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Empreinte émotionnelle de Vocalume



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» Auteur : Vocalume - Voir le profil
» Créé le 30/10/2017 à 22:36
» Dernière mise à jour le 06/11/2017 à 18:38

» Mots-clés :   Action   Alola   Présence de personnages du jeu vidéo   Suspense

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Chapitre IV : Noyade
Pièce enténébrée de silence et d'ennui. Une silhouette, allongée, mains croisées derrière la tête. Trop dormi la nuit dernière, le sommeil la fuit ; et pas certain qu'elle le cherche vraiment... Dans un coin de la chambre, télévision allumée qui crachote des images mutiques et émet un halo lumineux, trop faible pour arriver jusqu'à elle. Son visage lassé reste invisible, plongé dans l’obscurité. Des ombres dansent sur les murs ; pas elle.

À l’écran, les images d’Ultra-Chimères semant la destruction et de policiers luttant contre la menace défilent, défilent, et les pensées de Millie aussi. À quoi ça rime, de se terrer comme ça ? Elle aussi, elle devrait être en train de se battre ! Et au lieu de ça, la voilà au fond d’un lit, à reléguer à d’autres le problème dont elle est la cause… C’est pitoyable. Beladonis, lui… jamais il ne se serait laissé contraindre à l’immobilité. Il aurait été faire son travail, seul, envers et contre tout, seulement armé de sa hargne et de son sens de la justice. À l’heure actuelle, l’affaire serait déjà classée ! Qu’est-ce qu’il dirait, s’il la voyait comme ça ? Il aurait honte d’elle, et il aurait raison.

Pardon, Monsieur Beladonis… Je suis pas digne de toi. J’ai l’impression d’aider les gens, au final je sers à rien. Jamais je serai aussi compétente que toi. Jamais j’arriverai à avancer, à combler ce vide que tu as laissé en t’en allant…

Pleurer lui ferait du bien, sans doute. Mais les larmes ne veulent pas sortir ; impossible d’extérioriser, le dégoût reste bloqué dans sa poitrine, en nœud compact. Elle suffoque – besoin d’air. Pas le courage cependant de repasser par l’accueil et ses lumières, qui se braqueront sur elle comme pour lui demander où elle va à une heure si tardive.

La jeune fille – ou plutôt la gamine, puisque c’est ainsi qu’elle se sent en cet instant – se lève, lance un regard par la fenêtre ; le sol, trois mètres plus bas, l’appelle. Elle enfile la Combinaison Booster, prison de précautions, et ouvre grand la vitre. Dernier regard au Psystigri endormi dans son lit. Bah, elle va le laisser se reposer. Elle l’a suffisamment embêté ces derniers temps, et de toute façon elle sera bientôt de retour. Camouflage optique activé, elle saute. Une vibration remonte dans tout son corps lorsque ses pieds touchent la terre ferme sans se dérober sous son poids. Elle a eu de la chance : malgré sa combinaison, impossible d’être à l’abri d’une cheville tordue.

Millie avance dans la semi-obscurité des rues désertes d’Ho’ohale, où ne subsistent que les quelques lumières désincarnées des lampadaires, sans même se soucier de sa trajectoire. Elle réussira bien à retrouver son chemin, et au pire des cas elle attendra le jour. Ombre parmi les ombres, elle profite de l’anonymat offert par la nuit, elle qui doit se coller une identité factice à chaque fois qu’elle sort. Elle marche. L’air frais l’aide à oublier ses tourments – ou plutôt, à faire avec. Pas vraiment mieux dans sa peau mais, au moins, apaisée, la jeune fille se décide à rentrer. Elle se retourne…

…Pour se retrouver nez-à-nez avec Saubohne. La détective écarquille les yeux. Qu’est-ce qu’il fait là ? Sa surprise manque de la trahir, mais elle se reprend immédiatement. Il ne peut pas savoir qu’elle est là, dans cette ville, ni la reconnaître derrière le camouflage optique ; c’est forcément une coïncidence. Elle prend un air détendu, s’excuse en se permettant même le luxe d’un « oh, vous m’avez fait peur » et essaye de le contourner par la droite. Il fait un pas de côté pour l’en empêcher.

— Tu peux user de tous les subterfuges que tu veux, gamine, mais ça ne changera rien à l’affaire.

