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Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 30/08/2017 à 08:44
» Dernière mise à jour le 24/03/2019 à 10:23

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 14 : Au coeur de la noblesse
Six



La grande salle de réception du manoir Irlesquo était la chose la plus énorme que j’avais jamais vu, et surtout la plus richement décorée. Haute de quatre ou cinq étages intimidants, d’énormes vitraux rectangulaires s’alignaient tout du long et les étranges lumières de l’extérieur les éclairaient directement, projetant dans la pièce une cascade de couleurs. Des colonnes de pierre massive et très ornées étaient incrustés dans les murs, entre les vitraux. Il y avait aux murs plusieurs portraits de célèbres Seigneurs G-Man, dont le plus connu de tous, Sacha Ketchum, le prétendu ancêtre de la famille Irlesquo.

Un orchestre à cordes jouait sur une grande estrade. Tous des esclaves bien sûr, mais je me disais vaguement, moi qui avait été esclave des années dans la ville-basse, que ce genre d’esclaves là, artistes dans une grande maison G-Man, ne devaient pas spécialement avoir une mauvaise vie. Plusieurs couples dansaient déjà au cœur de la salle. C’était un spectacle envoûtant que de voir toutes ces personnes en costume hautement colorés se mouvoir dans cette pièce si magnifique. J’étais encore bouche bée quand l’esclave humain à l’entrée prononça le nom de Stuon ainsi que le mien, et que quasiment tous les G-Man de la pièce se tournèrent pour m’observer entrer.

Et là, ce fut d’un coup la douche froide. J’avais toujours été d’un naturel timide voir même paranoïaque, fuyant les gens, recherchant les coins sombres pour m’y cacher. Et me voilà, en costume de G-Man, devenir le centre d’intérêt de toute une foule de seigneurs et gentes dames qui scrutaient chacun de mes pas, certains se chuchotant des choses à l’oreille. Malgré mon inconfort, je m’obligeai à poursuivre, à rester dans les pas de mon prétendu cousin. Du coin de l’œil, je lus de l’inquiétude sur son visage habituellement calme et enjoué.

Stuon avait des raisons de s’inquiéter, bien sûr. Il me semblait que tout ce qu’il m’avait appris depuis deux semaines - les coutumes, les noms, les diverses façons de se tenir et de parler - avait totalement déserté mon esprit sous l’effet du stress. Je ne me souvenais plus de rien. Sous les regards hautains des G-Man qui me toisaient, je n’avais plus envie que d’une chose : me cacher quelque part.

Je sentis la main de Stuon sur mon épaule, pour m’encourager. À bien regarder les G-Man, je n’avais pas l’impression qu’ils me voyaient vraiment. Les femmes étudiaient ma robe, ma coiffure et mon maintien. Les jeunes G-Man hommes voyaient le décolleté, la jolie robe ou le maquillage. Mais ils ne voyaient pas, moi. Ils voyaient Lady Sixtine Jarminal. Ils voyaient le masque que je portais : celui d’une jeune G-Man venue de la campagne. Ils ne voyaient pas Six, la bâtarde G-Man de la ville-basse, recherchée par les Nettoyeurs. Comme si… je me cachais, juste sous leurs yeux.

Et alors, la tension commença à me déserter. Oui, c’était ça. Je n’avais pas besoin de me cacher dans un coin sombre ; j’étais déjà cachée. Je poussai une profonde expiration pour me calmer alors que mon anxiété s’apaisait. La formation de Stuon me revint, et j’adoptai l’expression d’une jeune fille impressionnée par la capitale, la salle de réception et son premier bal officiel. Je pouvais y arriver ! Je restai nerveuse bien sûr, mais mon instant de panique avait pris fin. Stuon se détendit sensiblement près de moi, remarquant que j’allais mieux. Il me sourit, et nous nous dirigeâmes ensemble vers la personne à saluer en premier : la maîtresse de cérémonie elle-même.

