Précédemment : Sofian veut devenir un champion d’arène et part en voyage dans Hoenn en compagnie de Flora, dont le rêve est de devenir une célèbre coordinatrice pokémon, et Timmy, un jeune garçon à la santé fragile qui doit rejoindre Vergazon. Le groupe rencontre Annick, une amie d’enfance de Timmy avec qui Flora se lie très vite d’amitié, mais l’entente entre Sofian et Annick est glaciale. La Team Rocket fait alliance avec la Team Magma afin d’obtenir de l’aide dans le vol de Galifeu. Durant le concours d’Autéquia, la Team Magma enlève Galifeu et le groupe d’amis se retrouve divisé dans leurs tentatives de récupérer le pokémon. Une fois infiltré dans le repère de la Team Magma, Timmy est passé à tabac, se rend compte avec tristesse qu’Annick s’est mise en danger pour le sauver, trouve une photo de famille de Max Magma et vit une expérience de mort imminente durant laquelle il est à nouveau confronté à son rêve prémonitoire. La Team Rocket trahit plusieurs fois Flora qui comprend qu’ils seront toujours ennemis et les trois acolytes intègrent définitivement la Team Magma en espérant avoir plus de chances pour voler Galifeu. Sofian se voit proposer une place au sein de l’organisation criminelle mais parvient à contrer la manipulation du patron de sa sœur. Alors que Galifeu subit des expérimentations douloureuses au sein de la Team Magma, Sofian arrive à s’enfuir grâce à une porte miraculeusement restée ouverte et arrache son pokémon des mains de Max Magma avant de chuter hors d’un hélicoptère. Désirant à tout prix le Super Bonbon de Flora, c’est finalement le sac à dos d’Annick que Max Magma récupère. Enfin, le détective spécial qui s’approprie l’affaire disparaît au moment où la police arrête Klein, le seul membre de la Team Magma qui n’arrive pas à s’enfuir. Mais Klein se sacrifie en faisant exploser le repère afin d’empêcher la police d’obtenir la moindre information sur eux.
Autéquia
— « À un des commencements, les terres, les mers et les cieux furent créés. » Ainsi débute le premier chapitre de tous les textes sacrés de toutes les croyances de Hoenn. Des religions trithéistes à celles qui n’acceptent qu’un seul dieu, des plus anciennes telles que le Groudonisme et le Kyogrisme, aux plus récentes telles que l’Arquéisme, toutes mentionnent la création des éléments par des entités divines semblables à nos pokémons. D’un point de vue strictement scientifique, l’émergence de l’élémentologie dans les années septante a entrainé pléthores d’études qui ont mis en évidence des documents historiques, des gravures, mais aussi des analyses biologiques précises qui sous-tendent tous la même thèse : notre planète a bel et bien été créée à la suite de forces telluriques, chimiques, nucléaires et bien d’autres encore, qui peuvent former un ensemble d’éléments que l’on retrouve chez nos amis les pokémons. Mais la question que toute l’élite scientifique se pose est la suivante : s’il est vrai que la création du monde est le fruit de forces supérieures, divines ou non, s’il est aussi vrai que nos amis les pokémons ont certains dons similaires à ces forces supérieures, alors d’où viennent les pokémons ? Sont-ils nos concepteurs ? Sont-ils nos frères ? Nos parents ? Les enfants de l’univers ? Voici toutes les questions qui vont nous intéresser dans cette conférence. Afin de trouver des pistes de réponses, nous avons l’immense honneur de recevoir un invité de marque qui a bousculé les codes de la science grâce à son très célèbre traité Du pouvoir solaire, lunaire et de la force du Cosmos, j’ai nommé : le Professeur Eugène Kosmo !
Un grand homme frêle monta sur l’estrade devant un public en ovation, s’approcha du pupitre en saluant timidement la foule qui l’acclamait et replaça ses lunettes aux verres épais sous une mèche de cheveux gris bouclés.
— Merci pour ce charmant accueil, dit-il dans le micro tandis qu’un silence attentif s’installa. L’introduction de notre chère consœur était admirablement précise. Cependant, j’aimerais ajouter une petite précision quant aux débats que nous allons avoir. Il faudrait rajouter une question essentielle : les pokémons sont-ils l’univers eux-mêmes ? Je vois des mines effarées dans l’assemblée. Je m’explique…
— Complètement barré ce type, chuchota-t-elle au creux de l’oreille de son amie.
— Tu m’ôtes les mots de la bouche, approuva cette dernière sans prendre la peine de baisser le ton de sa voix.
— Chut ! se plaignit le jeune garçon à leurs côtés, ce qui eut l’effet de faire taire ses deux amies.
C’était la première fois depuis ces cinq derniers jours que les trois amis avaient pu quitter le centre pokémon d’Autéquia librement, sans l’accompagnement d’un agent de police ou d’un aide-soignant. Timmy Bronam avait demandé le silence comme un dresseur de tigre maniait son fouet. La conférence du Professeur Kosmo était trop importante pour qu’il en manque une seule bouchée. À sa gauche, le regard d’Annick Furler se dirigea discrètement sur les nombreuses taches noires et coupures non cicatrisées qui s’étalaient sur le visage de son ami, signe qu’il avait subi un interrogatoire violent dans un passé proche. Elle préféra ne pas trop se faire remarquer, quoique Timmy était bien trop plongé dans les paroles insignifiantes du scientifique qui déballait sa thèse incompréhensible à un public ravi. À côté de la jeune fille aux cheveux courts, Flora Seko bâilla longuement. Cette conférence était bien trop longue et ennuyeuse pour elle, et elle regretta l’époque où elle était retenue prisonnière dans une caverne au creux du Mont Chimnée, où au moins elle avait la possibilité de tuer le temps en discutant. Ses souvenirs réactivèrent la douleur lancinante qui lui tirait le crâne, à l’endroit où elle avait reçu quelques points de suture suite à une rencontre brutale avec un mur, et elle se demanda si son père avait remarqué que sa souffrance physique était revenue. Comme à son habitude, Charles Seko n’avait pas le temps de s’occuper de sa fille et était profondément plongé dans le discours de son confrère.
— …ce qui, sans ironie, est surréaliste, poursuivait le Professeur Kosmo perdu dans un monologue que probablement lui seul arrivait encore à comprendre le fil rouge. Mais si on y réfléchit de plus près, la possible existence de dieux pokémons est-elle si irréaliste que cela ? En effet…
— Ce type est complètement illuminé, soupira Flora en s’étirant difficilement, bloquée entre la corpulence importante de son père et l’accoudoir qui la séparait d’Annick à sa droite.
— Si tu veux mon avis, il a passé tellement de temps à étudier les étoiles qu’il a fini par tomber dans les nuages, s’amusa Annick.
— Un vrai barjo !
— …ont tenté de prouver l’existence d’un dieu suprême sans résultat, affirma le Professeur Kosmo. Mais jamais personne ne s’est posé la question inverse : et si c’était notre propre existence qu’il fallait prouver afin de…
— Quand je pense qu’il m’a reproché mon manque d’objectivité et de réalisme quand j’ai créé le ciel étoilé durant le concours, maugréa Flora. C’est lui qui manque de réalisme.
— Ou alors c’est le réalisme qui manque de Kosmo, suggéra Annick en soulevant un sourcil, dans une parfaite imitation du professeur Kosmo lorsqu’il avait cité tous ses arguments pour étayer sa théorie.
Les deux filles pouffèrent de rire, et Timmy leur lança un regard noir. Flora leva les yeux au ciel et Annick préféra reprendre son sérieux.
— En parlant du concours, dit-elle.
Instantanément, Flora se raidit dans sa chaise, sachant que le sujet sur les évènements dramatiques qui s’étaient déroulés la semaine précédente allait à nouveau revenir sur le tapis. Cependant, cette conversation serait plus intéressant que tous les monologues scientifiques du monde, déjà qu’elle avait dû supporter ceux de son père durant toute son enfance, et Flora l’incita à continuer.
— Je n’ai pas eu l’occasion de te le dire, reprit Annick, mais le Kosmo faisait moins le malin quand la police l’a pris pour un membre de la Team Magma.
— Comment ça ?
— Tu n’étais pas là à ce moment-là, mais Timmy et moi on a assisté à l’évacuation de la salle de concours. La Team Magma avait fait passer les otages pour des membres de leur groupe en les masquant et les faisant sortir tous en même temps. Ainsi, ils ont pu prendre la fuite parmi les otages. Eh bien, étant une personnalité publique mais surtout présent sur la scène quand la Team Magma a attaqué, Kosmo a été emmené en garde à vue pour une longue séance d’interrogatoire. J’ai entendu un officier en parler dans le couloir durant une de nos premières nuits au centre pokémon. Apparemment, il y aurait des preuves qui indiqueraient que Kosmo travaillerait pour la Team Magma.
— Sans blague ?! s’exclama Flora en baissant le volume de sa voix jusqu’à un murmure presque inaudible.
— Ils l’ont laissé partir car ils n’avaient pas assez de preuves, mais il semblerait qu’un membre de la Team Magma serait entré en contact avec lui avant l’attentat. Kosmo a tout nié en bloc en prétendant qu’il s’agissait d’un confrère physicien et que la police se trompait.
— Et ils l’ont relâché ?
Annick acquiesça. Flora se tourna vers la scène où le Professeur Kosmo était occupé à décrire un diaporama inintelligible présenté à l’écran géant.
— …et cette source d’énergie pourrait bien être la preuve de l’existence d’une force supérieure… assurait-il.
— Il est beaucoup trop barjo pour faire partie de la Team Magma, se rassura Flora.
— Ou juste assez, répliqua Annick comme une complotiste soulèverait une preuve pour prouver que la Terre était plate.
Flora réfléchit quelques instants à l’idée soulevée par son amie, et soudain un élément curieux lui revint en tête.
— Et s’il jouait un double jeu ?
