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Errare humanum est, Tome 1 : L'ire du Vasilias. de Clafoutis



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Informations

» Auteur : Clafoutis - Voir le profil
» Créé le 27/08/2017 à 20:22
» Dernière mise à jour le 23/02/2018 à 17:04

» Mots-clés :   Action   Drame   Humour   Médiéval   Slice of life

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Ch. 24 : Les reliques du passé.
 Ce matin, un petit quelque chose avait changé à Aifos. L’ambiance était différente, les citadins le sentaient bien. Mais quelle était l’origine de ce léger bouleversement ? Était-ce dû à un infime changement de température ? Était-ce l’un de ces mystérieux effet de la lune sur l’humeur ? Ou alors, était-ce parce que des foules de gardes s’animaient dans les rues, hurlant sur tout et n’importe quoi ?

— Je me demande ce qu’il se passe…, plissa Eily des yeux.
— Ces gardes n’ont pas les armoiries de l’empire, nota Tza. Ils doivent sans doute appartenir à un noble.
— Y a bien qu’un noble pour mettre autant de raffut dans une ville aussi paisible ! rouspéta Evenis.
— … dis…

Eily se tourna vers la jeune noble, perplexe.

— Pourquoi est-ce que tu nous suis au fait ?
— Wouah, glaciale ! s’exclama Evenis. Mais pourquoi est-ce que j’aurais besoin d’une raison ? On est potes, non ? Tu m’as donné le gîte et le couvert ! Forcément, je t’en suis redevable ! Mais n’ais crainte, je ne suis pas totalement inutile. Je peux te protéger ! Si jamais quelqu’un te cherche des noises, tu peux compter sur moi pour lui botter les fesses ! … enfin, en y repensant, faudrait mieux que ça n’arrive pas, hein ?

« … elle est vraiment bruyante… », se plaignit mentalement la demoiselle cyan.

Mais elle avait beau se plaindre, Eily j’avais rien contre la présence d’Evenis. Au contraire même, la rafraîchissante spontanéité de la jeune noble avait souvent tendance à égailler l’atmosphère.

— On ne devrait plus être très loin à présent…, nota Tza.

La fillette suivait précisément le petit plan que lui avait donné Omilio avant de partir. Cette fois-ci, les filles étaient bien décidées à acheter un sac pour Caratroc, surtout qu’elle avait maintenant une adresse. Selon le Foréa Impériale, une certaine personne pourrait les aider à trouver leur bonheur, une personne qu’elles – minus Evenis – avaient déjà rencontrée auparavant : Monia Harm. Selon Omilio, elle serait la plus à même de les aider.

— C’est ici ! … ah non. Oh ! ICI ! ICI ! … ah bah non en fait.

Soucieuse à l’idée d’être utile, Evenis faisait de son mieux pour repérer la boutique de Monia. Dès qu’elle pensait trouver un bâtiment correspondant au plan, elle s’exclamait vivement en faisant de très grands gestes ; si seulement elle ne s’agitait toutes les deux secondes pour rien. Les passants ricanaient moqueusement autour d’elle, et si la jeune noble s’en fichait éperdument, ce n’était pas le cas d’Eily et de Tza, qui ne savaient plus où se mettre.
Heureusement, au bout de plusieurs dizaines d’erreurs, Evenis finit fatalement par mettre le doigt sur la véritable boutique de Monia. Et il était temps, car à force de crier dans tous les sens…

— Vous, là ! Arrêtez-vous !

… elle avait sérieusement attiré les gardes de Sanidoma, qui, rappelons-le, avaient l’ordre d’arrêter toutes personnes louches. Et effectivement, la bien trop excitée Evenis avait ce petit côté louche des familles qu’on ne pouvait que très difficilement manquer.

Réalisant que des hommes armés s’avançaient vers eux, Eily et Tza prirent toute deux Evenis par les épaules et s’enfoncèrent dans le magasin, en espérant très fort pour que les soldats ne les poursuivent pas. Un vœu qui leur fut allégrement exaucé, puisque les gardes avaient reçu l’ordre de ne surtout pas quitter la rue.

— C’était moins une…, soupira Eily.
— Qu’est-ce qui était moins une ? demanda une Evenis toujours aussi insouciante.

Eily lança un regard à Tza ; les deux filles s’accordèrent un haussement d’épaules entendu. Toutefois, Tza s’inquiétait beaucoup de voir autant de gardes privés déambuler dans sa ville. Nobles et Foréa s’entendaient comme chiens et chats, les premiers accusant les seconds de n’être que des opportunistes sans lignage légitime. Et comme les nobles avaient richesse et influence, leur pression sociale était équivalente, sinon plus, à celle des Foréa, ce qui en faisant des individus bien difficiles à gérer. En tout cas, Tza ne voulait absolument pas avoir affaire à eux sans raison valable.

