15- Manu militari
« Vous préféreriez avoir du beurre ou des canons ? La prévention nous rend fort. Le beurre ne sert qu'à nous rendre gros. »
— Hermann Göring (1893 - 1946) —
* * *
Toujours bleu, sans l'ombre d'un nuage à l'horizon, le ciel est tendu comme une toile sans limites ; les moteurs crachotants des avions le peignent de fumée noire, le sillonnent d'un point à un autre sans jamais s'arrêter.
De loin, on dirait juste quelques oiseaux aux contours indéfinis qui font de jolies figures dans le ciel, peut-être pour amuser leurs petits ou se pavaner devant des femelles. Une arabesque par-ci, une descente en piqué par là, le tout fondu dans un ballet global, à la fois dissonant et harmonieux.
Et en bas, il y a juste la mer, une autre étendue bleue, un peu plus sombre celle-là, et avec des remous, des hauts et des bas. Posés dessus comme des jouets sur un tapis, un groupe de navires de guerre à cuirasse grise, de gigantesques poissons artificiels.
Difficile de faire la différence entre ceux d'Unys et ceux de Kanto, de là-haut ; tout ce qu'on voit, ce sont de grosses formes sombres qui se tirent dessus dans de drôles d'explosions orangées, et avec tous les bruits de moteur des aéroplanes on n'entend même pas les détonations des tourelles.
L'escadron, composé d'une dizaine d'appareils bruns menés par celui peint en blanc, a déjà rompu sa formation depuis plusieurs longues minutes. Maintenant, chacun vole de son côté pour tâcher d'encercler la troupe de Kantonais montés sur des ptéras.
Ces créatures préhistoriques, qu'on a pu restaurer grâce aux recherches d'un éminent chercheur il y a à peine quelques années, sont sans doute parmi les plus efficaces lors de bombardements aériens ; leurs lames de roc sont redoutables et particulièrement craintes.
La plupart des membres de l'état-major se rappellent de la réaction de Jackson, le jour où il a appris que cette découverte unysienne s'est retournée contre eux. Cette armée n'a jamais vraiment exploité les pokémons sur le terrain, mais Kanto a au contraire laissé de côté tout le reste pour faire de ces bêtes des armes de guerre mortelles.
« En voilà une belle preuve de patriotisme », a décrété l'irascible général en qualifiant les gens de ce pays de « brochette de barbares ».
En les regardant, ces pokémons à la gueule béante de salive, Stella Waller ne peut qu'être d'accord avec le grand chef. Au fond les créatures n'ont rien demandé du tout, et leurs yeux, injectés de sang comme s'il brûlaient, ne reflètent plus que le désir de victoire de leurs maîtres.
Rien que d'imaginer son blizzi transformé en machine à tuer selon les mêmes procédés... Elle réprime tout juste un frisson, et garde ses mains gantées appuyées contre la mitrailleuse installée à l'arrière de l'appareil.
« C'est répugnant, tu trouves pas ? »
Concentré sur le pilotage, Clyde ne lui répond que par un hochement de tête, mou et impersonnel. Elle poursuit, ressentant soudainement le besoin de parler, sans trop savoir pourquoi :
« Ce qu'ils font à ces pokémons... Tu sais, j'ai entendu dire qu'ils les mettent dans des laboratoires et les bourrent de drogues en tout genre, pour les rendre obéissants. Parce qu'ils sont difficiles à domestiquer ou un truc comme ça, et que certains des chercheurs qui ont travaillé sur la restauration des fossiles se sont fait tuer... »
La jeune femme déglutit douloureusement, la gorge sèche. Qu'importe, il semblerait que parler soit la seule échappatoire possible, la seule capable de faire oublier ces pokémons volant non loin d'eux. Pour le moment, pas de vagues, mais ils sont encore au-dessus de la mer.
Le tout c'est qu'ils n'atteignent pas les terres, parce que ce serait un tel déferlement d'attaques, et le village ne résisterait pas longtemps. Peut-être même pas cinq minutes, avec ses maisons sur pilotis en bois, dans le style colonial du dix-neuvième.
