Ch 32 : Mégaphone
« Comment ça pas de seconde phase ? »
La déception fut telle que la méga-évolution de Lymnesine cessa toute seule. Les Magical Girls et leurs compagnons avaient expliqué aux deux sbires de Casus Belli qu'un combat contre un adversaire comme l'ultimage – un boss final – se déroulait forcément en plusieurs phases.
Ils s'attendaient donc à ce que l'Effronté se réveille d'un coup et entame une transformation qui le rende bien plus fort, puis à ce que leur affrontement se poursuive sur les toits avec en fond sonore des chœurs extatiques chantant en latin ou en sanskrit (on ne va pas cracher sur un des rares éléments positifs de la prélogie Star Wars).
Et peut-être une troisième transformation qui les mènerait dans l'espace, histoire de finir en beauté. Mais Casus Belli restait inerte.
« Vous l'avez pris pour Congélateur de Boule-Dragon ou quoi ?! s'exclama Jessico. Vous l'avez latté, point barre !
- Si j'avais su, je lui aurais planté la pointe de mes bottes dans le bide !
- Puisque la victoire nous est acquise, il me semble que je peux réciter quelques vers libres, intervint le Galeking. Ultime hommage à l'ultimage, on en gardera l'image d'un casuel belligérant, Casus Belli voulait faire sienne notre contrée, mais deux magiciennes l'ont contré, fin du combat sans émoi, mwahaha. »
Tout le monde applaudit. Puis, sans perdre une minute, Sofia défit les lacets des bottes de Lymnesine et ligota les poignets et chevilles de l'ultimage. Elle lança ensuite un enchantement sur ces liens de cuir afin le captif ne puisse s'en défaire, à moins d'utiliser des arcanes magiques très complexes.
Chrystosmus emporta le mage noir sur son épaule en direction des prisons, suivi par Ewart et Aliénor.
Lymnesine s'apprêtait à les suivre, quand elle se retourna soudain vers Jessico et Pamelo avec gravité. L'autre Magical Girl anticipait déjà la connerie qui allait sortir de la bouche de l'adolescente :
« Dites aux cuisiniers de nous préparer un festin pour fêter notre victoire sur votre patron ! Oh, tant que j'y pense, faites-nous également couler un bain !
- Nan mais t'as cru quoi ? Que c'était un hôtel ici ? rouspéta l'humain qui ressemblait à un Sépiatroce.
- Et tu vas nous faire quoi si on refuse ? ajouta le Sépiatroce qui ressemblait à un humain.
- Si vous n'obtempérez pas, je vous lance un regard noir ! »
Le ton de l'adolescente était ferme. Face à l'entêtement des deux sbires, Lymnie mit sa menace à exécution. Elle fronça les sourcils et adressa un regard intense aux larbins. Puis elle pouffa de rire.
« Désolée, je n'arrive pas à rester sérieuse ! Sofia, tu peux m'aider ?
- Avec joie. Coulez-nous un bon bain chaud, sinon... »
Les sourcils châtains de Sofia s'arquèrent, ombrageant ses pupilles devenues aussi sombres que l'ébène. Le léger tremblement de ses lèvres roses constituait le seul mouvement visible sur son visage impassible. On aurait pu croire que la jeune femme avait cessé de respirer.
Le froid glacial qu'installa cette œillade mauvaise convainquit les deux sbires de céder aux exigences des deux magiciennes. Sofia continua pourtant à soutenir son regard lourd jusqu'à ce que Jessico et Pamelo eussent quitté la pièce.
Les trois Pokémons revinrent alors, accompagnés de l'archimage McKenzie et du Sage Pudi. Tous deux se mouvaient avec raideur après tout ce temps passé en cellule. On guida le Metalosse vers l'infirmerie des sbires pour le soigner des coups subis durant son interrogatoire nocturne par les journalistes de la Gazette du Mal.
McKenzie resta quelques instants avec les deux magiciennes en dissimulant son étonnement avec maestria ; il n'aurait jamais parié sur les Magical Girls dans un combat contre Casus Belli. Il s'abstint toutefois de le dire, ne voulant pas passer pour un de ces vieux mages misogynes et bien-pensants.
Il questionna bientôt Lymnesine au sujet de son serviteur, celui qui avait risqué sa vie pour porter le message au sous-directeur Cassoulaid.
« Selon les dires de ce dément de Metalosse, mon domestique serait mort et enterré par vos soins, mademoiselle Hesperides.
- Ouaip ! Cassoulaid ne voulait pas se salir les mains, alors il m'a ordonné de le faire, ce sale...