Meika Irlesquo était entourée de nobles dames en tout genre qui la complimentaient sur tout et n’importe quoi. Plus loin, les hommes, apparemment les célibataires, la lorgnaient avec espoir. Il fallait dire qu’effectivement, elle en imposait. Sa robe était toute simple, mais malgré tout, c’était la personne la plus éblouissante de la salle. Sa chevelure or semblait se mouvoir toute seule, et sa peau paraissait briller. On pouvait lire une extrême confiance dans son regard, une puissance qu’on ne pouvait pas manquer. C’était une femme visiblement habituée à commander, et à ce qu’on lui fasse des courbettes. Je pouvais voir dans ses yeux la même espèce d’arrogance que j’avais vu des millier de fois dans ceux de Pokemon confrontés à un humain. Meika Irlesquo toisait l’ensemble de la salle comme si elle était persuadée d’être supérieure à tout le monde ici… ce qui était probablement le cas.

C’était donc elle, la nièce de Kashmel ? Je ne la dévisageai pas longtemps, de peur de paraître impolie, mais effectivement, il y avait bien quelque chose. Une ressemblance au niveau du visage, ou des yeux peut-être. Mais plus encore, cette femme me rappelait énormément le portrait que Stuon m’avait montré ; celui de Lady Sareim, la G-Man que Kashmel aurait dû épouser, et qui finalement était devenue la femme de Bradavan. Mais si le visage de Lady Sareim, bien que magnifique, était emprunt aussi d’une véritable bonté, celui de sa fille, aujourd’hui, ne reflétait que du dédain et de la froideur.

- Lord Stuon, fit-elle en accueillant son invité. C’est toujours un vrai plaisir que de vous avoir parmi nous. Vous savez toujours mettre l’ambiance, surtout du côté de nos femmes G-Man célibataires…

Stuon s’inclina de façon parfaite, réglée au millimètre près.

- Je plaide coupable, Lady Meika. Mais je vais devoir un peu faire attendre ces gentes dames ce soir. Comme vous le voyez, je suis accompagnée. Je vous présente ma petite cousine, Lady Sixtine.

Comme un signal, dès que mon nom fut prononcée, je m’inclinai à mon tour devant Lady Meika, qui m’étudia intensément.

- Elle vient de la cité de Dilmatesse, dans l’ouest, poursuivit Stuon. Sa mère, Lady Sofiane, me l’a confiée pour quelque temps, afin qu’elle voit la capitale et tout ce qui fait la grandeur de notre ordre. Excusez-là donc par avance de ses futurs impairs ; la pauvre enfant n’est guère sortie de chez elle.

- L’arrivée de nouveaux G-Man est toujours un événement considérable dans notre morne quotidien, dit Meika. C’est une coïncidence que nous en avons deux en une seule soirée ; Lady Firenne Jastemire est revenue de Vrucas-Bord après dix ans d’absence.

Je vis que cette nouvelle surprit de bien des façons mon « cousin ».

- Vraiment ?

- Et c’est une bonne chose pour vous, Lord Stuon, poursuivit Meika avec un sourire. Elle est revenue spécialement pour se chercher un époux.

- Ahhhhh, je n’ai plus revu Lady Firenne depuis longtemps, mais j’ai souvenance d’une ravissante jeune adolescente. Ceci dit, chère Lady Meika, je suis bien trop lâche et surtout sans le sou pour le mariage. Ce n’est pas une future épouse que je cherche, mais seulement la joie, le challenge et le plaisir de la drague.

- Et c’est ainsi que nous vous apprécions, Lord Stuon.

Meika passa ensuite à moi, et je baissai la tête d’un air à la fois respectueux et intimidé. Pas parce que je l’étais vraiment, mais pour jouer mon rôle.

- Peau et cheveux blancs, yeux rouges… et ce costume des plus singuliers, énuméra Meika. Vous n’auriez pas été plus discrète avec une pancarte « Je suis une G-Man de Mangriff », très chère.

Je fis mine d’être impressionnée par la clairvoyance de Lady Meika, alors qu’intérieurement, je me moquais d’elle. Raté, ma grande. Tu m’as l’air typiquement du genre à juger les personnes sur leur apparence.

