Guérir ?
C'est dans le Centre Pokémon situé au bord d'une piste cyclable qu'il s'arrêta. Le ciel venait de sombrer dans l'agonie, les lumières peinaient à percer les nuages menaçants charrier par le vent violent.
Il descendit de son vélo dans la précipitation, après avoir pédalé longtemps. Avec une seule main, il avait gardé le guidon droit. Dans son autre bras refermé, il tenait à l'abri celui pour qui il avait traversé la piste à toute vitesse.
La pluie venait tout juste de déclarer sa venue par le clapotement continu d'un sanglot. Après que la flamme ai failli s'éteindre à cause des bourrasques, la pluie se mêlait au sort du Pokémon feu.
Le garçon rangea son vélo contre un mur en plâtre puis s'abrita à l'intérieur du Centre. De dehors, un jour blafard s'insinuait par les portes en verres du bâtiment. Les larmes du ciel coulaient sur les vitres. La respiration courte, il regarda l'espérance de vie de son Pokémon diminuer sous la forme d'une flamme sur le point de s'éteindre.
Il hésita à s'approcher du comptoir désert. Les lumières étaient éteintes, les murs pâles tremblaient sous les coups du tonnerre. Le toit applaudissait sous les assauts de l'averse.
« Eh ! Il y a quelqu'un ? Mon Pokémon a besoin de soins ! »
Il tapa du poing. Comme personne n'arrivait, il contourna le comptoir mais une ombre lui barra la route. La lumière s'ouvrit comme des paupières qui se réveillent après un long sommeil. Les néons furent les derniers à étendre une nappe évanescente dans la salle.
Une infirmière Joëlle suivit la guirlande lumineuse et fit claquer les semelles de ses chaussures. Il n'avait jamais vu un infirmière comme celle-ci. Elle ne portait pas de tablier blanc, ses cheveux étaient coupés courts à la garçonne. La jupe, sous le tablier que toutes les infirmières portaient, n'était en réalité qu'un pantalon blanc.
« Que puis-je faire pour vous, jeune homme ?
- C'est mon Pokémon... Il va bientôt mourir si vous ne faites rien ! »
Il avança le bras où pendait, lamentable, un petit Salamèche. Il ne restait de sa queue qu'une mince étincelle. Joëlle ne sut comment réagir. Elle cherchait une tête à faire pour la circonstance. Comme elle ne faisait rien, il la rudoya.
« Qu'est-ce que vous attendez pour le soigner ! Emmenez-le en salle de soin !
- Je sais ce que j'ai à faire, mon petit. J-je regardais juste son état. »
Le dresseur commençait à trembler. Il surveillait les fenêtres et les portes, de crainte qu'elles n'amènent un courant d'air qui soufflerait le reste de vie du Salamèche. Une fuite d'eau au plafond aurait achevé le Pokémon.
Joëlle finit par consentir à emporter dans ses bras le starter feu qui se laissa porter sans ouvrir les paupières. Il gardait les griffes sorties mais elles pendaient, déjà entraînées par la mort imminente.
« Asseyez-vous en attendant. Ça peut être long. »
Elle avait eu l'air gênée au moment de le quitter.
[size=3]I’m gonna stay ’cause you’re really tired more than usual
Je vais rester car tu es fatigué, plus que d'habitude
Deep in your eyes there’s no desire burning anymore
Au fond de tes yeux, il n'y a plus de flamme.[/size]
Le couloir qui menait aux salles de soins était éteint. Elle ne prit pas la peine d'éclairer le chemin par crainte d'éblouir le Pokémon mourant.
Elle l'allongea dans une sorte de couveuse puis alluma une veilleuse. La lampe brûlait plus que la flamme qu'on devinait à peine si l'on était pas penché au dessus du lit improvisé.
Elle attendit, sans rien faire d'autre. Que pouvait-elle faire ?
[size=3]‘Cause the will to fight gets you slowly dying
Car la volonté de se battre te fait mourir à petit feu,
In the heart of night
Au coeur de la nuit
How can you survive when the dimest light
Comment peux-tu survivre quand la plus douce lumière
Barely touched your eyes
Touche à peine tes yeux ?[/size]
Elle avait finit par se lever mais c'était pour traîner des pieds. Les armoires étaient pleines à craquer de médicaments. Il ne manquait rien aux soins des plus rares blessures comme des plus communes.
Seulement Joëlle n'était pas habilité à soigner ne serait-ce qu'un Pokémon. Elle n'était qu'une apprentie. La vraie infirmière, sa tutrice, était partie pour quelques heures assister une sœur à elle. Si ça avait été une blessure qu'on pouvait panser avec un bandage, oui. Si ça avait été un bobo qu'on pouvait soulager avec une baie, oui. Mais rallumer la flamme d'un Pokémon, ça, elle ne savait pas faire. Elle n'avait jamais sauvé personne. Devant le fait accompli, tous ses cours à la faculté ne pouvait rien pour elle.
[size=3]This time we will win
Cette fois nous gagnerons
Turn around and say the words that make us heal
Retourne-toi et dis les mots qui nous ont guéri
And then we will
We will know and never more go back to this
Nous saurons et jamais plus nous ne revivrons ça.[/size]
Elle appela le Centre Pokémon voisin, celui où se trouvait sa tutrice. Mais l'orage avait frappé de sa pointe le destin pour lui empêcher de trouver une solution de facilité.
