Ta main - GrégoireCe bonus se déroule en parallèle des chapitres 291 et 292.Crios offrit son bras à Yohanna, qui hésita à s'en emparer. Même si Cassy refusait de l'admettre ouvertement, elle voyait bien que leur proximité la mettait mal à l'aise. Elle n'aurait su expliquer, à elle-même ou à quiconque, d'où provenait son attachement pour le légendaire, mais elle était certaine d'une chose : elle éprouvait une affection et une confiance indéfectibles à son égard.
Etait-ce dû au fait qu'il lui ait sauvé la vie, quatre ans plus tôt, après qu'elle ait tenté de se suicider ou y avait-il une autre raison qui la poussait à l'estimer autant ? Les sentiments qu'elle nourrissait envers lui étaient purs et beaux. En sa présence, elle avait l'impression d'être à l'abri du mal, de la haine et de la honte qui la poursuivait depuis son adolescente. Elle se sentait protégée de tout.
- Suis-moi, insista-t-il. Je veux te montrer quelque chose.
Hercule les observait attentivement, du coin de l'oeil. Il paraissait méfiant. Il n'avait jamais caché les doutes que lui inspirait la foi d'Athéna en ce groupe d'humains, au contraire de Crios qui les encourageait et les soutenait aveuglément.
La jeune femme consentit à poser ses doigts au niveau de son coude et il avança d'un pas lent vers l'escalier qui conduisait dans les entrailles du Temple de Régigigas. Son coeur se serra à l'idée que, la dernière fois que la Confrérie était venue ici, cela faisait suite à la mort de Circé. La pauvre Léa ne s'en était toujours pas relevée.
- T'es-tu exercée à l'exercice que je t'ai demandé de pratiquer la dernière fois où nous nous sommes vus ? s'enquit Crios à voix très basse.
- Oui. Tous les jours. Au début, c'était aussi difficile qu'éprouvant, mais je crois que j'ai beaucoup progressé depuis lors.
- Tu n'as évoqué cette méthode avec personne, n'est-ce pas ? Pas même avec Cassy.
- Non... souffla-t-elle. Je n'aime pas lui dissimuler des informations, mais... Non, je ne lui ai rien révélé à ce sujet.
- Tant mieux.
- Pourquoi ce silence ? Pourquoi ne pas... partager ce savoir avec les autres ? Il pourrait nous être utile à tous.
- Parce que je n'aurais même pas dû le faire avec toi. Athéna veut seulement vous donner les moyens de vous défendre, pas de vous battre. Cette technique accroit considérablement votre puissance, or elle ne veut pas offrir de nouvelles armes à Lilith pour mener à bien sa vendetta.
- Est-ce donc ainsi qu'elle nous considère ? Comme des armes ?
- Pas exactement, mais entre ses mains, c'est ce que vous devenez plus ou moins.
Yohanna ne releva pas. Cassy n'avait jamais caché la volonté de la Première de se servir d'eux dans sa vengeance contre Arceus, aussi ne pouvait-elle démentir les propos tenus par l'humain lié à Régice.
- Je croyais qu'Athéna avait les moyens de tout connaître. N'est-ce pas ce que vous m'avez confié, l'autre jour ? Ne redoutez-vous pas qu'elle découvre que vous m'avez enseigné ce secret ?
- Dans la mesure du possible, elle ne fait pas appel aux Zarbis. Ils la préviennent uniquement en cas de menace ou de danger imminent. Par exemple, c'est grâce au message qu'ils sont venus nous délivrer de sa part qu'Hercule a pu venir vous secourir à temps dans la Forêt des oubliés. Cela vaut aussi dans l'autre sens : si Lilith s'approche trop près de la Confrérie originelle, elle le saura également.
- Donc, tant que les Zarbis ne l'en informent pas ou qu'elle ne leur pose pas la question, elle ne peut pas savoir que je connais le processus d'inversion des glyphes ?
- Exactement.
- Si jamais elle le découvre, elle vous en voudra. Pourquoi prendre un tel risque, et surtout pourquoi aller contre elle quand vous êtes l'un de ses loyaux partisans ?
- Parce que je veux te donner les moyens de survivre le moment venu. Je sais qu'elle fera tout son possible pour éviter un ultime affrontement entre Arceus et les Renégats, mais si elle échoue, ce que je ne souhaite pas, cette histoire s'achèvera dans un bain de sang. Je ne veux pas que le tien s'écoule.
- Pourquoi cela ? Je veux dire... Vous êtes un légendaire et je sais que votre but est de protéger les humains au point de vous fondre à eux dans la vie de tous les jours, comme vous l'avez fait lorsque vous m'avez sauvé la vie, mais... Pourquoi vous être autant attaché à moi, au point d'aller contre les idéaux d'Athéna ?
- Parce que tu me la rappelles infiniment.
Ils étaient parvenus au bas des marches et Crios décida de s'immobiliser. Alors que Yohanna tentait de donner un sens à ses mystérieuses paroles, il étendit une main en direction de son visage, dont il effleura la joue du bout des doigts. Il caressa ensuite une mèche de cheveux blonds qui pendait le long de son visage.
- Qui est-ce que je vous rappelle ? s'enquit-elle dans un murmure, car sa gorge s'était nouée.
- Eurybie. Ma soeur.
***- Regarde-la. N'est-elle pas magnifique ?
Crios déglutit péniblement en observant le corps recroquevillé qui se tenait devant lui, étendu sur le sol. Il voulut garder une expression neutre, toutefois il eut toutes les peines du monde à y parvenir. Cette histoire ne lui inspirait rien de bon. Il était convaincu que Régice venait de franchir une limite à ne pas dépasser.
- Pourrais-je savoir ce qu'il t'a pris ? Serais-tu devenu fou ?
- Pourquoi ? Je n'ai transgressé aucune loi. Arceus n'a jamais interdit à un légendaire de créer un second humain.
- Et l'équilibre, qu'en fais-tu ? Deux divinités pour un seul pokémon, crois-tu que cela puisse fonctionner ?
- Je suis étonné que personne n'ait tenté l'expérience avant moi. Pourquoi aucun de mes semblables n'a-t-il eu l'idée d'agir ainsi ?
- Une expérience ? Est-ce donc comme cela que tu considères la chose ? Il y a une vie en jeu, Régice ! Une vie que tu viens de créer et dont tu es responsable, désormais !
Crios devait prendre sur lui pour ne pas céder à la panique. Il plaqua une main sur son front et fit quelques pas dans l'espoir que cela suffise à le détendre. Le résultat s'avéra vain. Il était toujours aussi nerveux. Comment pourrait-il parvenir à s'apaiser ? La situation dans laquelle le Golem venait de le plonger le dépasser totalement.
- Il... Nous devrions en parler à Athéna. Elle saura quoi faire, quoi dire. Oh... Je n'arrive pas à le croire. Je ne...
- N'en souffle mot à quiconque, du moins pour le moment. Je ne veux pas que cette pauvre enfant soit exhibé comme un monstre de foire parce qu'elle est la première seconde.
La création de Régice avait pris l'apparence d'une jeune fille. Pelotonnée sur elle-même, elle était entièrement nue. Si les légendaires n'étaient normalement pas sensibles aux températures extérieures, elle grelottait pourtant. Malgré le fait qu'elle soit allongée sur une épaisse couche de givre, cela demeurait étonnant.
- Elle tremble... murmura Crios.