— Comment ça ?
Cette fois-ci, c’était Annick qui se pencha vers elle de manière intéressée.
— Et si le Professeur Kosmo était en réalité dans les rangs de la police et qu’il était un espion ?
— Pourquoi l’agent Jenny l’aurait arrêté pour l’interroger ?
— Peut-être qu’elle n’est pas au courant et que c’est une instance supérieure qui s’occupe de l’espionnage ? Souviens-toi ! Le détective qui était censé s’occuper de l’affaire a mystérieusement disparu depuis que je me suis enfuie avec Jessie en montgolfière. D’après ce que l’agent Jenny a laissé entendre quand elle a perdu patience lors de notre interrogatoire cette semaine, on aurait dit que le détective a littéralement disparu. Et si c’était Kosmo ?
— Mais pourquoi Kosmo serait-il un espion ? Il n’est même pas flic. Et puis, le détective a peut-être disparu parce qu’il est justement en plein travail d’espion.
— Pas faux…
Flora remua ses pensées dans son crâne afin de les ordonner. Sa théorie était si imparfaite qu’elle abandonna l’idée. Cependant, elle en était certaine : quelqu’un les avait aidés à s’échapper du repère de la Team Magma.
— Je sais à quoi tu penses, révéla Annick. Mais il semble improbable que ce soit quelqu’un que nous connaissions qui nous a ouvert les portes pour s’échapper.
— Tu ne vas pas t’y mettre toi aussi, s’emporta Flora silencieusement. Je ne peux pas croire que la Team Magma ait simplement ménagé leurs systèmes de sécurité !
— Moi non plus ! corrigea Annick. Je pense aussi qu’on a été aidé, mais par quelqu’un de l’intérieur.
— Tu veux dire… Par un membre de la Team Magma ?
— J’ai bien une petite idée, mais elle est tellement farfelue que…
Les deux filles retombèrent dans le silence que seuls les larsens qui émanait des haut-parleurs dérangèrent. Qui avait bien pu libérer Timmy de la salle dans laquelle il avait été enfermé ? Qui avait rendu son Seviper à Jessie alors que Max Magma avait tout fait pour le garder sur lui lors de l’évacuation du repère ? Qui était donc leur mystérieux sauveur ?
— …ceci dit, la contre-théorie est aussi valide, continuait le Professeur Kosmo. L’univers est peut-être fait d’un tout, que seul le hasard…
— Passionnant ! marmonna le Professeur Seko.
Flora fit semblant de vomir et préféra relancer le débat sur les manigances de la Team Magma avec son amie qui eut du mal à empêcher son rire franc de tonner.
— Ils n’ont rien retrouvé durant la fouille ? demanda Flora une énième fois.
— Non, répondit Annick comme à chaque fois qu’elle posait la question. Apparemment, le repère était complètement détruit par les bombes que Klein a activées lorsqu’il s’est suicidé. Les flammes et l’éboulement qui ont suivi ont tout saccagé. Il ne reste plus rien, plus aucune preuve, c’est pour ça qu’ils ont enfermé…
Mais Annick préféra ne pas terminer sa phrase, car Flora s’était à nouveau raidit sur son siège.
— Sans mentionner le fait que ça a contribué à l’instabilité du Mont Chimnée qui peut entrer en éruption à tout moment, à présent, ajouta Annick pour changer de sujet.
— Si ce n’était que ça… Le pire reste quand même le fait qu’ils t’ont volé ton sac à dos et tous tes rubans qui s’y trouvaient, dit Flora réellement peinée pour son amie.
— Que nenni ! s’empressa de contredire Annick, enfin porteuse d’une bonne nouvelle. J’ai l’habitude de nouer mes rubans autour de mes pokémons. Tout ce qu’ils m’ont volé, c’est ma carte de dresseur que j’ai fait renouveler, et quelques vêtements. Tout le reste de mes affaires se trouvaient au centre pokémon car je ne voulais pas trop m’encombrer pour le concours. Ceci dit, je me demande bien ce qu’ils voulaient absolument te voler en confondant nos deux sacs…
— Aucune idée…
— Vous avez bientôt fini avec vos discussions ? s’impatienta le Professeur Seko à la gauche de Flora.
Les deux adolescentes préférèrent clore le débat.
— …et peut-être alors comprendre les raisons de la finitude de la vie, termina le Professeur Kosmo face à un public passionné. Je vous remercie.
Les applaudissements fusèrent de toutes parts tandis que le Professeur Seko s’était littéralement levé sur son siège pour acclamer son confrère.
— Nous allons passer au moment le plus excitant de la conférence, annonça l’animatrice. Si vous avez des questions, il est temps de…
— Oh, je vois que nous en avons déjà une dans l’assemblée, fit remarquer le Professeur Kosmo en pointant Annick du doigt.
Le visage d’Annick rougit, persuadée que leurs discussions n’étaient pas passées inaperçue. C’est alors qu’elle remarqua qu’il ne s’adressait pas à elle, mais au jeune garçon debout à sa droite, le doigt tendu au-dessus de sa tête.
— Que pensez-vous de la théorie de « l’œuf de la vie » qui serait le contenant qui renfermerait toute l’existence ? demanda Timmy, les sourcils froncés qui indiquaient tout le sérieux de sa question.
Le silence pesant qui régnait dans le couloir de l’hôpital l’opprimait. Être interdite de sortie était une chose, mais qu’on la forçât à attendre sagement, assise sur une chaise, dans un couloir vide, était insupportable. Après tout, elle était la victime dans toute cette histoire, pas la coupable. Elle se leva d’un bond, osa défier l’autorité. Derrière elle, sur une autre chaise en plastique, Annick ne releva pas la tête, trop accablée pour rester dans la réalité terrifiante. Flora approcha silencieusement la porte qui leur faisait face et regarda à travers la petite fenêtre rectangulaire. Deux médecins s’affairaient autour du corps d’un jeune garçon, couché sur un lit, chacun de ses membres reliés à un appareil différent, le visage recouvert de pommade, de pansements, de fils, et d’autres instruments qui servaient, paraissait-il, à le soigner. On les avait retrouvés trente heures plus tôt, et Timmy était toujours inconscient. Et s’il ne se réveillait jamais ?
Du mouvement derrière elle la fit s’extirper hors de sa vision d’horreur. L’infirmière Joëlle, la mine sombre, le teint pâle, se laissa tomber sur la chaise qu’avait occupé Flora.
— Infirmière Joëlle… marmonna Flora, sans mots.
L’infirmière inspira longuement, prenant le temps de chercher les mots qui auraient assez de sens pour expliquer l’inexplicable. À côté d’elle, Annick n’avait cessé de fixer fermement les pavés crasseux de l’hôpital.
— Est-ce qu’il est… ?
— Son état est stable, répondit calmement l’infirmière Joëlle, sans une émotion dans la voix. Physiquement, il va s’en sortir.
— Physiquement ? pointa Annick qui parlait enfin.
— On ne sait pas quand ni s’il se réveillera, révéla l’infirmière, ni si son cerveau a subi des dommages irréversibles ou non. Certain coma peuvent durer une éternité, d’autres sont plus rapides,…
L’infirmière Joëlle hésita.
— D’autres sont fatals, c’est ça ? conclut Annick avec force.
Flora se plaqua les mains contre la bouche face à l’absence de réaction de l’infirmière. Annick se leva, décidée, et se dirigea vers la porte qui la séparait de Timmy, perdant son regard dans celui de son ami qui ne se réveillerait peut-être jamais.
— À propos de… hésita Flora en approchant l’infirmière. Notre autre ami… Sofian ?
L’infirmière Joëlle évita son regard.
— J’ai vu qu’il n’était plus dans sa chambre.
L’infirmière resta silencieuse et se leva maladroitement, mal à l’aise.
— Je… ce n’est pas à moi de vous en parler, marmonna-t-elle en faisant mine de trier des dossiers.
— Où est-il ? insista Flora.
— Ils… ils l’ont emmené… Il vaut mieux que vous alliez discuter avec l’agent Jenny qui vous attend en b…
— Où est-il ? répéta Flora brutalement.
— Je ne peux rien vous dire, je suis désolée.
Et l’infirmière Joëlle quitta l’endroit en reniflant bruyamment.
L’entretient avec l’agent Jenny fut beaucoup plus brutal et moins précautionneux. En comprenant qu’elles étaient suspectées d’avoir collaborer avec la Team Magma, Flora et Annick s’empressèrent de tout révéler : comment elles avaient fait face à plusieurs reprises à l’organisation terroriste avant leur venue à Autéquia, comment elles avaient pactisé avec la Team Rocket sous la contrainte, comment elles s’étaient rendues dans leur repère, comment elles avaient tenté de s’en échapper. L’agent Jenny leur demanda autoritairement tous les détails, les interrompant sans ménagement dans leur récit, les obligeant à répéter plusieurs fois leurs informations durant toute la soirée. L’officier de police avait même fini par perdre ses moyens lorsque Flora raconta comment elle avait fuit le détective en charge de l’affaire, qui avait mystérieusement disparu depuis cet incident. L’interrogatoire se termina au beau milieu de la nuit, alors que des Hoothoot semblaient avoir encerclé le centre pokémon avec leurs hululements paisibles, et que l’agent Jenny reçu un appel déconcertant de ses sous-officiers.
— …et nous avons remonté la piste jusqu’au téléphérique
, avait indiqué l’officier dans son talkie-walkie.
— Ne procédez à aucune arrestation pour l’instant ! Je veux être présente sur les lieux, j’y serai dans dix minutes ! avait répondu l’agent Jenny avant de se tourner à nouveau vers les deux adolescentes. Écoutez-moi bien toutes les deux : si ce que vous me dites est vrai, vous courrez de graves sanctions ! Je vous interdis de quitter le centre pokémon jusqu’à nouvel ordre : vous êtes en quarantaine ! Je reviendrai vous voir pour terminer cet interrogatoire. D’ici-là, interdiction de bouger !