Il l’a retrouvée. Elle recule d’un pas, veut s’enfuir ; déjà des employés de la Fondation Æther arrivent de tous les côtés, taches blanches trouant l’obscurité. Ils l’entourent de façon à empêcher toute fuite, même par une prouesse rendue possible par la Combinaison Booster. À peine envoie-t-elle son Nostenfer que trois créatures volantes apparaissent devant elle, lui faisant bien comprendre qu’elle ne pourra s’échapper par les airs. Le combat n’est même pas imaginable : elle n’a que deux Pokémon, et chacun de ses adversaires doit en avoir au moins un… Son cerveau tourne à toute allure pour trouver une échappatoire. Il faut gagner du temps.

— Comment vous m’avez retrouvée ? Je ne suis pourtant sortie qu’avec camouflage optique !

Elle compte sur l’idée qu’elle s’est faite de Saubohne à leur première rencontre. S’il est aussi orgueilleux qu’elle en a eu l’impression, il ne manquera pas de lui détailler son plan certainement des plus ingénieux…

— Tu as eu beau te cacher derrière de fausses apparences, tu as oublié le plus important. Au final, ça a été si simple de te retrouver… Les attaques d’Ultra-Chimères, ça te dit quelque chose ? Elles sont toutes ou presque concentrées autour de cette ville. À partir de là, je n’ai eu aucune difficulté à localiser ton hôtel. Une détective jouissant d’une telle réputation à Kalos, être aussi négligente… J’en serais presque déçu. Enfin, ce n’est pas comme s’il y avait un quelconque mérite à attraper une gosse, de toute façon.

Ça y est, une ébauche de plan commence à germer dans l’esprit de Millie. Aucune idée de si ça va marcher, en revanche. Ça lui demande d’utiliser une fonction dont elle ne se sert pas d’habitude, et n’est pas certaine de l’utilisation ; c’est quitte ou double.

— Eh bien, puisque vous savez qui je suis, inutile de garder ceci…

Elle approche la main de son casque, et appuie sur le bouton pour désactiver le camouflage optique. Elle en profite pour, plus discrètement, presser celui juste à côté. Mode virus activé. Elle ignore comment l’utiliser : l’idée, c’est de viser les Balls de tous ses adversaires ; soit pour y bloquer les Pokémon contenus, soit pour les faire sortir tous simultanément. Sachant que la Combinaison Booster est partiellement contrôlable par la pensée, comme pour le choix d’une apparence à prendre, elle se concentre là-dessus. Mais peut-être qu’elle ne peut viser les Balls que d’une personne à la fois… Si elle est sûre d’une chose, c’est que ça met de temps à s’enclencher. Heureusement le scientifique semble prendre le sien.

— Si tu nous suis sans rechigner, on ne te fera pas de mal. C’est la solution la plus sage, même une gamine comme toi devrait s’en rendre compte… En revanche, si tu tentes stupidement de résister, nous serons contraints d’employer la manière forte… Qu’en dis-tu ?
— Ce que j’en dis ? Ça !

D’un seul coup, tous les Pokémon des employés présents se libèrent de leurs Balls et commencent à se mouvoir de façon incontrôlée. Bingo ! La confusion est telle que Millie parvient à se frayer un chemin hors de cette mêlée. Elle s’éloigne en courant. Ils auront vite fait de se ressaisir, mieux vaut ne pas perdre de temps ! Elle arrive au niveau des quais, sur la grande rue d’Ho’ohale. Mauvaise idée, c’est ici qu’elle est le plus à découvert ! Tant pis, pas le temps de faire demi-tour. Le mieux, ce serait d’atteindre la sortie de la ville : ils auront plus de mal à la repérer en pleine nature. Seulement, elle les entend déjà qui la poursuivent…

Soudain, un Hypnomade surgit juste devant elle, la stoppant dans sa course.

— Hypnose ! crie la voix de Saubohne derrière elle.

Juste à temps, Millie détourne la tête pour ne pas être affectée par l’attaque, et saute de côté pour éviter le Pokémon. Elle remarque un Flagadoss embusqué pas loin, entend le scientifique crier quelque chose. Elle continue d’avancer. Voilà, la sortie de la ville ! Juste devant, la route 6, avec sa végétation plus dense qui lui permettra de se cacher… Elle court… Mais à mesure qu’elle progresse, ses membres deviennent lourds, ses pensées s’emmêlent. Qu’est-ce que… Ce n’est pas naturel… Elle trébuche sur une racine, s’affale par terre. Juste avant de sombrer dans le sommeil, elle voit l’expression victorieuse de Saubohne, et elle comprend. Le Flagadoss. Bâillement.