Au lieu de perdre du temps à réfléchir à cette étrange réaction, propre aux humains, il s'empressa de retirer son manteau pour en recouvrir son corps chétif et pâle. Elle garda les paupières closes pendant qu'il s'affairait autour d'elle. Elle ne s'était pas encore éveillée.
Régice, exactement comme pour le Titan, avait puisé dans la glace l'énergie nécessaire afin de lui donner naissance. Elle serait liée à elle pour le restant de ses jours, ainsi que c'était déjà le cas pour son frère. Elle en tirerait sa force, ses dons et tout ce qui ferait d'elle ce qu'elle deviendrait le moment venu.
- A-t-elle un nom ?
- Bien sûr. Elle s'appelle Eurybie.
Crios s'agenouilla à hauteur de son visage. Elle possédait un teint diaphane, des traits délicats, une bouche claire et des longs cheveux blonds, presque blanc. En dépit de son apparence maladive qui l'inquiétait légèrement, elle était ravissante. Il frôla son front du bout des doigts.
- Bonjour, petite soeur.
Sa peau était très froide, mais il ne s'en étonna pas : la sienne devait avoir une température similaire, à cause de l'élément auquel ils devaient tous deux la vie. Il caressa sa chevelure d'un geste fraternel, emprunt de tendresse. Bien qu'il ne comprenne toujours pas les motivations qui avaient poussé Régice à commettre cette folie, il l'aimait déjà.
***Il fallut plusieurs jours à Eurybie avant d'ouvrir les yeux. Lorsque cela se produisit, seul Crios était présent. Il fut étonnée par la pureté de ses prunelles, d'un bleu si clair qu'elles s'apparentaient en réalité à deux morceaux de ciel. Jamais il ne lui avait été donné de voir une telle splendeur.
Apeurée, elle esquissa un mouvement de recul dès que son regard eut croisé le sien. En prenant appui sur son bras pour se redresser, toutefois, ses muscles faillirent. Elle s'effondra sur le flanc, soulevant quelques flocons de neige au passage. Cela arracha un froncement de sourcils à son aîné. Ses interrogations attendraient, néanmoins. Il était d'abord tenu de la rassurer.
- Ne t'inquiète pas, tu n'as rien à craindre de moi. Je suis ton frère. Je m'appelle Crios, et toi, tu es Eurybie. Tu...
- Régice... Où est Régice ?
Elle observa les alentours avec effroi, cherchant désespérément le pokémon des yeux. Ce comportement était parfaitement naturel. Tous les légendaires ressentaient en eux la créature à laquelle ils étaient liés. Elle le percevait donc dans les tréfonds de son âme, raison pour laquelle son absence la troublait tant.
Athéna avait vécu un choc similaire à son apparition, puisque le sommeil s'était emparé de Jirachi bien avant qu'elle ne se réveille. Elle était restée une semaine entière dans le coma, car elle ne l'avait pas eu auprès d'elle pour la guider vers la conscience. Seul Zeus avait joué ce rôle, avant de se charger de son éducation.
- Il n'est pas ici. Rayquaza avait besoin de lui, il a dû partir, mais il reviendra très vite. Il va s'en vouloir terriblement de ne pas avoir été là au moment le plus opportun.
Eurybie haletait, en proie à la panique. Elle repoussa la main de Crios quand celui-ci tenta de passer un bras autour de ses épaules pour l'aider à se redresser et ramena ses genoux contre son buste pour se rouler en boule, toujours allongée sur le sol, qu'elle ne semblait plus décidée à quitter.
- Allons, tu n'as rien à craindre de moi. J'ai aussi été créé par Régice, exactement comme toi. Je suis convaincu que tu peux le sentir, n'est-ce pas ? Que nous sommes également liés, toi et moi.
La bouche de la jeune femme s'entrouvrit, laissant apparaître des dents parfaitement alignées, d'une blancheur immaculée. Ses lèvres tremblotèrent un instant, avant qu'elle ne parvienne à bredouiller :
- C-Cr-Crios ?
Sa voix, quoiqu'un peu hésitante, était douce et mélodieuse, à l'instar du timbre harmonieux que possédait Apollon lorsqu'il se mettait à chanter. Le légendaire croyait n'avoir jamais entendu plus beau son dans tout l'univers, lui qui avait pourtant eu le loisir de vivre déjà trois siècles.
- De tous les trésors, tu es le plus précieux qu'il m'ait été donné de contempler, murmura-t-il.
Il avait totalement oublié sa crainte première, désormais, celle qu'il avait éprouvé en découvrant l'acte du Golem. Comment aurait-il pu lui en vouloir ? Comment la création d'Eurybie, cette adorable déesse au visage ingénue, pouvait-elle être critiquable ? Il serait absurde de condamner un être aussi innocent que paraissait l'être sa petite soeur.
Désormais plus en confiance, la légendaire nouveau-né consentit à laisser Crios la toucher. Il posa d'abord une main tendre sous son menton afin de soulever son délicat minois, puis l'embrassa sur le front. Elle parut gênée, mais ne rougit pas : leur espèce en était incapable.
- Veux-tu bien te redresser, à présent ? Que je puisse t'admirer dans ton intégralité ?
Elle acquiesça d'un hochement de tête timide. Son aîné recula d'un pas afin de lui offrir l'espace nécessaire pour se mouvoir, tandis qu'elle se positionnait à genoux. Lorsque cela fut fait, elle mobilisa ses muscles de façon à se mettre debout. Lorsque cela fut le cas, toutefois, ses jambes s'affaissèrent sous elle et les bras de Crios la rattrapèrent juste avant qu'elle ne s'effondre.
- Je n'ai pas encore assez de forces, bredouilla-t-elle, penaude.
Son frère l'observa, méfiant. Tout ceci n'était pas logique. Les légendaires possédaient dès leur éveil des capacités hors du commun. Comment Eurybie pouvait-elle être si faible, au point de ne pas tenir debout ? Etait-ce dû à l'absence de Régice au moment de sa prise de conscience ? Impossible. Si Athéna avait subi quelques troubles psychologiques à son apparition, elle n'avait pas souffert du moindre problème physique.
- Attends... Je vais t'aider.
Crios tendit sa paume devant lui et la glace alentour commença à se mouvoir. Elle dansa élégamment autour de lui, dans un ballet de poussière blanche, pour former un siège cristallin. Il était non seulement en mesure de manipuler l'élément qui était le sien, mais également de le modeler selon ses désirs.
Il soutint Eurybie jusqu'au trône translucide, sur lequel il l'aida à s'installer. En témoignage de sa gratitude, elle prit ses deux mains entre les siennes et les pressa doucement, ce qui lui arracha un sourire. Derrière cette ébauche de gaieté, il s'efforçait de dissimuler l'inquiétude que l'état de sa soeur éveillait chez lui.
***- Elle a gagné sa conscience et je n'étais même pas à ses côtés ? Comme je m'en veux, confessa Régice, coupable. La pauvre enfant a dû être terrorisée. Comment va-t-elle ? A-t-elle déjà compris ce qu'elle était ?
- A l'instar de chacun d'entre nous, elle est née avec des connaissances à son propre sujet, et je me suis appliqué à lui expliquer tout le reste.
- Qu'en est-il de ses dons ? Sent-elle... Sent-elle quelque chose ? Elle a été créée, elle n'a donc pas à attendre, comme Horus et Lamia, pour les voir apparaître.