- Mes parents m’ont appris a toujours arborer fièrement les couleurs du Pokemon dont je partage l’ADN, Lady Meika, répondis-je d’un ton emprunt de grand respect.

- Et ils ont raison, bien sûr. Nous le faisons aussi tous ici, plus ou moins. Et bien qu’étant un type Normal, Mangriff reste un Pokemon tout à fait respectable. J’espère que vous vous plairez durant votre séjour à la capitale, Lady Sixtine. Je vous souhaite de passer une bonne soirée.

Et ce fut terminé. Elle se détourna de nous, et sans doute que deux secondes après, elle avait déjà oublié mon existence. Elle m’avait catégorisé comme G-Man de Pokemon Normal, un type commun et faible, et membre d’une famille arriérée. Bref, quelqu’un sans importance. Et c’était tant mieux. Ce n’était pas l’attention des Irlesquo que l’on souhaitait attirer, bien au contraire. Stuon s’approcha d’un domestique et lui présenta leur invitation. L’esclave hocha la tête et les conduisit dans la pièce.

- J’ai demandé une petite table isolée, déclara Stuon. Tu n’auras pas besoin de te mêler aux autres durant cette visite, simplement d’être vue.

J’hochai la tête avec reconnaissance. Je ne me voyais pas jouer les pimbêches comme les admiratrices de Lady Meika.

- Ah, et autre chose, continua Stuon. Cette table isolée te désignera comme célibataire. Donc mange lentement, car quand tu auras fini, les hommes à la recherche de l’âme sœur commenceront à t’inviter à danser.

- D-D-D-Danser ?! Balbutia-je. Vous ne m’avez jamais appris à danser !

- Nous n’en avons pas eu le temps, se défendit Stuon. Il fallait choisir entre la danse et l’enseignement du protocole. Mais sois tranquille ; tu seras parfaitement en droit de dire non à ces messieurs sans leur manquer de respect. Ils supposeront que tu es seulement troublée et intimidée par ton premier bal, et il n’en résultera aucun mal. Par contre, nous feront en sorte que tu sois au point pour la prochaine fois. Pas d’échappatoire alors. Une jeune G-Man célibataire, à fortiori venue de la campagne ne demande qu’une chose : pouvoir danser avec un fringuant lord dans les grandes salles de réception de la capitale.

Les jeunes G-Man célibataires n’ont que bien peu de souci dans la vie alors, songeai-je avec mépris. Ça me retournait de voir tout cet étalage de nourritures et de luxe ici, alors que partout ailleurs, la grande majorité des esclaves humains crevaient de faim. J’aurai eu à manger pour une semaine entière avec seulement l’assiette des hors d’œuvre, quand je vivais toujours dans la ville basse, luttant pour survivre au jour le jour. Pourtant, qu’est-ce qui différenciait les G-Man des humains normaux, au premier regard ? Rien. Absolument rien. La preuve : j’étais parvenue à passer du statut de gamine des rues sale à celui de noble dame G-Man sans éveiller le moindre soupçon pour le moment.

J’attendais, assise bien droite. La plupart des tables se trouvaient juste en dessous du surplomb de la galerie, très près des danseurs, ce qui laissait un couloir entre le mur et nous. Des couples et des groupes nous longeaient en parlant tout bas. De temps à autre, quelqu’un me désignait d’un geste ou d’un mouvement de tête. Cette partie là du plan de Kashmel fonctionnait : on me remarquait.

Le repas arriva quelques instants plus tard ; un festin de saveurs si étranges que j’aurai été intimidée si j’avais mangé des mets semblables il y a encore quelque temps. Les leçons de Stuon avaient peut-être omis la danse, mais elles avaient largement couvert le sujet de l’étiquette des repas, à mon grand soulagement. Si le but principal de la soirée était de faire une apparition, il importait que ce soit dans les règles. Je mangeai délicatement, comme on me l’avait appris, ce qui me permit d’être lente et méticuleuse.

