. Mais mêmes les déchets les plus pourris peuvent être recyclés, lui dis-je.
Il me regarda avec un air mi-intrigué, mi-courroucé. Mais je n’en avais rien à faire. Je sorti mon Pokématos et alla y chercher des données précises, une idée derrière la tête.
- Je n’ai pas le temps de m’occuper de vous. J’ai mes propres affaires à gérer. Mais tu n'as qu’à contacter cette personne, elle sera ravie d’aider des types en perdition comme vous.
Je lui donnai les coordonnées de cette folle d’Elsa-Mina. Elle voulait un être en perdition ? Je ne l’étais plus, alors je lui en donnai un autre à la place. Comme ça, elle me ficherait la paix et aurait de quoi s’occuper avec eux. Puis, après les lui avoir transmises, je les effaçai sans plus de procès de mon Pokématos, ne souhaitant absolument pas les garder.
Je fis demi-tour et me dirigea vers la sortie, personne n’osant me retenir ou se mettre sur ma route. Je leur laissai ma mallette comme un souvenir n’en ayant plus besoin. Finalement cette ceinture ferait parfaitement l’affaire, et c’est avec satisfaction que j’y attachai mes Poké Ball, ressentant toutes leurs présences avec moi, comme rarement auparavant.
Je croisai Sista à la sortie. Je lui offris un regard de compassion, lui présentant mes excuses et lui promettant de lui offrir un nouveau Pokémon prochainement. Elle ne sut pas trop quoi dire. Tant mieux, je ne voulais pas m’attarder sur cette générosité. Mais Sista m’avait fait bonne impression, je sentais une dresseuse de talent en elle. Si Guzma se ressaisissait, elle arriverait peut être à faire de même, qui sait. Et puis je pourrai surement le voir à l’avenir vu les projets qui me venaient en tête.
Une fois sorti de Kokohio, j’appelai de vive voix mon contact pour établir les choses en bonnes et dues formes. Nous devions nous retrouver à Malié dans deux jours, où il me rejoindrait par ferry.
Et ces deux jours passèrent très vite. Mon corps souffrait encore mais les nouvelles gaieté et détermination qui m’emplissaient m’aidaient à le surmonter. Tout comme l’aide de mes Pokémon qui se relayaient pour me transporter jusque Malié. Je pris le temps du trajet pour partager d’intenses moments de plaisir avec eux, afin de sceller nos retrouvailles et nous rapprocher, et aussi pour intégrer Pandarbare au groupe. Nous profitâmes donc du trajet pour martyriser quelques dresseurs sur la route et leur emprunter leurs économies et leurs objets afin de soigner mes compagnons ainsi que nous sustenter, et acheter des vivres de premières nécessités.
En repartant, j’avais pris la trousse de toilette au commissariat et avait décidé de ne plus laisser mon apparence négligée revenir. Je prenais donc soin sur la route de me raser et bien me coiffer tout les jours, peu importe si mon visage en était plus reconnaissable. Je n’avais plus honte de qui j’étais, je n’allais plus me cacher.
Une fois à Malié, grâce à l’argent gagné sur le chemin, je pu enfin profiter de Sushi sans chichis ainsi que d’un bon hôtel. Quel plaisir retrouvé. Et le temps passa ainsi vite. Si vite que le soir du deuxième jour, je me rendais déjà sur les quais pour attendre le ferry avec une certaine impatience. Et lorsqu’il arriva, j’en vis descendre une femme de presque quarante ans, dotée d’une coiffure de feu et portant un uniforme blanc que je reconnaissais parfaitement. Elle n’avait pas perdu de temps celle là, elle avait déjà ressorti la tenue. Mais l’avait-elle seulement délaissé une fois ?
Je me dirigeai vers elle en lui offrant un franc sourire, qu’elle me rendit au centuple. Je vis l’admiration dans ses yeux, mais elle devait bien voir aussi la joie dans les miens.
- Boss, enfin je vous retrouve ! me dit-elle avec beaucoup d’entrain.
- Ma chère Ariane. Désolé de vous avoir fait attendre toutes ces années, toi et les autres, lui dis-je en posant une main sur son épaule.
- Amos est déjà entrain de réunir les hommes selon vos instructions, ils arriveront bientôt. Nous savions tous que vous ne nous aviez pas abandonnés !
Oui, ils le savaient. C’est pour ça qu’Ariane et Amos, mes deux officiers les plus fidèles, avaient reformé l’équipe sans moi, pour tenter de me faire revenir. Ils n’avaient jamais abandonné. Eux qui avaient été parmi les premiers à me rejoindre lorsque j’avais créé la Team Rocket. Pourtant elle n’avait pas vraiment raison. Pendant quelques années je les avais bien abandonnés, je m’étais même abandonné moi-même.
