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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 13/07/2017 à 23:56
» Dernière mise à jour le 14/12/2017 à 17:55

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre -17 : Conscience
« Depuis combien de temps est-ce que vous êtes au courant ? demanda Will en reposant les résultats du test de fraternité.
- J'ai des soupçons depuis plusieurs semaines. J'avais essayé d'approcher Lina, mais j'ai dû arrêter avec votre arrivée.
- Comment ça, essayé de l'approcher ?
- Je me suis inscrite aux mêmes cours de danse qu'elle. J'ai essayé de sympathiser, mais c'est une fille assez renfermée, et elle ne venait pas souvent aux sessions, expliqua Tia en fouillant dans la poche de son jean.
- La fille du Chancelier qui prend des cours de danse à la surface… soupira Will.
- C'est si absurde que ça ?
- C'était surtout inutilement dangereux et téméraire. Vous auriez pu envoyer quelqu'un d'autre.
- Je voulais l'approcher moi-même.
- Sauf que quelqu'un a fini par vous reconnaître, et en vous voyant tourner autour de la gamine, cette personne a prévenu le Rex, reprocha le détective.
- C'est ma sœur, Will. » rétorqua Tia d'un ton légèrement irrité.

La fille du Chancelier se leva brusquement et lui tourna le dos. Visiblement énervée, elle se planta devant la baie vitrée et s'alluma une cigarette.

« J'ai découvert que j'avais deux petites sœurs dont j'ignorais l'existence. Comment voulez-vous que je réagisse ?
- Vous savez pourquoi vos parents auraient pu vous cacher leur existence ?
- Je n'en ai aucune idée. Elles sont quasiment majeures. Je devais avoir huit ans quand elles sont nées, et pourtant, je ne vois pas quand ça a pu arriver… Je ne me rappelle pas d'avoir vu ma mère enceinte.
- Alors vous n'avez pas la même mère, conclut calmement Will, toujours assis. Ça expliquerait que le Rex se serve d'elles pour faire pression sur votre père. Une histoire d'adultère ferait scandale, surtout si c'est le Chancelier...
- Mon père n'aurait jamais trompé ma mère, rétorqua Tia en soufflant quelques volutes de fumée.
- C'est pourtant l'explication la plus logique. »

La jeune femme garda le silence, mais son irritation était palpable. Will, qui était conscient de ne pas avoir le tact nécessaire pour désamorcer le conflit qui s'annonçait, préféra se taire lui aussi.

« Vous avez raison, lâcha alors Tia. C'est la seule explication que je vois pour l'instant. Mais ça m'étonne que mon père se soit laissé manipuler ainsi pendant si longtemps…
- Comment ça ?
- Le connaissant, il aurait trouvé un moyen de contourner le chantage.
- Quoi ? En reconnaissant légitimement ses filles ?
- Peut-être, réfléchit Tia. Personne ne lui en aurait vraiment voulu de reconstruire sa vie après la mort de ma mère… sauf que Lina et Anastasia sont nées avant. Non, je me demande plutôt pourquoi il ne les a pas faite tuer. »

La froideur dans le ton de Tia étonna le détective. Elle détestait vraiment son père.

« Peut-être qu'il n'en est pas capable. Ce sont ses filles.
- Dois-je vous rappeler qu'il est responsable de la mort de ma mère ? Et de l'agent Sunderland. Mon père est un calculateur, Will. Il aurait été tout à fait capable de faire exécuter discrètement mes sœurs simplement parce que leur existence pouvait lui nuire.
- Peut-être qu'il a essayé et que le Rex les a protégées de lui et de ses agents. Il en a les moyens, après tout. C'est l'homme le plus puissant de la surface.
- Et je devrai lui en être reconnaissante ? » rétorqua sèchement Tia.

La jeune femme revint près de la table, s'assit à côté de Will et écrasa son mégot dans un cendrier en grognant.

« Vous imaginez à quel point ça doit être horrible pour un enfant, d'être considéré simplement comme un moyen de pression ? Une arme politique que l'on agite sous le nez du Chancelier ? Regardez les photos. Elles changent d'adresse toutes les deux semaines. Comment voulez-vous grandir normalement ? En changeant d'école sans cesse ? Le Rex ne les maintient en sécurité que parce qu'elles lui sont utiles. Elles n'ont jamais eu de vrais parents, pas la moindre affection familiale, rien. »

Will acquiesça et garda le silence quelques instants, laissant Tia ravaler son ressentiment. La jeune femme inspira profondément, recouvrant peu à peu son calme.