— Tiens donc, des visiteurs.

Soudain, une voix féminine ramena les trois filles sur terre. Derrière son comptoir, Monia Harm observait, amusée, les trois amies qui venaient de débouler chez elle. Voyant que ces clientes restaient immobiles, Monia consentit à s’avancer vers elles. Sa longue chevelure ébène ondulait au rythme de ses mouvements, tandis que son élégant kimono rouge et blanc envoûtait les trois jeunes filles. Le message était clair ; elle, elle était une vraie femme, pas comme les trois prépubères qui lui servaient de clientes.

— Eily, Tza et… Evenis, si je ne me trompe pas.

Eily plissa des yeux.

— … c’est exact. Mais… que vous connaissiez Tza et moi, je peux comprendre. Mais Evenis aussi ?
— Je n’ai jamais vu cette vieille de ma vie ! s’exclama la jeune noble.
— … comment tu m’as appelée ?

Cependant, en tant qu’adulte responsable, Monia décida de juste jeter un regard noir à Evenis avant de reprendre son calme.

— Omilio, ou plutôt son Ensar, m’a prévenu de votre arrivée, expliqua-t-elle. En fait, Rhinolove encore était là, il n’y a pas si longtemps.

Monia inspecta précisément ses trois clientes, en s’attardant quelque peu sur Eily.

— Toi, la tête bleue… tu étais avec mon mari, ce soir-là.
— … nyah ?

Monia affermit son regard perçant. Elle continua de fixer la demoiselle cyan de longues secondes, avant de finalement souffler, souriante.

— … non, je me fais des idées. Tu es bien trop fade pour correspondre à ses goûts. J’ai vraiment été idiote de m’inquiéter !
— … étrangement, je me sens comme terriblement insultée…, maugréa Eily.
— Bref ! trancha Monia. Je dois avouer que je suis assez hésitante à vous montrer tout ça mais, c’est une demande d’Omilio. Il m’a bien trop aidée par le passé pour que je lui refuse quelques faveurs…

Eily ne comprenait pas spécialement où voulait en venir Monia. Elle parlait comme si elle s’apprêtait à leur dévoiler un grand secret, pourtant, Eily était certaine qu’elle n’était là que pour acheter un pauvre sac. Cherchant une réponse, la demoiselle cyan laissa ses yeux se balader dans la boutique. Il n’y avait rien de bien particulier. C’était un bric-à-brac sans réel thème dominant. On pouvait y trouver de tout, des lampes à huile, des fauteuils, de l’argenterie…
Monia remarqua l’air perplexe d’Eily ; elle sourit devant tant de naïveté.

— Oh, vous n’êtes pas au courant ? Je vois, il voulait sans doute vous en faire la surprise, c’est bien son genre.

Tza fronça les yeux :

« Elle a l’air de bien connaître mon frère… mais moi je n’ai jamais entendu parler d’elle ! C’est louche… »

— Ce que vous voyez ici n’est qu’une façade, reprit Monia. Vous savez que je suis antiquaire, exact ? Le plus gros de mon travail consiste à étudier les reliques de l’Ancien Monde. Enfin, j’appelle ça un travail, mais c’est assez compliqué, car le Vasilias est très pointilleux sur les reliques du passé. Il faut des montagnes de documents pour avoir l’autorisation d’inspecter un seul objet, et encore, nos rapports ne doivent jamais être dévoilé au public. En plus on est quasiment pas payé pour, c’est vraiment comme si tout était mis en œuvre pour nous décourager !

Monia expira un grand coup :

— Mais nous autres, antiquaires, ne travaillons pas pour l’argent, mais par passion. Suivez-moi, jeune gens. Je vais vous montrer ma véritable boutique.


 ***

 Eily et Tza retinrent leur souffle. Elles n’auraient jamais cru que cette boutique d’apparence si modeste puisse cacher autant de mécanismes cachés. Devant leurs yeux ébahis, Monia actionnaient moult leviers ou interrupteurs dissimulés, qui menaient à chaque fois de plus en plus profondément en sous-sol. La femme en kimono n’était pas mécontente de son petit effet, elle se plaisant à entendre les exclamations surprises de ses invitées à chacune de ses manœuvres.

Et au bout de quelques minutes, le groupe arriva enfin à destination. Eily et Tza ne purent s’empêcher de se frotter les yeux, pour vérifier qu’elle ne rêvait pas. Dans cette mystérieuse pièce souterraine, elles se croyaient dans un autre monde.