- Bataru.
- Tu m'enlèves les mots de la bouche, Ewart ! rigola l'adolescente.
- Il n'y a rien de drôle à cela ! la réprimanda Sofia en lui donnant un coup de coude. Ce pauvre homme a donné sa vie pour l'avenir de Rivustel !
- Vous savez, ce n'est pas la première fois que cela lui arrive, tempéra McKenzie. Par contre, il faudrait que vous m'indiquiez où vous l'avez enseveli. Il a tendance à être de mauvaise humeur quand il ressuscite sous terre. »
Pour rappel, il n'y a pas de mort définitive dans les fictions populaires, pourquoi celle-ci ferait-elle exception ?
Jessico et Pamelo revinrent pour indiquer que le bain de chacun était prêt. Les sbires offrirent une douche à Gottfried en cellule de dégrisement.
Sofia resta presque trois quarts d'heure à infuser dans la baignoire. Quand elle se décida enfin à en sortir, elle découvrit une magnifique robe noire que les sbires lui avait préparé en vue du banquet. Elle l'enfila, puis quitta la salle de bain.
Dans le hall, elle aperçut trois individus qu'elle ne connaissait pas : un nabot, un bellâtre au cheveux rouges et une Mistigrix. Cette dernière discutait avec Aliénor comme si elles étaient amies de longue date (ce qui n'était pas le cas, mais les personnages secondaires ont tendance à tisser des liens rapidement).
Les deux types bavardaient avec Lymnie. Sofia comprit d'un coup d'œil que le plus petit des deux avait un lien de parenté avec sa jeune collègue. Quant à l'autre, il glissa dans les airs avec grâce et se réceptionna juste devant elle, une rose à la main.
« Mon cœur est entièrement vôtre, ô créature angélique ! s'exclama Zalgor en offrant la fleur à la magicienne. Envolons-nous ensemble vers un pays de poésie et d'amour !
- Dites-moi que je rêve...
- Alors nous sommes deux à baigner dans la pureté de ce songe voluptueux, poursuivit le Wizard sans relever l'exaspération de Sofia. De grâce, beauté aurorale, laissez-moi être l'instrument de votre bonheur éternel ! Nous dormirons ensemble sur des plages immaculées, bercés par l'éclat des astres, pourtant bien ternes en comparaison de votre splend...
- C'est tellement niais et superficiel que j'en ai des hauts-le-cœur ! »
Pourtant habitué à se faire rembarré de façon violente, Zalgor resta sans voix. Ce ne serait que sa troisième tentative de séduction ratée de la journée.
Mark, qui ne se trouvait pas dans le hall, traversa plusieurs murs et roula jusqu'aux pieds de SA Magical Girl. Son radar interne l'avait prévenu d'une présence non désirée dans le périmètre restreint de Sofia. Le Farfaduvet fixa l'importun de ses yeux rouges écarquillés.
La mascotte ne prononça pourtant pas un mot, Sofia se débrouillait à merveille pour repousser ce misérable bellâtre. Ce dernier revint à la charge, mais la magicienne sut se montrer particulièrement vexante.
La Sbirette, de retour en service après la défaite de l'ultimage, annonça que le repas était servi. Lymnesine poussa une exclamation de joie, suivi d'un long soupir quand on lui expliqua qu'il y avait vingt minutes de marche jusqu'à la salle à manger. Que Casus Belli ait vaporisé l'architecte de sa demeure n'étonna personne.
Lorsqu'il arrivèrent, Gottfried avait déjà commencé à manger. Sur la grande nappe blanche recouvrant la table, de nombreux plats attendaient d'être savourés. En entrée, il y avait des feuilletés, des toasts, de la compotée de légumes et des crudités coupées finement. Chacun s'installa, même la Sbirette, et le festin débuta.
Les domestiques apportèrent ensuite du riz à la badiane, plusieurs salades, ainsi qu'un rôti dit "à la Scarborough Fair", car agrémenté de persil, sauge, romarin et de thym. Ce râleur de Gottfried se plaignit que la viande était un peu sèche.
Alors le chef lui prépara une sauce. Il fit bouillir une cuillère à soupe de moutarde à l'ancienne avec un verre de vin blanc dans une casserole, puis, après évaporation de l'alcool, il baissa le feu et ajouta deux cuillères à soupe de crème fraîche. Il laissa ensuite sa sauce épaissir.
On se croirait sur CuisineTV.
Zalgor profita du repas pour tenter une nouvelle fois de séduire la belle, mais farouche Sofia. Mark prit place à côté de lui, afin de pouvoir l'occire rapidement en cas de besoin.