Crios ne répondit pas immédiatement. Cela faisait plusieurs semaines, désormais, qu'Eurybie s'était éveillée. S'il avait pris soin d'elle avec autant d'affection et de précautions que possible, cela n'avait rien changé à son état. Il demeurait toujours aussi préoccupant, du moins à ses yeux.
- Il y a... un léger problème, avoua-t-il enfin, après avoir conservé le silence un long moment.
- Un léger problème ? Comment cela ?
- Elle a les facultés psychiques d'un légendaire. Elle est capable de réfléchir, de penser et de raisonner avec la même clarté et la même intelligence que nous tous, cependant... Cependant cela ne se déroule pas de la même façon du côté de ses facultés physiologiques.
- Que veux-tu dire par là ?
- Elle est faible. Plus faible, je crois, qu'aucun de nous ne l'a jamais été.
- Tu ne dois pas t'en souvenir, Crios. Vos apparitions remontent à plus de trois siècles. Deux en ce qui concernent Lamia. Elle...
- Elle a encore moins de force qu'un être humain.
Régice se figea. Il tourna vers son partenaire la partie de son corps qui lui servait de face, dénuée de bouche et d'yeux, tout en émettant un cliquetis inquiétant. Ses bras s'agitèrent soudainement, avant de retomber le long de son corps.
- Comment cela est-il possible ?
- Je comptais sur toi pour nous l'expliquer.
- Où est-elle ?
Crios s'empressa de conduire le Golem auprès d'Eurybie, qui ne quittait pratiquement jamais son trône de glace. S'il lui arrivait parfois de faire quelques pas sur l'inlandsis où ils résidaient, au nord de la région de Sinnoh, l'exercice la vidait rapidement de son énergie et il lui fallait ensuite se reposer durant de longues heures.
- Régice ! s'exclama-t-elle sitôt qu'elle vit l'intéressé.
Elle voulut se lever pour marcher dans sa direction, cependant elle fut victime d'un étourdissement et elle dut se rasseoir. L'air peiné, elle baissa les yeux sur la longue robe bleutée qu'elle portait, rendue miroitante par les centaines de minuscules cristaux accrochés à sa surface.
- Mon enfant... Je suis navré de n'avoir pu être là à ton éveil.
- Crios m'a expliqué. Vous protégez les Renégats, n'est-ce pas ?
- Nous veillons à ce que la Confrérie ne leur fasse aucun mal et inversement. Hélas, nous arrivons souvent trop tard pour éviter des affrontements entre eux. Par chance, aucun ne s'est encore achevé de façon tragique.
- Je suis heureuse de l'entendre. Il me tarde de découvrir les nôtres. Quand les verrai-je ?
- Hum... Pas immédiatement, je le crains. Avec ce conflit qui sépare nos semblables, tu es plus en sécurité ici.
Régice s'approcha prudemment de la jeune légendaire. Il tendit une main vers elle, sur laquelle elle posa ses doigts. Bien qu'il soit glacé, elle ne frissonna pas à son contact. Elle lui sourit tendrement, comme une fillette le ferait à son père. Son regard touchant aurait pour un peu fait fondre le pokémon.
- Crios avait beaucoup de questions à te poser à mon sujet. Est-il normal que je n'ai développé aucun don, jusqu'à présent ? Et aussi que je me sente si fatiguée ?
- Je l'ignore, ma douce amie. Tu es la première dans ton cas. La première à être la seconde d'un légendaire. Ton développement est peut-être tout simplement plus long que celui de ton frère à cause de cela.
Son ton paraissait assuré, mais le cliquetis qui le suivit démontrait le contraire. Régice était anxieux, lui aussi. Son humain le connaissait suffisamment pour savoir qu'il s'efforçait de le dissimuler pour ne pas paniquer Eurybie.
***- Les forêts, les vallons, la douceur du soleil me promettaient monts et merveilles. Quand je m'en fus par-delà les collines, car l'horizon m'appelait, je...
- Je me mis à courir, impatiente de découvrir les trésors que ce monde tendait à m'offrir. L'oeil alerte, la lèvre entrouverte, je contemplai béat cet univers nouveau. Ô, cher, pourquoi ne t'ai-je rejoint avant, toi qui n'attendais que moi ?
Crios resta sans voix. Alors qu'il fredonnait à sa soeur une chanson autrefois composée par Apollon, elle avait choisi de l'interrompre pour improviser une suite, qui rivalisait de beauté avec l'original.
- Quel talent n'as-tu que trop longtemps renfermé, jeune prodige ! s'extasia-t-il. Tu es vraiment prodigieuse, Eurybie.
- Et toi, tu es vraiment le plus grand flatteur que je connaisse. D'un autre côté, je ne connais que toi.
Une pointe de mélancolie transparut dans son timbre. Il savait combien elle rêvait de voyager, d'observer une terre qui ne serait pas couverte de glace. Son état précaire, qui ne s'était pas amélioré au fil des mois, ne lui permettait pas, toutefois. Régice avait passé de longues heures à méditer là-dessus, sans parvenir à trouver une explication plausible.
- Eurybie, que...
Il l'observa avec attention. Ce n'était pas possible... Elle ne pouvait pas... Et pourtant... Ses joues... Ses joues venaient brutalement de changer de couleur. Sous l'effet de son compliment, elles s'étaient empourprées. Il n'avait pas rêvé. Sa cadette avait rougi. Comment y parvenait-elle ?
- Que se passe-t-il ? Parle, Crios, tu m'inquiètes ! Qu'ai-je fait ?
- Tu as... Tu es... Donne-moi la main.
Elle s'exécuta, docile, quoique paniquée, comme en trahissait la lueur qui brillait désormais dans ses yeux. Les doigts du légendaire trouvèrent aussitôt son pouls. Il avait côtoyé suffisamment de mortels, dans sa vie, pour savoir où il se situait. Ce qu'il découvrit lui glaça littéralement le sang.
Les pulsations des divinités étaient plus lentes que celles de leurs homologues qui peuplaient la Terre. Celles d'Eurybie, toutefois, étaient parfaitement normales. Son coeur battait exactement comme celui d'un humain.
Anxieux, Crios passa une main dans ses cheveux, qui les ébouriffa. Le doute n'était plus permis, à présent. Quelque chose n'allait pas, chez sa cadette. En dehors de son esprit, elle ne possédait aucun trait propre aux légendaires, mais elle disposait en revanche de tous les défauts de leurs opposés.
- Tout va très bien, mon ange, murmura-t-il en tentant de prendre un ton convaincu. Il faut seulement que je parle à Régice.
- A mon sujet ?
- Euh... Non. Pas vraiment.
Il avait ajouté ces deux derniers mots à mi-voix, alors qu'il s'éloignait déjà en courant sur le glacier, abandonnant sa soeur sur son trône. L'endroit était gigantesque, une terre désertique deux fois plus vaste que Hoenn, qui était pourtant l'archipel doté de la plus importante superficie. Malgré cela, grâce à son lien qui le rattachait à son pokémon, il n'eut aucun mal à débusquer celui-ci.
- Je sais, souffla ce dernier lorsqu'il l'eut rejoint. Je l'ai senti.
- Qu'elle est... humaine ?
- Elle n'est pas humaine, coupa-t-il catégoriquement. Je crois que son problème réside dans son incapacité à être légendaire. Quelque chose l'en empêche, mais quoi ?
