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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 10/08/2017 à 00:11
» Dernière mise à jour le 14/12/2017 à 17:55

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre -15 : Mâchoires de béton
« Baissez la tête. » ordonna l'un des passeurs.

Will, toujours aveuglé par la cagoule, s'exécuta en silence. S'il ne s'était pas trompé, cela faisait près d'une demie-heure qu'ils vagabondaient dans les corridors abandonnés du réseau de métro d'Omnia.

Par réflexe, il avait compté les virages et essayé de retenir le maximum de détails sonores et olfactifs, comme on le lui avait enseigné à l'Académie. Ils avaient descendu des escaliers, tourné plusieurs fois en rond, et il était désormais évident que les passeurs leur faisaient prendre un itinéraire volontairement complexe afin de les perdre. Plusieurs fois, il avait entendu des rames de métro passer au loin, mais force lui était d'avouer que malgré sa formation à ce genre de situation, il serait probablement incapable de retrouver la sortie seul.

« Arrêtez-vous. » fit soudain une voix dans l'obscurité.

Le détective obtempéra, et sentit qu'on lui retirait sa cagoule. Will se retrouva soudain dans une salle aux murs pavés, assez basse de plafond, d'où partaient trois tunnels dans trois directions différentes. Il cligna des yeux, ébloui par la luminosité de la lampe blafarde qui se balançait au plafond.

A sa droite, il aperçut Tia, qui se massait les tempes d'un air las.

« Le Huitième va arriver pour identification. » lança un passeur.

Will résista à l'envie de poser des questions. Voyant que personne ne brisait le silence, il prit son mal en patience, vérifiant que son arme était toujours dans son holster. N'ayant pas pu voir le visage de leurs trois accompagnateurs jusqu'ici, il jeta un bref regard par-dessus son épaule et constata qu'ils étaient masqués.

Au bout d'une minute d'attente, une silhouette émergea du tunnel en face d'eux. Masquée elle aussi, elle était vêtue d'un long imperméable de forme ample, si bien que Will ne put dire s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme.

« Vous reconnaissez l'identité de ces personnes ? » lança alors l'un des passeurs sans attendre que la silhouette s'approche plus.

L'intéressé(e) acquiesça en silence.

« Bien. On vous laisse prendre le relais. »

On repassa la cagoule à Will, qui se retrouva à nouveau dans le noir. Excédé par tant de théâtralité, le détective lança à voix haute :

« On est bientôt arrivés, ou il va falloir attendre que l'un de vos chefs nous explique son plan machiavélique en détails ? »

Seuls les bruits de pas des trois passeurs qui s'éloignaient lui répondirent, ce qui ajouta à la frustration de l'ex-Elitien.

« La Résistance compte une dizaine de membres qui sont chargés de l'identification de ceux qui sont amenés, expliqua alors la voix de Tia à sa droite. Ce sont les garants de la sécurité de l'organisation.
- Il n'y a qu'eux à connaître vos effectifs, donc.
- Les dirigeants ont les chiffres, mais pas l'identité de chaque membre. Et chaque identificateur ne connaît qu'une petite partie des membres de la Résistance.
- Et vous pensez que tout ce cirque empêche les taupe de s'infiltrer parmi vous ? ironisa Will à voix haute.
- Oh, non. Mais tout ce processus, aussi fastidieux qu'il soit, permet de limiter les dégâts d'une trahison, ou d'une capture d'un de nos agents. »

Tia disait vrai.

En compartimentant ainsi les informations, la Résistance s'assurait de minimiser les dégâts causés par une éventuelle trahison ou capture de l'un des siens. Même si l'un des dix individus chargés de l'identification était retourné contre la Résistance, il ne pourrait entraîner dans sa chute qu'une petite portion des membres de l'organisation.

Will ne put s'empêcher d'admirer l'ingéniosité du procédé. Pour un ramassis de clandestins, la Résistance s'en sortait étonnamment bien – infiniment mieux que la majorité des gangs que le détective avait contribué à démanteler à l'époque où il était Elitien. Ce culte du secret, bien que rébarbatif, expliquait comment le groupe avait réussi à tenir tête au gouvernement le plus puissant du monde si longtemps.