Le blanc élément métallique, omniprésent, tranchait radicalement avec l’ambiance rustique de la maisonnée. Ici, il n’y avait plus de lampe à huile, mais de longs tubes lumineux, accrochés au plafond, irradiant la pièce d’un éclat diffus que ni Eily, ni Tza, n’avaient connu auparavant. Mais le plus surprenant était bien évidemment les objets qui trônait sur de massifs étales d’acier. Des objets de formes et tailles diverses et variées, totalement inconnus au bataillon.

— Je vous présente mon atelier ! déclara Monia. Impressionnant, n’est-ce pas ? C’est là que j’entrepose toutes mes reliques. Oh, bien entendu, tout ceci est illégal et je vous prierais de ne pas le crier sur tous les toits. Je ne le dis pas que pour moi ; Omilio, Inam, et bien sûr mon mari, risqueraient également gros si cela venait à se savoir. Je compte sur votre coopération.

Monia fronça les sourcils :

— Je compte VRAIMENT sur votre coopération, hein ? … franchement, pourquoi Omilio voulait-il que je montre tout ça à des gamines ? Parfois, je ne le comprends pas du tout…

Résignée, Monia soupira :

— Enfin, les choses sont comme elles sont. Soyez libre de regarder ce que vous voulez, mais surtout, ne touchez à rien sans ma permission, compris ?

Eily et Tza hochèrent la tête, tendues. Et ce fut à ce moment-là qu’Evenis émergea enfin des escaliers, tout sourire, une bouteille de vin à la main.

— Oh ! s’exclama-t-elle. C’est sympa ici, c’est tout blanc !
— … où étiez-vous passée ? grinça Monia.
— Bah pendant qu’on descendait, j’ai senti une super bonne odeur d’alcool, alors j’ai décidé d’en suivre la trace. J’ai un super odorat, vous savez ! Et je ne m’étais pas trompé, regardez ce que j’ai trouvé !

Toute fière, Evenis exposa au ciel sa magnifique sa trouvaille, que Monia reconnaissait très bien, puisque c’était l’une de ses meilleurs bouteilles.

— …

La femme au kimono se pinça les lèvres, désormais absolument certaine que d’avoir accepté la demande d’Omilio était une grave, une très grave erreur.


  ***

 Eily, Tza et Evenis voguaient aux milieux des reliques, immensément curieuses. Dès que l’une d’entre elles voyait quelque chose qui l’intéressait, elle demandait à leur hôte des explications :

— Ça ? répliqua Monia. C’est une lampe torche, rien de particulier, c’est comme une lampe à huile mais… sans huile. Elle fonctionne avec de l’énergie électrique, c’est un peu compliqué à expliquer comme ça ceci dit. Dites-vous juste que c’est beaucoup, mais alors beaucoup plus pratique que les lampes que vous utilisez.
— Oooh…, firent ensemble les trois demoiselles.

Un peu plus loin.

— Ça, c’est un stylo. Vous voyez petit tube coloré au centre ? C’est là qu’on stocke l’encre. Au bout du stylo se trouve une petite bille, qui, de par sa rotation, permet d’appliquer juste ce qu’il faut d’encre sur le papier. L’évolution de la plume quoi.
— Oooh…

Encore plus loin.

— Ça c’est un… épluche-légumes. Ça sert à éplucher… les légumes.
— Oooh…
— … vous vous intéressez vraiment à des trucs ennuyeux, vous savez ? Franchement, y a rien d’autre ici qui vous attire l’œil à part ce pauvre épluche-patates ?!

Toujours et encore plus loin, Evenis tiqua. Elle sautilla jusqu’à un coin de la pièce, où reposait un objet qui avait capté son attention. Elle ne saurait dire exactement pourquoi cette chose en particulier l’intéressait, mais elle sentait qu’elle devait l’inspecter de plus près.

Elle empoigna fermement l’objet. Un gros, dur, et massif – quoiqu’un peu flexible – cylindre rose ; il n’était pas excessivement grand, mais devait bien faire une fois et demi la longueur de sa main. La jeune noble remarqua également qu’une extrémité du cylindre était bizarrement arrondie, formant un amusant petit chapeau rondouillard. L’autre extrémité, en revanche, était aplatie. Et justement, sous cette base plate, Evenis trouva un petit interrupteur. Piquée dans sa curiosité, la jeune noble ne réfléchit pas un instant et appuya dessus.

— Oh … !