- Cela peut-il être dû au fait qu'elle soit la seconde ? Qu'elle ne soit pas... moi ?
- Il n'y a jamais eu de cas similaires chez les autres, pas même chez Lamia et Horus, alors c'est une théorie plausible qu'il ne faut pas écarter.
- Régice... Jusqu'à aujourd'hui, son état avait demeuré stable, en dépit de sa faiblesse latente, mais maintenant, il s'est dégradé. Je crains que tu n'aies pas le choix. Tu dois en parler à Athéna. Elle aura peut-être une solution.
- Et si tel n'est pas le cas ?
- Alors c'est qu'il n'en existe pas, tout simplement. Si elle n'a pas de réponse, nul n'en aura. Va la chercher. Tu sais où est Rayquaza, et Rayquaza sait où elle est. Ramène-la ici avant qu'il ne soit trop tard.
Régice secoua la partie de son corps qui s'apparentait le plus à une tête et ses épaules articulées s'affaissèrent. Un cliquetis, l'équivalent d'un soupir chez lui, lui échappa. Crios éprouvait de la peine et de la compassion à son égard.
- Tout est de ma faute. J'ai... Tu avais raison. J'aurais dû réfléchir à deux fois avant d'agir de la sorte. Peut-être... Peut-être ne sommes-nous pas faits pour avoir plusieurs humains.
- Tu ne pouvais pas le savoir, essaya de le réconforter celui à qui il était lié.
- Non, mais je n'avais pas besoin d'expérimenter non plus. Si elle est dans cet état, j'en suis le seul responsable. Il faut que je répare mon erreur. Athéna sera ici aussi vite que le temps me le permet.
***Crios leva les yeux en direction du ciel grisâtre. Il n'y avait pas le moindre nuage, uniquement l'éther qui s'étendait à perte de vue. Il était assis sur le sol et Eurybie était pelotonnée contre lui, contemplant elle aussi cette immensité. Il avait passé un bras autour de sa taille, afin de la caler.
- G-Grand f-frère... bredouilla-t-elle soudain.
Comme son corps était blotti contre le sien, il perçut immédiatement le frisson qui le parcourut. Sa cadette tremblait. Pire que cela, elle grelottait. Sa peau déjà pâle de nature était désormais blafarde et l'extrémité de ses doigts se violaçaient. Elle avait froid.
C'était la pire chose qui pouvait se produire. Bloqués sur un glacier, il n'y avait rien qui lui permettrait de réchauffer sa soeur : ni feu, ni couverture, ni abri qui ne soit pas constitué entièrement de glace. Quelle ironie pour elle de craindre à présent ce matériau cristallin auquel elle était censée devoir la vie.
Cela faisait désormais cinq jours que Régice était parti et rien n'annonçait un retour imminent de sa part, quand sa présence aurait pourtant été nécessaire. Crios ne savait que faire. Il aurait fallu transporter Eurybie au plus vite jusqu'à Sinnoh, mais il n'en avait pas les moyens. Si gagner la région à la nage ne lui faisait pas peur, même en la portant sur son dos, il redoutait les effets qu'un bain glacé aurait sur elle.
Il ôta rapidement son manteau et le gilet en laine qu'il arborait par-dessous pour l'en recouvrir. Malgré cela, elle ne cessa pas de frissonner. Il entoura son buste frêle de ses bras, mais son corps n'émettait pas suffisamment de chaleur pour lui permettre d'accroître la température de celui de sa cadette.
- Tiens bon, mon ange. Régice va bientôt revenir. Il m'a promis qu'il ne serait pas long.
- J-Je t-te c-crois.
Elle s'étendit sur les genoux de Crios et celui-ci mordit son poing lorsqu'il fut certain qu'elle ne le regardait pas. Il désirait tellement faire quelque chose pour lui venir en aide, mais quoi ? Il n'y avait pas le moindre morceau de bois sur cet inlandsis. Pour allumer un feu, il devrait aller en chercher ailleurs, toutefois il était absolument exclu qu'il laisse Eurybie toute seule.
Il espérait qu'Athéna saurait trouver une solution à son problème, quel qu'il soit, sitôt qu'elle aurait eu connaissance de la vérité. Il connaissait sa répugnance à utiliser le pouvoir immense des Zarbis, néanmoins il n'hésiterait pas à la forcer à l'employer si elle ne s'y résolvait pas d'elle-même.
- Donne-moi la main, Eurybie. Et surtout, quoi qu'il arrive, ne la lâche pas. Promets-le-moi.
Elle eut un peu de mal à refermer ses doigts engourdis autour des siens, mais dès qu'elle y fut parvenue, elle les pressa avec autant de force que lui permettait sa constitution déplorable.
- C-Crios ? murmura-t-elle après un long silence.
- Oui, ma chérie ?
- J-Je suis f-fatiguée. Je v-veux dormir.
- Non ! s'écria-t-il aussitôt.
Si Régice refusait catégoriquement d'admettre qu'elle était humaine, elle en avait tous les symptômes. Elle souffrait désormais d'hypothermie et son aîné savait parfaitement ce qui en résulterait si elle venait à s'assoupir : à l'instar des mortels, elle ne se réveillerait sans doute pas.
L'espoir lui revint lorsqu'il perçut l'approche de Régice au plus profond de lui-même. Il se força à esquisser un sourire crispé afin de redonner du courage à Eurybie, néanmoins celle-ci se contenta d'agiter faiblement sa longue chevelure blonde en secouant la tête de gauche à droite.
- Je ne... Je ne le sens pas. C'est comme... Le lien a disparu, Crios. Il n'est plus là.
Au même instant, le Golem apparut sur l'extrémité du glacier, transperçant la mer dans une gerbe d'éclaboussures. La silhouette de Ho-Oh se découpa un instant plus tard dans le ciel. Athéna était assise sur son dos, les bras enserrés autour de la taille de Prométhée, tandis que l'oiseau fonçait vers le sol.
- Le monde soit loué, vous êtes là ! s'exclama l'humain légendaire. Et vous, vous êtes précisément la personne qu'il lui faut. Il faut la réchauffer, vite !
Sans perdre un instant, le géant barbu sauta lourdement à terre pour marcher d'un pas démesuré vers Eurybie. Crios se mit debout pour lui céder sa place auprès d'elle, car ses pouvoirs qui lui permettaient de contrôler la chaleur seraient sûrement plus utiles à sa soeur que sa présence.
- Je ne sais comment vous remerciez d'être venue, Athéna.
Après avoir jeté un dernier regard anxieux à sa cadette, il était venu s'incliner devant la fille de Zeus. Cette dernière abaissa légèrement la tête en guise de salutation, sans se départir de l'air grave qui dénaturait ses traits si doux.
- Je crains que tu ne regrettes tes remerciements, Crios, lorsque tu vas apprendre que je suis la porteuse de mauvaises nouvelles.
- Que... Elle... Non...
Il comprit aussitôt. Athéna ne pouvait rien pour sa soeur, sans quoi elle se serait empressée d'agir au lieu de tenir de tels propos. A moins qu'elle ne le veuille tout simplement pas, ce qui était une probabilité à ne pas exclure. Son respect de l'équilibre la poussait souvent à se comporter de façon antithétique.
- Pourquoi ?