Il rumina quelques minutes, ne prêtant qu'une oreille distraite aux consignes de leur guide qui les menait dans l'obscurité, leur ordonnant parfois de tourner à gauche ou de baisser la tête.

~*~
Lina, accoudée au balcon, regardait la pluie qui tombait dans la rue, maussade. Elle souffla les dernières volutes de fumée qu'elle puisse tirer de sa cigarette mourante, contemplant la surface ruisselante du bâtiment d'en face. Dans son dos, Anastasia s'était endormie sur le canapé en regardant la télévision.

Soudain, la jeune fille sentit son téléphone vibrer dans sa poche. Écrasant son mégot contre la rambarde, elle sortit l'appareil et jeta un œil au nom du contact affiché à l'écran. Le Rex.

Lina sentit son cœur rater un battement. Son père adoptif ne l'appelait jamais. Fébrile, elle glissa le doigt sur l'écran et décrocha.

« Allô ?
- C'est moi, fit la voix du Rex à l'autre bout du fil.
- Je sais lire, oui. Le nom du contact est affiché sur l'écran, tu sais. Qu'est-ce je peux faire pour toi ?
- Il s'est passé quelque chose de particulier, récemment ?
- Hein ? Comment ça ?
- Tu n'as pas remarqué quelqu'un qui vous suivait, toi ou ta sœur ? Quelqu'un qui t'a abordé dans la rue ? N'importe quoi d'étrange ?
- Euh… non. Non, je ne crois pas. Rien d'inhabituel. Enfin, rien d'inhabituel compte tenu qu'on doit déménager toutes les deux-trois semaines, répondit Lina sans pouvoir s'empêcher d'être sarcastique.
- Comment va Anastasia ?
- Elle dort.
- De manière générale. Comment va-t-elle?
- Y'a un truc qui va pas ? T'appelles jamais, et t'as l'air pressé. »

Lina entendit le Rex souffler à l'autre bout du fil. Après quelques secondes de silence, son père adoptif reprit :

« Pas la peine que tu viennes bosser au Windhall cette semaine. Reste à l'appartement. Évite de sortir.
- Hein ? Pourquoi ?
- Il va peut-être falloir que toi et ta sœur quittiez Omnia.
- Mais tu vas me dire ce qu'il se passe, merde ? s'énerva Lina.
- La Résistance vous surveille, voilà ce qu'il se passe.
- Hein ? La Résistance ? Mais pourquoi ? Parce qu'on est tes filles ?
- Oui. Mais ne t'en fais pas. On va les débusq... »

Le Rex s'interrompit, tandis que le brouhaha en arrière-plan s'accentuait. Lina distingua notamment la voix d'un des hommes de son père :

« … ont été récupérés. On est prêts, monsieur.
- Bien, répondit le Rex.
- … problème. Son garde du corps… Stelmar.
- Et merde. Attendez mon signal.
- Il se passe quoi ?
- Écoute, j'ai à faire. Edge te rappellera plus tard dans la soirée et t'expliquera tout. En attendant, occupe-toi d'Anastasia, et ne quittez pas l'appartement. Et reste loin des fenêtres.
- Qu'est-ce que... » commença Lina.

Elle s'interrompit en entendant la tonalité de fin d'appel. Le Rex venait de lui raccrocher au nez.

~*~
Will commençait à s'impatienter. D'après son décompte, cela faisait plus d'un quart d'heure que leur guide les menait à travers le dédale des sous-sols d'Omnia.

« C'est encore loin ? » lança-t-il.

Aucune réponse. Seuls les pas de leur guide et ceux de Tia à ses côtés venaient troubler le silence.

« Du calme. On ne devrait plus trop tarder. » lâcha la fille du Chancelier.

