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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 29/09/2017 à 16:05
» Dernière mise à jour le 18/11/2017 à 19:27

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre 59 : Vous avez eu votre chance
Allongé sur son lit, Will contemplait le plafond de sa chambre du bunker, proche de l’ivresse.

« Tu voulais m’embrasser, cette fois-là, non ? » fit la voix de Tia sur sa droite.

Le survivant tourna la tête sur le côté et l’aperçut, assise sur le bureau, agitant ses longues jambes devant elle en souriant, moqueuse.

« J’essayais de dormir, là, grommela le détective.
- Je suis dans ta tête, tu sais. Ça ne sert à rien de me mentir.
- Mmh. »

Il se retourna sur le flanc, dos à la jeune femme. Le geste lui arracha un haut-le-cœur et il ferma précipitamment les yeux pour ne plus voir le monde tanguer. Cependant, son mal-être n’empêcha Tia de revenir à la charge :

« Alors ? Le soir où on est arrivés dans la maison du lac Makna. Tu voulais m’embrasser, oui ou non ?
- Je ne sais pas, grogna Will, irrité.
- Tu te comportes comme un adolescent, parfois, s’amusa Tia.
- Ah ouais ? On pourrait aussi parler de ton petit numéro de femme fatale la première fois qu’on s’est rencontrés. C’était mature, ça ?
- Ce n’était pas un numéro, s’offusqua l’hallucination, sur la défensive. Et ose dire que ça n’a pas titillé ta curiosité.
- Je préférais la Tia idéaliste qui échafaudait mille et uns plans pour libérer les opprimés.
- Préférais ? releva la jeune femme.
- Tu es morte, je te rappelle. » grommela le barbu.

Un léger silence s’ensuivit, et Will savait que tous deux se remémoraient la mort de Tia. Cette dernière finit par soupirer, et dit d’une voix où toute trace de moquerie avait disparu :

« On était bien, dans cette maison. On n’aurait jamais dû rentrer à Omnia.
- C’était ton idée, se contenta de pointer Will.
- Je sais. Mais imagine qu’on soit restés là-bas jusqu’à l’Apocalypse.
- On n’aurait jamais su.
- Su quoi ?
- Tout ce que nous as dit le Rex, par exemple.
- Ça aurait été si grave que ça ? demanda Tia, pensive. Si on ne s’en était pas mêlés ?
- Tu aurais vraiment supporté ça ? questionna à son tour Will. De ne pas connaître le fin mot de l’histoire ? D’abandonner tous ces gens, tous tes idéaux ?
- Si ça avait pu me permettre de rester avec toi, oui. » lâcha alors la jeune femme.

Will crispa les mâchoires.

« Tu n’as pas le droit de me dire ça, articula-t-il entre ses dents serrées. Pas après ce qu’il s’est passé.
- C’est la vérité, et tu le sais.
- Ça ne fait que rendre les choses plus difficiles. »

Voyant qu’elle ne répondait pas, le détective commença à se retourner, tout en reprenant :

« Je n’ai pas envie de le savoir, Tia, tu comprends ? A part rendre encore plus insoutenable la manière dont tout ça s’est terminé, ça… »

Il s’interrompit en constatant que la jeune femme avait disparu.

Alors, avec un juron rageur, Will maudit cette hallucination qui refusait de le laisser en paix.

~*~
« Comment est-ce que tu te sens ? » demanda Sanae de son habituel ton neutre.

Joshua, assis sur le bord de son lit, opina du chef.

« J’ai toujours un peu la respiration sifflante, mais au moins, je ne tousse plus de sang.
- Tu veux essayer de te lever ? » proposa l’Apocalyptica.