Ce fut le seul mot qu'il parvint à prononcer. Un profond chagrin étreignait son être. Il était incapable de se résoudre à croire qu'il n'y avait rien à tenter pour sauver Eurybie, dont l'état ne cessait désormais d'empirer. Les légendaires ne devaient pas connaître cette échéance qu'était la mort.
- J'ai perdu le lien, Crios, avoua Régice. Je ne la sens plus.
- Elle non plus ! Cela n'a rien d'étonnant, elle est très faible. Il faut simplement lui permettre de recouvrer de l'énergie, elle...
- Elle en manquait déjà au départ. Tu l'as dit toi-même. Comment pourrait-elle posséder quelque chose qu'elle n'a jamais eu ?
- Je refuse de penser que... Athéna, je vous en prie... Je vous en supplie... Sauvez-la. Ne la laissez pas mourir.
Il s'exprimait à voix très basse, de façon à ce que sa cadette ne puisse pas l'entendre. Son intention semblait cassée par les larmes qu'il n'avait pas la capacité de verser. La déesse posa sur son épaule une main compatissante. Elle paraissait partager la peine qui était la sienne.
- J'aimerais agir dans son intérêt, mais hélas, je n'en ai pas le pouvoir.
- Les vôtres sont pourtant presque illimités... Si vous ne faites rien, qui...
Les yeux d'Athéna se tournèrent malgré eux vers Régice, avant de revenir sur Crios. Celui-ci avait déjà reporté son intérêt sur le Golem. Il l'interrogea d'un regard rempli d'espoir, cependant le pokémon se contenta de secouer son énorme masse en signe de dénégation.
- Je ne t'en veux pas d'avoir eu raison à mes dépends, toutefois je me sens coupable de t'infliger cette souffrance à présent. Je ne peux rien pour elle. Personne ne le peut.
- Personne ? Mais... Et vous ?
- La question n'a jamais été soulevée, néanmoins Régice en a apporté la réponse, expliqua doucement la fille de Zeus. Les légendaires ne peuvent avoir deux humains. Le lien qui leur permet de grandir, de s'épanouir et de faire d'eux à leur tour des dieux est exclusif. Eurybie n'a pu bénéficier de cette connexion qu'au moment de sa création, avant qu'elle ne s'estompe progressivement sans lui laisser le temps d'y puiser l'énergie nécessaire à son bon développement.
- Donc elle va mourir parce que... je profite de la solution qui lui permettrait de survivre ? C'est bien cela ? Si je n'existais pas, Eurybie pourrait puiser en Régice suffisamment de forces pour se développer ?
- C'est ex...
- Crios, je t'interdis de songer à cela ! coupa catégoriquement le Golem. Il est hors de question que je tolère une telle folie.
- Préfères-tu que je regarde ma soeur périr ? Comment peux-tu tolérer cela ? Elle est ton oeuvre autant que moi. Pourquoi choisir entre nous deux ? Athéna, si vous avez un moyen de couper le lien qui me rattache à Régice et de l'offrir à Eurybie, faites-le, je vous en conjure !
- Non ! hurla le Golem.
- Ce n'est pas à toi de prendre cette décision, c'est à moi. Athéna, ne l'écoutez pas ! Faites ce que vous pouvez pour la sauver.
- Crios, je...
- Crios, réfléchis une seconde ! Si c'est le lien qui lui manque pour vivre, le perdre te tuera certainement.
- Peu importe. C'est un risque que je suis prêt à courir si cela permet de l'épargner. Je n'ai pas choisi qu'elle vive, mais je ne supporterais pas qu'elle meurt.
Régice aurait répliqué si le reproche acerbe contenu dans les paroles de son humain ne l'avait pas rendu temporairement muet. La divinité se détourna complètement de lui afin de jeter un regard suppliant à la fille de Zeus. Elle se contenta de prendre une profonde inspiration, sans prononcer le moindre mot.
- Athéna, c'est mon choix. S'il vous plaît.
- Je ne peux pas, Crios. Je suis désolée.
- Vous ne pouvez pas ? Ou vous ne voulez pas ? s'emporta-t-il. Si vous ne savez pas comment vous y prendre, interrogez les Zarbis. Je sais que vous répugnez à le faire, mais quand l'existence de quelqu'un est en jeu, faites l'effort de mettre vos scrupules de côté pour lui venir en aide.
- Ils...
- N'agissez pas comme Arceus. Ne refusez pas de tendre la main à ceux qui vous la réclame. Je vous ai toujours suivi aveuglément jusqu'à présent, sans jamais vous demander quoi que ce soit en retour. Aujourd'hui, c'est le cas. Ce sera la seule et unique fois. Ne condamnez pas cette requête.
- Crios, je...
- Je sais. Régice a sûrement enfreint cet équilibre que vous tendez à protéger en donnant naissance à Eurybie, mais elle est bonne et pure. Je l'ai senti. Elle ne l'altérera pas, vous pouvez me faire confiance. Elle...
- Crios, j'ai déjà soumis ce problème aux Zarbis.
Le dieu, qui s'apprêtait à poursuivre sa tirade, se figea, la bouche légèrement entrouverte, tandis que son flot de paroles s'interrompait. Il lui fallut plusieurs secondes avant de parvenir à cligner des paupières, un temps qui fut nécessaire à Athéna pour communiquer à son tour :
- Si j'avais pu la sauver, d'une quelconque façon, je l'aurais fait. En remerciement de ta loyauté d'une part, mais aussi parce qu'aucune âme ne mérite de périr à cause des erreurs des autres.
Son regard se posa un instant sur Régice. En dépit de sa remarque, l'expression de son visage demeura douce, dénuée du moindre jugement. C'était en cela qu'elle se différenciait à la fois d'Arceus et de Némésis.
- Le sacrifice que tu serais prêt à commettre pour ta soeur est louable, même s'il n'en est en réalité pas un. Un siècle est nécessaire aux légendaires pour atteindre leur maturité. Passé ce délai, ils peuvent parfaitement survivre sans connexion avec leur pokémon.
- Alors... Pourquoi ?
- Aucun sortilège ne peut briser un lien comme celui-ci. Même ma magie blanche n'aura aucun effet sur lui.
- Et si je meurs ? Car vous savez que c'est possible. Nous ne sommes pas réellement immortels, Isis en est la preuve. Cela coupera-t-il cette force qui rattache Régice à moi ?
- Non ! protesta ce dernier. Crios, non !
Athéna resta silencieuse durant de longues minutes. Ses mains se rejoignirent au niveau de son ventre, pour s'entrelacer ensemble. Ses épaules bougeaient au rythme régulier de sa respiration. Enfin, après un moment qui parut durer une éternité, elle déclara d'un ton funeste :
- Oui. C'est d'ailleurs le seul moyen qui existe.
- Et connecter Eurybie ? Vous sauriez le faire ?
- Je... Crios, tu connais mes pouvoirs. Ils sont quasiment sans limite, mais ils souffrent également d'une grande instabilité et ont parfois des conséquences désastreuses que nul ne désire. C'est un risque que je refuse de courir. Je vais être honnête avec toi : je n'ai aucune envie que tu te sacrifies. C'est très triste pour ta soeur, j'en conviens, mais tel est mon opinion. Qui plus est, si jamais j'échoue, tu aurais agi ainsi pour rien. Je ne suis pas certaine d'être capable de la relier à Régice, même si tu choisis de mettre un terme à ta vie pour me donner une chance d'y parvenir.