Rideau noir.


***

Ténèbres. Conscience brumeuse qui flotte quelque part, pas tout à fait là, pas très loin non plus. Entre-deux.

— Eh, réveille-toi.

Un bruit lointain. Une voix étouffée, comme si elle venait de sous l’eau… Ou bien est-ce elle qui se trouve sous la surface ?

Réveil glacé. Elle ouvre les yeux et se redresse en sursaut au contact de l’eau froide sur son visage. Devant elle, « Léa », un seau – qu’elle devine vide puisque son contenu vient d’être déversé sur elle – dans la main. Entre elles deux… des barreaux.

— T’en mets du temps à te réveiller. Trois heures que tu pionces et il faut t’éclabousser en plus !

Encore dans le brouillard du sommeil, Millie observe son environnement. Pièce carrée, étroite, vide et mal éclairée. Trois murs blancs, et ces barreaux qui la séparent de celle qui lui parle… Pas de doute possible, elle a été attrapée. Trop lassée pour s’en énerver, elle soupire. Elle aurait dû écouter Sun. Alors que des gouttes d’eau tombent encore de son visage, elle observe son reflet dans la flaque qui se forme devant elle. On lui a enlevé sa Combinaison Booster. Ses couettes ont dû se défaire, et ses cheveux noirs, emmêlés, partent en épis incontrôlés autour d’un visage pâle, aux yeux entourés de cernes. Mauvaise mine. Elle constate avec inquiétude, puis soulagement, l’absence de Gribouille à ses côtés. Le Pokémon est donc resté dans sa chambre d’hôtel. Il est intelligent, il saura se débrouiller… Du moins l’espère-t-elle.

Finalement, elle redresse la tête, et daigne répondre à l’employée Æther :

— J’avais droit au vouvoiement, avant, trouve-t-elle simplement à dire.
— J’étais censée de convaincre de venir à Alola, évidemment que j’allais pas te tutoyer.
— On est au Paradis Aether, je suppose ?
— Ouais. D’ici dix minutes, on va venir te chercher pour des expériences avec les Ultra-Chimères.
— Et ça vous arrive souvent d’emprisonner des gens comme ça ?

Pas de réponse. L’autre semble gênée. Regard évasif, qui se perd sur les murs ou ses pieds. Elle ne la regarde pas en face.

— Léa… Pourquoi tu fais ça ?
— Je m’appelle Luana, réplique-t-elle sèchement.
— Pourquoi tu fais ça ? répète la détective. Ça se voit bien que tu n’es pas à l’aise avec tout ça.

La jeune femme grimace, manifestement en proie à une hésitation. Finalement, elle murmure, très bas :

— J’ai pas le choix…

Millie reste silencieuse. C’est le seul moyen de pousser Luana à se confier. Si elle lui pose des questions, l’autre se braquera.

— Ma mère est malade, elle peut pas travailler… J’ai aucun diplôme, j’ai dû arrêter mes études pour prendre soin d’elle. Ça faisait des années qu’on vivait comme ça, avec mon travail on avait tout juste assez d’argent pour payer le loyer… Quand la Fondation Æther m’a proposé de m’employer, je savais pas, je pensais qu’ils faisaient que recueillir les Pokémon ! Mais quand j’ai découvert ce que Monsieur Saubohne faisait… Je pouvais pas changer d’avis, sinon on finissait à la rue. Au moins, tant que je travaille pour eux, je sais que ma mère est en sécurité. J’y ai pensé, tu sais, quand ils m’ont envoyé à Kalos avec les cinq-cents mille pokédollars. J’y ai pensé, à m’enfuir avec l’argent… Mais ils m’auraient retrouvée. J’suis désolée, j'ai pas le choix…

Millie hésite. Trop compatissante, elle ne sait plus comment réagir. Elle sait ce que ça fait, de vivre sans argent… Mais elle au moins, elle avait Gribouille, elle avait ses amis, et personne à protéger ! Elle s’en veut, mais dans le cas présent, elle doit garder à l’esprit sa priorité : sortir de là.