Le ton était mesuré, mais le détective crut y percevoir une pointe d'inquiétude. Ou peut-être était-ce lui qui se faisait des idées ?

L'espace d'un instant, il se sentit bien idiot de s'être laissé embarquer en terrain inconnu, sans aucun moyen de retrouver son chemin. Que se passerait-il s'il se faisait attaquer maintenant ? Si leur guide était un traître ?

Une pensée désagréable lui vint soudain en tête. La compartimentation des informations au sein de la Résistance était un atout, certes ; mais si chacun était plongé dans l'obscurité quand à l'identité de ses voisins, cela ne voulait-il pas dire qu'il était aisé d'infiltrer une taupe sans que quiconque puisse la démasquer ? Si chacun est encagoulé et masqué, comment savoir que son interlocuteur n'ait pas été remplacé par un traître ?

C'est à cet instant que Will crut sentir la Pokéball de Fenrir remuer à sa ceinture. Sentant son cœur rater un battement, il s'arrêta net, mais le Pokémon Feu ne se manifesta pas. Avait-il rêvé ?

« Il y a un problème ? murmura Tia en s'arrêtant à ses côtés.
- J'ai un mauvais pressentiment, répondit Will à voix basse. Pourquoi est-ce que le guide ne parle quasiment pas ?
- Pour ne pas être reconnu, j'imagine.
- Quelle garantie avez-vous que cet homme fait bien partie de la Résistance ?
- C'est un identificateur, rappela lentement la fille du Chancelier. Le Huitième sur les dix. Les passeurs nous ont mené à lui, et il a reconnu qui j'étais. C'est la procédure habituelle, que personne ne connaît en dehors de la Résistance. Je ne vois pas comment un externe aurait réussi à prendre la place d'un…
- Et quelle garantie avez-vous que cet homme ne nous emmène pas dans un piège ? » la coupa Will.

Un léger silence s'ensuivit.

« … Aucune, avoua Tia. Mais je doute que…
- C'est ici. » annonça alors leur guide, qui avait continué à avancer.

Sans attendre, Will retira sa cagoule, n'y tenant plus. Sur le qui-vive, il se retrouva plongé dans un couloir obscur, au bout duquel leur accompagnateur indiquait une porte de métal clouté et rouillé.

Main sur la crosse de son arme, il s'approcha lentement, vérifiant d'un coup d’œil que Tia le suivait.

« Qu'est-ce qu'il y a à l'intérieur ?
- La salle de réunion, répondit la fille du Chancelier derrière lui. Elle change à chaque fois.
- Vous ouvrez. » ordonna Will au guide.

Rabattant un pan de son imperméable, il dévoila son holster à leur accompagnateur, qui écarquilla légèrement les yeux. Sans chercher à négocier, la silhouette masquée s'approcha du battant métallique et attrapa la poignée, tirant lentement.

Il dévoila une petite pièce éclairée par une maigre lampe. Les murs de béton étaient étonnamment propres, comme si l'endroit avait été rénové récemment – un contraste saisissant, comparé à l'état des tunnels crasseux et rouillés qu'ils avaient traversés jusqu'ici.

Will jeta un rapide coup d’œil par la porte et constata que la pièce était entièrement vide, à l'exception d'une chaise et… d'un ordinateur ?

Le terminal était atrocement imposant – l'écran cathodique était une antiquité, et le clavier mécanique trahissait l'âge de l'installation.

Sans attendre, Tia rentra dans la pièce, dépassant Will qui lâcha son arme.

« Tout est en ordre. Vous pouvez y aller, identificateur. Merci de nous avoir amenés jusqu'ici. »

La silhouette hocha silencieusement la tête et tourna les talons, s'éloignant sous le regard suspicieux du détective, qui s'en voulut presque de l'avoir traitée ainsi.

Après s'être assuré qu'ils n'avaient pas été suivi, Will rejoignit Tia dans la pièce, refermant la lourde porte de métal derrière eux.

