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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 02/10/2017 à 23:33
» Dernière mise à jour le 14/12/2017 à 17:58

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre -08 : Faire quelque chose de nos vies
Contrairement à ce qu’il avait dit à Tia avant qu’elle ne monte se coucher, Will ne monta absolument pas la garde, cette nuit-là. Epuisé par les événements de la veille, il s’assoupit presque immédiatement dans le fauteuil et dormit comme une masse. Et pour une fois, il traversa la nuit d’une traite. Pas d’insomnie. Pas de cauchemars.

Il ne se réveilla pas lorsque la fille du Chancelier descendit, et celle-ci prit grand soin de le laisser se reposer. Il ne se réveilla pas non plus lorsqu’elle prit sa douche, ni lorsqu’elle ferma la porte derrière elle avant de démarrer la voiture.

Non, il ne se réveilla que lorsqu’elle revint en début d’après-midi et qu’elle lui secoua doucement le bras en souriant.

Pâteux comme au lendemain d’une nuit d’ivresse, Will ouvrit péniblement les paupières et mit plusieurs secondes à reconnaître le visage penché vers lui.

« Tu parles d’un garde du corps, sourit Tia.
- Grhm… Il est quelle heure ?
- Treize heures passée.
- Bon sang… »

Le détective se releva de son fauteuil en se frottant les yeux, mi-honteux, mi-exaspéré. Tia recula d’un pas, toujours souriante, avant de lui tendre une sphère rouge et blanche que Will connaissait bien.

« Tu devrais le libérer rapidement. J’ai l’impression qu’il va sortir tout seul, si ça continue. »

Le détective attrapa la Pokéball en lançant un regard profondément reconnaissant à Tia. D’une pression sur le bouton, il libéra l’Arcanin, qui apparut dans le salon en poussant un rugissement triomphant, visiblement ravi d’être enfin à l’air libre.

Will écarta les bras en souriant et le Pokémon Feu se jeta sur lui, le renversant de tout son poids, faisant immédiatement regretter son geste au détective qui manqua de se cogner la tête contre la table basse. Ils roulèrent tant bien que mal au milieu du mobilier, comme lors de leurs jeux, à l’époque où Fenrir n’était qu’un Caninos.

Mais maintenant, le Pokémon était bien plus imposant que son Dresseur, et ce dernier se retrouva bientôt écrasé par l’imposante masse de son Arcanin, sous les rires moqueurs de Tia qui les regardait batifoler d’un air moqueur.

Fenrir posa une lourde patte sur le torse de Will, le clouant au sol d’un air impérieux, avant de montrer les crocs. D’aucuns auraient pu s’inquiéter d’un tel comportement – mais le détective savait que c’était la façon qu’avait son compagnon de jouer. Régulièrement, le Pokémon aimait lui rappeler qu’il n’était pas son Dresseur – pas vraiment. Tous deux étaient partenaires. Egaux.

Après lui avoir mordillé l’avant-bras, Fenrir recula pour le laisser se relever. Will se redressa en grommelant, mais fut bientôt vengé lorsque l’Arcanin, trop imposant pour le salon, se heurta au fauteuil en reculant et manqua de tomber.

« Ça t’apprendra à faire le malin ! » rit Will.

Tia se joignit à son hilarité tandis que Fenrir aboyait d’un air vexé avant de s’asseoir, incertain quant à la démarche à adopter dans ce salon définitivement trop meublé.

Essoufflé, le détective rajusta sa tenue froissée. En relevant la tête, il croisa le regard moqueur de Tia :

« Quoi ? lança-t-il d’un ton faussement offensé.
- Rien, rien... sourit la fille du Chancelier en évacuant la remarque d’un geste de la main. C’est juste que vous aviez l’air de deux gamins, à vous rouler sur le tapis. »

Fenrir aboya à nouveau, relevant les babines pour montrer ses canines acérées. Loin d’être intimidée, Tia se contenta de lui donner une pichenette le museau :

« Je plaisante, gros malin ! On vous donne dix ans de moins à tous les deux, quand vous êtes ensemble. C’est une bonne chose.
- T’entends ça, Fenrir ? Elle nous traite de vieux. »

L’Arcanin émit un grondement faussement irrité, et Tia capitula en levant les deux mains.

« D’accord, d’accord, je retire ! »

Will sourit à nouveau, amusé.