Cela faisait rire Gottfried. Il glissa à l'oreille de Caelemen :
« Ton pote devrait lâcher l'affaire, il ne réussira jamais à la draguer. Il est trop nul.
- On en reparlera dans quatre ans et demi, lui répondit mystérieusement l'ainé Hesperides.
- Et il se passera quoi dans quatre ans et demi ?
- Leur mariage.
- Comment tu le sais ? siffla le Fouinar, inquisiteur, entre deux bouchées.
- J'ai lu les carnets de rêve de ma frangine. C'est dingue le nombre d'infos croustillantes que l'on peut y trouver. Pour un type comme moi, c'est une vraie mine d'or !
- Connaissant ta sœur, j'ai du mal à y croire.
- Et bien, sachant que cela fait plus de sept ans et demi qu'elle remplit ses carnets à raison d'un virgule quatre rêve par nuit en moyenne, on arrive à quasiment à quatre mille visions exactes du passé, du présent ou du futur. Même en admettant que quatre-vingt-dix pourcents de ses songes sont à chier, il reste quand même quatre cents rêve potables, voire riches en informations, expliqua Caelemen avant de saisir une bouteille sur la table. Je te sers ?
- Non merci, tu sais bien que le vin blanc me fait phaser à travers le mobilier.
- Oups, pardon, j'avais oublié. En tout cas, grâce aux carnets de Lymnie, j'ai pu empêcher Casus Belli d'envahir Rivustel la dernière fois. J'y ai lu tous les détails de son plan pourri.
- Il faudrait que j'envisage d'en lire un, à l'occasion. »
Avec un peu de chance, il trouverait un moyen pour devenir riche et célèbre en feuilletant ces fameux carnets. Le Fouinar abandonna son assiette pour aller faire les poches de sa Magical Girl. Caelemen dut poursuivre la conversation avec son voisin de droite, Ewart.
Le repas se poursuivit dans la bonne humeur. Au dessert, on leur servit une spécialité locale : le sorbet. Et à la fin du repas, Caelemen fit une révélation importante, sur le ton de la plaisanterie :
« Au fait, je ne vous l'ai pas dit, mais le Roy ne risquait rien. Je l'ai prévenu il y a cinq jours du plan de Casus Belli. Il est parti se planquer dans son bunker dans un village nommé Altweibersommer, c'est son sosie qui se trouve à Kezerkastel en ce moment. Facile à reconnaître, il a un tatouage en forme de Kecleon sous le pied.
- COMMENT ?! rugit Chrystosmus, outré, levant la voix pour la première fois en trente-huit ans d'existence.
- Ben qu'est-ce qui t'arrive, Chrys ?
- Voyons, ma chère Lymnesine, il m'arrive que je suis indigné ! Nous avons traversé Altweibersommer le premier jour, juste avant de rencontrer ces deux fats de Sath Auros et Beldar Meredith. Si nous avions su, notre périple s'en serait fini là, sans combat mortel, ni course-poursuite, beuverie, séjour en prison, larcin, falsification documentaire ou perte de pouvoirs ! Nous n'aurions pas dérangé et mis en danger cette chère Sofia ! Et ce cher Ewart n'aurait pas frôlé le trépas d'aussi près !
- Et j'aurais pu faire la grasse matinée deux fois, renchérit Gottfried. »
Avec le recul, terminer Magical Girl au chapitre 4 aurait épargné des efforts à tout le monde.
Caelemen se contenta de hausser les épaules avec un sourire qui n'avait rien de compatissant. Il laissa tout le monde pester cinq minutes en se délectant de leurs plaintes. Puis il leur expliqua que leur travail n'était pas encore terminé.
En effet, il fallait à présent annoncer aux ultimages félons et aux autres traîtres que Casus Belli était vaincu, leur complot éventé. D'après Caelemen, l'Effronté possédait un artefact magique lui permettant de se faire entendre par tous les habitants de Rivustel. Il proposa aux deux magiciennes de s'en servir pendant que lui et Zalgor s'occuperaient de gérer les éventuelles tentatives de coup d'État qui suivraient leur déclaration.
Sans attendre de réponse, Caelemen chopa sa Mistigrix, le Wizard et même McKenzie, avant de foncer vers le placard à Abra le plus proche. Pour ne pas fâcher leur maître, les sbires avaient pris l'habitude de ranger les Abras après utilisation. Il arrivait que certains Pokémons Psy y fassent une crise d'angoisse, aussi chacun veillait à les sortir régulièrement.