Tout en dégustant cette nourriture dont je ne connaissais même pas le nom, j’étudiai plus en détail les vitraux de la salle. Ils représentaient pour la plupart des scènes religieuses ou mythologiques ayant trait aux G-Man, et ce depuis le commencement des temps. Malgré mon manque d’éducation en la matière, je pus reconnaître certains d’entre eux, grâce à l’enseignement de Diplôtom. Au cœur de nombreux vitraux figurait Ho-oh, le Pokemon Légendaire volant aux couleurs de l’arc-en-ciel, symbole de prédilection du légendaire Sacha Ketchum, qui avait été son G-Man. Ce dernier se trouvait sur d’autres, parfois chevauchant Ho-oh, parfois s’apprêtant à aller au cœur d’une bataille armé de sa lamétrice. Il était quelque fois représenté avec un Pikachu sur l’épaule, un petit Pokemon Electrique de faible puissance. Je me demandai pourquoi.

- Le vieux Sacha t’intéresse ? Me demanda Stuon en surprenant mon regard.

- Ce type est adulé de tous les G-Man, mais qu’a-t-il fait au juste, à part trahir l’espèce humaine pour se ranger derrière Xanthos ?

- Même ton ami Diplôtom aurait du mal à te dire avec certitude ce qu’il s’est passé à l’époque, répondit Stuon. J’ignore quelles étaient les motivations de Ketchum, ni ce qu’il a pu faire avec certitude, mais une chose est sûre et certaine, et c’est la seule chose sur laquelle ses admirateurs et ses détracteurs s’entendent : c’était le G-Man le plus puissant de tous les temps. Enfin, après Sparda bien sûr…

- Sparda ? Fis-je en ignorant ce nom.

- Un type mythologique qui passe pour avoir été le tout premier des Aura Gardiens et notre ancêtre à tous. Il serait un mi-Pokemon mi-humain, engendré par le Pokemon Légendaire Mew et une humaine. C’est de lui que serait parti le gène G-Man qui nous transmet l’ADN d’un Pokemon au hasard. Je ne sais pas trop si c’est vrai, mais ça aurait du sens, car l’expérience nous a montré qu’il n’existe aucun G-Man d’un Pokemon antérieur à Mew, c’est-à-dire de ceux dont Mew ne possédait pas l’ADN en lui. Je pense aux êtres qui ont créé l’univers et la pensée, avant même l’apparition de Mew.

Je fronçai les sourcils. Ça avait l’air compliqué, tout ça. Comme beaucoup de fois depuis ces deux dernières semaines, mon inculture se faisait douloureusement sentir.

- Donc si cette légende est vrai, moi-même, je descendrai en fait d’un Pokemon Légendaire ?

- Rien de bien trop choquant. Nous descendons déjà tous d’un Pokemon Légendaire ; celui qui a crée la vie et tout ce qui existe : Arceus.

Ce nom, je le connaissais par contre, même si on évitait de le prononcer au sein de l’Empire désormais. L’Empereur Daecheron, même s’il n’avait pas encore renié officiellement l’existence du dieu des Dieux, n’acceptait pas que l’on place un Pokemon au dessus de lui. Après quelque discussions avec Stuon sur la mythologie G-Man en générale, je terminai mon repas, et posai la fourchette en travers de l’assiette pour le signaler. À peine quelque secondes après qu’un esclave humain eut débarrassé la table, un jeune G-Man se présenta à elle en s’inclinant.

- Lady Sixtine, je suis Lord Kavoan Strobe. Je serai très honoré que vous m’accordiez une danse.

Le G-Man portait un costume rouge à point avec de vague symboles noirs qui l’identifiait comme un G-Man de Migalos, un Pokemon araignée assez répugnant. Je songeai qu’il ne m’aurait sans doute pas invité s’il savait que mon véritable Pokemon avec qui je partageai de l’ADN était de type Feu.