« Allez, Fen’, arrête de jouer les caïds et montre-moi un peu ta blessure. »

Le Pokémon Feu secoua sa majestueuse crinière et se redressa, exposant son poitrail. Le détective s’approcha en lui flattant l’encolure, puis écarta la fourrure afin d’examiner la plaie – ou plutôt, ce qu’il en restait.

Le Leveinard du Centre Pokémon avait fait du bon travail. La blessure était entièrement refermée, et il n’en restait qu’une cicatrice à la peau épaisse et blanche – une de plus à ajouter à la collection de Fenrir, que les années de service chez les Elitiens avaient autant marqué que Will lui-même.

Voyant que son compagnon ne bronchait pas lorsqu’il appuyait sur la plaie, le détective opina du chef, satisfait.

« Désolé de pas avoir pu venir te chercher au Centre, mon vieux. On est recherchés, maintenant. Tu te sens en forme ? »

L’Arcanin aboya faiblement pour signifier son assentiment, ce qui sembla étonner Tia :

« Il comprend vraiment tout ce que tu dis ?
- Oh, oui. Mais ça ne veut pas dire qu’il est toujours d’accord. Il aime bien n’en faire qu’à sa tête. Pas vrai, mon vieux ? taquina Will avant de se faire mordiller l’avant-bras en guise de réponse.
- C’est dingue. Je savais que certains Pokémon Psy avaient une intelligence humaine, voire plus, mais un Arcanin…
- On ne parle pas de n’importe quel Arcanin. Fenrir a grandi et a été éduqué à l’Académie. Les gens ont tendance à oublier que les Elitiens ne sont pas les seuls à subir un entraînement intensif. Leurs Pokémon aussi.
- Pourquoi est-ce que vous ne vous êtes jamais mis aux combats de Dresseurs ? demanda alors Tia, intriguée. Vous auriez été très bons, tous les deux.
- On n’apprend pas à devenir Dresseur à l’Académie. On apprend à devenir Elitien, expliqua gravement Will. Les Dresseurs font combattre leurs Pokémon à leur place, jusqu’au K.O. Les Elitiens travaillent avec leurs Pokémon, pour ceux qui en ont, et il s’agit d’arrêter par tous les moyens des criminels parfois désespérés. C’est généralement beaucoup moins gentillet qu’un combat de Dresseur.
- Mais qui peut le plus peut le moins, non ? »

Will haussa les épaules.

« Je n’aime pas l’idée de rester sans rien faire pendant que Fenrir se bat. Et je ne pense pas non plus qu’il trouve beaucoup d’intérêt à se battre contre d’autres Pokémon, surtout si ça a pour seul but de satisfaire des humains. Je me trompe ? » demanda-t-il en tournant la tête vers l’Arcanin.

Ce dernier posa une lourde patte sur l’épaule de son Dresseur, qui ricana.

« C’est ça, moque-toi.
- Qu’est-ce qu’il veut dire ? questionna Tia, intriguée.
- Il fait ça quand il est satisfait que son idiot d’humain comprenne ce qu’il pense, lança Will en se dégageant.
- C’est vrai que j’ai l’impression qu’il comprend bien mieux ce que l’on dit que l’inverse. Dans un sens, ça ne m’étonnerait pas qu’il nous prenne pour des idiots. » avoua la jeune femme.

Fenrir s’approcha alors d’elle, et ce fut au tour de Tia de voir la lourde patte de l’Arcanin s’abattre sur son épaule.

« Là, s’il avait pu parler, il t’aurait probablement sorti un « C’est bien ! Gentille humaine ! », lança Will. Tu sais, sur le même ton que ces grands-mères de la ville haute qui comblent leur Couafarel de cadeaux quand ils se comportent sagement pendant leur toilettage. »

La jeune femme éclata de rire. Même Fenrir semblait fier de sa propre malice. Reprenant contenance, Tia se libéra et se mit à gratouiller l’Arcanin sous le menton. Le Pokémon se fit violence pour ne pas grogner de satisfaction et s’assit majestueusement, s’efforçant visiblement de garder son air princier.

Will les observa en souriant, et réalisa soudain qu’il n’avait jamais autant ri depuis huit ans. Ils formaient un beau trio.

Avec un pincement au cœur, le détective se dit qu’en regardant Tia jouer ainsi avec Fenrir, il avait l’impression de voir Diane.

~*~
Will terminait de prendre sa douche quand il entendit la voix de Tia l’appeler depuis le salon. Inquiet, il se sécha à peine et sortit en trombe de la salle de bains, saisissant le revolver d’Edge au passage.