— Si. Tu as le choix. Aucune situation n’est une fatalité, tu peux décider d’arrêter de les aider.
— Mais ma mère alors ? Je vais pas l’abandonner !
— Écoute, Luana, j’ai de l’argent, de quoi t’aider pour que tu ne dépendes plus de la Fondation. Mais d’abord, il faut que tu m’aides moi. Je peux pas faire grand-chose pour l’instant…
— Tu… tu mens, murmure la jeune femme d’un ton qui se veut assuré. Tout ce que tu souhaites, c’est t’échapper, et après je te verrai plus jamais !

Pas le choix. La détective la fixe intensément, jusqu’à ce que l’autre soit obligée de la regarder dans les yeux.

— Je te le promets.

Luana, à présent, semble réellement douter de ce qu'elle doit faire. Une grimace d’hésitation tord ses traits ; elle rapproche la main d’une poche où, sans doute, est contenue la clé, l’éloigne aussitôt. Soudain, des bruits de pas se font entendre. De blême, la jeune femme devient blafarde. Elle s’éloigne légèrement.

— N… non, je peux pas, marmonne-t-elle, une expression effrayée sur le visage.

Trois employés de la Fondation Æther apparaissent dans le champ de vision de Millie. À leur demande, Luana ouvre sa cellule.

— Sors, lui ordonne un type. Tu nous suis bien gentiment, et à la moindre tentative de fuite…

Il dégaine une Poké Ball d’un air menaçant, laissant Millie constater par la même occasion qu’on l’a dépouillée des siennes. Elle se lève et s’avance à la suite des employés, sans résistance. Elle a épuisé ses forces à vouloir convaincre Luana, et de toute façon elle ne peut pas faire grand-chose sans sa combinaison ou ses Pokémon… En passant devant la jeune femme, elle la voit qui lui lance un regard désolé. C’est un peu tard pour les regrets…

Ils avancent le long d’un couloir, où sont alignées des geôles semblables à la sienne, vides pour la plupart. Dans l’une d’elle, la Kalosienne voit quand même une femme endormie aux longs cheveux violets, portant une tenue étonnamment ressemblante à celles des membres de la Fondation, si l’on excepte ce pull en laine rose. Ils enferment même les leurs ? Finalement, ils arrivent au bout du couloir et passent par une porte, débouchant sur la pièce circulaire du sous-sol qu’a traversée Millie lors de sa première visite. Ils contournent l’ascenseur, empruntent une des deux autres portes.

S’attendant à arriver dans le couloir de la première fois, qui donnait sur le bureau de Saubohne, la détective est surprise de découvrir une immense salle carrée, équipée de machines et d’appareils étranges et variés. Le centre de la pièce, lui, est complètement démeublé, à l’exception d’un objet insolite, qui semble être une sorte de boîte. Des employés de la Fondation, casqués pour la plupart, s’activent un peu partout. Saubohne se tourne vers elle en l’entendant entrer.

— Ah, bienvenue. Te voici dans les laboratoires de la Fondation Æther, où nous faisons nos recherches. Plutôt impressionnant, hein ?

Millie l’écoute à peine, paralysée par ce qu’elle voit. Dans ses bras, le scientifique tient sans aucune douceur Gribouille, évanoui.

— Simple précaution, au cas où tu aies quelques… réserves à coopérer. Ça n’a pas été une mince affaire de l’avoir d’ailleurs, cette bestiole s’est défendue plus que toi…

Plus le choix, elle est obligée de les aider, sinon… la jeune fille refuse d’y penser. Prenant son silence résigné pour un accord, Saubohne poursuit :

— Bien, tu vas enfiler la Combinaison Booster, et nous allons ouvrir une Ultra-Brèche, grâce à l’énergie de Pokémon Dominants que nous avons récupérée. Ensuite, nous fatiguerons l’Ultra-Chimère qui en sortira, pour que tu puisses la capturer. Seulement à partir de là, nous commencerons les tests sur les réactions entre Ultra-Chimères et Combinaison Booster, dans le but final de parvenir à contrôler les UCs.

Deux employés lui apportent sa combinaison, qu’elle enfile en tremblant. Elle récupère ses Poké Balls qu’on lui tend, ainsi que trois Ultra Balls.