Subitement, le gros et dur objet cylindrique se mit à vibrer dans ses mains et à gigoter dans tous les sens ! Monia, qui avait entendu le vrombissement du gadget, bondit brusquement et fusa à toute vitesse vers Evenis.

— Qu’est-ce que tu fiiiches ! s’écria-t-elle.
— J’ai trouvé un truc marrant ! répondit innocemment Evenis. Ça fait un bruit rigolo en plus !
— … j’avais dit de ne toucher à rien…, se retient difficilement Monia.

La femme secoua vivement la tête.

— Mais là n’est pas la question ! Repose ça tout de suite !
— Bah pourquoi ?
— …

Voyant qu’il fallait prendre le taureau par les cornes, Monia s’approcha d’Evenis et lui souffla quelques mots à l’oreille. Petit à petit, alors que l’information accédait à son cerveau, le visage de la jeune noble s’empourpra dangereusement. Et finalement…

— Kyaaaah ! s’écria-t-elle en jetant violemment le long et dur objet vibrant. P-Pourquoi vous avez un truc pareil ici ?!
— J’t’en pose des questions moi ?! rougit brusquement Monia. C’est juste un bidule qu’on a récupéré dans des fouilles ! C’est de ma faute si ce genre de machin était quasi-omniprésent dans l’Ancien Monde, hein ? Non ! Quoi qu’il en soit le sujet est clos ! Va rejoindre tes copines !
— … oui madame.


 ***

 Fouiller dans les reliques du passé s’était avéré être assez chronophage. Au milieu de ces objets divers et souvent inutiles, Eily finit par trouver plusieurs choses aiguisant son esprit retors. Des gadgets bien spécifiques à l’Ancien Monde, qui, selon Monia, étaient très utilisés par les stratèges de l’époque. À l’entente de ces mots, Eily se dit qu’elle aussi, devait absolument maîtriser cet art ancien.

— C’était des objets principalement destinés aux Pokémon, enfin, aux Ensar, expliqua Monia. Mais nos expériences ont montré que les Foréa et les Magus peuvent également les utiliser… sans doute une répercussion du vide énergétique causé par la disparition des Pokémon… mais je m’égare.

Alors qu’Eily se baladait entre les étales, un petit orbe attira son attention. Elle sentait une pression énorme s’en dégager. Émerveillée, elle l’effleura avec son doigt et…

— … !

Elle bondit vivement en arrière. Elle écarquilla les yeux. Pendant cette courte seconde où elle était en contact avec cette chose, elle avait senti un afflux de puissance gigantesque monter en elle.

— Ahem ! toussota Monia. Qu’est-ce que j’ai dit à propos de ne RIEN toucher ? Il faut que j’installe une pancarte, ou quoi ?! Bon sang, cette jeunesse décadente !
— … qu’est-ce que c’est ? l’ignora Eily.
— …

Monia se pinça les lèvres.

— Un Orbe Vie. Tu… devrais faire très attention avec ça. À l’époque, certains individus peu scrupuleux l’utilisaient pour pousser les Pokémon à dépasser leur limite… au prix de leur propre santé. Nous ne savons pas encore les répercutions exactes que cela peut avoir sur le corps, et notre médecine est bien moins avancée que celle de l’époque. En gros, nous ne sommes pas sûrs de pouvoir gérer son contrecoup aujourd’hui. Bref, c’est très, très, dangereux.

Puis, réalisant quelque chose, Monia plissa des yeux.

— … mais un instant. Vu comment tu as réagis… tu as senti son effet ? Tu es… une Magus ? Omilio ne m’a rien dit là-dessus… mais ça pourrait expliquer pas mal de chose…

Eily se contenta de lâcher un petit sourire, sans toutefois prendre la peine de répondre. Elle tira toutefois expérience de sa petite mésaventure, et cette fois-ci, la demoiselle cyan prit bien soin d’interpeller Monia avant toutes manipulations.

Outre l’Orbe Vie, d’autres gadgets intéressèrent particulièrement Eily. Tout d’abord, le Carton Rouge ; si quelqu’un commettait l’erreur de le toucher alors qu’il était activé, il se retrouvait mystérieusement et violemment repoussé en arrière. Pour Eily, c’était le Saint Graal. Elle s’imaginait déjà construire moult pièges avec le Carton comme clef de voûte.
Ensuite, la Boule Fumée. Un artefact capable d’invoquer d’épais et imposants volutes de fumée. Encore une fois, tant de sournoiseries ne pouvait que ravir la demoiselle cyan.
Et finalement, la Pierrallégée. Rien qu’en la tenant, Eily pouvait sentir son poids quasiment disparaître, ce qui renforçait son agilité tout en lui enlevant son complexe sur ses quelques kilos en trop. C’était qu’avec Ifios en cuisine, elle avait souvent tendance à manger plus qu’il n’en fallait…