- N'y a-t-il pas quelqu'un d'autre qui...
Le légendaire s'interrompit. Si, bien sûr, il y avait quelqu'un d'autre. Héra. C'était même là que résidait son don, en plus de lui permettre de maîtriser la magie blanche, à l'instar de sa nièce. Après la mort d'Isis, qui avait attaché Horus à Rayquaza à sa naissance, elle s'était elle-même chargée de Lamia, ce qu'elle avait ensuite amèrement regretté à la vue de la haine meurtrière qu'elle éprouvait à son encontre.
- Il n'y a évidemment aucun moyen pour qu'elle accepte. Elle vous déteste et, par conséquent, elle ne nous porte pas non plus dans son coeur, souffla Crios, effondré par le désespoir. Et je suppose qu'en dehors d'elle, il n'y a personne susceptible de lui venir en aide, n'est-ce pas ?
Athéna se mordit la lèvre. Elle ne pouvait lui avouer la vérité. Elle ne pouvait révéler que Circé avait mis au point un rituel permettant de lier un pokémon à un humain. Cela serait trahir le secret qu'elle avait juré de garder et qui concernait Pandore. Elle n'avait pas le droit de faillir à sa promesse. Qui plus est, si elle offrait le moindre espoir à Crios, celui-ci n'hésiterait pas à s'ôter la vie, or elle ne voulait pas que cela se produise.
- Peut-être qu'en la suppliant... poursuivit-il.
- Non ! l'interrompit-elle brusquement. Non, tu ne dois pas mentionner son existence à Héra, ni à aucun membre de la Confrérie, d'ailleurs.
- Pourquoi cela ?
- Arceus ne voit pas plus loin que l'extrémité de son museau, tu le sais. S'il apprend qu'il est possible de créer un second légendaire, il percevra cela comme une menace et redoutera que les Renégats ne s'y essaient.
- A quoi bon prendre peur, puisque les doubles sont condamnés dès leur naissance ?
- Il est borné. Nous avons tous vu de quoi il était capable lorsqu'il a banni Giratina et exilé Lilith. Il ne cherche pas à comprendre, ni même à entendre. Il tuera Eurybie avant que nous ayons pu lui prouver qu'elle est inoffensive.
- Elle va mourir de toute manière ! protesta Crios.
Un soupir échappa à Athéna. D'une main, elle effleura sa longue chevelure noire, avant de la repousser vers l'arrière. Elle détestait la situation dans laquelle elle se trouvait. Elle voudrait pouvoir aider la jeune déesse, toutefois elle ne pouvait se résoudre à y laisser la vie de son ami.
- Quoi que nous tentions, le pourcentage pour que cela se produise est le plus élevé. Ta soeur n'a que très peu de temps devant elle. Pas suffisamment pour arriver à convaincre Héra d'interférer en sa faveur ou à moi-même pour maîtriser à la perfection le sortilège. Toi, en revanche, tu peux vivre.
- Croyez-vous vraiment que j'en serai capable sans elle ? Elle est... Elle est la plus belle chose qui me soit arrivée en trois siècles d'existence. Comment puis-je renoncer à elle ? Elle est si jeune, si pure... Elle ne mérite pas une telle tragédie.
- La vie est injuste. Arceus n'a pas créé le monde parfait auquel il aspirait, sinon cela ne se produirait pas. Et c'est également pour cette raison que j'ai choisi de veiller sur l'équilibre. Comprends-tu, à présent, pourquoi il est si important ? Eurybie n'a pas sa place ici. Bien sûr, Régice l'ignorait, toutefois elle en paye le prix. Nous devons apprendre de nos erreurs. Reste en vie, Crios, afin de m'aider à éviter que ce genre de drame ne se reproduise. Tous ensemble, nous pouvons protéger cet équilibre, j'en suis convaincue.
Il ne répondit pas immédiatement. Son regard se troubla tandis que son esprit s'égarait dans les méandres de ses pensées. Comme toujours, les paroles d'Athéna étaient empreintes de sagesse, mais comment leur donner un sens quand sa douleur promettait d'être insupportable ?
Lilith avait pratiquement sombré dans la folie lorsque Giratina avait été banni. Osiris avait préféré se plonger dans un sommeil illimité plutôt que de vivre sans Isis. Quant à Mew, il avait tout simplement disparu de la surface de la planète. Peut-être s'était-il suicidé, juste après que le lien ne se soit rompu entre lui et son humaine.
- Je sais ce que tu ressens. Chaque jour qui passe, je le vis sans Jirachi. Je ne sais même pas s'il se réveillera un jour. Zeus est persuadé que si, mais moi...
- Les Zarbi ne peuvent-ils pas vous renseigner à ce sujet, afin de dissiper vos craintes ?
- Leur savoir ne s'étend pas jusqu'à moi, ni jusqu'à lui. Nous sommes imperméables à leur don, exactement comme cela était le cas pour Némésis.
- Comment faites-vous pour supporter cela ? Pour exister... sans lui ?
- Je me raccroche à ce que j'ai. A vous, à mes amis... A mon père.
Crios ne releva pas. Il savait combien elle aimait Zeus, qui l'avait éduquée et protégée lorsqu'elle s'était retrouvée seule à la naissance. C'était d'ailleurs la principale, et désormais unique, raison qui la poussait à être encore loyale à Arceus, en dépit de ses actes qu'elle condamnait pour la plupart.
- Tu vas souffrir, c'est vrai. Longtemps. Plus longtemps qu'une vie humaine, à n'en pas douter. Je serai là, cependant, pour te soutenir dans ton épreuve. Je te promets que tu pourras compter sur moi. Et le moment venu, tu verras qu'il ne te sera plus aussi difficile de continuer à vivre, parce que tu le feras pour elle. Parce qu'elle existera encore en toi. Dans ton coeur, c'est le sien que tu sentiras battre, et tu lui parleras. Elle t'entendra.
- C'est ce que vous faites avec Jirachi, n'est-ce pas ?
Athéna acquiesça d'un hochement de tête mélancolique. Crios marqua une légère hésitation, la dernière, avant de tourner les talons. Prométhée était toujours assis sur le sol, une douce chaleur émanant de son corps pour réchauffer celui glacé d'Eurybie. Pelotonnée contre cette individu démesuré, elle paraissait plus fragile et plus petite que jamais.
- J-Je vais mourir, c'est c-cela ?
- Mon coeur, je... Oh ! Comment puis-je songer à ne pas t'offrir ma vie, même si cela ne sert à rien !
- J-Je ne veux p-pas que t-tu le fasses. J-Je veux j-juste que tu m-me promettes...
- Oui ? Tout ce que tu désires, ma chérie.
- Une ch-chanson. D-Demande à Apollon de c-composer une chanson p-pour moi. Afin qu'il r-reste toujours q-quelque chose de moi... pour toi.
D'un rapide regard, il interrogea Prométhée. Celui-ci se contenta de hausser les épaules. Le jumeau d'Artémis étant un partisan farouche d'Arceus, il refuserait sûrement de lui accorder cette faveur, d'autant que cela incluait également de lui révéler l'existence, même trop brève, d'une seconde légendaire.
- Je saurai le convaincre. Tu as ma parole.
Il ne pouvait décemment refuser cette dernière volonté à sa soeur, encore moins quand elle le fixait avec une telle lueur d'espoir, en dépit de l'atmosphère de tristesse qui régnait sur la banquise.