- J’ai une chance inouïe d’avoir d’aussi fidèles collaborateurs que vous. Voilà la vérité, Ariane. As-tu ce que je t’ai demandé ?
- Oui Boss, voici le rapport sur les Ultra-Chimères. Oh, et bien sûr…
Elle me tendit un petit coffret en plus du dossier que je lui avais commandé. J’ouvris le coffret et en sorti un écusson sous forme d’un R rouge. Il brillait comme au premier jour. Elle en avait pris grand soin, et je ne pu retenir un sourire nostalgique à sa vue. Je l’ornai immédiatement à la pochette de mon costume. Voilà, maintenant, j’étais de nouveau moi-même.
- Charmante scène, vraiment touchante, nous interrompit une voix nasillarde que je connaissais.
Je me retournai et vis Danh qui nous observait tout les deux. Je lâchai un soupire à sa vue. Évidemment, tout ne pouvait pas se finir sans une ultime rencontre avec ce vieux crouton.
- Chrys est venu me faire part de tes agissements, R., ou devrai-je dire…Giovanni ? dit-il en lorgnant mon écusson.
- Peu m’importe les secrets maintenant, lui rétorquai-je. Je suis bien Giovanni, et grâce à toi et Alola, je suis de retour plus fort que jamais, Danh.
- C’est bien joli, mais le problème tu vois…c’est que je suis un peu le Doyen de l’Île. Et un ancien des forces internationales.
- Vous voulez que je m’en occupe, Boss ? me proposa Ariane, pleine de dévouement.
- Non, ça ira. C’est une affaire personnelle entre lui et moi. Tu ne stopperas pas le R. Danh.
Nous nous regardâmes sur un air de défi tout les deux. Pour une fois, il semblait avoir un peu de détermination. Il était donc plus important que je ne le pensai, voilà qui expliquait bien des choses. Mais je n’allais pas le laisser me vaincre ici. Je n’étais plus le même homme qu’à mon arrivée. Nous lançâmes nos Poké Ball en même temps, tandis que les passants, face à la scène, commencèrent à s’éloigner, comprenant qu’il ne fallait pas trainer car le Doyen gérait une affaire importante.
Deux Persian apparurent. Le mien et le sien. Mais ils étaient aussi semblables que lui et moi. Le sien était sombre, le visage rond, et un joyau bleu sur le visage. Une forme d’Alola donc. C’était ironique, nous avions donc le même Pokémon de prédilection. Car je me doutai bien que là il était sérieux, ça se voyait à son visage. Il n’était plus nonchalant du tout.
- Tu ne peux pas stopper le R, Danh. Renonce à ce combat, tentai-je, pour le dissuader.
- Aussi fatiguant que ce soit, j’ai un devoir envers les habitants d’Alola, comme toi envers les tiens. Tu comprends, non ?
Oui, je comprenais. Et je voyais qu’au fond il ne me détestait pas. Même si nous étions de parfait antagonistes par nos rôles et convictions, nous avions de toute évidence une façon d’être qui nous rapprochait quelque peu. Nous arrivions en fait à nous comprendre. Avec le recul, il me parait évident que Danh avait été le pilier de ma renaissance. Je lui devais beaucoup. Mais je n’allais pas le ménager pour autant.
- Persian, Rayon-gemme ! criâmes-nous en même temps.
Évidemment, les attaques s’entrechoquèrent et s’annulèrent, sonnant le début du premier combat de Giovanni, Boss de la nouvelle Team Rocket.
- Persian, vas-y pour combo-griffe ! dis-je à mon Pokémon.
- Repousses-le avec Vibrobscur !
Les rayons ténébreux eurent raisons de mon Persian qui recula. Une attaque Ténèbres donc ? Le mien en connaissait aussi, mais les siennes paraissaient sacrément puissantes. En fin de compte, c’était logique vu son apparence. Il était lui-même de type Ténèbres. Qu’à cela ne tienne, j’avais justement l’attaque dont j’avais besoin en réserve. Mais je n’avais pas le droit à l’erreur pour m’en servir et le surprendre avec.
- Maintenant, fais Machination, ordonna-t-il.
- Je ne t’en laisserai pas le temps. Utilises Provoc !
Mon Persian se mit à miauler de façon provocante, ce qui courrouça le Persian de Danh, qui stoppa sa machination et se rua sur le mien. Parfait, il était hors de question que je le laisse se booster, ça signerait ma mort. Toutes griffes dehors, et sans attendre l’ordre de son dresseur, le félin noir tenta de lacérer le mien, qui esquiva agilement.