Ayant tout entendu, la Sbirette invita les magiciennes à la suivre jusqu'à la chambre de Casus Belli. Cette fois-ci, elle s'abstint de préciser pour les dix-huit minutes de marche. Gottfried et Mark les accompagnèrent, laissant aux autres le loisir d'essuyer la vaisselle.
Sur le trajet, la Sbirette demanda si le « Professeur Hesperides-sensei » allait revenir un jour. Lymnesine lui répondit par un sourire énigmatique. Il fallait d'abord qu'elle mette la main sur une paire de lunettes et une blouse blanche.
Le groupe traversa moult salles et passages secrets jusqu'à l'interminable corridor sinistre décoré de tableaux moches menant à la chambre du vilain sans front. Sofia croisa les doigts avant d'entrer, espérant que l'endroit ne soit pas trop horrible.
Si on faisait abstraction des cinquante portraits de la Reyne disséminés un peu partout, la pièce ressemblait à n'importe quel chambre. On y trouvait un lit douillet, une table de nuit accueillant un livre de chevet, une penderie peu remplie, une chaise, un bureau mal rangé et une pendule.
Mais il y avait ces cinquante portraits.
« Décidément il est en ponchien sur la Reyne, ce petit cachottier ! plaisanta le Fouinar millénaire.
- Cela ne me surprend pas qu'il ait un comportement obsessionnel, ajouta Mark.
- Tu dois t'y connaître sur le sujet.
- Sofia-san, Lymnie-chan, venez par ici ! J'ai trouvé le machin dont parlait Caelemen-kono-yarou-sama ! »
La Sbirette indiqua un petit vestibule accolé à la chambre rempli uniquement d'un socle haut de nonante centimètres et surmonté d'un objet argenté pareil à une grosse gousse d'ail. La ressemblance n'était pas anodine, car il s'agissait de l'Ail-phone de Casus Belli.
[note de l'auteur : Internet vient de me confirmer que ce n'était ni drôle, ni original. Merci Internet.]
Pour faire fonctionner l'artefact, il suffisait de l'alimenter avec un peu de magie. Une fois en marche, il reproduisait les sons les plus proches partout à Rivustel, un peu comme une station de radio qu'on nous imposerait.
Afin qu'aucune bévue ne soit commise, il fut décidé à l'unanimité que seule Sofia parlerait. La jeune femme s'approcha de la gousse d'ail argentée, la chargea d'énergie magique et inspira un grand coup.
« Test, un, deux, un, deux... Vous m'entendez à Rivustel ?
- Bon, en attendant, je vais piller les effets personnels du Belli. Tu viens Mark ?
- Putain, ta gueule Gott ! aboya Lymnesine. On avait dit que seule Sofia devait causer !
- D'ailleurs, j'aimerais bien en placer une, là... Bon, je disais ? Ah oui ! Rivustel, l'heure est grave ! L'ultimage de l'hiver, Casus Belli, a organisé une gigantesque machination en vue de tuer le Roy et de s'emparer du pays, avec le soutien des trois autres ultimages régionaux. Leur conquête devait commencer ce soir, à minuit, à la fin de la cérémonie sacrée des Magical Girls. Mais Casus Belli a été vaincu, il faut emp...
- Précise que c'est moi qui l'ai vaincu, intervint Lymnesine.
- J'y étais aussi, figure-toi ! s'empourpra Sofia.
- Ouais, enfin j'ai fait le plus gros du travail. Z'avez entendu Cassoulaid ? rugit l'adolescente en approchant son visage de la gousse d'ail. La pire Magical Girl de Rivustel a battu un ultimage ! Et en échange, je ne suis même pas sûre de visiter le Pokémonde comme vous me l'aviez promis, espèce d'escroc ! Mais on en reparlera après le scandale de la maison close, croyez-moi ! »
Dans le temple de la région automnale, tous les regards se tournèrent vers le sous-directeur. Si l'accusation faite à l'ultimage n'étonna personne – ce ne serait pas la première magouille foireuse en politique – en revanche, l'évocation d'un scandale sexuel auquel serait lié Fulbert Cassoulaid ne manqua pas de provoquer un tollé.
Les premiers murmures contenant les mots « pervers », « déviant » et « honte de l'académie » s'élevèrent, tandis que le visage du quinquagénaire virait au rouge.
« Bingo ! De la gnôle ! Allez, on embarque ! résonna la voix de Gottfried.