- J'ai aussi u-un autre s-service à te demander, grand f-frère.
- Accordé par avance. De quoi s'agit-il ?
- J-Je souhaite v-voir tes sculptures... en v-vrai.
Crios pressa doucement la main de sa cadette dans la sienne, pendant que Prométhée l'interrogeait du regard. Ses pouvoirs ne suffisaient pas à la réchauffer. Bientôt, son corps serait si affaibli qu'elle fermerait les yeux pour ne jamais plus les rouvrir.
- De quoi parle-t-elle ? Quelles sont ces sculptures ?
- Des fleurs. Je lui ai fabriqué des fleurs de glace pour la divertir. Où vais-je en trouver, toutefois ? Elles mourront avant que je ne puisse les lui ramener. Le froid aura raison d'elles.
- Si la végétation ne peut pas venir à elle, nous la conduirons à la végétation.
- Dans son état ? Je ne crois pas qu'il soit raisonnable de la transporter. Elle...
Crios s'interrompit. Eurybie rendrait son dernier souffle, de toute manière. Puisque cela était inéluctable, autant lui offrir comme dernière demeure l'endroit qu'elle aurait choisi. Il hocha la tête afin de donner son consentement à Prométhée, toutefois ce fut Athéna qui prit la parole :
- Je sais déjà dans quel lieu tu ferais bien de la conduire.
***- Oh, Crios, c'est magnifique !
Eurybie poussa une exclamation de joie lorsque Ho-Oh survola Floraville. Il se posa un peu à l'écart du village, de façon à ne pas attirer sur lui l'attention des mortels qui y vivaient, puis patienta dans un espace retiré où personne ne risquerait de venir le surprendre.
Crios porta sa soeur, qui peinait de plus en plus à lutter contre sa faiblesse, jusqu'aux champs de fleurs qui bordaient la cité. Leur parfum embaumait à un kilomètre à la ronde, tant elles étaient nombreuses et odorantes. Elles étaient presque irréelles, magiques... S'il n'avait pas connu la haine farouche que Circé vouait aux humains, il aurait juré qu'elle à l'origine d'un tel enchantement.
- Dire qu'il y a tant d'autres lieux magnifiques que tu n'auras jamais l'occasion de voir... murmura-t-il.
Sa souffrance se percevait même à travers sa voix. Son timbre était rendu vibrant par l'émotion. Contrairement à lui, Eurybie n'exprimait plus la moindre tristesse. Son visage était fendu par un large sourire et ses yeux brillaient d'une lueur émerveillée.
- Merci de m'avoir emmenée ici, grand frère. Je crois que c'était le plus beau cadeau que tu pouvais me faire. Je rêve depuis si longtemps de voir ces fleurs autrement qu'en cristal. Elles sont plus belles encore que dans mon imagination.
Elle pouffa doucement lorsqu'un Apitrini frôla sa chevelure blonde pour aller se poser un peu plus loin et butiner le pollen présent sur l'un des spécimens floraux alentour. Elle ramena ensuite ses grandes prunelles insouciantes sur Crios, qu'elle observa avec tendresse.
- Je n'ai plus peur, désormais. Mon unique regret est de te laisser seul, mais je sais que tu continueras de vivre pour nous deux, n'est-ce pas ? C'est ce que ton amie Athéna t'a demandé, non ?
- Tu as entendu notre conversation ?
- Seulement les fragments que le vent portait jusqu'à moi. Je t'aurais interdit de te sacrifier pour moi, de toute manière, si elle n'avait su t'en convaincre avant.
Puisant dans ses dernières ressources énergétiques, Eurybie arracha la tige d'une fleur, au milieu desquelles ils se trouvaient à présent, et en huma le parfum. Elle la tendit ensuite à Crios, afin que celui-ci puisse en faire de même. Tout comme sa soeur, le végétal était doux, sublime, mais hélas éphémère.
- J'aurais aimé que nous ayons plus de temps, à défaut de posséder l'éternité, et pouvoir tenir ta main un peu plus longtemps.
- Tu as été là du début à la fin, grand-frère. C'est la seule chose qui compte. Merci pour tout.
- Tu n'as pas à remercier. Je t'aime, Eurybie.
- Moi aussi, je t'aime.
Il l'enserra contre lui avec tendresse, et raffermit son étreinte lorsqu'il sentit son corps s'affaisser contre le sien. Les paupières de la jeune légendaire se fermèrent, ses cils dorés venant caresser sa joue blême, tandis qu'il l'étendait sur le sol. S'il n'avait pas craint d'attirer l'attention des humains alentour, il aurait certainement poussé un cri de désespoir.
- Adieu, petite soeur, souffla-t-il, la voix cassée par les larmes qu'il ne pouvait verser.
***Yohanna essuya les pleurs qui ruisselaient le long de ses joues. Elle sortit un mouchoir de sa poche pour absorber le liquide cristallin, puis le rangea à sa place. L'histoire de Crios l'avait émue au point que son chagrin devienne pratiquement le sien.
- C'est tellement triste... Comment pouvez-vous montrer une telle joie de vivre, désormais, quand un tel drame vous a frappé ? Depuis que j'ai... Depuis le jour où vous m'avez sauvée la vie, l'allégresse a totalement disparu de mon existence.
- J'ai mis beaucoup de temps à m'en remettre. Athéna a été un précieux soutien, bien sûr, mais Horus plus encore. Il avait perdu sa mère, aussi était-il le mieux placé d'entre tous pour comprendre ma peine. Régice et moi, toutefois, ne nous sommes plus adressés la parole pendant de nombreuses décennies, suite à cela.
- Vous lui en vouliez ?
- Pas vraiment. Disons simplement que c'était trop douloureux pour nous deux. Nous avions besoin de faire notre deuil séparément.
Crios ouvrit une immense porte, qui donnait sur une salle d'une envergure tout aussi impressionnante. Yohanna fut impressionnée par la splendeur des lieux, ainsi que par ce qu'elle découvrit à l'intérieur. Des statues de glace occupaient la majeure partie de l'espace.
- C'est elle ?
Elle désigna la sculpture représentant une jeune fille aux traits doux, avec une longue chevelure et un maintien gracieux. Le légendaire, à côté d'elle, acquiesça d'un hochement de tête. Il étendit les doigts pour effleurer ceux de la demoiselle de cristal, tendus devant elle, la paume orientée vers le plafond comme une invitation.
- Elle était vraiment magnifique. Je suis flattée que vous trouviez une certaine ressemblance entre nous.
Un peu plus loin se trouvait la seule et unique fleur qu'elle avait eu l'occasion de cueillir, juste avant de s'éteindre dans les bras de son frère. Elle était prisonnière d'un bloc de givre, qui l'avait immortalisée à jamais.
Yohanna se figea, toutefois, tétanisée, lorsque son regard se posa sur le gigantesque cercueil translucide, située à l'autre extrémité de la vaste pièce. Une silhouette figée se découpait à l'intérieur, indiscernable. Son coeur s'emballa dans sa poitrine, alors qu'elle faisait face au corps congelé d'Eurybie.
- Il lui fallait une sépulture digne d'elle, affirma Crios quand il s'aperçut de son visage blême. Je ne pouvais la laisser à Floraville, ni n'importe où ailleurs. Hercule a eu l'idée de l'installer ici, au milieu de toute cette glace qui est, après tout, une partie de nous.