— Ils faisaient vraiment des trucs incroyables à l’époque…, marmonna Eily.
— C’est vrai, acquiesça Monia. Non seulement leurs technologies étaient très avancées, mais en plus, ils étaient aidés par une myriade de Pokémon. C’est vraiment dommage que le Vasilias refuse que nous remettions leurs travaux aux goûts du jour. Beaucoup de ces objets pourraient tellement simplifier notre quotidien…

Toutefois, une teinte sombre masqua soudain le visage de Monia.

— … même si d’autres…

La femme au kimono jeta un regard soucieux à ses invitées, et soupira :

— Suivez-moi.


 ***

 Gravement, Monia mena le groupe de filles vers l’endroit le plus secret de sa boutique. Elle avait énormément d’appréhension à montrer ‘‘ça’’ à d’aussi jeunes gens. Mais c’était une demande d’Omilio ; sans le Foréa Impériale, elle n’aurait jamais pu collecter autant de reliques, alors, ses demandes étaient des ordres.
Si Monia était anxieuse, c’était pour une bonne raison. Là où elle allait, il n’était pas question d’entreposer des stylos ou des épluche-légumes, loin de là. Là où elle allait, se trouvait le principal fléau de l’Ancien Monde.

— Voici, lâcha-t-elle une fois arrivée.
— … !
— Devant vous se trouve… des armes de guerres. Des instruments de morts créés uniquement pour retirer la vie. S’il y a bien une chose que j’aimerais ne jamais voir à l’extérieur, c’est bien ça.

Subitement, Eily sentit son cœur défaillir. Son regard analytique ne pouvait se tromper. Parmi toutes les armes, elle les avait immédiatement reconnues, il n’y avait aucun doute possible.

— …

La demoiselle cyan s’avança faiblement. Elle s’approcha d’un couteau ; ce n’était pas un couteau de cuisine. Une large lame terriblement acérée. Une larme qui ressemblait terriblement à celle que détenaient les hommes ayant attaqué l’orphelinat. Mais ce n’était pas tout. La demoiselle cyan reconnu également les étranges fusils noirs… ceux ayant déchiré la chair d’Athoo. Le dernier souvenir que possédait Eily de sa vie à l’orphelinat.

— Des armes classiques des militaires de l’époque, déclara Monia. Une seule de ces abominations peut annihiler des villages entiers. C’est dingue à quel point les Anciens mettaient de moyens pour chercher la façon la plus brutale de tuer. Et encore, ça, ce n’est rien. On a retrouvé d’autres armes, qui exploitaient la puissance des Pokémon… je ne préfère même pas en parler.
— …

Des vagues de douloureux souvenir frappèrent violemment la demoiselle cyan. L’orphelinat. Le sang. Les flammes. Les monstres aux visages humain. Le sacrifice de Nester. La mort cruelle d’Athoo. Eily serra férocement ses poings ; ses ongles pénétraient sa peau.

— … qui peut avoir accès à ces armes ? demanda froidement la demoiselle cyan.

Monia fut mit du temps à répondre, surprise par le ton glacial de son interlocutrice.

— … tu demandes qui peut en posséder ? Hé bien, difficile de dire. Peut-être qu’il y a d’autres collectionneurs comme moi, mais personne n’est assez fou pour les utiliser.
— Mais c’est une boutique ici, n’est-ce pas ? Personne n’achète ce genre de chose ?

Monia pouffa légèrement.

— Le terme ‘‘boutique’’ est exagéré. Je n’ai qu’un seul client : Omilio. Et encore, il ne vient pas si souvent que ça. Mais je peux t’assurer qu’il ne m’a jamais acheté d’armes.
— …
— Toutefois…
— Toutefois ? répéta Eily.
— … il y a bien une personne qui peut avoir accès à ces abominations. Et en masse.
— … ! Qui ?! s’écria presque la demoiselle cyan.

La femme au kimono haussa les épaules :

— Le Vasilias. C’est lui qui possède la plus grosse réserve de reliques ; d’ailleurs, techniquement, toutes les reliques lui appartiennent de droit. Mais je ne pense pas qu’il les utiliserait, vu comment il tient à ce que leur existence reste secrète… enfin, après, je ne sais pas vraiment ce que pense le bonhomme.

« … le Vasilias… », grinça mentalement Eily.