« Qu'est-ce que vous comptez faire, maintenant ? Si le Rex est au courant que vous avez découvert l'existence de vos sœurs...
- Alors il risque de prévenir mon père, oui, soupira la jeune femme, lasse. J'y avais pensé. Il est évident qu'il va falloir une petite explication familiale.
- Votre père ne risque pas de découvrir que vous êtes de la Résistance ?
- Il me demandera sûrement comment j'ai découvert Lina et Anastasia, oui. Je me débrouillerai pour lui servir une histoire convaincante.
- Vous ne pensez pas être en danger ?
- En danger ? Vous pensez que mon père me ferait tuer ?
- L'attentat du restaurant était bien de lui, non ? Et les menaces de mort qui vous ont poussée à me recruter ?
- Il ignorait que je serai au restaurant ce midi-là, répondit Tia. Quand aux menaces de mort… Elles doivent venir du Rex, lorsqu'il a compris que je m'intéressais à mes sœurs.
- Vous en êtes sûre ? »

Silence. Will étudia la jeune femme du regard. Elle avait soudain l'air hésitante. Le vinyle de jazz, qui tournait toujours, conférait à la scène une ambiance étrange.

Plusieurs secondes passèrent, avant que Tia ne reprenne, d'une voix un peu plus faible :

« … Vous savez, après la mort de ma mère, mon père m'a promis qu'il me protégerait envers et contre tout. Qu'il ne laisserait jamais personne me faire du mal. J'étais complètement détruite, à l'époque, et il était mon seul repère. Ça m'est resté depuis. J'ai vécu mon adolescence convaincue que mon père était le seul rempart entre moi et le monde. »

Elle inspira, fermant brièvement les paupières.

« Et puis j'ai fini par voir la vidéo que Riviera vous a envoyée. Je savais déjà que mon père mentait à beaucoup de monde, mais ce jour-là, j'ai compris qu'il m'avait menti à moi aussi. Que j'étais peut-être sa fille, mais que ça ne l'avait pas empêché de me mettre en danger. Que je n'étais qu'un pion de plus à sacrifier sur l'autel de ses projets personnels.
- C'est à ce moment là que vous avez créé la Résistance ?
- Oui. Mais même en la mettant au point, une partie de moi se sentait toujours intouchable. Je me disais toujours que si j'étais découverte, mon père m'excuserait, me couvrirait. Qu'il ne pourrait pas vraiment m'en vouloir. Et même après l'attentat de la dernière fois…
- Vous vous dites qu'il ne serait pas vraiment capable de vous faire du mal, acheva Will.
- Oui. »

Tia se passa une main fatiguée sur le visage.

« Je sais que rationnellement, c'est idiot. Je sais que vous vous dites que…
- Je comprends. » l'interrompit Will.

Elle se tut et lui jeta un regard reconnaissant.

Une tension palpable flotta dans l'air, et Tia sembla soudain réaliser qu'elle venait de s'ouvrir bien plus à l'accoutumée. S'éclaircissant la gorge, elle éloigna légèrement sa chaise de celle de Will, et reprit d'un ton plus ferme :

« Bien. Vous avez raison. Je ne peux pas confronter mon père. Pas tout de suite.
- Pas tant que vous n'avez pas l'assurance qu'il ne cherchera pas à se débarrasser de vous, acquiesça Will.
- Résumons. J'ai deux sœurs, ou demi-sœurs, dont on m'a caché l'existence. Le Rex, qui les a adoptées je ne sais comment, se sert d'elles comme d'un moyen de pression contre mon père, afin de préserver son empire criminel.
- L'une d'elles est gravement malade, vous disiez ?
- Anastasia. Je ne sais pas ce qu'elle a exactement. Multiples tares génétiques. Les médecins lui donnent deux ou trois ans, pas plus.
- Vivre en bas ne doit pas aider.
- Pas vraiment, non. »

Tia resta silencieuse quelques secondes, puis soupira :

« Je pourrai les aider. Leur verser assez d'argent pour les faire quitter Omnia.
- Alors qu'elles sont étroitement surveillées par les deux hommes les plus puissants de la ville ? contra Will.
- La Résistance a des passeurs.
- Je ne sais pas comment fonctionne exactement la Résistance, mais je doute que vous soyez la seule à avoir votre mot à dire. Comment est-ce que vous comptez leur expliquer que vous souhaitez engager les ressources de la Résistance pour exfiltrer vos sœurs ?
- Non, je ne suis pas la seule à décider de ce que fait la Résistance. Mais je n'aurai aucun mal à expliquer aux autres que si nous enlevons au Rex son moyen de faire pression sur mon père, alors l'immunité de son empire disparaîtra. Et les Elitiens pourront enfin nettoyer la surface.
- Ils n'en ont plus les effectifs, rétorqua Will. Votre Résistance a trop excité les gangs locaux. Si le gouvernement et le Rex cessent de coopérer, la surface plongera dans le chaos.
- C'était l'idée, oui. »

Will tiqua, surpris. Le ton de Tia était froid, sobre, calculateur. Et soudain, le détective se rappela qu'il avait affaire à une terroriste.