- C'est un peu... glauque, avoua la jeune femme. Je peux comprendre toutefois ce qui vous a poussé à agir de la sorte. Mais dites-moi... Qu'en est-il de votre promesse ? L'avez-vous tenue ? Etes-vous parvenu à persuader Apollon de composer une chanson pour elle ?
Les commissures des lèvres du légendaire se soulevèrent légèrement pour dessiner sur ses traits l'ébauche d'un sourire. Cela égaya un peu l'expression triste qu'il arborait jusqu'à présent. D'une voix paisible, il invita Yohanna à le suivre dans un espace retiré de la salle. Un élégant autel, également constitué de glace, s'y dressait.
Plusieurs objets étaient posés dessus, rendant tous hommage à Eurybie d'une quelconque façon. Le plus imposant d'entre eux était un gigantesque bloc de glace, sur lequel une série d'inscriptions en Ancien Langage était gravée. Comme la religieuse n'en comprenait pas le moindre mot, Crios les déchiffra pour elle.
Un matin sur ta beauté
Le soleil s'est levé
J'ai vu ton sourire
Entendu ton rire
Jamais ils ne m'ont quitté
Mais toi tu l'as fait
Un jour sur ta candeur
S'est arrêté mon coeur
Je t'ai aimée, je t'ai chérie
A présent, je te languis
Je murmure ton nom
Auquel jamais tu ne réponds
Un soir sur ton existence
La mort a signé ta déchéance
Tes paupières se sont fermées
Tes lèvres se sont scellées
Mais tu survis dans mon esprit
Car c'est pour toi que je vis
Mon ange, repose en paix
Tu n'as pas à t'inquiéter
Mon amour pour toi est éternel
Il s'étend aux confins du ciel
Ainsi un peu de toi demeure
A jamais dans mon coeur- C'est sublime. Malgré nos camps opposés, je dois admettre que ses vers sont magnifiques. Il a vraiment un talent inégalable. Comment avez-vous fait, pour le convaincre ? Je suis curieuse de le savoir.
- Athéna m'a parlé de ton amie Cassy et des différents qui l'ont opposé à son frère, raison pour laquelle la nouvelle Confrérie a été elle aussi déchirée en deux, comme la nôtre, avant de réussir enfin à se réunir. Je suppose que, par conséquent, tu n'auras aucun mal à comprendre cela : la meilleure façon de haïr une personne, c'est encore de l'avoir aimé par-dessus tout. C'est d'autant plus puissant lorsqu'il s'agit de son sang.
- Apollon a accepté de composer cette chanson... à cause d'Artémis ?
- Nous ne nous sommes pas toujours détestés les uns les autres dès notre apparition. Il a adoré sa soeur, en effet, comme je suppose Cassy a adoré son frère, autrefois.
Yohanna ne releva pas. Tina lui avait effectivement confié que la défection de la meneuse de la Confrérie avait été immense lorsqu'elle avait découvert son véritable visage. Même si elle n'abordait jamais le sujet ouvertement, sa monumentale déception se lisait sur ses traits à chaque fois qu'il lui fallait prononcer son nom.
- Il ne vous a jamais trahi ? Il n'a jamais soufflé mot à Arceus, Zeus ou même Héra de la création d'Eurybie ?
- A quoi bon ? Son existence s'est achevée presque aussi vite qu'elle a commencé. Malgré l'animosité qui règne entre nous tous depuis le schisme, il n'aurait retiré aucune satisfaction en agissant ainsi.
La jeune femme garda le silence encore une fois. Elle pouvait comprendre qu'Athéna refuse de voir le sang couler : peut-être, dans le fond, y avait-il du bon dans chaque camp, quel qu'il soit ? En dépit de cela, la Confrérie originelle restait leur ennemie jurée. Cela ne changeait rien au fait que les partisans d'Arceus avaient pour volonté de les tuer et que le seul moyen de les arrêter dans leur entreprise était de les atteindre avant qu'eux n'y parviennent.
- C'est donc pour cela que vous tenez à m'enseigner des méthodes offensives que je ne possède pas encore ? Pour que je ne subisse pas le même sort que votre soeur ?
- En effet. Je t'apprécie beaucoup, Yohanna. Infiniment. Je me sens concerné par ta sécurité plus que par celle de n'importe qui, sans doute parce que j'ai été l'unique personne auprès de toi lorsque tu t'es retrouvée véritablement toute seule.
Elle acquiesça d'un hochement de tête, sans souffler mot. La reconnaissance qu'elle éprouvait envers lui était sans égale. Si elle n'avait pas croisé Crios sur sa route, elle n'aurait sûrement jamais eu le courage d'essayer de remonter la pente après sa déchéance.
- Vous pensez vraiment que cet exercice que vous m'avez appris pourra me sauver la vie le moment venu ? interrogea-t-elle après un instant de silence.
- Juste cet exercice ? Non. En revanche, le cadeau qui l'accompagne et que je m'apprête à te faire le permettra certainement.
- Un cadeau ? Quoi donc ?
- Après la mort d'Eurybie, j'ai étudié avec davantage d'assiduité les liens qui me reliaient à Régice, et j'ai fini par découvrir quelque chose d'assez extraordinaire. Nous pouvons, nous aussi, nous attacher à des pokémon, à condition que ceux-ci ne soient pas légendaires.
- Comme Artémis avec son Cerfrousse ?
- Ou Inari avec son Feunard, même si elle ne le montre jamais en public. C'est exactement cela. Moi aussi, j'ai domestiqué un pokémon. Je lui ai transmis un peu de ma force et, au fil des décennies, elle est devenue la sienne.
Crios glissa sa main derrière le bloc de glace sur lequel la chanson de sa cadette était gravée et en tira une sphère parfaite, constituée en apparence de cristal. Elle se composait de deux parties séparées par une fine fente, qui reproduisait le mécanisme d'une pokéball.
- C'est pour toi.
- Pour moi ? souffla Yohanna, incrédule. Mais... Mais...
- Il y a à l'intérieur l'arme qui donnera les moyens de rester en vie lorsque la situation l'exigera. Ne l'utilise toutefois qu'en dernier recours, quand tu n'auras plus ni espoir, ni échappatoire. Avec la puissance que je lui ai insufflé, couplée à celle que ton glyphe est capable de lui fournir, elle est très dangereuse, à condition de ne pas manquer sa cible.
- Même face à Arceus ?
- Face à quiconque menacera ton existence, mon enfant.
Crios étendit un bras dans sa direction et elle fit un pas vers lui, de façon à ce qu'il puisse le refermer autour de sa taille. Elle l'étreignit à son tour avec tendresse, avant de lui murmurer en plongeant son regard dans ses prunelles grises :
- Merci. Pour tout.
- Tu pourras toujours compter sur moi.
- Je sais que cela n'a pas grand sens pour vous, un légendaire, mais... hésita-t-elle à dire. Vous aussi, vous pourrez toujours compter sur moi.
Le dieu lui adressa un sourire, mélange de fierté et d'affection, qu'elle lui rendit. Elle ne s'attendait pas à ce présent qu'il venait de lui faire, mais cela ne faisait qu'accroître sa gratitude à son égard. Elle suivrait ses instructions, elle resterait en vie coûte que coûte. Pour Cassy, pour la Confrérie, mais également pour qu'il n'ait pas à souffrir de la perdre elle, comme il avait eu la douleur de perdre Eurybie.