« En vérité j'ai du mal à croire qu'on doive cette découverte à un des nôtres... Je veux dire, c'était à Hoenn mais, les bien-pensants finiront par renvoyer le blâme sur nous et...
— C'est pas le moment ! » rugit son partenaire.
A peine l'exclamation a-t-elle retenti, que l'avion amorce une descente rapide, évitant du même coup un ptéra fonçant sur eux à toute allure. Perché dessus, un jeune homme en uniforme bleu, typique de Kanto, semble avoir perdu le contrôle de sa monture.
L'altitude diminue rapidement, mais l'appareil finit par se stabiliser avant de remonter progressivement. Et Stella, grisée par le frisson du vol et du danger omniprésent, oublie son envie de s'épancher ; elle se sent vivre, et elle compte bien en profiter.
Elle rajuste ses lunettes de protection dans un geste déterminé, et saisit les commandes de son arme, bien décidée à abattre le premier ennemi à oser s'approcher.
« Viser le dresseur et pas le pokémon, se répète-t-elle, comme on lui a enseigné à l'académie des officiers, à Parsemille. Sans ordres, le pokémon est déboussolé et finira par se calmer. »
Confiante, elle balaie les alentours de son regard ; rien que du ciel bleu, les autres avions de l'unité, et puis de temps à autre un ptéra ; ils doivent être une bonne vingtaine, soit le double des avions et le même nombre de combattants humains, mais n'ont pas l'avantage du terrain.
« Finalement, les vols de reconnaissance ont peut-être de bons côtés... »
Les pokémons restent résolument à l'écart de l'avion à carlingue blanche, remarque-t-elle au bout d'un moment passé à observer les acrobaties des grandes créatures ailées. Sans doute cherchent-elles à semer le trouble chez l'adversaire pour aller se faire la malle en direction des terres de Poni.
Un sourire vient égayer le visage de l'aviatrice, tandis que Clyde rapproche l'appareil d'un ennemi isolé. Le soldat monté dessus, l'air à peine sorti de l'école militaire, tire sur les rênes fixés à sa monture, mais rien n'y fait, le prédateur du ciel refuse d'obéir aux ordres.
Soudain les yeux rougis de la bête se posent sur le Blizzi, et le pouls de Stella se fait de plus en plus rapide, son cœur presque prêt à bondir hors de sa cage thoracique. Ses doigts couverts de cuir se resserrent sur les commandes de la mitrailleuse jusqu'à en avoir mal.
Les ailes de la chose se mettent d'un seul coup à battre plus vite, et la gueule ouverte bardée de crocs laisse entrevoir une longue langue, sûrement excitée à la perspective d'un festin. Et cette même gueule, songe-t-elle en évitant un ricanement nerveux, pourrait aussi bien lui tirer un ultralaser en plein visage.
Tandis que Clyde amorce un virage serré pour éviter que la queue de l'appareil soit frappée par celle du pokémon, la jeune femme actionne son arme, et bientôt un déferlement de balles vient érafler le corps musclé et rocheux du ptéra.
Si ces coups lui provoquent la moindre douleur, la bête n'en montre aucun signe. Le soldat, en revanche, serre les dents et supporte comme il peut la sensation lancinante dans son bras droit, percé par deux ou trois balles ; toute sa manche a déjà pris une teinte rougeâtre.
Stella sourit, enclenche de nouveau le mécanisme, et cette fois, la pluie de balles touche l'homme en bleu de plein fouet. Ses mains se crispent désespérément autour des rênes tandis que son corps est ballotté par le vent, il essaie de remonter, mais les doigts mourants lâchent prise.
Dans un concert de cris, la forme indistincte tombe jusqu'à disparaître du champ de vision de l'Unysienne ; probablement avant même d'avoir atteint les eaux en dessous.
Elle se retourne vers son partenaire, ses lèvres étirées en un sourire de fierté et de confiance en elle.
« Et de un ! Si c'est aussi facile tout du long... Ils ont aucune chance, en face !
— Ben tiens, dis pas ça, manquerait plus que le vent tourne par ta faute. »
Les inflexions de sa voix sont toujours aussi traînantes et austères, mais elle est certaine qu'il sourit, lui aussi. Après tout, le ciel, c'est leur terrain de jeu, et on n'est jamais mieux que chez soi.