Le jeune homme redressa le menton et la regarda quelques instants. Il ne savait pas quoi penser de Sanae. Cela faisait maintenant plusieurs semaines qu’elle venait régulièrement lui rendre visite afin de surveiller son état. Une fois, alors qu’il était à moitié assommé par les antidouleurs, Joshua l’avait vue poser ses mains sur son torse, avant qu’une légère lueur d’un blanc chaud ne jaillisse de ses paumes. Il avait senti ses bronches se dégager et la douleur refluer – mais ça n’avait été que temporaire, et il était évident que Sanae n’était pas aussi douée pour guérir qu’Elise à l’époque de la colonie.

Malgré tout, elle avait contribué à son rétablissement – il devait pouvoir lui faire confiance, non ?

« J’imagine, oui. » lança alors Sanae.

Joshua cligna des yeux, déboussolé.

« Hein ?
- J’imagine que tu peux me faire confiance. Enfin, c’est ce que la logique conclurait, non ? Je t’ai sauvé la vie, après tout, continua l’albinos d’un ton égal.
- Attends, attends. Tu… Tu viens de... lire mes pensées, là ?
- Quand tu penses trop fort à quelque chose, c’est comme si tu le disais à voix haute. » se contenta de répondre Sanae.

Le jeune homme fronça les sourcils, perturbé. N’importe qui d’autre aurait été choqué de constater que l’hybride était capable de télépathie – mais lui avait fréquenté Lyrian, et plus grand-chose ne l’étonnait, venant des Apocalyptica.

« Je pense à quoi, là ?
- Je ne sais pas. Ça ne marche pas comme ça.
- Ça marche comment, alors ? interrogea Joshua, désarçonné.
- C’est l’Autre qui rentre dans les esprits. Pas moi.
- Alors comment tu as su ce à quoi je pensais ?
- Parce que tu y pensais trop fort. » répéta Sanae.

Joshua grommela et la regarda quelques instants. L’hybride avait tendance à s’exprimer de manière excessivement cryptique – un peu à la manière d’Adam, en son temps.

« Tu recommences, l’avertit l’Apocalyptica.
- Hein ?
- A penser trop fort. Ce n’est pourtant pas si compliqué. Quand quelqu’un pense trop fort à quelque chose, il y a des signes. Les bras qui se croisent, le regard qui fuit, le rouge qui monte aux joues, la lèvre qui tremble.
- Je connais le langage corporel. J’étudiais ce genre de choses, avant. Ça ne permet pas de deviner les pensées, rétorqua Joshua.
- C’est peut-être parce que je le parle mieux que toi, alors. » répondit Sanae du tac-au-tac.

Joshua eut un léger sourire, mouché par la répartie de l’Apocalyptica.

« Je ne devine pas les pensées, reprit l’hybride. Les sentiments, parfois. Les inquiétudes. La joie. La peur. Le regret. La haine.
- Sans vouloir te vexer, on a souvent l’impression que t’es à côté de la plaque, côté émotions, ne put s’empêcher de dire Joshua.
- Comment ça ?
- Je ne sais pas trop. Tes gestes, ta manière de t’exprimer d’un ton toujours absolument indifférent… Pour quelqu’un qui dit ressentir les émotions des autres, tu n’en montres pas beaucoup de ton côté.
- Ça ne veut pas dire que je ne ressens rien. Je gomme les signes, c’est tout. Je ne laisse rien sortir.
- Pour qu’on ne puisse pas te lire comme toi tu lis les autres ? » devina Joshua.

Sanae se contenta d’acquiescer.

« C’est comme ça que tu fais pour te protéger de l’Autre, c’est ça ? Tu contrôles tes émotions.
- Quand tu es en colère, ou que tu as peur, tu laisses échapper des mots ou des gestes sans faire attention, non ?
- Exact.
- Alors si tu laisses sortir ces choses-là sous le coup de l’émotion, comment sais-tu que rien ne peut rentrer ? »

Joshua resta silencieux quelques instants, pensif. La logique de l’hybride pouvait paraître étrange à première vue, mais étonnamment, elle faisait sens à ses oreilles. Perplexe, il se mit à songer à tous ces moments où Lyrian avait semblé perdre la tête – ces moments où l’Autre avait pris le contrôle. Le Rhinocorne dans le laboratoire. Son arrestation dans l’infirmerie, en même temps qu’Elise. L’exécution ordonnée par Kendall. A chaque fois, l’adolescent devait avoir été proie à une grande émotion – peur, colère, inquiétude.