Annick et Flora avaient juré d’obéir et l’agent Jenny s’était éclipsée.
L’écran de l’ordinateur que mettait à disposition le centre pokémon s’alluma et afficha le visage angoissé de Gaëlle Seko.
— Maman ! s’exclama Flora qui sentait tout le poids de ces derniers jours s’envoler.
— Ma petite fleur ! hurla celle-ci en fondant en larmes. Enfin j’ai de tes nouvelles ! Qu’est-ce que… Doux Kyogre, ta tête !
— Ce n’est rien qu’en petit bobo, maman, rassura Flora qui eut du mal à cacher ses larmes.
— Mon cœur, ma chair, comment j’ai pu te laisser affronter ça, se morfondit Gaëlle Seko.
— Je t’avais dit qu’elle allait s’en vouloir, marmonna Flora à l’adresse d’Annick qui était restée en retrait pour lui laisser de l’intimité. Ne t’en fais pas, maman, tout va bien à présent.
— Tout va bien ?! Oh, attends de voir ce que va dire ton père quand il arrivera à Autéquia !
— Papa est en route ?!
— Bien sûr qu’il est en route, où veux-tu qu’il soit d’autre ? s’emporta sa mère qui passait de la tristesse à la colère aussi vite que l’on changeait de pokémon en combats d’arène. Pour dire vrai, il devait participer à une conférence en fin de semaine, mais en apprenant la nouvelle, il a annulé et a pris le premier train pour Autéquia. ON TE CROYAIT MORTE ! Oh, ma fleur ! Oh, mon lilas ! Et la police qui nous sonne pour nous annoncer que tu t’en es pris à eux et que tu es en fuite avec une criminelle ! Mais où avais-tu la tête ?! T’infiltrer dans le repère de terroristes ?! C’est ça, tes fameux concours pokémons ?! Quand je pense que c’est à la télévision qu’on a appris ce qu’il se passait !
— Maman… essaya d’interrompre une Flora qui perdait le contrôle de la situation.
— Attends de voir ce que va dire ton père !!
— Maman, je ne t’entends plus très bien, mentit Flora. Je crois que... ça… coupe… trop…
Flora fit mine de parler silencieusement, puis coupa la vidéoconférence. Le visage de Gaëlle Seko mi-ruisselant de larmes, mi-rouge de colère disparut et Flora soupira.
— Ça, c’est fait…
— Personnellement, j’ai un peu modifié toute l’histoire en la racontant à mes parents, avoua Annick avec un petit sourire. J’ai essayé de faire passer ça comme un énorme malentendu et que les médias ont exagéré le drame dans l’information. C’est plutôt bien passé.
— Tu as toujours été la plus intelligente de nous deux.
Les deux filles pouffèrent tristement de rire.
— FLORA LILAS SEKO ! tonna une voix d’homme derrière elles.
Flora fit volte-face brusquement et se retrouva à quelques centimètres de son père. Elle déglutit.
L’attente était longue dans la petite loge qu’on leur avait mise à disposition. Timmy s’était assis sur le petit canapé miteux et n’avait plus bougé, tandis que Charles Seko faisait les cent pas en se ventilant le visage ruisselant de sueur à l’aide d’un tas de feuilles.
— Je ne sais pas comment vous faites pour résister à cette chaleur, marmonna-t-il en utilisant l’énorme thèse de plus de cent pages qu’il trouva sur le bureau afin de se ventiler.
— Parce qu’on a passé plus de douze heures emprisonnés au cœur du Mont Chimnée, répondit Flora comme pour défier son père.
Le Professeur Seko se pétrifia de terreur et sembla perdre l’usage de la parole.
— Professeur Seko, intervint Annick en se relevant soudainement de son pouf afin de détourner le malaise, j’aimerais vous parler de mon Rosélia.
— Ah ? Euh… Oui, oui, j’écoute ?
Le Professeur Seko évita sa fille du regard et profita de l’excuse d’Annick pour faire mine de n’avoir pas compris les attentes de sa fille. Annick fit apparaître son Rosélia, trop grande pour une Rosélia classique, qui préféra rester allonger dans les bras de sa maîtresse, crispant les yeux comme prise de douleur.
— Depuis un récent combat dans le repère… dans le concours pokémon, rectifia Annick, mon Rosélia semble souffrir mais je ne comprends pas pourquoi. J’ai d’habitude recours à l’automédication, mais je suis un peu perdue. On dirait qu’elle a été empoisonnée par un attaque « queue poison », non ?
Le Professeur Seko toucha le front du pokémon malade et, étrangement, renifla les roses qui lui servaient de main.
— Oh, il me semble que ton pokémon ait contracté la grippe herbale, rien de bien inquiétant, dit-il. Dans deux jours, elle sera remise sur pied !
— Merci, Prof…
— Cher Charles, mon ami !
Le Professeur Kosmo fit son entrée dans la loge qui venait de devenir trop petite pour ses cinq occupants, et ôta sa cravate en exagérant son état de fatigue.
— Quelle conférence, par Groudon, c’était intense ! Je n’ai jamais vu un public aussi attentif, j’en suis resté coi. Quel dommage que tu n’aies pu participer à l’exposé. Enfin, c’est déjà un plaisir de t’avoir eu dans l’audience ! Je suis éreinté !
Le Professeur Kosmo s’affala sur la chaise de bureau et lâcha un long soupir. Flora en était à présent convaincue, elle n’aimait pas ce personnage. Mais il fallait absolument qu’elle lui pose une question. Elle n’allait pas abandonner tous ses efforts pour entrer en contact avec lui simplement parce qu’il l’agaçait. Il fallait absolument qu’elle sache si c’était lui qui les avait aidés à s’enfuir du repère de la Team Magma.
— Professeur Kosmo, j’ai une question à vous poser.
C’était Timmy qui avait parlé avant elle.
— C’est à nouveau à propos de la théorie de « l’œuf de la vie » ? supposa le professeur.
— À vrai dire, vous n’avez pas tout à fait répondu à ma question tout à l’heure, répliqua Timmy tel un homme d’affaire pressé de signer un contrat. Vous m’avez parlé de l’existence, mais pas de la théorie.
— C’est parce qu’elle est un peu… farfelue, avoua le Professeur Kosmo. « L’œuf de la vie » est en réalité le titre d’un conte pour enfant qui a donné le nom à cette théorie. L’œuf est plutôt une métaphore à comprendre sur notre existence, et non pas un réel contenant qui enfermerait les réponses sur notre existence. Beaucoup de gens se sont mis à croire à cette légende comme s’il s’agissait d’une réalité. On a même vu apparaitre au siècle dernier de nombreuses religions qui se basaient sur ce conte pour en ressortir des messages divins. Bref, certaines personnes ont confondu la légende et la croyance.
— Et pourtant, vous venez de passer deux heures à nous expliquer que tout était possible, que le soleil, la lune et l’univers peuvent être des dieux pour certaines cultures, et le produit des dieux pour d’autres, fit remarquer Timmy.
L’ambiance s’électrisa quelque peu dans la loge.
— Il marque un point, approuva le Professeur Seko. C’est bien pour étudier les astres en relation aux pokémons que tu as organisé le sommet scientifique de la semaine prochaine, non ?
— C’est… plus compliqué que cela.
— Et c’est bien «
de la lumière que jaillit l’existence, et de l’existence que jaillit la lumière, comme les astres qui nous entourent », pour reprendre votre phrase durant la conférence ? ajouta Timmy.
— Vous mélangez tout, laissez-moi vous expliquer.
Flora leva les yeux au ciel, comprenant qu’ils allaient avoir droit à un nouveau discours scientifique comme son père les aimait tant, et que son but de parler des attentats allait à nouveau être dévoré par le travail de son père.
— Je suis astrophysicien de formation, et j’ai passé toute ma vie de scientifique à étudier les météorites à la recherche d’une explication sur l’apparition des pouvoirs des pokémons, raconta le Professeur Kosmo. Car je pars de la thèse suivante : on dénombre tellement d’informations sur la possible existence d’êtres supérieurs et venant de l’univers qu’on peut considérer le pouvoir des pokémons comme venant du cosmos. Tout ce qui existe actuellement sur terre, tous les êtres vivants qui composent notre planète, tout est d’origine extraterrestre. L’eau est apparue sur terre à la suite d’une pluie de météorite sur plusieurs centaines de millions d’années. L’eau est extraterrestre, la Terre est extraterrestre car formée par l’accumulation de poussière sur des millions d’années, tout est extraterrestre : je suis extraterrestre, vous êtes extraterrestres, les pokémons sont extraterrestres.
— Pourtant, j’ai vraiment l’impression d’être née sur Terre, s’autorisa Annick en souriant.
Mais sa blague fut prise au sérieux par les deux scientifiques.
— Pour faire plus simple, intervint le Professeur Seko, il existe deux théories différentes sur la conception du monde. Certains pensent que l’univers a été créé par un Être unique et surpuissant, et d’autres plus terres-à-terres plaident pour le hasard des évènements qui ont conduit à l’émergence de la vie.
— Qui a dit que les évènements chimiques et physiques qui se sont déroulés dans l’univers ne sont pas issus d’un Être unique ainsi que du hasard ? s’offusqua le Professeur Kosmo.
— Allons, Eugène, un scientifique tel que toi ne peut pas croire en une théorie aussi farfelue ! raisonna le Professeur Seko. Tu étais ironique durant ta conférence, non ?
— Bien sûr que non ! Prouve-moi que cet Être unique et surpuissant n’a jamais existé, et je te croirais sur parole !
— Mais s’il fallait à chaque fois prouver que quelque chose est faux pour croire en quelque chose d’autre, ce serait l’anarchie,
Professeur Kosmo, s’exclama le Professeur Seko en insistant sur le nom de son interlocuteur. Ce n’est pas la science, ça !