* * *
La plage ne ressemble qu'à une longue bande de sable jaunâtre, presque blanc, aux rebords à peine mouillés par l'arrivée de petites vaguelettes. Un peu plus loin, des terres sèches et brunes, avec quelques hautes herbes disséminées en touffes irrégulières.
A première vue, rien d'inhabituel.
Rien d'inhabituel à part un silence de plomb qui, quand on connaît bien les lieux, donnerait des frissons dans le dos. Dans les environs, on connaît bien les batailles, devenues presque une tradition, entre différentes familles de pokémons du coin qui se disputent les fruits des cocotiers.
Cependant, aujourd'hui c'est une toute autre bataille qui doit se jouer. Pour cette raison on a évacué et capturé les pokémons susceptibles de ruiner le plan avant même que ça ne commence ; le général Brighton, en qualité de chef des opérations, a tenu à faire installer des mines sous le sable, avec l'aide de pokémons acier résistants à ces projectiles fatals aux humains.
Perché en haut d'une des deux tours de garde au village, la plus proche de la côte, il a une vue imprenable sur la plage grâce à sa paire de jumelles. A côté de lui, une femme armée d'un fusil de précision pourra assister les troupes au sol, en embuscade dans les hautes herbes.
Pour avoir déjà rencontré des généraux kantonais en temps de paix, l'irascible officier supérieur sait comment ils fonctionnent, et connaît toutes leurs lacunes ; la plus dangereuse pour eux étant leur orgueil qui leur dicte de sous-estimer chaque ennemi.
« Bon sang, ils en mettent du temps. »
Il grommelle une bordée de jurons dans sa barbe inexistante, puis reprend, un peu plus tranquille, sans faire attention à la sniper :
« Déjà trois ou quatre cons volants sont tombés à l'eau, on dirait. »
Les jumelles sont maintenant pointées en direction de la baie, théâtre de la bataille navale. A cette distance, impossible de discerner grand chose, juste de grands bateaux faisant feu les uns sur les autres, et de temps en temps des formes qui tombent du pont.
Malgré tout les choses semblent aller comme l'amirale Emerson l'entend ; lorsqu'il se retourne pour demander des nouvelles à l'opérateur radio installé dans son bureau, à portée de voix, le type lui adresse un simple pouce en l'air, signe que tout suit son cours.
Satisfait, Brighton s'autorise un sourire, et s'accoude nonchalamment aux rambardes de ferraille encerclant le poste d'observation. La matière rendue chaude par le soleil lui brûlerait presque les avant-bras, mais ça n'a aucune importance.
La vraie guerre commence maintenant, et ça fait des semaines qu'il l'attend. A cette pensée, le sourire s'élargit, et les yeux jaunâtres prennent un éclat jovial inquiétant. A sa droite, toujours concentrée, la tireuse s'efforce de l'ignorer, comme le fait tout son personnel. Saper la bonne humeur d'un tel chef n'est jamais bon.
En bas, quelques officiers — trop précieux pour être envoyés au casse-pipe sur la plage — s'évertuent à tranquilliser les quelques pokémons qu'on n'a pas pu capturer par manque de pokéballs. Les bêtes paraissent heureusement assez dociles, et se laissent gentiment convaincre de ne pas quitter le village.
Autrement, c'est le calme plat, et c'est bien ce qui dérange le général. Même les réunions d'état-major, qui comptent parmi les obligations les plus agaçantes de son rang, n'égalent pas cette impression de flottement hors du monde qu'on ressent, perché là-haut à l'écart du danger.
« Même cette foutue campagne est plus animée que ça, grogne-t-il avec un geste désinvolte en direction des étendues sauvages à quelques centaines de mètres vers l'est. Merde, ça prend du temps.
— On ne gagne pas une guerre en dix minutes, mon général. »
Intrigué, il jette un coup d'œil à la jeune femme ; elle n'a pas décollé le regard de son viseur, mais l'a écouté, visiblement.
Agacé — embarrassé ? — d'avoir été pris par surprise, il passe des doigts nerveux dans ses cheveux noirs.