— Commencez, ordonne Saubohne.

Une personne appuie sur le bouton d’une machine. Aussitôt, l’espèce de boîte au centre de la pièce commence à émettre une lumière, de plus en plus vive… Explosion d’énergie. Millie ferme les yeux, trop tard pour éviter l’empreinte sur sa rétine. Lorsqu’elle les rouvre, un immense portail est en train de s’ouvrir au milieu de la pièce. Du même bleu que les Ultra Balls, il ressemble en fait à un tunnel d’où sort une lumière telle qu’il est impossible d’y discerner quoi que ce soit. Déjà, chacun se concentre, prépare ses Balls, sachant ce qui va arriver de l’Ultra-Brèche dans les prochaines secondes.

Nouvelle explosion lumineuse. Une silhouette sort du portail : c’est un Zéroïd. Dès l’apparition de la créature, une vingtaine de Pokémon est envoyée pour la combattre ; Millie sort son Nostenfer. L’Ultra-Chimère semble prendre le temps d’observer son environnement… Puis, sans prévenir, elle libère une énorme vague d’énergie, qui touche humains comme Pokémon. Parmi ces derniers, les plus faibles s’effondrent déjà. Riposte groupée. Le Zéroïd se prend plusieurs attaques, mais comme celui du Mont Lanakila, il paraît peu affaibli ; sûrement cette aura qui augmente sa défense spéciale… Sans s’en occuper, il fixe son attention sur Millie. Tête la première, il fonce vers elle. Il compte l’attaquer directement ! Elle se jette sur le côté pour l’éviter, et l’Ultra-Chimère finit sa course dans un des appareils de la pièce, qui se brise net en laissant échapper de la fumée.

— Nostenfer, Crochet Venin !

Rapide, le Pokémon réussit à infliger une morsure à la méduse sans que celle-ci n’ait le temps d’esquiver. C’est peu efficace, mais c’est la seule capacité physique de la chauve-souris. Déjà, l’Ultra-Chimère se déchaîne, envoyant Rayons Gemmes et Bombes Acides de tous les côtés. Les gens crient, certains se font toucher par des attaques, les Pokémon tombent K.O., les machines sont détruites. La jeune fille comprend que les scientifiques n’avaient pas prévu un tel déchaînement en voulant libérer une Ultra-Chimère, et ce n’est que la conséquence de leur inconscience. Mais malgré ses déplacements erratiques, il lui semble évident que la créature n’a qu’une cible : elle.

De nouveau, le Zéroïd prépare un Fracass’Tête, et s’apprête à se jeter sur elle. Seulement, il change d’avis en voyant le Nostenfer qui s’approche, crocs sortis et enduits de venin, et se précipite sur lui.

— Non !

Son Pokémon est déjà affaibli, un coup d’une telle puissance lui sera fatal ! Ses réflexes agissent à sa place ; la dresseuse attrape une Ultra Ball à sa ceinture, et la lance sur la méduse. Tous les employés encore conscients, les Pokémon encore debout, observent avec appréhension la Chimère entrer dans l’appareil, osant espérer que c’est là la fin de leur calvaire…

Raté. La sphère explose, laissant échapper un Zéroïd plus que remonté. Il multiplie les attaques dévastatrices, et il n’y a bientôt plus aucun objet dans la pièce qui n’ait pas été détruit par sa fureur.

— Continuez de l’attaquer ! crie Saubohne, caché dans un coin, qui n’a pas levé le petit doigt pour aider. Fatiguez-le, pour qu’on puisse l’attraper !

Plus facile à dire qu’à faire. Pas compliqué de deviner que c’est la réflexion que se fait tout un chacun présent dans la pièce et pas encore évanoui… Les combattants continuent quand même. S’il leur en reste, ils envoient des Pokémon encore capables de se battre, lancent des attaques. La créature faiblit ! Voyant là une occasion à saisir, Millie lance une seconde Ultra-Ball…

Vague Psy. L’objet explose en plein vol, et l’onde de choc frappe de plein fouet la jeune fille, qui s’écrase au sol parmi les débris. Elle n’a pas le temps de se relever ; déjà le Zéroïd est devant elle. Millie le voit qui recule vers l’Ultra Brèche toujours ouverte, ou bien est-ce le portail qui avance… Sensation d’aspiration ; et puis plus rien.