— Au contraire,
vous vous trompez,
Professeur Seko ! rétorqua ce dernier. C’est là qu’on voit ton manque d’expérience. La science ne s’explique que parce qu’on essaie de chercher quelque chose d’introuvable, de comprendre quelque chose d’incompréhensible. Le véritable cri de joie du scientifique n’est pas « eurêka ! » mais « tiens, c’est étrange ! ». Prouve que quelque chose est vrai, et tu n’auras fait qu’affirmer une théorie. Essaie de prouver que quelque chose est faux, et là tu découvriras la vérité !
— Donc, la théorie de « l’œuf de la vie » est vraisemblable, indiqua Timmy ingénieusement.
— Non, mon ami, se braqua le Professeur Kosmo, car mon expérience en atteste. Comme je le disais, cette théorie est née d’un conte pour enfant qu’il faut comprendre en une métaphore de la paix des peuples. D’ailleurs, ce conte a été renommé « Le cadeau de la paix » par l’auteur lui-même.
— Le cadeau que contient l’œuf, insista Timmy. « La paix », une métaphore pour « la vie », « l’existence », voire peut-être « la guérison ».
Flora comprit enfin où Timmy voulait en venir. Accablé par une maladie infantile, Timmy était voué à une vie de souffrance physique, et ses chances d’atteindre un âge avancé étaient minces. Elle ne savait où il avait trouvé les références d’un tel conte, une sorte de remède miracle à ses problèmes, mais Flora commençait à comprendre pourquoi le Professeur Kosmo tentait de démentir avec tant de force sa théorie. L’enfermer dans un espoir aveugle ne servirait à rien.
— La vie n’est pas apparue d’un coup d’un seul comme le prétend cette théorie, reprit le Professeur Kosmo calmement, comme pour détendre l’atmosphère. La vie ne sort pas d’un œuf. La vie est apparue sur Terre à la suite d’une pluie de météorites, qui elle-même provient d’une multitude de facteurs. Certes, cet œuf peut être compris comme une métaphore pour un Être unique et suprême. Mais partir à la recherche de cet œuf ne peut être qu’une quête spirituelle.
Timmy soupira et se leva du canapé, contrarié. Le Professeur Kosmo embraya sur ses projets afin d’empêcher un malaise de s’installer.
— La semaine prochaine, nous allons nous réunir avec une dizaine des plus éminents scientifiques de la région pour partir à la recherche de météorites sur le Site Météore, indiqua-t-il. D’après nos études, il semblerait que les toutes premières formes de vie pokémon soient apparues dans cette région du continent. Charles, si mes recherches sont exactes, nous allons découvrir les toutes premières séquences ADN de l’histoire de l’humanité ! C’est pourquoi j’ai fait appel à toi : cela pourrait t’aider dans tes recherches afin de comprendre le mystère qui entoure les pouvoirs des pokémons.
— Tu crois que… cette séquence d’ADN primitive pourrait expliquer l’origine de leurs pouvoirs ? demanda le Professeur Seko, estomaqué.
— Et bien plus encore. D’après mes confrères, elle pourrait même nous mener à élucider le mystère qui entoure… les titans de Hoenn !
— Les titans de Hoenn ? s’interrogea Flora. Pourquoi ça me dit quelque chose ?
— Oh, ce sont des théories très courantes dans le milieu sci…
Tout à coup, une porte claqua. Timmy s’en était allé, énervé.
Il ouvrit les yeux lentement. Au-dessus de sa tête, un orbe brillait de mille feux. À bien y regarder, des milliers d’orbes flottaient autour de lui et irradiaient l’endroit d’une magnifique lumière blanche divine. Ou alors étaient-ce simplement les ampoules de la chambre dans laquelle il se trouvait. Un léger détail attira son attention. La personne qui l’avait allongé sur ce lit douillet l’avait complètement dévêtu. Qui donc avait bien pu souiller son intimité à ce point ?
Une forme bougea à sa droite et Timmy sursauta. Les contours de Tarsal se dessinèrent dans la lumière et son pokémon le rejoignit. En plissant les yeux, Timmy arriva à reconnaître l’endroit où il se trouvait. Des posters de pokémons, des poupées,… il se trouvait dans sa chambre d’enfant, à Vergazon. Son regard fut attiré par un vieux bouquin relié qui trainait sur la table de chevet. Il s’agissait d’un livre de contes dont il avait apprécié les nombreuses histoires lorsqu’il était petit. Il tendit la main pour le saisir.
Un bruit sourd claqua derrière la porte de sa chambre, et Timmy sursauta. Il chercha de quoi se rhabiller mais, pour une raison qu’il ignorait, sa penderie ne contenait que des vêtements de petite taille qui devaient appartenir à un jeune bambin. Timmy s’approcha de la porte et l’ouvrit précautionneusement. De l’autre côté, un très long couloir.
Timmy avança lentement, son Tarsal dans les bras, jusqu’à ce qu’une douleur dans la plante des pieds le fasse sursauter. Il venait de marcher sur une rose, ses épines lui était rentrées dans la peau. Étonnamment, aucune goutte de sang ne s’échappa de sa blessure. De plus, le sol semblait recouvert d’un tapis de rose, s’étalant jusqu’à la porte suivante. Quel drôle d’endroit ! Il ne se souvenait pas avoir vécu dans une telle maison.
Timmy entreprit une longue marche douloureuse jusqu’à la porte qui clôturait le couloir et n’osa pas l’ouvrir, s’inquiétant de ce qu’il allait y découvrir. Car, en effet, une odeur alléchante mais indescriptible émanait de derrière la porte, ce qui le surprit. D’autant que cette odeur se traduisait en un goût acide, citronné, dans sa bouche.
Timmy ouvrit la porte d’une traite, préférant en terminer tout de suite avec ces énigmes.
— Nous t’attendions, Timmy.
C’était sa mère qui lui avait parlé. Elle se trouvait debout devant lui, un bouquet de roses blanche dans les mains, les pieds plantés dans la pelouse d’un jardin méconnaissable.
— Il faut que tu retournes d’où tu viens, Timmy.
Cette voix, c’était à présent son père, qui se trouvait juste à côté de lui et lui tendait la main pour qu’il l’accompagne. Timmy se laissa guider par l’aura chaleureuse de son paternel.
— Allez, petit Timmy, encore un petit effort.
Le sang de Timmy se glaça dans ses veines. Klein venait de lui parler dans son dos.
— Nous venons justement de terminer de creuser.
Il pointa de son doigt brûlé une tombe derrière Timmy.
— Ne t’en fais pas, ce n’est pas douloureux. Toi au moins, tu n’as pas à être brûlé vif.
Timmy remarqua que le sbire de la Team Magma avait le visage brulé vif, lui aussi, et que sa peau rouge, noire, détruite, tombait en lambeau. Timmy serra très fort son Tarsal dans ses bras mais le pokémon n’était plus là. Il tenait à présent un gros œuf noir qui semblait ne rien peser.
— Tout ce que tu as à faire, c’est te coucher paisiblement dans la tombe
, lui indiqua sa mère.
Au creux du trou, allongé sur la terre blanche, un Goélise battit de l’aile en le reconnaissant. Timmy trembla de tous ses membres. L’œuf vibra dans ses bras, puis…
Une colonne de lumière se dressa depuis le sol jusqu’au ciel. Une petite silhouette tournoya autour de la colonne en volant vers lui.
Le cri terrifiant qui s’échappa de sa bouche le sortit de sa torpeur. Timmy releva le buste violemment et sentit une déchirure au niveau de l’avant-bras. Il venait d’arracher hors de sa peau les nombreux câbles qui le reliaient à de bruyantes machines. Le cœur battant, il s’extirpa hors du masque qui lui envoyait un filet d’oxygène dans les narines. Soudain, une porte claqua et l’infirmière Joëlle entra en trombe dans la chambre, suivie de plusieurs médecins.
On le maintint, on le calma, on l’ausculta, on l’apaisa. Timmy se rendormit.
Tarsal dormait profondément au creux de l’aisselle de Timmy qui regardait passivement son Arcko siroter un bout de bois dans sa bouche, assis sur une chaise à son chevet. La porte s’ouvrit lentement et une touffe de cheveux noirs entra dans la chambre.
— Timmy !
— On nous a dit que tu t’étais réveillé en bonne santé !
Annick prit son ami dans les bras tandis que Flora lui prit les mains, le regard humide.
— Je savais que tu allais te battre et te réveiller, lâcha Annick en lui caressant les cheveux. Je savais que tu étais un dur !
Timmy s’autorisa un sourire, mettant de côtés ces horribles visions de mort qui s’étaient déplacées de ses cauchemars d’enfant à sa réalité d’adolescent.
Flora et Annick passèrent l’après-midi à lui raconter les évènements des derniers jours, depuis le moment où la Team Magma avait envahi la salle de concours jusqu’au sauvetage de la police dans le repère de la Team Magma, avant que tout ne s’envole en fumée.
— Il ne reste plus rien, plus aucune preuve du vol de Galifeu, se lamenta Flora.
— On ne l’a pas récupéré ?! s’exclama Timmy, dont le pouls s’intensifia instantanément.
Flora le rassura rapidement et le jeune garçon mit un certain temps pour reprendre son souffle.
— Et donc ? Ils sont où ?
— Qui ça ? demanda Flora en faisant mine de ne pas comprendre.
— Sofian et Galifeu ?
Flora et Annick échangèrent un regard inquiet.
— Timmy…
Flora déglutit difficilement, le regard se brouillant à nouveau.
— Comme Sofian était introuvable dans le repère quand il a explosé, expliqua Annick sur un ton froid et impassible, la police en a conclu que nous n’avions aucun motif pour nous trouver là-bas.
Timmy fronça les sourcils.