« Ça… fait sens, avoua Joshua.
- Tu veux te lever, oui ou non ? »

Le jeune homme acquiesça et posa ses pieds au sol, poussant sur ses mains pour se redresser. Il resta debout une fraction de seconde avant de chanceler, ses jambes molles peinant à soutenir son poids.

Une main puissante lui attrapa immédiatement l’épaule et le stabilisa. Joshua s’étonna de la force de Sanae. Bien qu’elle soit plus grande que lui d’une demi-tête, elle était assez fine, et n’aurait normalement pas du être capable de soutenir son poids avec autant d’aisance.

Là encore, le jeune homme se rappela que Lyrian avait tenu tête à Thrak, et décida de ne pas s’étonner outre mesure de la force insoupçonnée de l’albinos.

« Qu’est-ce que c’est, l’Autre ? demanda Joshua en essayant de faire quelques pas.
- Celui qui pousse les gens à tuer. A dominer. A faire le mal, répondit Sanae en le soutenant pendant qu’il avançait dans l’infirmerie.
- Comme ça ? Sans aucun but ? C’est très religieux, comme explication.
- Religieux ? Qu’est-ce que ça veut dire ? »

Joshua enchaîna quelques pas maladroits, cherchant ses mots. Il sentait qu’il s’aventurait en terrain glissant.

« Être religieux, c’est croire en quelque chose de supérieur, en un dieu, sans preuves. Adhérer à un certain nombre de règles de vie.
- Pourquoi ?
- Les gens religieux le font parce que ce sont les enseignements de leur dieu.
- Mais pourquoi obéir s’ils ne sont même pas sûrs que leur dieu existe ?
- Je ne suis pas le mieux placé pour défendre la religion, avoua Joshua. J’ai arrêté de croire au culte d’Arceus depuis le Changement.
- Tu peux croire en moi, maintenant, se contenta de répondre Sanae. Moi, au moins, tu sais que j’existe. »

Le jeune homme s’arrêta de marcher et la regarda de travers. L’hybride sembla capter son désarroi instantanément, car elle tourna son visage albinos vers lui :

« J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ?
- Tu penses que tu es un dieu pour nous ?
- C’est ta définition, non ? Quelque chose de supérieur.
- Les dieux des religions sont supérieurs aux hommes, oui, mais ils sont surtout profondément bienveillants, répliqua Joshua.
- Eh bien, je vous ai sauvé la vie, argumenta Sanae en haussant les épaules.
- Pas ce genre de bienveillance.
- Quoi, alors ? »

Joshua claqua la langue, se maudissant de ne pas parvenir à défendre son point de vue. Il n’avait aucune envie que l’hybride ne se mettre à nourrir des envies de fonder un culte.

« Tu es peut-être plus forte que les hommes, mais ça ne veut pas dire que tu es notre déesse. Peut-être qu’il y a quelqu’un de plus fort que toi, quelque part.
- Alors il peut être mon dieu, se contenta de répondre Sanae.
- Et si quelqu’un est plus fort que lui ? Non. Un dieu est tout-puissant. Personne ne lui est supérieur.
- Donc si je voulais être ton dieu, il faudrait que je prouve que personne n’est plus puissant que moi ? »

Le jeune homme ne répondit pas tout de suite. Cette phrase sonnait étrangement familière à ses oreilles.

« Joshua ?
- C’est aussi ce que l’Autre a dit, murmura l’intéressé.
- De quoi ?
- Quand on était ensemble, avant d’arriver ici. Il a dit qu’il cherchait quelqu’un de plus puissant que lui.
- Tu penses que l’Autre veut être le dieu des humains ?
- Ça m’étonnerait qu’il s’arrête aux humains. » rétorqua Joshua, maussade.