« Drôle de manière de faire une réunion, lança l'ex-Elitien en inspectant les murs à la recherche de mouchards.
- On ne se réunit jamais physiquement, expliqua Tia. Il y a d'autres terminaux du genre disséminés à plusieurs endroits dans ces tunnels. Ils sont connectés à un réseau local inviolable, et le matériel qu'on utilise est suffisamment vieux pour qu'on ait la certitude qu'aucun logiciel espion ne fonctionne sur ces ordinateurs. Lorsque nous décidons d'une réunion, chaque dirigeant de la Résistance est emmené devant un terminal comme celui-ci. »

La fille du Chancelier s'installa sur la chaise et démarra l'ordinateur, qui prit près d'une dizaine de secondes à s'allumer – une lenteur qui aurait été inadmissible pour n'importe lequel de leurs contemporains.

« Vous pouvez vous lever deux secondes ? » lança Will.

Tia s'exécuta, arquant un sourcil intrigué. Le détective retourna alors la chaise et inspecta le dossier, le fond et les pieds d'un œil aguerri.

« Vous vous méfiez.
- Je vous l'ai dit. Je n'aime pas ce cirque, et j'ai un mauvais pressentiment, grogna l'ex-Elitien en remettant la chaise par terre.
- Je comprends que ce genre de procédé vous déplaise. Mais c'est notre seul moyen de nous préserver de mon père, et du Rex.
- Mmh. Et comment est-ce qu'on rentre quand vous avez fini ?
- Un guide nous attendra.
- Et maintenant ? Je vous laisse, j'imagine ?
- J'aimerai, oui. »

Will opina. Il avait été clair entre eux dès le départ que s'il pouvait accompagner Tia, il devrait s'absenter pendant la réunion à proprement parler.

Pensif, il quitta la pièce et se posta devant la porte, refermant derrière lui.

Se dire que les dirigeants de la plus grande organisation terroriste d'Algosya faisaient leurs réunions par appel vidéo sur des ordinateurs dépassés avait quelque chose de cocasse. Mais là encore, aussi étrange que fut le procédé, le détective était forcé d'en admirer l'ingéniosité. Les dirigeants de la Résistance avaient rapidement compris que tout acteur de la scène politique d'Omnia s'exposait à l'infiltration par des taupes et autres agents doubles – la corruption était la principale caractéristique des organisations de la ville. Plutôt que d'essayer d'empêcher les trahisons, ils avaient plutôt cherché à en minimiser l'impact, ce qui leur avait permis de survivre si longtemps.

Quittant ses réflexions, Will attrapa la Pokéball à sa ceinture et libéra Fenrir, qui s'étira de tout son long en grommelant. L'Arcanin était si grand qu'il rentrait à peine dans le couloir, aussi le Pokémon s'assit-il rapidement pour ne pas se cogner la tête, fixant Will de ses yeux pleins d'intelligence.

« Tu veux bien monter la garde avec moi, mon vieux ? On en a pour un petit moment. Je... »

Will s'interrompit soudain, en même temps que les oreilles de Fenrir se dressaient. Au loin, dans les tunnels, un bruit sec venait de retentir. Un bruit que l'humain comme son Pokémon avaient tous deux été entraînés à reconnaître. Le bruit familier d'une détonation atténuée par un silencieux.

Impossible de déterminer à quelle distance le coup de feu avait été tiré ; le suppresseur avait rendu le son trop diffus, et l'écho faussait la perception.

A l'intérieur, Will entendit Tia étouffer un cri. Une demi-seconde plus tard, la porte s'ouvrit, et la fille du Chancelier se rua à l'extérieur.

« Ils l'ont tué… balbutia-t-elle, choquée.
- Qui ?
- L'un des dirigeants. Quelqu'un est entré dans sa salle et... »

Une nouvelle détonation étouffée retentit. Will poussa un juron et sortit son revolver.

« Quelqu'un savait pour votre réunion ?
- Quoi ? Non. Seulement nous six.
- Alors il y a un des membres de votre petit comité qui a décidé de descendre les autres. »