— … hé...héhé… Omilio… tu y avais pensé, n’est-ce pas… ? ricana la demoiselle cyan.
— Eily…, s’inquiéta Tza. T-Tu vas bien ?
— Hé ! réagit soudain Evenis. D-Du sang ! Elle a du sang sur les mains !

Eily secoua la tête, s’arborant d’un sourire qui se voulait rassurant…

— Je vais très bien.

… cependant, ses yeux sombres étaient loin de rassurer ces deux amis.

— Je crois que nous n’avons plus rien à faire ici, trancha la demoiselle cyan. Je n’aime pas cet endroit.

Tza et Evenis hochèrent la tête ; elles voyaient bien à l’état d’Eily qui ne fallait pas la contrarier. Le groupe retourna ainsi à la pièce précédente, loin des armes de mort.

— Bien, lâcha Monia. La visite est terminée. Avant que vous ne partiez, il me reste juste quelques détails à régler.

La femme au kimono s’éclaircit la gorge :

— Tout d’abord, vous avez le droit de prendre un objet chacune. Sauf Eily. Toi, tu peux prendre ce qu’il te chante. Ah, et bien sûr, les armes que nous avions vu précédemment ne font pas parties des choix possibles, vous comprenez aisément pourquoi.
— Eily peut prendre tout ce qu’elle veut ? s’indigna Evenis. M-Mais… c’est du favoritisme !
— Va te plaindre avec Omilio…, soupira Monia. Si ça ne tenait qu’à moi, vous repartiriez toutes bredouille…

Commença donc le dur moment du choix. Tza se dirigea immédiatement vers les stylos, elle qui aimait tant écrire, c’était une aubaine. Evenis, elle, dirigea son attention vers un certain objet, mais le regard noir de Monia l’en dissuada. Finalement, elle choisit de prendre un magnifique loupe qui traînait dans le coin.
Eily, qui n’avait aucune restriction, se fit bien plaisir. Elle embarqua la lampe torche, le Carton Rouge, la Boule Fumée, et la Pierrallégée. Elle se fit même le luxe de prendre l’épluche-légumes pour Ifios. Vu qu’il aime faire la cuisine, Eily se dit que ça lui ferait certainement plaisir. Elle pensa une seconde à prendre l’Orbe Vie, mais à bien y réfléchir, l’objet était bien trop risqué. Eily voulait certes devenir plus forte, mais pas au prix de risquer sa vie dans l’opération.

— Oh, lança soudain Monia. Avant que je n’oublie…

La femme au kimono s’éclipsa quelques secondes, avant de revenir, un sac à la main.

— Vous êtes venue pour ça à la base, non ? Ce sac, c’est le top de la qualité. Tous les jeunes de l’Ancien Monde en avait un, il paraît même qu’on pourrait y rentrer une bicyclette dedans ! … bien que vous ne sachiez sans doute pas ce qu’est une bicyclette… enfin… bref. Il se porte sur le dos, avec des bretelles. Je l’ai camouflé avec du cuir pour qu’il ressemble à un sac lambda, donc vous ne devriez avoir aucun problème.

Eily en avait presque oublié cette histoire de sac ; elle se sentit un peu embarrassée à l’égard de Caratroc. La demoiselle cyan empoigna l’objet avec plaisir et chacune des filles y rangea leur butin. Après tout, c’était des objets illégaux ; il serait bête de se faire capturer et possiblement tuer pour un épluche-légumes.

Monia raccompagna ensuite le groupe à l’entrée. Sans surprise, Evenis profita du voyage pour subtiliser une seconde bouteille de vin. Irritée, Monia la récupéra, mais uniquement pour constater qu’elle était déjà vide. Mise à part ce petit détail, aucun autre incident ne fut à signaler durant la remontée.

— Bref, grogna Monia. Bon retour chez-vous, et occupez-vous bien de Fario. Il a beau être adulte, c’est un vrai gamin parfois.
— … nyah ? s’étonna Eily.
— … ?

Monia fronça les sourcils. Puis, subitement, elle réalisa.

— Une minute, vous n’êtes pas au courant de ça aussi ?! sursauta-t-elle.
— Au courant de quoi ? se risqua Tza.
— …

Monia se pinça les lèvres, grommelant quelques mots peu avantageux au sujet d’Omilio.

— Je repars aujourd’hui même en voyage, dans une autre région cette-fois, expliqua finalement la femme en kimono. J’ai bien peur de ne pas pouvoir revenir avant de longs mois. Et pour éviter que mon cher et tendre se sente seul, Omilio à proposer qu’il loge dans votre manoir. Il ne vous a vraiment rien dit à ce sujet ?!
— … j’imagine qu’il a voulu nous garder la surprise, maugréa Eily.
— Effectivement, ça ressemble bien au personnage…, acquiesça Monia.