- Lord Kavoan, vous êtes fort aimable, répondis-je en baissant sagement les yeux. Mais c’est mon premier bal, et tout ici est si imposant comparé à là d’où je viens ! Je crains de trébucher sur la piste de danse tellement je suis nerveuse, et vous causer grande honte. Peut-être la prochaine fois ?

- Bien entendu, Lady Sixtine, répondit-il avec un hochement de tête courtois avant de se retirer.

Quand il fut parti, Stuon approuva d’un signe de tête.

- Bien joué. Ton accent était remarquable. Bien sûr, il te faudra danser avec lui à ton prochain bal s’il te réinvite.

- Peut-être qu’il n’y participera pas, fis-je avec espoir.

- C’est possible, mais j’en doute. Les jeunes G-Man tiennent beaucoup à leurs divertissements nocturnes.

- Ils font ça chaque semaine ?

- Pratiquement, quand ce n’est pas plus, répondit le G-Man de Queulorior. Etre G-Man est un boulot relativement ennuyeux sous l’Empire, rien à voir à ce que nos ancêtres faisaient avant la Guerre de Renaissance. Ils maintenaient la paix dans le monde et combattaient des ennemis improbables. Aujourd’hui, ils ne servent que d’apparat, le symbole d’un ordre antique que l’Empire voulait conserver pour sa légitimité. Donc ils s’occupent comme ils peuvent, c’est-à-dire en faisant la fête et en draguant le sexe opposé. D’ailleurs, à ce propos, je vais devoir te laisser un moment, chère Six. Ces gentes dames des tables de célibataires vont commencer à se demander où je suis passé…

- Vous me laissez seule ? M’inquiétai-je.

- Tu t’en sors très bien, et je ne serai pas bien loin.

Tout guilleret, il m’abandonna pour aller à la rencontre de nobles dames G-Man plus loin, qui sourirent largement dès qu’elles le virent arriver. Atterrée, je secouai la tête. Stuon était prêt à mettre en péril la mission et ma couverture juste pour aller conter fleurette à des femmes qui - selon ce que m’avait dit Kashmel de sa réputation - étaient déjà passées dans son lit plus d’une fois.

Trois jeunes hommes vinrent m’inviter à danser à leur tour par la suite, et tous acceptèrent mon refus poli. Plus personne ne m’approcha ensuite ; on avait dû faire courir le bruit que la danse ne m’intéressait pas. Je mémorisai néanmoins les noms des quatre G-Man qui étaient venus me voir ; Kashmel voudrait sûrement les connaître. Je doutais cependant qu’un membre de Lance ne recrute de nouveaux adeptes en les invitant à danser. Très vite, je commençai à m’ennuyer. Je ne voyais pas bien comment les G-Man pouvaient enchaîner ce genre de soirée à l’infini.

Soudain, je me sentis observée. J’ignorai si ça provenait de mon ADN G-Man, de l’Aura qui me soufflait des choses, de mon instinct de félin ou tout simplement de mes réflexes paranos, mais je sentais toujours quand quelqu’un avait son regard sur moi. Cherchant discrètement qui me dévisageait de loin, je remarquai quelque chose m’avait échappé jusque là. Un balcon haut et intégré au mur qui longeait l’intégralité du mur opposé. J'y voyais du mouvement, des couples et des individus qui s’y promenaient nonchalamment, observant la fête en dessous d’eux. Et il y avait cette femme appuyée contre la rambarde. Une G-Man avec un costume flottant bleu qui l’indiquait comme la G-Man du Pokemon Moyade. Elle devait avoir la trentaine, des cheveux bruns avec une coupe sophistiquée.

C’était elle qui me regardait intensément. Plus intriguant, elle me regardait avec un air étrange, qui ressemblait à… de la tendresse ? Oubliant toute prudence, je la dévisageai clairement à mon tour. Elle me remarqua donc, et détourna vivement le regard avant de s’éloigner. Mais moi, j’avais eu le temps d’examiner son visage en détail. Il m’avait paru étrangement familier. Pas visuellement, mais plutôt instinctivement. Je me mis debout sans m’en rendre compte, et traversa toute la salle pour atteindre ce balcon. Je connaissais cette femme, j’en étais certaine. Son visage et son regard me rappelaient ma… mais c’était impossible ! Qu’est-ce qu’elle viendrait faire ici ?!