« Ça vous effraie, n'est-ce pas ? demanda Tia, comme si elle avait lu ses pensées.
- Quoi ?
- Que je sois prête à déclencher des émeutes généralisées pour servir mes projets.
- Les projets de la Résistance, vous voulez dire, rétorqua le détective.
- Éloigner mes sœurs d'Omnia est avant tout une affaire personnelle, sourit Tia. Prétendre le contraire serait mentir. Mais cela servira aussi les intérêts de la Résistance, effectivement.
- Je n'ai jamais aimé les terroristes, grommela Will.
- Et c'est pour ça que j'ai besoin de votre aide. Je sais très bien que c'est une idée dangereuse. Que si nous détruisons le système, nous risquons de nous perdre en chemin, et de ne pas réussir à reconstruire ensuite.
- Alors vous avez besoin de moi pour remplacer votre conscience ? ironisa l'ex-Elitien dans une piètre tentative de sarcasme.
- J'ai besoin de vous parce que vous ne croyez pas à la réussite de la Résistance, et que votre scepticisme permanent trouvera les failles dans mes plans. Et oui, j'ai aussi besoin de vous pour être sûre que ce que je fais est juste.
- Vous avez organisé la pose de bombes qui ont coûté la mort de plusieurs dizaines de personnes, rappela le détective d'un ton neutre.
- Soixante-huit à l'heure actuelle, répondit Tia du tac-au-tac, dont je pourrai vous réciter les noms par cœur.
- C'est comme ça que vous soulagez votre conscience ? questionna Will, surpris.
- Je ne suis pas directement responsable de tous ces attentats. Il m'arrive parfois de ne pas réussir à canaliser l'ardeur de certains… révolutionnaires parmi la Résistance. Mais cela ne me libère pas du devoir de mémoire que j'ai envers ces personnes, qu'elles aient été innocentes ou non.
- Vous croyez toujours qu'elles méritaient toutes de mourir ?
- Je suis un être humain, pas un dieu. Je n'ai pas à juger de qui doit vivre ou mourir.
- Et pourtant, vous avez causé leur mort.
- Et je vivrai avec le reste de ma vie.
- C'est un peu facile.
- C'est plus dur que de ne rien faire et de laisser le système en place tuer à petit feu les milliers de personnes à la surface. »

Will claqua la langue sans rien trouver à répondre. La rhétorique de Tia était difficile à contrer.

« Merci, Will, sourit alors la jeune femme.
- De ?
- Vous venez de prouver que j'ai bien fait de vous choisir.
- Parce que je remets vos actions en cause ?
- Oui. N'hésitez pas à le refaire. A chaque fois que vous doutez de ce que je fais.
- Je suis votre garde du corps, pas votre psychologue, protesta le détective pour la forme.
- Eh bien, vous êtes aussi le gardien de ma conscience, dorénavant. Je peux augmenter votre salaire, si vous trouvez le travail trop difficile.
- Contentez-vous de faire en sorte que votre père réponde de ses actes, grommela Will.
- Vous avez ma parole. »

Un nouveau silence s'installa, seulement troublé par le tapotement des ongles manucurés de Tia sur la table de la salle.