Lâchant le bras de Sanae, il fit quelques pas, satisfait de son état. Après des semaines de convalescence, il parvenait enfin à recouvrer un semblant d’autonomie.

« Tu n’es pas totalement guéri, le prévint Sanae. Tu es un peu comme un vase cassé qu’on a recollé. Ce serait facile de te briser à nouveau.
- Pas vraiment flatteuse, ta comparaison, ironisa Joshua sans se vexer.
- Fais juste attention. »

Le jeune homme opina du chef, puis se surprit à détailler l’hybride. Là où Lyrian passait pour un adolescent normal, Sanae, elle, semblait presque provenir d’un autre monde. Tout, de ses longs cheveux immaculés à sa grande stature, en passant par ses cils et sourcils blancs, lui donnait l’air d’un fantôme.

« Tu as quel âge, Sanae ? demanda Joshua sur le ton de la conversation.
- Je ne sais pas. Quel âge tu me donnes ?
- Mmh. Difficile à dire. Entre vingt et trente ans. Tu es amnésique ?
- Ma vie a commencé à mon réveil au laboratoire.
- Qui t’a donné ce nom, alors ?
- Will.
- Ah. »

Il marqua une pause, puis reprit :

« Tu penses quoi de lui ?
- Je ne sais pas. Vous êtes les premiers humains à qui je parle, en dehors de lui. C’est difficile de comparer.
- Tu dois bien avoir un avis. » insista Joshua en se rasseyant sur son lit.

L’Apocalyptica haussa les épaules, l’air de réfléchir :

« Il boit du poison pour essayer de tuer les choses qu’il y a en lui. Mais ça ne fait que le tuer lui. Comme Lina.
- Comment ça, comme Lina ? s’étonna le jeune homme.
- Elle préfère se détruire plutôt que de se pardonner, répondit énigmatiquement Sanae.
- Se pardonner quoi ?
- Pourquoi tu ne lui demandes pas toi-même ?
- Ce… n’est pas vraiment le genre de choses qu’on demande comme ça.
- Alors tu espères que j’ai lu en elle comme je lis en toi ? Si tu veux en savoir plus sur elle, ce n’est pas moi qu’il faut interroger. »

C’était dit sans la moindre animosité, mais sans la moindre douceur non plus. Joshua pinça les lèvres, à la fois vexé de s’être ainsi fait rabrouer, mais conscient de la part de vérité dans les propos de Sanae.

« Lina m’a dit que Will parlait tout seul, parfois, lança-t-il pour changer de sujet.
- Il ne parle pas tout seul, répondit l’Apocalyptica en secouant la tête.
- A qui, alors ?
- Je ne sais pas.
- A l’Autre ? risqua Joshua.
- Non. L’Autre ne s’intéresse pas aux humains.
- Comment peux-tu en être aussi sûre ?
- Je sais comment il fonctionne. Will parle à quelqu’un qu’il est le seul à voir. L’Autre, lui, ne se montre pas. Il ne parle pas. Il commande.
- Donc Will est fou ? »

L’hybride haussa les épaules, puis pour la première fois depuis qu’il la connaissait, Joshua la vit sourire – d’un sourire crispé, peu naturel, et assez effrayant.

« Après ce qui est arrivé à votre monde, je pense que tous les humains sont devenus fous, tu ne crois pas ?
- Notre monde ? releva Joshua.
- Oui. Celui d’avant, répondit Sanae en se dirigeant vers la porte de l’infirmerie.
- Parce que celui-là n’est pas à nous ? »

Parvenue à la porte, l’hybride posa sa main sur le panneau digital, faisant coulisser le panneau. Elle se retourna ensuite lentement vers le jeune homme et lui sourit à nouveau :

« Bien sûr que non, voyons. Vous avez eu votre chance. Il est aux Apocalyptica, maintenant. »

Et elle sortit dans le couloir, laissant derrière elle un Joshua pantois.

Le jeune homme la regarda partir en sentant une goutte de sueur froide couler le long de sa nuque.