« Très juste. Bah, ils finiront bien par arriver... »
Une brève œillade en direction de la mer ravive un peu son intérêt ; des embarcations plus petites, sûrement des barges, commencent à s'éloigner de l'un des gros cuirassés kantonais. Brighton retrouve rapidement sa bonne humeur, et le voilà à nouveau collé à ses jumelles.
L'ennemi avance à vitesse constante, et presque sans accroc, conformément au plan établi par Jackson ; les laisser venir à terre, et les cueillir pour les interroger. Ce serait un message suffisamment fort à adresser à l'état-major de Kanto.
« Cette bande d'incapables », siffle l'Unysien entre ses dents.
En y pensant, il aimerait bien s'asseoir et profiter du spectacle, parce que rester debout comme ça, c'est une idée à attraper des crampes, et de toute façon on est toujours mieux assis que debout. Mais maintenant qu'il est là, hors de question de redescendre, parce que du bureau on ne voit rien.
Bah, la guerre ce n'est pas une salle de cinéma, alors autant se contenter de ce qu'on a si la vue est bonne.
La tireuse d'élite, elle, ne semble pas se formaliser de son confort ; allongée comme elle peut sur la plateforme de ferraille, elle maintient son fusil contre son épaule, le canon braqué vers la plage.
De ce qu'il en sait, elle est un genre de perle rare parmi les snipers, alors le nombre de morts qu'elle causera ne sera pas bien différent, sinon identique, du nombre de balles tirées. En d'autres termes, c'est le genre de soldat qu'il vaut mieux avoir avec soi que contre soi.
En attendant les minutes passent, longues et lentes comme des serpents qui rampent. Si la jeune femme n'y voit pas d'inconvénient, le général, doigts crispés autour de ses jumelles, sent le sang bouillonner dans ses veines.
Jusqu'à la première explosion.
Ses yeux hagards se concentrent de nouveau sur la plage, à travers les jumelles, et il se rend compte que les barges sont agglutinées près du sable. Des groupes de soldats en bleu et des pokémons débarquent, se ruent vers l'intérieur des terres. Marchent sur les mines.
La bouche du quadragénaire se tord en un rictus intéressé, maintenant que les hostilités sont ouvertes. Plus qu'à regarder.
Ce qui est d'ailleurs plus difficile qu'escompté. Dans tous les coins, il se passe quelque chose. Ici, un pauvre gars qui active une mine ; là, un pokémon se fait tirer une balle en pleine tête — Brighton comprend sans difficulté qui a tiré.
En à peine quelques minutes, le sable clair est déjà teinté de rouge ; la plage est un champ de bataille comme un autre. Partout la mort et la chair et les membres désarticulés, le bleu et le rouge peints sur le blanc-jaune ; une fresque d'épouvante, digne des pires horreurs exposées à la grande galerie de Volucité.
Et pourtant ce spectacle le ravit, lui l'homme cruel qui tire plus de satisfaction d'un massacre vu de ses yeux que d'un simple bilan tapé à la machine. On n'est jamais mieux servi que par soi-même après tout.
Les balles et les attaques de pokémons pleuvent dans tous les coins, les soldats embusqués se joignent à la bataille et tout est emporté dans le tourbillon incompréhensible du combat.
Brighton se tourne vers la tireuse concentrée, et son sourire s'élargit.
« On ne gagne pas une guerre en dix minutes. »
Toute cette violence, en bas, c'est comme si elle était là pour le divertir. Tout se déroule à une vitesse folle, les morts s'entassent sur la plage. Les cris de douleur se mêlent aux lambeaux de chair et d'uniformes.
« Vous avez raison, bien sûr, poursuit-il. Mais une bataille en dix minutes, c'est jouable. »
* * *
Une ruche d'apitrinis en perpétuelle effervescence. C'est à ça qu'on pourrait comparer le premier étage de l'hôtel Hano-Hano, où se pressent dans les couloirs des officiers de transmission recevant des renseignements directs depuis le champ de bataille.
Tout le monde est sur le pied de guerre, on se bouscule et on se marche sur les pieds sans arrêt, et puis la cacophonie rend l'ambiance infernale. Les gobelets de café s'entassent et l'odeur du breuvage recouvre tout le reste, même les relents âcres de la fumée de cigarette.