« Donc ? Vous comptez faire s'échapper les deux filles ?
- Oui.
- Comment ?
- Comme je vous l'ai dit, le bras droit du Rex est un de nos agents. Il n'aurait aucun mal à soustraire mes sœurs à son emprise.
- Ça lui coûtera sûrement sa couverture, j'imagine.
- En effet. Mais ça n'aura pas d'importance vu ce qui arrivera ensuite.
- Si votre père s'en prend au Rex, la surface va s'embraser.
- En effet. Et ce sera sûrement le déclencheur qui réveillera la population.
- Vous pensez que les gens sont prêts ?
- Vous avez entendu parler des Insurgés ?
- Non. Je ne suis plus la situation à la surface depuis que je dois m'occuper de vous.
- Ce sont des tribunes clandestines que nous avons mises en place à travers plusieurs quartiers de la surface. Des assemblées collectives où chacun peut prendre la parole et participer à l'élaboration d'un autre modèle de société.
- Et ?
- Et elles n'ont jamais été aussi remplies. Les gens sont prêts, Will. Il y a une vraie volonté chez les habitants de la surface de changer leur situation. Surtout maintenant que la réélection de mon père approche.
- Ça se fera dans le sang.
- Et je compte bien être la première à en verser.
- Et comment est-ce que vous allez les canaliser ? Transformer les émeutes en vraie révolution, et pas simplement en une suite d'affrontements destructeurs ? Comment est-ce que vous comptez faire plier votre père ?
- Cela fait des mois que la Résistance se prépare, Will. Vous n'avez pas idée des moyens que nous avons amassés au fil du temps. De nos ressources, du nombre de volontaires déterminés dans nos rangs. Tout ce que nous attendions, c'était le bon moment pour entrer en action.
- Et exfiltrer vos sœurs risque de précipiter l'arrivée de ce fameux moment.
- Exactement. Mais nous l'attendons depuis trop longtemps pour le laisser passer. Vous avez raison, il va falloir préparer la suite. Ne rien laisser au hasard. Et même si je suis pressée de savoir mes sœurs hors de portée du Rex, je suis parfaitement consciente qu'il ne faut rien bâcler, rassurez-vous. »

Will opina, silencieux. Il avait l'impression que cette discussion était soudain devenue très solennelle. Avisant la nuit qui était tombée pendant leur conversation, il se rendit compte qu'il commençait à fatiguer.

« Je vais devoir mener beaucoup de réunions dans les prochains jours. Vous n'allez pas pouvoir me suivre.
- Je suis votre garde du corps.
- Les abris de la Résistance sont probablement l'endroit le plus sûr d'Omnia.
- Mais pas le chemin qui y mène. Pas alors que le Rex sait que vous avez découvert vos sœurs.
- Vous n'êtes pas membre de la Résistance, Will, et nous savons tous deux que vous ne pouvez pas l'être. Je ne vous demande pas de rejoindre une organisation dont vous n'approuvez pas les méthodes.
- Je ne comptais pas le faire. Mais je reste votre garde du corps. »

Voyant que le détective ne céderait pas, Tia soupira.

« Bien. Je m'arrangerai. »

Will souffla du nez. Posant sa main sur le bord de la table, il se releva avec satisfaction.

« Parfait. Dans ce cas, si c'est tout… »

La jeune femme opina en souriant, retrouvant son visage taquin.

« Je vous en prie, je ne vous retiens pas plus longtemps. J'avais oublié à quel point la politique vous exaspérait.
- Il est trop tard pour changer de boulot, de toute façon. » répondit le détective avec ironie.

Il salua la jeune femme de la main et contourna la table, se dirigeant vers sa chambre. Alors qu'il atteignait le fond du couloir, la voix de Tia s'éleva depuis le salon :

« Ah, Will ?
- Mmh ?
- J'ai oublié de vous prévenir. Une amie donne une réception chez elle la semaine prochaine. Je suis invitée.
- Bien. Je vous accompagnerai.
- J'imagine que ce serait trop cliché de vous demander de venir en tant que cavalier, et non pas en tant que garde du corps. »

Le ton de Tia était sérieux, quoiqu'un peu taquin. Will se figea et se retourna lentement, avisant le sourire doux de la jeune femme. C'était une vraie demande.

« Je vous accompagnerai, répéta le détective en détachant les mots. En tant que garde du corps. Et rien d'autre. »

Le sourire de la jeune femme mourut sur ses lèvres, et elle acquiesça en silence. Will resta la regarder quelques secondes, puis, voyant qu'elle s'était absorbée dans la contemplation de son smartphone, il tourna le dos.

« Une dernière chose, Will, reprit Tia d'un ton plus froid.
- Oui ? »

Cachant difficilement son irritation, le détective se retourna à nouveau, arquant un sourcil inquisiteur.

« Mon père sera sûrement présent à la réception. Et étant donné que vous m'avez sauvé de l'attentat qu'il a organisé, j'imagine qu'il viendra donner le change en vous remerciant. »

Manquait plus que ça.

« Si vous n'avez pas envie de m'accompagner, je le comprends tout à fait.
- Je viendrai. C'est pour ça que vous me payez, rétorqua Will.
- Bien. En ce cas, il faudra vous dégoter un costume à peu près présentable. »

L'ex-Elitien opina en silence, puis ferma la porte de sa chambre, laissant Tia vaquer à l'organisation de la guerre civile à venir.