Il débouler dans le salon en caleçon, arme au poing, s’attendant à tout, sauf à voir la jeune femme installée devant la télévision, tandis que Fenrir faisait la sieste sur le tapis.

L’air inquiet de Tia se mua en étonnement lorsqu’elle le vit débarquer, puis elle éclata de rire tandis que Will poussait un juron en s’en retournant vers la salle de bains.

« Attends ! Tu peux rester comme ça, si tu veux ! Fais comme chez toi ! » lui lança Tia entre deux éclats de rire.

Le détective grommela et se rhabilla sans hâte, revenant dans le salon en s’attendant aux moqueries de la fille du Chancelier. Cette dernière n’en fit rien, cependant – elle avait rapidement recouvré son sérieux et désigna la télévision du doigt :

« Faut que tu voies ça. »

L’ex-Elitien s’installa sur le canapé à côté d’elle et s’intéressa au programme qu’elle lui montrait.

« … ont pris d’assaut l’un des points de passage menant à la ville haute en menaçant le personnel pour qu’il les fasse monter, expliqua la présentatrice d’Omnews. Il existe normalement une sécurité chargée d’empêcher tout détournement des ascenseurs, mais il semblerait que des Résistants infiltrés dans la ville haute aient désactivé le verrou, permettant ainsi à des individus non-accrédités d’emprunter les capsules pneumatiques. A l’heure où je vous parle, les Elitiens ont préparé un barrage dans la ville haute pour empêcher ceux qui sortiront de ces capsules de répandre le chaos. Le Chancelier Jack Taylor a expressément autorisé les agents du Commissariat à tirer pour tuer si les terroristes refusent de se rendre.
- Les terroristes. Ils ne parlent plus de manifestants, ni même d’émeutiers. Ce sont tous des terroristes, releva Tia.
- Ils vont les abattre à vue, grogna Will.
- C’est la cellule de Montgomery qui a dû leur ouvrir.
- Les pirates d’ascenseurs ?
- Oui. Ça fait des mois qu’on travaillait à les faire infiltrer parmi le personnel des points de passage. C’est eux qui ont dû désactiver le verrou sous ordre de Riviera.
- C’est du suicide, protesta le détective. Les Elitiens vont descendre tous ceux qui essayeront de prendre les capsules pour la ville haute.
- Regarde combien ils sont. » se contenta de répondre Tia en désignant les images qui passaient à la télévision.

L’un des nombreux drones d’Omnew diffusait en direct les images captées lors de son survol de la foule de manifestants. Will fut effaré. Sous ses yeux défilaient des dizaines, voire des centaines de milliers de silhouettes qui hurlaient de concert, jetant cailloux, pavés et insultes au drone. Le centre-ville de la surface était en flammes, et quasi aucune vitrine ne tenait encore debout.

C’était un spectacle d’apocalypse.

Soudain, un Dimoret sauta depuis la foule et agrippa le drone, qui tangua dangereusement. On entendit le Pokémon crier de rage, et le drone fonça droit dans la façade d’un gratte-ciel. Le flux vidéo s’interrompit net.

« C’est l’enfer, là-bas, lâcha Will d’un ton grave. Bordel… C’est même plus une manifestation… C’est…
- C’est une révolution, acheva Tia. Ils sont en train de se libérer.
- C’est ça, ce que tu voulais ? Des morts par centaines, des flammes dans les rues, des vitrines brisées ?
- Tu savais comme moi que ça ne se ferait pas dans le calme, répliqua la jeune femme.
- Alors c’était ça, ton idéal ? Ce pour quoi tu t’es battue toutes ces années ? » s’emporta le détective.

La fille du Chancelier ouvrit la bouche pour répliquer, puis secoua la tête en signe de dénégation :