— On a été mis en quarantaine. On ne peut pas sortir du centre pokémon tant que l’enquête n’est pas résolue. Ils nous soupçonnent d’être des complices et d’avoir été impliqués dans l’attentat d’Autéquia.
— Quel est le rapport avec Sofian ? s’inquiéta Timmy. Où est-il ?
— Ce qui veut dire qu’ils soupçonnaient aussi Sofian d’être impliqué…
— « Soupçonnaient » ? Pourquoi parles-tu au passé ?
Timmy se tourna vers Flora.
— Où est Sofian ?
— Il est… Sofian a été…
— Flora ! Parle-moi !
— On n’a pas pu le voir, répondit Annick, une larme finissant enfin par couler sur sa joue. Depuis qu’on a été séparés dans le repère, on ne l’a plus revu et… Ils l’ont emmené… Il n’en reviendra pas, Timmy.
Le choc de l’annonce s’abattit sur Timmy aussi rudement que la mort s’était approchée de lui. Sofian n’était plus là. C’était pour cela qu’il avait réchappé à la mort : pour qu’on lui annonce que son meilleur ami n’était plus là.
— Où étais-tu passé ?
Annick retrouva Timmy à l’extérieur, dans la petite cour pavée du bâtiment où s’était tenue la conférence. Elle s’extirpa hors de son manteau et y emmitoufla son ami qui tremblait de froid.
— Tu ne devrais pas rester dehors par un temps pareil, conseilla Annick gentiment, le vent de novembre est traitre.
— Ça m’aide à réfléchir.
Annick observa son ami qui fuyait son regard et ne parvint pas à retenir ses pensées :
— Je m’inquiète pour toi. Depuis qu’on nous a libérés de la quarantaine, tu n’as qu’une idée en tête, c’est rencontrer le Professeur Kosmo. Et là, tu étais à la limite de l’agresser pour une histoire de conte…
— Ça n’a aucun rapport avec cette légende, comme il le prétend, se défendit violemment Timmy.
— Cet œuf…
— Il n’est peut-être pas réel, mais il l’est pour moi.
— De quoi tu parles ?
Timmy hésita. Lui non plus n’arriva pas à garder ses pensées pour lui face à Annick :
— Dans le repère de la Team Magma, Klein m’a retrouvé et a voulu se venger pour ce que je lui ai fait, raconta-t-il. Lorsqu’il m’étranglait et que j’ai senti que j’allais mourir, j’ai eu… une vision.
Timmy attendit une réaction mais Annick ne l’interrompit pas. Elle maintint son regard, et Timmy la remercia silencieusement pour l’aider à accumuler le courage dont il avait besoin pour avouer ce qu’il craignait le plus.
— Ce n’est pas ma première expérience de mort imminente, révéla-t-il. J’en ai déjà faites plusieurs par le passé, principalement à cause de ma maladie. Et à chaque fois, j’ai la même vision qui revient, les mêmes que j’avais lorsque je faisais des cauchemars, dans mon enfance. La même scène, mais toujours un peu plus différente. Dans le repère, j’ai eu comme… une révélation. Il y avait ce rayon lumineux qui reliait la terre au ciel. Et puis, il y avait cet œuf. Un œuf noir, le noir le plus pur. C’est comme si mes visions voulaient me dire quelque chose, comme si je devais comprendre un message qui m’indiquerait ce qu’il se passera le jour de ma mort. Je sais que ça peut paraître dingue dit comme ça, que mon histoire est farfelue, mais…
— Il faut enquêter dans le farfelu pour trouver la vérité, termina Annick sans un seul sourire moqueur.
Timmy, quant à lui, afficha un sourire apaisé et la prit dans ses bras. Lorsque l’étreinte s’acheva, Annick changea de conversation :
— On ferait mieux de rentrer avant que la nuit tombe.
— Rentrer… où ?
— Il faudra bien qu’on rentre, de toute façon.
— À la maison ?
Annick souleva les épaules, prise de court.
— Je crois qu’on devrait prendre un peu de temps pour nous.
— Tu veux dire… arrêter tout ? Tu ne veux pas voyager avec nous ?
— Timmy… Votre voyage n’a plus de…
Mais elle ne trouva pas de mot adéquat pour représenter la situation.
— En plus, j’avais promis à mon cousin de l’aider pour ses cours de coordinations pokémon. Il étudie à l’École Pokémon Fondamentale de Mérouville.
— On pourrait voyage ensemble, non ? proposa Timmy.
Annick hésita. Elle n’eut pas le temps de répondre car ils furent interrompus par une dispute qui éclata derrière eux. Flora et son père venaient de sortir dans la cour pavée à leur tour dans de grands cris.
— …de rentrer à la maison et d’arrêter cette mascarade ! s’exclamait le Professeur Seko.
— « Mascarade » ? C’est toi qui nous as poussés à partir à l’aventure ! cria Flora. Tu nous as financés pour cette « mascarade » !
— Je n’étais pas conscient des dangers que cela représentait !
— Mais enfin, ce n’est pas si dangereux que ça ! Ce qu’on vient de vivre, c’est exceptionnel ! La plupart du temps, il ne se passe rien. On ne fait que marcher, on croise un ou deux pokémons, on étudie leurs façons de vivre, on entraîne les nôtres. Ce qu’il s’est passé cette semaine, ce n’est qu’une parenthèse. On était au mauvais endroit au mauvais moment !
— Il me semble que vous êtes souvent au mauvais endroit et que c’est souvent un mauvais moment ! fit remarquer son père en mentionnant l’attaque de la Team Aqua qu’ils avaient vécue au Village Myokara. Vous avez les deux organisations terroristes de la région qui sont à vos trousses et tu appelles ça « une parenthèse » ?! Tu vas rentrer à la maison et la police va vous protéger !
Flora se mordit les lèvres, croisa les bras et tourna le dos à son père. Le Professeur Seko, consterné, tenta de se rapprocher de sa fille qui l’empêcha de la toucher.
— Allons, reviens à la raison, supplia son père. Ces concours étaient amusants tout un temps, mais ils ne valent pas la peine de se mettre en danger…
— Tu t’en fiches de ma passion, lança Flora sur le ton le plus amer que son père ait jamais entendu.
— Mais… de quoi parles-tu ?
— Tu n’as jamais été intéressé par ces concours, c’est à peine si tu avais remarqué que c’était ma passion. Tu t’en fiches de tout ce qui n’a aucun rapport avec tes travaux, même si cela concerne ta propre fille.
— J’agis en père. Je dois te protéger. Avec qui veux-tu poursuivre ton voyage ? Sofian n’est plus…
— Ne parles pas de Sofian ! Tu n’as pas le droit de le mentionner !
— Très bien, si tu veux que ça se termine ainsi !
Le Professeur Seko arracha hors de sa poche un petit tas de feuilles.
— J’ai ici trois billets de retour pour le train qui part dans deux heures. Tu as intérêt à te rendre à la gare avec moi !
Flora resta bouche bée.
— Tu as tout prévu depuis le début, comprit-elle. Tu m’as fait croire qu’on allait arranger la situation, tu as passé la journée à parler de cette conférence pour noyer le poisson, comme si j’allais oublier les deux mois qui viennent de passer. Mais en réalité, tu avais déjà acheté les billets de retour et tu comptais bien me forcer à tout abandonner ! Tu t’en fiches complètement de moi, de ce que je veux et de ce qui me rend heureuse !
— Mourir des mains de terroristes, c’est ça que tu veux ? C’est ça qui te comblerait de bonheur ?!
— Tu ne peux pas comprendre ! Tu n’as jamais fait attention à moi ! Vas-t-en ! Prends-le ton train, et vas-t-en !
Sur ces mots, Flora prit ses jambes à son cou et quitta les lieux en claquant les portes derrière elle. Le Professeur Seko se tourna vers Timmy et Annick qui avaient assisté malgré eux à la scène.
— Assurez-vous qu’elle se rende à la gare dans deux heures, leur dit-il simplement. Et retrouvez Sofian car on m’a demandé de le ramener lui aussi.
Et le Professeur Seko sans alla. Timmy et Annick échangèrent un regard, perdus.
Les vêtements qu’on avait jeté dans la précipitation sur une chaise au chevet du lit du patient avaient disparus. Il ne restait rien dans la chambre d’hôpital qui appartenait à son propriétaire. Ce soir-là, Sofian Match se sentait plus seul qu’il ne l’avait jamais été.
Lorsqu’ils l’avaient retrouvés inconscients, étalé de tout son long au beau milieu d’une forêt dans les montagnes, son Galifeu en piteux état à quelques mètres de lui, le personnel médical d’Autéquia l’avait directement pris en charge. Mais les ordres de la police avaient été clairs : Sofian était un suspect et il devait être surveillé en permanence. C’est pourquoi on lui avait collé aux pattes un agent qui avait pour mission de ne jamais le quitter des yeux. Lorsque Sofian s’était réveillé à l’hôpital, l’infirmière Joëlle lui avait expliqué que tous ses biens lui avaient été confisqués, que ses pokémons étaient en bonne santé mais qu’il n’avait pas le droit de s’en approcher jusqu’à nouvel ordre. Elle lui avait fait comprendre son impuissance dans cette affaire et avait même partagé avec lui ses émotions qui ne mirent pas Sofian en émoi. Non, loin de son Galifeu, Sofian n’avait plus aucune émotion à donner ni à recevoir de quiconque. Il s’était battu pendant deux jours complets pour récupérer son Galifeu, il n’allait pas se le faire confisquer à nouveau !