Après cette dernière révélation, Eily, Tza, et Evenis firent leurs adieux à Monia ; elles ne se reverraient certainement pas de sitôt. Toutefois, Eily avait la tête lourde. Le sentiment de s’être fait manipuler par Omilio ne la quittait pas. Il savait, lui, que l’orphelinat avait été attaqué par des hommes possédant des armes étranges. Le Foréa n’avait pas dû prendre longtemps pour identifier ces ‘‘armes’’ comme étant des reliques du passé. Il savait également que seul le Vasilias pouvait se permettre d’utiliser ces reliques sans répercussion, ce qui en faisait le coupable idéal.

« … il veut que je haïsse le Vasilias… pour que je rejoigne sa cause… »

Un but que le Foréa était en bonne voie de réussir. Pendant tout ce temps, Eily était restée dans le brouillard. Elle ne pouvait mettre un nom sur l’affreuse attaque ayant coûté son bonheur. Maintenant, elle avait une piste. Le Vasilias. Le ‘‘Dieu’’ de Prasin’da. Un ‘‘Dieu’’, qu’Eily percevait peu à peu bien plus comme un Diable.

 ***
 ***
 ***



— Alors, cette visite chez Monia ?
— …

À peine arrivée au manoir, les filles furent accueillies par Omilio. Eily lui jeta un regard noir ; le Foréa répondit par un petit sourire.

— J’espère que vous avez bien pu en profiter. Les reliques du passé sont bien pratiques. Normalement, j’en discuterais plus longuement avec vous mais… nous avons un petit contre-temps imprévu. Pendant votre petite sortie, vous avez remarqué le nombre anormal de gardes, n’est-ce pas ?

Tza hocha la tête :

— Des gardes privés, sans affiliation avec nous.
— C’est exact, répondit Omilio. Venez au salon, je vais vous l’expliquer en détail.


 ***

 Quelques minutes plus tard, une réunion stratégie improvisée avait débuté. Eily, Tza, Evenis, Ifios, Sidon et Inam s’étaient regroupée devant Omilio et Rhinolove. Dans un coin de la pièce, Eily remarqua même la chevelure verte de Fario.

« … il est déjà là lui … ? », plissa-t-elle des yeux.

— Commençons par le commencement, déclara Omilio. Hier, un délit a été commis dans ma ville. Un noble a été dépouillé d’une bourse contenant très exactement 900 Vasils.
— … !

Surprises, Eily et Evenis croisèrent leurs regards.

— Ce noble se nomme Sanidoma. C’est littéralement ce que l’on peut appeler un ‘‘gros plein de soupe’’, si vous m’excusez l’expression. Le problème, c’est qu’il est bien décidé à se faire justice lui-même. D’où l’abondance de gardes envahissant les rues d’Aifos. Malheureusement, c’est un noble très influent, alors, je peux difficilement lui interdire de mener sa propre enquête.

Omilio ricana, moqueur :

— Or, il n’a aucune idée du voleur. Du coup, il a ordonné à ses hommes d’arrêter ‘‘toutes personnes ayant l’air louche’’. Ça en serait presque drôle, si cela ne transformait pas ma ville en capharnaüm. Mais le plus affligeant dans cette histoire, c’est que Sanidoma a quitté la ville dans la soirée, laissant ses gardes sans ordre supplémentaire ; et comme aucun des gardes ne sait quoi faire après avoir arrêté quelqu’un, ils se contentent juste de lui hurler dessus avant de le laisser partir.

Eily haussa les sourcils, croyant à une blague. Omilio intercepta son regard blasé.

— Malheureusement, c’est bien la vérité. Le seul moyen de régler cette histoire serait d’aller voir directement Sanidoma et de lui demander d’arrêter ses enfantillages. Je pourrais m’occuper de cette affaire personnellement mais…

Un sourire se dessina sur ses lèvres :

— … je me suis dit que ça serait une bonne expérience pour vous. Chers amis, en tant que Foréa Impérial, voilà la mission que je vous soumets : allez au château de Sanidoma et ramenez la paix à Aifos.
— … nyah ? lâcha Eily.

La demoiselle cyan plissa dangereusement les yeux. Omilio leur demandait de faire son propre travail à sa place ?