« Non. Non, ça ne ressemblait pas à ça. Ça, c’est un déferlement de haine. Ces gens n’ont pas de but. Pas d’espoir, juste de la colère. C’est pour ça qu’il faut qu’on y retourne.
- Et faire quoi ? Guider le peuple ? ricana le détective. Du haut de tes vingt-six ans et de ton ascendance bourgeoise ?
- D’accord, j’admets qu’ils ne me suivront pas. Et de toute façon, je suis portée disparue, ils l’ont annoncé aux infos toute à l’heure. Non, ce n’est pas pour diriger qui que ce soit que je veux y retourner. C’est pour convaincre mon père d’arrêter cette horreur.
- Il a l’air disposé à l’arrêter. Via la loi martiale.
- Il a déjà perdu, et il le sait, soupira Tia. Je ne comprends pas pourquoi il s’obstine comme ça. Toute sa vie, il a cherché le pouvoir, et une fois qu’il l’a eu, il a voulu le conserver aussi longtemps qu'il le pouvait. Il a passé plusieurs accords, que ce soit avec des politiciens ou des entreprises, simplement pour se maintenir au sommet le plus longtemps possible.
- Eh bien, c’est ce qu’il fait, non ? Il s’accroche au pouvoir.
- La logique aurait voulu qu’il passe des accords, qu’il négocie avec les syndicats, les délégués. Qu’il cherche un terrain d’entente, qu’il leur lâche du lest, qu’il fasse des promesses. Mieux vaut perdre un peu de pouvoir et rester en place qu’être évincé et tout perdre d’un coup. Et il le sait.
- Donc qu’est-ce que tu veux faire ? Rentrer à Omnia et discuter avec ton père ? Il a l’air assez débordé, ironisa Will.
- Même s’il a tendance à l’oublier, je suis sa fille, grogna Tia. Il trouvera le temps de me recevoir.
- Admettons. Comment est-ce que tu comptes faire pour rallier Omnia, traverser les manifestations sans te faire mettre le grappin dessus alors que le Rex veut ta mort, que les Elitiens veulent t’arrêter et que les manifestants sont assez enragés pour s’attaquer à tout ce qui leur rappelle le Chancelier ? Et une fois au point de passage, comment est-ce que tu comptes atteindre la Chancellerie ? Ils tirent à vue sur tous ceux qui prennent les capsules, tu l’as entendu comme moi.
- C’est pour ça que j’ai besoin de toi, lâcha la jeune femme. Seule, je n’ai aucune chance de m’en tirer. »

Will éclata d’un rire sans joie.

« Parce que tu crois que je peux te protéger des hommes du Rex, des Elitiens et des manifestants à la fois ? Pour qui est-ce que tu me prends ? Une sorte de super héros ?
- Non, répondit Tia en s’efforçant de garder un ton calme. Je te prends pour un détective qui a rejoint les Elitiens pour servir et protéger la société, un homme qui était promis à un grand avenir, mais qui n’a rien accompli de significatif dans sa vie alors qu’il approche dangereusement vite de la quarantaine. Un homme qui sait qu’il aurait pu faire de grandes choses, mais qui a préféré se réfugier dans la bouteille et le sarcasme plutôt que d’admettre que quelque part, derrière ce masque de connard désabusé, il a encore des idéaux et une envie de faire quelque chose de bien. »

Sa voix devint légèrement plus aigüe sur la fin de sa tirade, trahissant la flamme qui brûlait en elle, et Will en resta bouche bée. C'était la première fois qu'il entendait un juron dans la bouche de la fille du Chancelier, elle qui était d'habitude si contenue, si maîtrisée. N'y tenant plus, la jeune femme se releva d’un bond et serra les poings jusqu’à s’en faire blanchir les jointures :

« Bon sang, Will, on est des fugitifs ! s’exclama-t-elle, perdant toute contenance. La moitié de la ville veut ma mort, et la tienne, et l’autre moitié rêve de nous arrêter ! La société qu’on connaît est en train de s’effondrer. Ce qu’on vit, en ce moment, ce qui se passe à Omnia, c’est plus qu’une révolution, tu comprends ? C’est un moment de vérité ! Le genre d’événement qui ne se produit qu’une fois par siècle – l’occasion de transformer la société, d’en faire enfin quelque chose de juste, de bénéfique pour tous les individus, et pas juste une poignée de privilégiés. Ça ne s’arrêtera pas à Omnia, et tu le sais aussi bien que moi ! Alors aujourd’hui, on a le choix : soit on risque notre peau, oui, et on essaye de saisir l’occasion d’enfin faire quelque chose de significatif de nos vies – soit on laisse couler, on se cache comme les hypocrites que l’on est, et on sera ceux dont parleront les générations futures quand elles évoqueront les lâches qui ont eu l’occasion de changer le monde mais ont préféré s’en laver les mains ! »

Sa voix se brisa, et elle se mordit le poing pour se calmer, tournant le dos au détective qui se contentait de la regarder s’enflammer, stupéfait.

Une longue dizaine de secondes passa, pendant laquelle aucun d’eux deux ne prononça le moindre mot. Tia reprit contenance petit à petit, et cessa finalement de mordre son poing avant de se tourner vers Will, un air contrit sur le visage. Ce dernier l’interrompit avant qu’elle ne puisse s’excuser :

« C’est bon. Je viens. »