Stuon m’avait remarqué, et se dirigea vers moi d’un air interrogatif, mais je l’ignorai. Je vis le petit escalier tout près de l’orchestre qui conduisait jusqu’à ce balcon, et je montais les marches trois par trois. J’avais totalement oublié la mission, ainsi que les manières nobles que je devais montrer. Plus rien ne comptait pour moi à part cette femme. Je devais la retrouver, lui parler… et être sûre qu’elle n’était pas qui je pensais qu’elle était.

Mais une fois arrivée sur le balcon, elle n’était plus là. J’avais beau la chercher dans tous les sens, je ne la voyais pas. Elle avait sans doute pris la fuite pour m’éviter ; ce qui me confortait dans ma première impression sur son identité véritable. Je n’avais plus revu ma mère Mizulia depuis quatre ans, mais je ne l’ai jamais oublié, et je la reconnaîtrai toujours, même maquillée, même déguisée. Mais pourquoi diable ma mère se trouvait à un bal G-Man, elle qui m’avait abandonné à la bande d’Immotist en quittant la capitale ?! Je n’aurai même pas imaginé qu’elle soit encore en vie, alors la voir ici ce soir… Est-ce que ça avait un lien avec mon père, ce mystérieux G-Man que je n’avais jamais connu ?

- Vous semblez troublée, ma dame. J’espère que vous vous sentez bien, que vous n’allez pas vous trouver mal et vous évanouir sur moi, ce qui serait problématique, car alors je renverserai mon verre de vin et tâcherai sans aucun doute votre si joli costume.

Perplexe, je me tournai vers celui qui venait de me parler. Un jeune G-Man aux cheveux blonds cendrés et à la cape bleue, dont le costume ne laissait aucunement deviner le Pokemon dont il était issu. Il tenait une liasse de papier dans une main, et un verre de vin dans l’autre.

- Vous avez l’air pâle, poursuivit le G-Man. Vous n’êtes pas malade j’espère ? Votre vie n’est pas en danger, hein ? Ce serait embêtant qu’une invitée décède en plein bal…

- Je… je vais très bien, messire, dis-je en tachant de ne plus songer à ma mère. Je suis pâle de nature.

- Bien sûr, je plaisantais. J’ai bien remarqué votre albinisme.

Surprise, je haussai les sourcils. Ils ne devaient pas être bien nombreux, les G-Man qui connaissaient le nom de cette maladie rare. La façon de ce garçon de parler et de tenir ses papiers me donnaient l’impression de voir une espèce de professeur, ou d’encyclopédiste.

- Je suis Lady Sixtine de la maison Jarminal, me présentai-je en m’inclinant, comme Stuon me l’avait appris.

- Hum. D’accord.

Il passa devant moi, posa son verre sur la rambarde du balcon, tira une plume de son habit et se mit à écrire sur ses papiers, en m’ignorant royalement. J’en fus pour le coup estomaquée. C’était censé être moi qui apprenait le protocole et les usages des G-Man. Ce type aurait normalement dû se présenter à moi après que je l’ai fait, et me saluer d’un baisemain. Si son attitude m’agaça un peu, elle frappa également ma curiosité. Il existait donc des G-Man qui se fichaient de la politesse.

- Pardonnez-moi messire, j’ignore votre nom… Je ne suis ici que depuis peu.

En disant cela d’un air innocent, je lui faisais le reproche sous-entendu de ne pas s’être présenté à moi. Le G-Man sembla le comprendre ainsi, et me fit un sourire ironique bien peu protocolaire.

- Vous n’êtes pas aussi timide que vous voulez le faire croire, en réalité hein ? Je vous observais d’ici. Croyez-le ou non, j’ai une grande aptitude pour juger les gens. Et vous, vous m’avez typiquement l’air d’une personne qui joue un personnage.