- Taisez-vous tous ! Ce n'est pas sérieux, voyons ! se plaignit Sofia, avant de reprendre. Ce message est donc adressé à tous les alliés de Casus Belli. Rendez les armes ! Le cerveau de l'opération est hors d'état de nuire et son QG est sous notre contrôle. Vous êtes à présent en infériorité numérique. En plus, le Roy est en sûreté, son sosie le remplace à la capitale. »
Confortablement assis sur le siège du Roy, dans son bureau, le sosie posa le roman qu'il lisait, tendant l'oreille pour en savoir plus. Le Roy avait omis de lui dire qu'il serait possiblement la cible d'un assassinat. La doublure sentit comme une boule se former dans sa gorge.
Deux assassins en tenue de ninja planqués derrière les rideaux sortirent de leur cachette en soupirant. Les sept Aspicots tueurs dissimulés sous le tapis en firent de même, suivis par le sniper qui occupait l'armoire. En plus de ceux-là, le sosie découvrit avec stupeur un gang de Scorplanes qui dévissait le faux-plafond qui les occultait jusque-là.
Enfin, un dernier assassin obèse jaillit avec difficulté du tiroir dans lequel il guettait sa proie depuis le début de la journée. Le sosie fut bien trop abasourdi pour lui demander comment il faisait pour tenir dans un espace aussi étroit.
« Sofia-san, vous devriez peut-être dire que Casus Belli-kun voulait pécho notre Reyne-hime bien aimée ?
- En même temps, on ne peut pas lui jeter la pierre, lâcha Lymnesine. Moi aussi, si j'avais dix ans de plus, j'aurais dragué la Reyne ! Elle est tellement belle !
- Un peu de tenue, tout le monde nous écoute ! râla Sofia.
- Tu dis ça parce que tu ne l'as jamais vue en vrai.
Eh bien laisse-moi te raconter
Sa manière d'être
Sa manière d'agir
Et la couleur de ses cheveux
Sa voix est douce et calme
Ses yeux sont clairs et brillants...
- Oui, c'est bon j'ai compris ! C'est un canon, pas la peine d'en rajouter ! »
Appuyée contre le rebord du balcon surplombant Kezerkastel, le Reyne ne put réprimer un sourire. Voilà qui alimenterait les ragots de la cour pendant un mois.
« Tais-toi Lymnie, beugla Gottfried qui fouillait le matelas de l'ultimage. Sinon je balance à tes parents que tu as un tatouage dans le dos.
- C'est vrai ? s'enquit la Sbirette.
- Ouais, il est immense en plus. Je me suis réveillée avec ce tatouage après m'être bourrée la gueule avec mon frère Etherion. Il faut que j'en parle à maman, mais mon père ne doit pas le savoir, sinon il va me tuer. Au pire, je lui dirais qu'Irmès a tellement honte de nous qu'il nous a caché sa fiancé. En plus elle est enceinte. Et si ça ne suffit pas, j'ajouterais que Caelemen m'a envoyé au casse-pipe contre Casus Belli et ses assassins.
- Je ne pense pas que les gens de Rivustel soient intéressées par tes problèmes d'adolescente. Laisse-moi terminer mon discours. »
Sofia poursuivit en expliquant les raisons de la trahison des ultimages, elle avait pu en apprendre plus sur le sujet en discutant avec le frère de Lymnesine durant le repas.
Si partout à Rivustel, les gens restaient figés à l'écoute de cette voix venue de nulle part, dans un restaurant chic de la région printanière, un petit homme d'affaires peu affable repoussa son assiette et se leva. Les clients avec qui il dînait furent surpris de sa soudaine réaction.
« Mais enfin, Peswar, où allez-vous?
- Tuer mes enfants. Bonne soirée à vous. »
Puis il quitta le restaurant. Au même moment, un bûcheron anonyme paya la dernière tournée de sa vie dans le bar où il picolait tranquillement. Et à Kezerkastel, un magistrat entamait une longue et peu plaisante discussion avec la femme de sa vie.
« Malgré tout, réjouissons-nous car la vie de notre souverain est sauve... Enfin, c'est toujours mieux qu'être gouvernés par Casus Belli, vous en conviendrez.
- La fin de ton discours manque de peps, Sofia.
- Ça y est ? Vous avez fini de prévenir tout le monde ? demanda le Fouinar. Bien, allons fêter notre victoire en fumant les cigares volés à Everett Lokoms ! »
Les voix se turent enfin dans les cieux de Rivustel, permettant à la populace de digérer le flot d'inepties qu'elle venait d'entendre. La Milice et la Garde s'armèrent en vue de réprimer de possibles rébellions. Mais grâce à Caelemen, cela ne se limita qu'à de simples échauffourées.