Par chance, le policier qui était chargé de sa surveillance s’était endormi ce soir-là devant la fenêtre de la chambre. Sofian se glissa silencieusement hors du lit, noua sa chemise de nuit de l’hôpital autour de sa taille et s’exfiltra de sa chambre sans un bruit. Le couloir sombre était complètement vide. En passant devant la chambre mitoyenne à la sienne, Sofian reconnut les silhouettes de Flora et Annick qui n’avaient toujours pas repris connaissance depuis leur sauvetage hors du repère de la Team Magma. Elles avaient l’air d’être plongées dans un sommeil si paisible que Sofian arriva presque à rêver de pouvoir à son tour fermer les yeux et se reposer, un acte qu’il n’avait plus pu poser depuis plus de soixante heures.
À travers la porte suivante, un lit entouré de machines toutes les plus sophistiquées, reliées à un patient dont on ne voyait quasiment plus le visage, laissait présager que le sort de Timmy serait plus grave que le leur. Mais Sofian était impuissant dans ce cas précis, et il préféra aller jusqu’au bout de son projet.
Avec son ciel ténébreux et dépourvu d’étoiles, la nuit était oppressante, comme si Autéquia était en deuil. Sofian traversa le village endormi, pantoufles aux pieds, la chemise d’hôpital flottant dans le vent frais du mois de novembre. Enfin, il arriva au commissariat, fermé.
— Plus un geste !
C’était l’agent Jenny qui avait crié, juste derrière lui. Elle l’avait retrouvée avant qu’il ne la retrouve. Sofian leva les mains au ciel, plus par politesse que par crainte du Caninos qui le menaçait de ses crocs.
— Je suis venu vous faire mes aveux, révéla Sofian.
Intriguée, l’agent Jenny le laissa poursuivre.
— Mes amis sont innocents, je les ai manipulés pour qu’ils m’aident à m’infiltrer dans le repère de la Team Magma afin de récupérer mon Galifeu, mentit Sofian.
Persuadée que l’affaire était plus compliquée qu’elle n’y paraissait, l’agent Jenny se laissa convaincre par les mensonges que Sofian lui servi durant tout le reste de la nuit, bien au chaud au sein du commissariat.
— Tu sais que si ce que tu viens de me révéler est vrai, finit-elle par lui dire au petit matin, la procédure en justice va être beaucoup plus longue. Toutes les charges retenues contre tes amis seront annulées, mais tu seras jugé en unique responsable. Tu es sûr d’avoir révélé la vérité ?
Sofian acquiesça, heureux de s’être bien fait comprendre.
— Bien. Comme tu as l’âge légal pour être jugé comme un adulte, je vais devoir procéder à ton arrestation. Monsieur Sofian Match, vous êtes en état d’arrestation pour influence dangereuse, coups et blessures psychologiques, et collaboration avec l’ennemi.
Le lendemain matin, on n’eut pas besoin de le réveiller pour se présenter face au juge d’instruction d’Autéquia car Sofian n’avait toujours pas réussi à s’endormir. Les détails du procès rapide qui s’ensuivit ne s’encrèrent guère dans sa mémoire qui le lâchait à mesure que la fatigue lui opprimait le crâne. Quelques heures plus tard, Sofian fut surpris de se retrouver enfermé dans un établissement qu’il ne connaissait pas, entouré de personnes de tous âges qui semblaient être déficients au niveau mental.
— Monsieur Match, je vous parle, appela le pédopsychiatre en face de lui.
Sofian retrouva le moment présent et constata qu’il se trouvait assis sur un canapé, face à un homme à la barbe blanche touffue qui tenait un calepin entre les doigts.
— Je vous répète ma question : est-ce que la présence de vos pokémons dans l’établissement vous apporte du réconfort ?
Sofian se perdit dans le regard gris du spécialiste en traumatisme psychologique. Si ses pokémons le réconfortaient ? Voir son Galifeu aussi silencieux et traumatisé ne lui apportait aucune joie, mais être à ses côtés était une nécessité. De là à parler de réconfort.
Sofian se retourna dans son lit et ouvrit les yeux, incapable de s’endormir. Il avait passé tellement de temps ces deux derniers à jour à regarder à travers la fenêtre de sa chambre qui donnait sur le petit jardin tranquille, tant de temps à observer ses pokémons jouer paisiblement avec d’autres personnes internées, tant de temps à se morfondre sur l’état de Galifeu qui refusait de bouger, assis dans son coin au pied d’un arbre, seul, silencieux, le regard dans le vide, au loin un mystérieux pokémon rond tournoyant face au soleil brillant aux éclats, tant de temps à se demander si l’horloge qui tambourinait dans un cliquetis infernal au-dessus du buffet dans le salon commun fonctionnait réellement si tout ce qu’il se passait autour de lui avait réellement un sens tellement il n’avait lui-même plus aucune compréhension du réel qui se déroulait autour de lui le seul réel étant ses pensées qui tournaient et retournaient dans sa tête ses souvenirs encrés dans sa rétine qui se mêlaient à son présent les visages de sa sœur en tenue rouge qui l’alertait dans un couloir sombre les capuches rouges des membres de la Team Magma qui cachaient des visages connus et qui escortaient des innocents dans la rue pourtant il avait crié si fort il avait crié pour qu’on l’entende pour que les autres soient prévenus que le Professeur Kosmo qui venait de passer devant l’hôpital psychiatrique était accompagné de deux membres de la Team Magma qu’il avait crié il avait crié si fort pour qu’on sauve la vie de cet innocent et personne ne l’avait entendu on l’avait attrapé férocement maintenu vigoureusement piqué avec leurs aiguilles qui étaient censés le calmer mais qui ne faisaient que le ramener instantanément dans son lit sans qu’il ne se souvienne du chemin parcouru ni du temps passé ni de pourquoi on voulait absolument son accord pour que trois jeunes adolescents viennent le visiter mais il ne savait même pas pourquoi il devait voir du monde qui étaient-ils d’ailleurs que lui voulaient-ils l’arracher à nouveau de son lit pour qu’on l’y remette directement après sans qu’il n’ait aucune idée de ce qu’il se passât entretemps sans qu’il ne se doutât que les verres d’eau qu’on lui donnait à boire contenaient des petites pilules vertes qu’il s’empressait de recracher une fois les médecins hors de la chambre baignée de la lumière de la nuit qui se reflétait à travers le miroir un mystérieux pokémon en croissant tournoyant dans la lumière de la pleine lune.
— Tu m’entends, mon cœur ?
Il fait jour. Une femme est assise sur son lit. Un homme se tient debout derrière elle.
— Tu me reconnais ?
Le vieux psychiatre note dans son calepin. Il observe depuis le pas de la porte.
— Vous ne devriez pas vous attendre à une réaction en particulier. Le choc posttraumatique l’a tiré du réel. C’est la manière dont son cerveau se protège contre la violence de son quotidien. De la même manière que son Galifeu refuse de bouger, refuse d’accepter ce qu’il a vécu et ce qu’il vit.
Qu’il a l’air bête à tout savoir, ce vieux.
— Mon fils, réponds-moi.
Ça a claqué dans la chambre comme un ordre. L’impatience n’était-elle pas mauvaise conseillère ? Il soupire. Soit. Qu’il soupire.
— Nous avons demandé à ce qu’on te transfert à l’hôpital psychiatrique de Clémenti-Ville.
— Mon tout petit…
— Dès que j’aurai signé les formalités, tu seras transféré.
— Mon petit cœur…
— Nous viendrons te rechercher demain.
L’homme, si froid, ne l’intéresse pas. La femme le prend dans ses bras. C’est comme une bougie qui s’est éteinte mais dont on rallume la flamme dans un dernier espoir de clarté.
— Maman… murmure-t-il.
— Oh, mon Sofian ! se lamente Nathalie.
— Je ne suis pas fou, annonce-t-il simplement.
— Mon fils, intervient alors Norman en venant à son chevet, sans aucune émotion paternelle dans la voix. Tu as souffert de très lourds traumatismes psychologiques et physiques. Tu as avoué consciemment avoir forcé sous la menace et la contrainte physique tes amis à introduire le repère d’une organisation terroriste sous prétexte qu’on t’avait volé ton Galifeu. Mais on t’a retrouvé des dizaines de kilomètres plus loin, dans la forêt, inconscient, avec ton Galifeu. Tout porte à croire que tu n’y étais pas et que ton Galifeu n’a jamais été volé. Tout porte à croire que tu as envoyé tes amis en mission suicide sans aucune raison. Vos dépositions à la police avant la disparition de tes amis ne font aucun sens, ni les leurs, ni les tiennes. La seule théorie concrète et vraisemblable est que, suite au traumatisme que tu as vécu dans l’attaque terroriste du concours, la pression était insoutenable pour ton jeune cerveau et tu as été… pris d’une crise de schizophrénie.
— Je ne suis pas fou, assure Sofian.
— Tu as eu des hallucinations l’autre jour en croyant voir…
— Je les ai vus ! Ils étaient deux sbires de la Team Magma. L’un se prénomme John, l’autre Gérald, et ils emmenaient le Professeur Kosmo avec eux vers la montagne, à l’ouest !
— Le Professeur Kosmo a donné une conférence le lendemain. Il va très bien, et il n’a pas été mis en contact avec la Team Magma de quelque manière que ce soit.
— Je les ai vus…
— Ton cerveau a cru les voir car il essaie de créer un sens logique à tous les traumatismes qu’il a subis. Mon fils, fais-moi confiance. Nous allons te transférer à Clémenti-Ville et tout ira bien. Nous allons prendre soin de toi.
Sofian est démuni. Sa mère pleure à chaudes larmes.
— Mon petit bébé, je n’ai plus que toi, renifle-t-elle. Je t’en prie, sois raisonnable.
Il préfère rester muet et se recouche, les yeux fixés sur le plafond.