***

Millie ouvre les yeux. Se relève, confuse. Elle est presque sûre de ne pas s’être évanouie ; elle revoit la scène d’il y a quelques secondes, le Zéroïd et l’Ultra-Brèche, et elle qui est aspirée… Aspirée ? Elle regarde autour d’elle, tentant de comprendre ce qui s’est passé. L’endroit est sombre. Aucune source de lumière ; pourtant, l’adolescente y voit à peu près, comme si chaque chose de ce lieu émettait sa propre clarté interne, qui n’éclairait qu’elle. Sur les côtés, des sortes de plantes, aux formes et au couleurs improbables, qui poussent sur un sol rocailleux. Et surtout, cette sensation bizarre, comme si elle était sous l’effet d’une Distorsion ou d’une Zone Étrange… en bien plus intense. Est-ce que ça voudrait dire… ? Non, impossible. Pourtant… Serait-elle dans l’Ultra-Dimension ? En tout cas, plus de traces du Zéroïd.

Bon, elle n’a pas trente-six solutions… Avisant le chemin qui serpente devant elle, la détective s’avance… Ou du moins, elle essaye. Elle manque de tomber à son premier pas, déstabilisée par ses sensations manifestement trompeuses dans cette dimension. Au bout de cinq minutes d’essais infructueux, elle parvient à se familiariser à peu près avec le fonctionnement de ses sens. Pas étonnant que les Ultra-Chimères soient si agressives, si elles sont aussi déboussolées en arrivant dans sa dimension à elle…

La jeune fille marche pendant plusieurs minutes sans rien apercevoir. Puis, à mesure qu’elle progresse, elle voit quelques Zéroïd flotter indolemment dans les airs. Elle retient sa respiration et se prépare au combat, certaine qu’ils vont l’attaquer. Mais les créatures ne semblent pas lui prêter attention. De plus en plus étonnée, elle continue. Par moments, le paysage semble grésiller, clignoter devant ses yeux.

Finalement, elle arrive sur une zone plus spacieuse mais sans issue, au milieu de laquelle flotte un Zéroïd. Contrairement aux autres qu’elle a pu voir, il est immobile, et tourné vers elle. On dirait presque qu’il… l’attend. Serait-ce celui de tout à l’heure ? L’enquêtrice fait un pas hésitant, et la créature commence à s’approcher d’elle. Effrayée par cette chose dont elle ignore les intentions, elle porte sa main à la Poké Ball de Sepiatroce, et laisse sortir son allié, qui semble heureusement mieux s’adapter à cet endroit qu’elle. Sitôt le Pokémon envoyé, l’Ultra-Chimère adopte un comportement offensif, et l’attaque avec une Vague Psy… qui n’a aucun effet sur la seiche. Profitant du temps que ça lui laisse, Millie crie :

— Coupe Psyko !

Le Pokémon Révolution balance des lames psychiques sur le Zéroïd, qui évite les premières mais est frappé par les suivantes. Il recule, affaibli.

— Bien, maintenant Tranche-Nuit !

L’Ultra-Chimère attaque à distance, la meilleure stratégie est donc de rester sur du corps-à-corps et de l’empêcher de s’éloigner. Millie constate avec soulagement que ses semblables ne s’intéressent pas au combat. La créature est déjà affaiblie, et les attaques de Sepiatroce font mouche, si elle parvient à la vaincre… C’est oublier la vitesse médiocre du Pokémon. Il ne peut se déplacer que par sauts, et la méduse en profite pour prendre de la distance et l’attaquer à répétition. Son Pokémon se fatigue plus vite, mais le Zéroïd est déjà à bout de force. Encore un coup… Esquivant à grand-peine une Bombe Acide, la seiche, sur l’ordre de sa dresseuse, lance sa plus puissante Coupe Psyko. Millie croit un instant que l’Ultra-Chimère va résister, alors que son Pokémon n’a plus la force pour encaisser une autre attaque… Mais non : elle s’effondre et ne se relève pas.