- Montres-lui ce que tu vaux avec Tranche-Nuit, dit Danh pour son Persian.
- Pfeu, utilises la version originale, la vraie attaque Tranche, Persian, répliquai-je.
Nos deux Pokémon attaquèrent et se touchèrent mutuellement, se repoussant. Étions nous de force équivalente ? A ce rythme le combat allait durer. L’attaque suivant le me rassura pas car une nouvelle double tentative de morsure échoua. Non seulement nos forces étaient similaires, mais nous pensions pareil. Nous avions entrainé nos Persian de la même manière.
Je me décidai alors à le surprendre et utiliser mon atout directement, cassant le rythme. Je fis ma danse ridicule, actionnant la gemme que tenait désormais mon Persian. Sauf que Danh fit lui-même sa propre chorégraphie, différente de la mienne. Quel idiot, en tant que Doyen, Danh avait évidemment lui aussi une attaque Z.
Nos deux Pokémon se jetèrent l’un sur l’autre, le mien entouré d’une aura blanche et le sien d’une aura ténébreuse. Ma charge toucha la première et le repoussa avec violence en arrière. Je cru à une attaque victorieuse, quant un vortex de ténèbres s’ouvrit sur mon Persian et le frappa fortement également, le faisant chuter lourdement à mes pieds.
- Bon sang…relève-toi Persian ! l’implorai-je presque.
Avec difficulté, mon meilleur ami se redressa, tout comme celui de Danh. Mais ils tenaient difficilement sur leurs pattes, tremblant. Ils faisaient l’effort pour nous, c’était évident. Le prochain assaut serait le dernier. Je devais utiliser le coup que je gardai en réserve depuis le début.
- Persian, termines-le avec Vibrobscur, dit Danh son Pokémon.
- Tu ne réussiras pas ! Câlinerie ! criai-je presque comme un cri du cœur.
Entouré d’une aura féérique, mon Persian traversa l’attaque de type Ténèbres de Danh. Il avait pensé me tenir à distance, mon Pokémon étant surtout taillé pour le corps à corps et sa Vibrobscur plus puissante que la mienne. Mais c’était loupé. Car aussi surprenant que cela puisse paraitre, j’avais appris une attaque de type Fée à mon fidèle compagnon. Ce qui lui permit d’atteindre notre adversaire, et de lui asséner le coup victorieux, le mettant K-O. Une victoire de courte durée car mon Persian s’écroula à son tour peu après.
- Impressionnant. Tu as gagné, tu arrives même à maitriser l’attaque Z. Tu as vraiment changé, concéda Danh en rappelant son Persian.
- Je suis désolé d’en être arrivé là. Mais par respect pour ton aide passée, je ne vais pas t’enfoncer d’avantage.
Oui, je lui en devais une. Et il se contenta de hausser les épaules en affichant un vague sourire, tandis que je rappelai à mon tour mon Persian, raccrochant sa Poké Ball à ma ceinture.
- Et pour ce même respect, je te laisse filer pour cette fois, Giovanni. Mais la prochaine fois, nous serons ennemis, m’informa-t-il.
- Nous nous reverrons vite, Danh. Je dois beaucoup à Alola. Je compte donc lui offrir une criminalité de premier ordre que tu pourras admirer. Moi, Giovanni, annonce le grand retour de la Team Rocket ! hurlai-je presque avec entrain.
Puis, satisfait de ce combat et de ce voyage, je tournai les talons et partis avec Ariane dans le ferry, en partance pour une autre île. Nous allions retrouver le reste de mes hommes, de nos amis. Emplis d’un nouvel espoir et de nouvelles bases solides pour le glorieux futur de la Team Rocket.
Tout cela eut lieu il y a deux ans, mon fils. Maintenant, mes préparatifs sont finis. La Team Rocket va éclore à Alola, plus forte que jamais. J’ai refondé mon organisation. Notre organisation. Avec une immense fierté et une détermination inébranlable. Ce fut un travail laborieux et difficile, mais dont je suis extrêmement fier. Et par ces lettres, je me suis attelé à mon ultime défi : te récupérer. Je veux partager tout ça avec toi.
Je veux me racheter, et te montrer ce que je suis vraiment. Rejoins-moi à Alola, mon fils. Viens prendre ta place à mes côtés, dans notre glorieuse Team Rocket. Car à toi, ou à quiconque d’autre oserait lire cette lettre, je le dis haut et fort :
Le R est de retour, et plus rien de l’arrêtera. Le monde nous appartient.
A très bientôt,
Giovanni, Boss de la Team Rocket,
Et surtout, ton père.