— Au cas où certaine voudrait refuser, rajouta la Foréa, je rappelle que vous vivez actuellement sous mon toit, grâce à ma grande bonté. Il serait grossier de trahir la main qui vous nourrit, n’est-ce pas ? C’est une histoire de donnant-donnant.
— … ggrrnn…, grogna Eily.
— Mais rassurez-vous, je ne suis pas un ingrat. Evenis Azne Genna.

La dénommée sursauta, peu habituée à entendre son nom complet.

— Hein ? J-Je suis concernée moi aussi ?
— Si vous le voulez, très chère. Je ne peux vous y obliger ; cependant, si vous acceptez, je vous permettrais de vivre ici. L’auberge coûte cher, n’est-ce pas ? Imaginez le nombre de Vasils que vous pourriez économisez en restant ici. Sans parler des repas gratuits.
— … Palsambleu ! s’exclama soudaine la jeune noble. Mais c’est vrai ça ! Dans ce cas, j’accepte ! J’accepte !

« Comme on pouvait s’y attendre d’un esprit simple… » songea Eily.

— Fario…, je sais que vous veniez à peine d’arriver, mais j’imagine que vous n’y voyez aucun inconvénient à les accompagner ?
— Absolument aucun, répondit-il avec sa voix monotone. Je le ferais avec plaisir. Jamais au grand jamais je ne raterais un évènement pouvant m’amuser.

Omilio sourit, satisfait. Inutile de poser la question à Tza, sa résolution brûlait déjà dans ses yeux. Son sens du devoir était bien trop élevé pour refuser.

— Je pense également que ça serait une bonne expérience pour toi, Ifios, lança Inam. Tu as passé bien trop de temps reclus dans les montagnes. Le monde extérieur est encore un mystère pour toi ; ce petit voyage te permettra d’élargir ton esprit.
— … je… comprends, acquiesça l’adolescent.
— Mais rassurez-vous ! tonna soudain Sidon. Vous ne serez pas seuls, car – non vous ne rêvez pas – je vous accompagne également ! Avec moi, vous ne risquez absolument rien ! Oh, et bien sûr, puisque le voyage sera relativement long… je m’engage à ramener des tonneaux de bières, histoire de passer le temps !

À ces doux mots, Evenis bondit de joie.

— Sidon ! Mon meilleur ami ! Je savais que je pouvais compter sur toi !

Et la jeune noble avança vers l’homme balafré, lui faisant un magnifique ‘‘top-là’’ suivit d’une sublime rire grossier.

— Il ne reste plus que toi Eily, nota Omilio.
— … parce que j’ai vraiment le choix… ?
— On a toujours le choix.

Le Foréa avait beau philosopher, Eily était mal à l’aise. Entre les yeux brillants de Tza, la joie d’Evenis, le regard froid d’Ifios, et le pouce levé de Fario, elle se voyait très mal dire non. Et surtout, elle craignait les répercussions d’un éventuel refus ; avec Omilio, tout était possible.

— Très bien, concéda-t-elle à contrecœur. J’irais voir ce fameux Sanidoma…
— J’en suis ravi, sourit Omilio.

Eily plissa des yeux. Depuis le début, elle se faisait manipuler par le Foréa Impérial. Tout ce qu’elle vivait, tout ce qu’elle découvrait, c’était uniquement ‘‘grâce’’ à lui. Elle le sentait ; elle n’était qu’une marionnette. Elle n’avait pas son mot à dire.
Mais était-ce une si mauvaise chose ? L’ancienne Eily aurait certainement hurlé que oui. Mais peu à peu, la nouvelle Eily tentait de mettre son égo de côté. Omilio se servait peut-être d’elle mais… il l’aidait également à évoluer. Alors, pourquoi ne pas suivre le mouvement, pour l’instant ? Si jamais le Foréa Impérial devenait une véritable menace un jour, Eily se rebellerait. Toutefois, tant qu’elle pouvait également se servir de lui pour obtenir la vérité, elle n’avait aucune raison de ne pas se laisser porter. C’était du donnant-donnant, comme il le disait si bien.

— C’est donc décidé, conclut Omilio. Dès demain, vous partirez pour le château de Sanidoma. Je vous préviens toujours, le bonhomme est connu pour être très peu réceptif, voire insupportable. Toutefois, je sais que vous y arriverez.

Le Foréa Impériale fit un petit clin d’œil à Eily.

— Nul n’est véritablement mauvais en soi, déclara-t-il. Chaque individu fait juste ce qu’il pense être nécessaire pour atteindre son bonheur. C’est l’unique loi universelle. Ayez cela à l’esprit, jeune gens. Car si chacun réussissait à comprendre cette pourtant si évidente vérité, vous n’imaginez pas à quel point le monde changerait…