Des opérateurs radio débordés aux téléphonistes qui ne savent plus où donner de la tête, tout ce capharnaüm donnerait plus l'impression de se trouver dans un cirque que dans le grand quartier général de l'état-major unysien.
Et Jackson serait le premier à le penser, s'il n'était pas aussi absorbé par les nouvelles de la bataille.
Pour une fois, le colosse à moustache épaisse a quitté l'asile confortable de son bureau pour se mêler à cette foule de femmes et d'hommes faisant leur travail. L'oreille collée contre le téléphone, il écoute avec attention le récit qu'on lui fait de ce qui se passe à Poni.
« Les Kantonais et leurs pokémons commencent à descendre de leurs barges pour investir la plage... Les mines font leur effet et déciment les premières lignes... »
L'interlocuteur s'arrête, et un drôle de grésillement se fait entendre à travers le combiné. Le téléphoniste a dû allumer une cigarette, ou quelque chose comme ça, puisqu'il reprend vite :
« Les escouades Charlie et Fox vont bientôt se joindre à la fête... Oui, les voilà, ils se dirigent vers la plage et rejoignent la mêlée. (L'homme tousse brièvement.) Beaucoup de sang, les pokémons de Kanto font beaucoup de victimes, mais on a le dessus. Oh !... »
Interloqué par cette exclamation à l'autre bout du fil, Jackson fronce les sourcils, creusant par là même un pli soucieux sur son front. Il manifeste des signes évidents d'impatience, mais ne dit rien, conscient d'être dévisagé par la moitié du personnel présent.
« On dirait qu'une partie de l'escouade Queen — l'escouade aérienne — vient en renfort pour bombarder la plage. La bataille doit être gagnée d'avance...
— Mon général ! »
Comprenant que l'interruption vient de derrière son dos et pas du téléphone, il pose le combiné sur la table — la voix du téléphoniste continue à produire des petits sons —, et dévisage le jeune officier qui se tient droit, presque trop, au garde à vous, la tête haute.
Il semble attendre que Jackson lui ordonne de parler.
« Eh bien allez, dites-moi. Qu'est-ce qui se passe ?
— On vient de recevoir un message du quartier général de Toko, mon général. A propos de l'unité Macarthur », juge-t-il bon d'ajouter, comme si cela pouvait modifier l'humeur du général.
Le visage de l'officier supérieur se radoucit un peu ; avec un peu de chance ce sont des bonnes nouvelles. Il se redresse sur sa chaise, et les yeux dans ceux du subordonné, lui fait signe de parler.
« Il semblerait que le camp situé près des montagnes rocheuses, au fond du désert, a été attaqué par les Alolais. Le, euh, le général Macarthur ne nous a pas avertis, et a lancé une opération pour reprendre le campement... »
Le jeune homme déglutit. Jackson, de plus en plus certain que ce n'est finalement pas une bonne nouvelle, se renfrogne et se retient de hurler sur ce pauvre garçon. On ne sait jamais, Macarthur a peut-être réalisé un coup de maître, lui qui se targue d'être un si bon stratège...
« Eh bien ? C'est tout ? »
Les yeux clairs de l'officier subalterne se détachent de ceux de son chef ; ce regard est bien trop difficile à soutenir.
« Tout le monde là-bas... »
Il déglutit encore. Proportionnellement, l'envie de lui coller son poing dans la figure tiraille de plus en plus le général. Qu'il parle, bon sang !
« Tout le monde là-bas a été tué par les indépendantistes, monsieur. Le colonel Smith et votre fille, sa seconde... Personne n'a survécu. »
Jackson continue de fixer le visage soucieux en face de lui ; les mots mettent un moment à faire sens. Son dos droit s'affaisse, il crispe ses doigts autour de ses genoux. Un peu plus et il tombe de sa chaise.
« Bien, merci sergent. Dites au QG de Toko que j'ai eu l'information. »
Puis il se lève et de son habituel pas lourd, quitte la salle pour aller rejoindre son bureau. Tous les yeux observent son passage, et sitôt qu'il est parti, se concentrent à nouveau sur leur travail.
La bataille suit son cours, après tout.