Je me raidis, inquiète. Ce type m’avait-il percé à jour ? En même temps, son ton condescendant m’irrita.

- Timide ? Répétai-je. Ce n’est pas moi qui écrit des trucs en présence d’une jeune dame sans qu’on se soit présentés en bonne et due forme !

Le jeune homme haussa un sourcil inquisiteur.

- Eh bien, voyez, vous me rappelez mon père. Vous êtes bien plus séduisante certes, mais tout aussi grincheuse.

Je lui lançai un regard mauvais. C’était quoi, son problème, à ce type ?! Il leva les yeux au ciel et rangea sa plume.

- Bon, je vais être obligé de jouer au galant G-Man alors.

Il s’inclina devant elle après un pas raffiné et formel, en lui effleurant la main des lèvres.

- Je suis Lord Rohban Irlesquo, Lady Sixtine. Ce serait un plaisir que de partager ce balcon avec vous pendant que j’écris.

Irlesquo ?! Les noms de tous les G-Man que j’avais appris par cœur avant de venir ici me revinrent en tête. Ce type si irritable était donc le fils du Grand Maître, et le jeune frère de Lady Meika ?! Je me mis à balbutier :

- V-veuillez pardonner mon insolence envers vous, mon seigneur. J’ignorai v-votre identité. Comme je l’ai dit, je suis ici depuis peu…

- Allons bon, parce que je m’appelle Irlesquo, tout de suite, mon mauvais comportement devient excusable ?

- Je…

- Vous avez eu raison de prendre la grippe. Je fais souvent cet effet là aux gens. On me trouve particulièrement exaspérant. Mais comme je suis l’héritier Irlesquo, les G-Man ont tendance à me pardonner. Donc, je prends un malin plaisir d’être encore plus exaspérant.

Drôle de gars, songeai-je en le dévisageant. Il ne ressemblait pas du tout à sa sœur, qui était l’incarnation de toute la noblesse et l’arrogance G-Man. Il avait beau être le fils du grand ennemi de Kashmel, il me semblait bien plus abordable que tous les autres G-Man.

- Vous vous éclipsez souvent du propre bal de votre maison pour aller écrire ici ? Demandai-je avec curiosité.

- À chaque fois que je peux le faire en toute impunité, répondit-il. Je suis un assez piètre danseur, et quand on est obligé d’assister à je ne sais pas combien de ces soirées par mois, on commence à vite s’en lasser. Ah, mais j’oubliais, je devais au galant G-Man, donc je suis censé vous proposer une danse…

- Ne prenez pas cette peine, messire, répondis-je. Je suis une piètre danseuse moi aussi.

- Tant mieux alors.

Il ressortit sa plume et se remit à écrire. La pointe d’agacement qui m’avait quitté en apprenant son nom revint à la charge.

- Vous écrivez quoi ?

- Des choses qu’une jeune dame qui vient d’un coin aussi reculé que Dilmatesse doit totalement ignorer, je le crains, répondit-il du tac-o-tac.

- Je crois comprendre pourquoi les gens vous trouvent exaspérant, soupirai-je.

- N’est-ce pas ? Sourit-il. Et parce que je le suis, on m’évite généralement, ce qui est un avantage. Parce que sinon, je finirai par craquer devant tous ces G-Man faux cul et hypocrites, j’en insulterai un, ce serait un scandale pour ma maison et mon père, et ma tendre sœur s’occuperait de moi d’une façon pas très belle à voir.

Il avait dit tout cela d’un air si joyeux que je me demandai si les gens ne l’évitaient pas plutôt parce qu’il était un peu… bizarre, voir dérangé ?

- Tiens, j’ai l’impression que votre cousin vous cherche.

Rohban montra du doigt Stuon qui, en bas, commençait à s’inquiéter.

- Je vais le rejoindre alors, dis-je. Ce fut un… plaisir que de faire votre connaissance, Lord Rohban.

- Mouais mouais, à moi aussi…

En le quittant, je pris conscience que ce gars m’avait tellement énervée que j’en avais oublié ma propre mère.