Lors de son quatrième jour à la clinique psychiatrique d’Autéquia, Sofian se réveilla en sursaut. Il s’était endormi. Il avait finalement réussi à dormir. Depuis la visite de ses parents, c’était comme si une pièce du puzzle s’était finalement emboitée dans le brouillon que représentait cette dernière semaine. Sofian venait enfin de comprendre. Il venait enfin de discerner toutes les ficelles qui tiraient de loin son état psychologique si troublé. Certes, les évènements au sein du repère de la Team Magma l’avaient traumatisé, certes l’affrontement avec Max Magma l’avait physiquement endommagé. Mais quelque chose d’autre s’était passé. Quelque chose dont il n’était pas le maître. Quelque chose qui avait été prévu, organisé, dans le seul but de le mettre hors circuit.
Ce matin-là, Sofian se leva d’un bond hors de son lit et courut vers la fenêtre. Galifeu était toujours immobile sous l’arbre qu’il n’avait pas quitté depuis leur arrivée. Et juste au-dessus de lui, dansant dans le soleil levant, une petite ombre ronde attira l’attention de Sofian. La même boule ronde qu’il avait perçue le jour où son cerveau avait décidé de s’éteindre. S’il avait gardé un souvenir au sein de cet établissement, c’était sa vision de la Team Magma escortant le Professeur Kosmo dans les rues d’Autéquia. Lorsqu’ils étaient passés devant la clinique, John lui avait fait un clin d’œil. Sa réaction fut celle escomptée. Sofian, pris pour un déficient mental, avait crié au loup et le loup avait disparu avant qu’il ne puisse prouver sa présence. On l’avait donc ramené dans sa chambre, drogué à son insu, et le soir même, une autre boule mystérieuse avait tournoyé au clair de lune.
Si sa théorie était exacte, la Team Magma ne perdait rien pour attendre. Si seulement il pouvait vérifier son hypothèse avec son Pokédex ! Mais on le lui avait retiré, bien sûr.
Soudain, quelque chose toqua à sa fenêtre. Sofian s’approcha du carreau scellé et reconnut son Nirondelle qui volait à hauteur de sa chambre. Derrière lui, la porte de sa chambre explosa et Balignon apparut à son tour tandis qu’Écrapince lui apportait des vêtements. Sofian reconnut les vêtements que portaient les infirmiers de la clinique. Ses pokémons avaient organisé son évasion !
— Les amis, allons sauver le Professeur Kosmo !
Grâce à son accoutrement, Sofian arriva à passer inaperçu dans les couloirs de la clinique, préférant cacher son visage lorsqu’il croisait d’autres patients. Il descendit une volée d’escaliers et se retrouva près du salon commun qui grouillait de personnel médical. À travers la porte vitrée, il aperçut son père, Norman, et sa mère, Nathalie, discuter avec le psychiatre qui leur tendait un tas de feuilles à signer. Ses parents étaient déjà là pour l’emmener à Clémenti-Ville. Il fallait absolument qu’il récupère Galifeu et qu’il prouve qu’il n’était pas fou ! Malheureusement, pour récupérer Galifeu, il s’agissait de traverser le salon rempli de personnes et se rendre dans le jardin. Sofian n’avait plus d’autres choix que la manière forte.
— À mon top, Balignon tu détruiras la porte vitrée avec ton « coup de boule », et toi Écrapince tu enverras tes « bulles d’eau » pour empêcher les gens les plus proches de nous approcher, ordonna Sofian. Top !
Les pokémons s’exécutèrent. Sofian courut à toute vitesse dans le salon où les patients hurlèrent de terreur lorsque la porte vitrée se brisa dans un grand fracas. Norman fit volte-face et évita un infirmier qui tomba à la renverse sous le coup de l’attaque aquatique d’Écrapince.
— Sofian, non ! s’écria le champion d’arène.
Mais Sofian avait déjà atteint le jardin au bout duquel Galifeu somnolait sous son arbre, toujours en état de transe. Nirondelle fendit les cieux et empêcha un autre infirmier d’attraper son maître qui se précipita sur son pokémon.
— Galifeu, il faut que tu me suives ! urgea Sofian alors que le personnel médical sortait dans le jardin à sa poursuite, mené par Norman.
Mais Galifeu était plongé dans son état de transe. C’est alors que Sofian comprit. Lui aussi avait été manipulé depuis le début. Derrière lui se cachait une masse rocheuse en forme de croissant de lune. Le pokémon flottait discrètement dans les airs, ses yeux rouges brillaient aux éclats et fixaient Galifeu.
— C’est toi qui le manipule avec ton « choc mental » !
— Sofian, ne bouge plus !
Les infirmiers l’avaient rattrapé. Alors que Norman tendit la main pour le soulever avec force, un rocher en forme de soleil s’interposa et brilla aux éclats. Sofian comprit que son agresseur psychologique venait de le protéger de son père.
Soudain, une lumière intense l’enveloppa et le décor autour de lui se redessina. Sofian se trouvait à présent au beau milieu d’une montagne, sur un chemin rocailleux et désert. À ses pieds se trouvait son sac à dos tandis que son Pokédex était miraculeusement apparu dans ses mains. Autour de lui, Nirondelle, Balignon, Écrapince, et surtout Galifeu, accoururent pour lui faire la fête.
— On a réussi, les amis ! s’enthousiasma Sofian.
C’est alors que les deux pokémons mystérieux apparurent dans le ciel. Consultant son Pokédex, Sofian bondit de joie en constatant qu’il avait eu juste sur toute la ligne. Le Seleroc et le Solaroc avaient usé de leurs pouvoirs psychiques pour l’affaiblir psychologiquement.
— Pour qui travaillez-vous ?! demanda Sofian, hors de lui. Pourquoi m’avez-vous manipulé ainsi ? Et pourquoi m’avoir kidnappé maintenant ?
Pour toute réponse, les deux pokémons flottèrent le long du chemin rocailleux et le cœur de Sofian fit un tour dans sa poitrine lorsqu’il posa son regard au sol. Tout autour de lui, des dizaines de Seleroc et de Solaroc jonchaient le sol, inconscients. Certains semblaient avoir été carbonisés, d’autres écrasés au sol sans ménagement.
— Ils sont là ! s’exclama une voix.
Deux hommes accoururent avant de s’arrêter instantanément sur place.
— Qu’est-ce qu’il fait là, lui ?
— Il n’était pas censé être une plante à l’hôpital psychiatrique ?
— Vous !
Les deux membres de la Team Magma ôtèrent leurs capuches et Sofian reconnut John et Gérald. Sofian recula d’un pas, le souvenir de sa dernière confrontation avec la Team Magma remontant à la surface. John fit un signe de tête à Gérald et leurs regards se posèrent sur Galifeu.
— Oh, c’est mon Galifeu que vous voulez récupérer ? demanda Sofian sur un ton sarcastique. Seulement, vous allez avoir plus de mal cette fois-ci, vu que vous êtes deux et que mes pokémons sont soignés !
Sans crier gare, le combat éclata. Un Grahyèna et un Limagma apparurent tandis que Galifeu lançait ses boules de feu puissantes. Sous les coups de pince d’Écrapince, des coups de bec de Nirondelle, des coups de tête de Balignon et des coups de pieds de Galifeu, les deux pokémons ennemis perdirent du terrain.
— Comment va votre patron, Max ? demanda Sofian avec ironie. Je suppose qu’il n’était pas très content d’avoir raté de si peu l’enlèvement de mon Galifeu ?
— Fais le malin, gamin ! s’énerva John. Mais sache que la Team Magma sera toujours à ta poursuite pour te faire payer ton insolence envers Monsieur Magma !
— Ouh, que j’ai peur ! Hâte de revoir ce bon vieux Max ! Galifeu, « double pied » !
Le pokémon asséna son attaque puissante qui écrasa les deux pokémons adverses. John hurla de rage et courut vers Sofian, le poing tendu.
C’est alors qu’une sirène de police retentit dans la montagne, s’approchant rapidement de l’endroit où ils se trouvaient. John et Gérald échangèrent un regard terrifié.
— J’imagine la tête que votre Max va faire quand il apprendra que vous vous êtes fait arrêter ! s’amusa Sofian.
— Limagma, tu sais ce qu’il te reste à faire !
— Grahyèna, toi aussi !
Pris de court, Sofian ne s’attendit pas à ce que les deux pokémons ennemis bondissent au-dessus de sa tête et s’écrasent sur le Seleroc et le Solaroc alliés. Deux sphères rouges fusèrent dans les airs et s’abattirent sur les pokémons pris au piège.
— NON ! s’écria Sofian.
Mais c’était trop tard, John et Gérald s’étaient enfui avec les deux pokémons lorsque la demi-douzaine de voitures de la police débarqua dans la montagne. L’agent Jenny et Norman sortirent avec précipitation de la première voiture et échangèrent des regards terrifiés à la vue des pokémons au sol. C’est alors qu’un hélicoptère rouge traversa le ciel au-dessus d’eux, emportant les deux membres de la Team Magma et les pokémons volés avec eux. Sofian venait de prouver à tous qu’il était innocent et sain d’esprit.
Se libérant de l’étreinte inépuisable de sa mère, Sofian se leva pour faire face à un Norman au visage fermé qui venait de quitter une agent Jenny confuse.
— Les charges ont été abandonnées, annonça son père. J’ai fait jouer de mon immunité de champion d’arène et la police est prête à approfondir l’enquête sans tenir compte de tes aveux. Ils ont juste besoin que tu racontes toute l’histoire sans mentir cette fois-ci, et que tu les aides à dresser un portrait-robot de tous les membres de la Team Magma que tu as vus.
Nathalie fondit en larme et serra à nouveau son fils qui ne quitta pas des yeux son père.
— Je n’étais pas fou.
Norman ne cilla pas et maintint le regard.
— Je suis désolé d’avoir douté de toi, fils, mais tout portait à croire que…
— Que j’étais fou, oui. Je le sais. Mais je ne l’étais pas.
— Partons, supplia Nathalie qui ne pouvait contenir son chagrin.
— Ta mère a raison, partons. Le train démarre dans deux heures, nous avons largement le temps de…
— Tu ne m’as pas cru, insista Sofian.