— Bien joué ! s’exclame Millie avant de rappeler son Sépiatroce, épuisé. Maintenant plus qu’à trouver comment sortir d’ici…

La détective fait demi-tour, sans penser à prendre de précaution, et commence à marcher du côté d’où elle est venue. Elle finira bien par trouver quelque chose, un moyen de retourner dans sa dimension…

Elle se retourne brusquement en entendant le bruit du Zéroïd juste derrière elle, à quelques centimètres à peine. Non ! Comment a-t-elle pu négliger une information aussi importante ? Sun avait pourtant parlé de la vitesse de régénération des Ultra-Chimères… Elle aurait dû la capturer ! Trop tard. La méduse l’agrippe, s’accroche à sa tête. Elle essaye d’entrer dans son esprit ! Millie crie ; il n’y a personne pour l’entendre. Elle se débat comme jamais, essaye de déloger la créature, la frappe… Rien à faire.

Une douleur terrible lui vrille le crâne lorsque Zéroïd prend possession d’elle.


***

Je ne vois rien. Je ne sens rien. Enfin, pas exactement. J’ai l’impression de flotter… Où suis-je ? Il y a du bruit, d’un coup… Un claquement rapide et régulier. Il s’arrête. Une voix. Qu’est-ce qu’elle dit ?

Ça s’éclaire. Il y a quelque chose, devant. Non, c’est quelqu’un. Un homme ? Un homme. Cheveux bruns ras, légèrement grisonnants, il porte un costume bordeaux sombre et un imperméable brun clair. Il parle ; je ne saisis pas ce qu’il dit !

Il répète un mot. Sa voix m’arrive de loin… En me concentrant, je réussis à comprendre ce qu’il dit. « Millie ». Il le dit plusieurs fois. « Millie ». Qu’est-ce que c’est, « Millie » ?

Sans comprendre, je sens mes membres qui bougent. J’avance vers lui ; vite, je crois. Il n’a pas le temps de réagir. Un de mes bras le frappe au visage, et il est projeté en arrière sur un mètre. Il se relève péniblement ; un liquide rouge coule de son nez. Du sang ? J’essaye de l’attaquer à nouveau. Enfin, non, pas moi. Moi, je sens juste le mouvement. C’est autre chose qui décide.

Il essaye d’éviter. Il ne se défend pas, il esquive juste les coups, et il continue de parler. Enfin, de crier. « Millie, je sais que tu es consciente. Tu dois te battre contre cette chose ! » Je ne comprends pas. Ses paroles ont un sens, mais il est obscur, confus… Je veux le saisir, pourquoi je n’y arrive pas ?

Je continue de l’attaquer. Qu’est-ce que j’essaye de faire ? Le blesser, le tuer ? Je veux pas, je veux entendre ce qu’il dit ! « Millie, rappelle-toi, on a déjà été dans une telle situation, quand tu étais contrôlée par la Combinaison Booster ! »

La Combinaison Booster… ? Oui, je me rappelle ! Les rues d’Illumis, Kalem, Gribouille… Monsieur Beladonis ! Enfin, je comprends. Millie, c’est moi.

Mais il y a aussi cette chose… L’Ultra-Chimère. Elle a pris possession de moi, je ne peux rien faire. « Tu peux te battre, Millie ! » Vraiment ? Si Monsieur Beladonis le dit, je dois en être capable ! Zéroïd essaye encore de l’attaquer. Je résiste de toutes mes forces, et ça provoque une douleur dans ma tête, mais impossible de l’en empêcher ! Impossible de
m’en empêcher. Je le frappe d’un des longs bras que me rajoute cette… « fusion » avec Zéroïd. Il tient debout ; à peine. Il continue de m’encourager.

Mais pourquoi il ne se défend pas ? Pourquoi il ne fait qu’éviter et encaisser les coups ? Il ne va pas pouvoir battre l’Ultra-Chimère ! Ça veut dire que… Que tout dépend de moi ? Je bataille de toutes mes forces, j’essaye de la repousser… La méduse le sent. Elle raffermit son contrôle sur moi. La pression à l’intérieur de mon crâne est insoutenable, je vais lâcher prise…

Monsieur Beladonis est à terre à présent. Est-ce qu’il est… ? Non ! Il relève péniblement la tête… « Millie… » Je puise dans sa voix encore quelques forces… Zéroïd ne l’écoute pas. Zéroïd s’approche. Non ! Il va le tuer ! Je peux encore me battre… Il lève le poing, concentre toute son énergie dedans…

NON !



***

Le monde explose en un million de papillons blancs. Comment on dit, déjà ? Le néant.