— Mon petit cœur… murmura Nathalie.
Norman ne répondit pas.
— Tu ne m’as pas cru, je t’ai prouvé que je n’étais pas fou, et tu veux quand même me ramener à Clémenti-Ville ?
— Il est tant que tu fasses une petite pause dans tes aventures, répondit Norman. Tu étais bien trop jeune pour partir seul dans Hoenn, surtout dans les conditions politiques actuelles…
— Tu n’as jamais cru en moi. Tu pensais depuis le début que je n’étais pas fait pour ce genre d’aventures, que mon rêve de devenir champion d’arène est illusoire parce que, pour toi, je ne suis pas à la hauteur. Pour toi, je n’ai jamais été à ta hauteur, et je ne le serai jamais. Tous tes espoirs étaient fondés sur Sarah, mais elle n’est plus là. Et il ne te reste plus que ce boulet qui se met toujours dans les pires situations.
— Sofian… supplia Nathalie.
— Ne fais pas ça, fils, ordonna Norman comme un ordre.
— Je n’ai pas d’ordre à recevoir d’un père qui a abandonné ses deux enfants par fierté.
— Sofian ! s’écria Nathalie.
Sofian s’extirpa brusquement des bras de sa mère et tourna le dos à ses parents. Il porta son sac à dos sur son épaule et fit signe à ses pokémons de le suivre.
— On se reverra pour notre match, lorsque j’aurai gagné mon quatrième badge et que je serai prêt à te prouver que tu devrais être fier de moi.
Et Sofian quitta le commissariat.
Assis seul dans un champ enveloppé de cendre, le village d’Autéquia souriant timidement au loin, dans le creux de la montagne, Sofian avait le regard perdu sur ses pokémons qui jouaient entre eux, heureux de s’être enfin retrouvés. Occupé à brosser les poils de son Galifeu, il n’avait de cesse de se repasser la scène qu’il venait de vivre avec ses parents. Il lui prouverait qu’il valait la peine qu’on s’intéresse à lui ! Il lui prouverait qu’il n’était pas un bon à rien !
Un pli dans les poils de Galifeu accrocha la brosse qui tomba au sol. Galifeu tendit le bras pour la ramasser mais la manqua de quelques centimètres. Il poussa un petit cri de douleur en ramenant son bras vers lui.
— Ne bouge pas, Galifeu, je m’en occupe.
Mais Galifeu, par fierté, réitéra l’opération et attrapa la brosse qu’il broya par inadvertance, comme s’il était incapable de contrôler sa force. Pris de panique, Galifeu sursauta et des flammes s’échappèrent de son bec, des flammes d’une puissance inouïe. Jamais Sofian n’avait vu un jet de flammes aussi puissant, à tel point que la chaleur monta d’un cran dans la vallée et que sur une centaine de mètres devant lui, il ne restait plus rien de l’herbe cendrée. Galifeu trembla sur place, terrorisé par sa propre puissance.
— Qu’est-ce qu’ils t’ont fait là-bas ? s’inquiéta Sofian en le caressant paternellement.
— Sofian !
Le long du chemin boueux, une jeune fille aux cheveux bruns noués dans un foulard bleu courait vers lui. Flora l’avait retrouvé.
— Qu’est-ce que tu fais là ? demanda Sofian sans répondre positivement à l’excitation de l’adolescente.
— Tu ne pensais tout de même pas que tu allais pouvoir t’enfuir aussi facilement ! On a appris la nouvelle par l’agent Jenny qui nous a annoncés que les charges contre nous avaient été abandonnées. On nous a libérés de notre quarantaine. On est libre, Sofian !
Flora s’approcha de lui pour l’enlacer mais il fit un pas en arrière et lui tourna le dos.
— J’ai appris que tu avais quitté la clinique et que tu avais disparu…
— Apparemment, je n’étais pas assez discret.
— Repartons sur les routes de Hoenn ensemble, proposa Flora. On parcourrait Hoenn, rien que toi et moi, en quête de rubans et de badges d’arènes, et on prouverait à tout le monde qu’on n’a pas besoin d’être surprotégés comme des enfants. Partons ensemble comme on aurait dû le faire depuis le début.
— Cela ne m’intéresse plus. Mon Galifeu est traumatisé. Les expériences qu’il a subies chez la Team Magma l’ont terrorisé. Je dois soigner mon ami. Je n’ai pas de temps à perdre avec tes concours pokémons.
— Si tu refuses, je partirai de mon côté, et on ne se reverra plus. C’est ça que tu veux ?
Sofian ne répondit pas et rappela tous ses pokémons dans leurs pokéballs à l’exception de Galifeu qui continua à caresser amicalement.
— Personne ne partira seul !
Timmy et Annick venaient de les retrouver à leur tour.
— Je ne suivrai pas mon père pour rentrer dans une prison qu’il appelle maison ! s’écria Sofian.
— Quelle humeur ! s’amusa Annick. Calme-toi, on n’est pas là pour ça. On ne fait que transmettre un message que vos parents vous envoient : ils vous attendent à la gare, le train part dans une demi-heure.
— Un peu court pour s’y rendre, fit remarquer Flora.
— Je sais, avoua Annick avec un clin d’œil.
Le silence entoura les quatre amis.
— Personnellement, dit Annick pour briser la glace, je compte me rendre à Mérouville pour aider mon cousin pour ses cours de coordinations pokémon. Timmy part avec moi.
— Vos parents ont accepté ?
— Ouais ! répondit Timmy précipitamment, en ajoutant un sourire qui ne trompa personne.
— Sofian, repartons tous ensemble, insista Flora. On n’a qu’à… ne plus se mêler de quoi que ce soit en rapport avec les Team Magma, Aqua et Rocket. On n’a qu’à éviter de venir en aide à quiconque, de ne pas jouer les héros, juste voyager. Comme au bon vieux temps. Tu te souviens, au Bois Clémenti, quand tu as tenu à ce que je t’accompagne ? Cette fois-ci, c’est moi qui t’en fais la demande. Je t’en prie, reprenons notre voyage ensemble, aux petits soins de nos pokémons. On est une équipe. S’il y a bien une chose que j’ai apprise cette semaine, c’est qu’on n’aurait eu aucune chance d’y survivre si on avait été seul.
Sofian soupira. Flora attendit, dans l’espoir fou qu’il lui donne une réponse. Après ce qui parut comme une éternité, Sofian se retourna, leva les yeux au ciel, et acquiesça discrètement. Flora laissa échapper un petit cri de joie qui amusa Timmy.
— Je suppose qu’il y en a trois qui ne vont pas être contents dans vingt minutes, quand le train partira sans vous, fit remarquer Annick.
— Un problème à la fois, répondit Flora avec un sourire.
— En tout cas, vous avez de la chance de faire route avec moi, s’amusa Annick. Sans moi, vous seriez morts à l’heure qu’il est. Allons, mes amis, votre amie vous protège de tous les dangers !
Timmy éclata d’un rire peut-être un peu trop expressif pour la situation. Flora esquissa un sourire en remarquant le comportement de son ami qui prit Annick par la main et l’entraîna sur la route qui quittait Autéquia. Sofian se mit en route à son tour mais Flora le retint en arrière un instant.
— Il faut que je te dise quelque chose avant, dit-elle. Annick m’a raconté comment elle a évité l’exécution, lorsque John s’apprêtait à l’abattre dans le repère. C’est ta sœur, Sarah, qui lui a sauvé la vie en ordonnant à John de ne pas l’exécuter.
Sofian fronça les sourcils, bouleversé.
— Annick est convaincue que c’est Sarah qui nous a ouvert les portes et les grilles des geôles pour nous aider à nous échapper, révéla Flora. Je te demande simplement d’y réfléchir.
Et Flora le laissa en arrière en rejoignant ses deux amis qui bavassaient allègrement. Sofian se souvint de cette porte qui s’était ouverte mystérieusement dans le repère de la Team Magma. Sa sœur l’avait-elle aidé ?

La sonnette retentit enfin. Eugène Kosmo se précipita dans le hall d’entrée et ouvrit la porte avec excitation. Derrière elle, un homme et une femme en blouse blanche affichèrent un large sourire devant une camionnette noire garée en toute vitesse.
— Je commençais à croire que vous ne viendriez plus, dit le Professeur Kosmo, soulagé.
— Cher confrère, cette mission est bien trop importante pour que nous la reportions, répondit l’homme.
— De plus, votre conférence de cet après-midi nous a donné une envie presque transcendante de mener à bien ces recherches, ajouta la femme.
— Je ne vous le fais pas dire !
Le Professeur Kosmo agrippa ses deux lourdes valises et indiqua les quelques autres mallettes en acier derrière lui.
— C’est le matériel scientifique ?
— Absolument ! Vous savez chers confrères que sans votre financement, je n’aurais jamais pu me le procurer. Je vous dois une fière chandelle !
— Avec nos fonds et votre savoir, nous allons découvrir des merveilles, cher Kosmo, répondit la femme.
— D’ailleurs, notre patron vous a dégoté deux magnifiques pokémons qui vont vous aider dans nos recherches, annonça l’homme.
Deux pokémons étranges firent leur apparition. Un ressemblant au soleil, l’autre à la lune.
— Saint Rayquaza ! s’exclama le Professeur Kosmo, en totale admiration. Ne seraient-ce pas… les pokémons météorites ? Solaroc et Seleroc, en personnes ?
La femme et l’homme affichèrent un sourire bienveillant et le Professeur Kosmo leur serra la main vigoureusement.
— J’ai tellement hâte de commencer ces recherches !
— Et nous donc !
Ils entraînèrent le Professeur Kosmo dans la camionnette noire et refermèrent derrière eux.
— Patron, nous avons récupéré le Professeur Kosmo, annonça Miaouss dans son oreillette.
Jessie et James échangèrent un regard satisfait et démarrèrent la camionnette qui quitta Autéquia.
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