Pour ne pas à avoir à regarder le moribond, elle se dirigea vers la fenêtre. Mais inlassablement ses yeux retombaient dans la couveuse. Rien n'arrivait à la distraire. Attendre le retour de sa tutrice était la meilleure chose qu'elle pouvait faire. Provoquer une catastrophe et achever Salamèche en tentant de le sauver, ça elle savait faire. Dehors, la pluie ne déridait pas les carreaux.
Comme si elle risquait une lâcheté en quittant la salle, elle s'occupa en feuilletant un magazine. Elle semblait être une patiente dans une salle à attendre qu'on vienne la soigner alors qu'elle n'avait pas besoin de soins. Mais c'était à elle de prodiguer les soins.
Elle réussit à se concentrer sur le lecture d'un article mais un éclair la fit sursauter. Elle baissa le magazine qu'elle avait levé jusqu'à son nez pour ne pas à avoir à fixer la couveuse. Un flash qui dura trois secondes lui fit lâcher le magazine, se lever et crier. Les écailles de Salamèche commençaient à blanchir. C'était le signe d'une mort qui venait à petits feux, d'une mort qui posait ses griffes sur sa propriété.
Il ouvrit une paupière, l'autre était fermée pour toujours. Son crâne pâlissait, comme recouvert d'une fine pellicule de neige. Les griffes de ses pattes arrières bougeaient. Elles menaçaient de se décrocher.
Joëlle brava son dégoût et frôla le sommet enneigé du Pokémon. Il avait le froid du cadavre.
« Qu'est-ce que je peux faire, qu'est-ce que je peux faire... » répétait-elle, à voix basse. L’œil éteint mais pourtant ouvert du Salamèche suivait l'infirmière. Il se fixait sur ce qui lui restait. Il ouvrit la bouche mais au lieu d'un cri, c'était un liquide épais et blanc qui s'écoula. Ses canines nageaient dans cette mare pâlissante.
Joëlle quitta la salle pour chercher un manuel. Le local où était stocké les ouvrages médicaux était vieux, c'est pourquoi l'apprentie trouva, en ouvrant la porte, une pièce inondée. Toutes les étagères étaient noyées sous plusieurs centimètres d'eau. Elle se dirigea vers l'armoire mais quand elle y tira un livre, plusieurs rangées craquèrent avant de s’effondrer dans une flaque d'eau. Elle en fut éclaboussée. Si elle avait emmené Salamèche avec elle, sa flamme se serait éteinte.
L'humidité ne permettait pas à Joëlle de puiser un quelconque secours dans ces ouvrages larmoyants. Eux-mêmes étaient impuissants. Ils pleuraient la fatalité d'une apprentie qui ne serait jamais une bonne infirmière. On le lui avait toujours dit.
Dans le couloir, alors qu'elle regagnait la salle de soins où s'éteignait la vie de Salamèche, elle entendit qu'on l'appelait. Une voix, puis deux, puis dix se mirent à lui parler, toutes à la fois. C'était une même voix, uniforme, qui se répétait comme un ricochet, un écho. A la fin, quand elle comprit ce qu'elles disaient, elles étaient dix mille à lui souffler ces mots :
[size=3]You gotta give something something something to love
You gotta give something something
You gotta give something something something to love
You gotta give something something
Tu donneras quelque chose, quelque chose quelque chose à aimer
Tu donneras quelque chose, quelque chose
Tu donneras quelque chose, quelque chose quelque chose à aimer
Tu donneras quelque chose, quelque chose.[/size]
Les cheveux plaqués sur le front, les mains moites, Joëlle était méconnaissable. Ses yeux tournaient à droite, à gauche, cherchant l'origine du concert qui assourdissait ses oreilles. Elle connaissait ces voix. Elle les avait entendu pendant cinq ans.
Pourquoi toutes les infirmières parlaient-elles dans sa tête ? Elle n'était pas encore des leur et ne le serait sans doute jamais. Ce Salamèche était une épreuve qu'on lui envoyait, pour savoir si elle était capable d'entrer dans le rang.
Elle se mit à courir, les mains sur son visage, laissant couler des larmes. Qu'est-ce qu'elle voulait vraiment ? Faire comme toutes les Joëlle en sauvant Salamèche ? Si elle parvenait à le ramener à la vie, serait-elle pour autant une vraie infirmière ; le voudrait-elle seulement ?
Sa carrière était en jeu. Des années d'études et d'apprentissage se jouaient dans la flamme bientôt éteinte d'un Pokémon. Il était l'envoyé des créatures qu'elle s'était toujours préparée à sauver, à qui elle dédierait toute sa vie.
Lorsque son regard se pencha sur le Salamèche, elle sut qu'avant toute opération, elle devait poser une question à laquelle toutes les infirmières ne sauraient répondre. Salamèche était l'unique détenteur de cette vérité.
« Veux-tu que je te soulage de tes souffrances ? »
[size=3]I won’t deny your lack of compassion
Je ne vais pas nier ce manque de compassion
Pain is all you know
La peine c'est tout ce qu'on a
Even a life turn of a fire
Même une vie peut devenir feu
Shouldn’t burn alone
Elle ne peut pas brûler seule.[/size]
Son corps continuait de se recouvrir d'un linceul. Sa queue seule remua. L'unique œil ouvert, depuis longtemps éteint, alluma son émeraude. Ils se fixèrent, certains de transmettre et de recevoir le bon message. La confiance, la seule, entre malade et docteur, s'établissait. La seule confiance qu'on ai jamais accordé à Joëlle. La première et la dernière venait de se consumer après avoir flambé.
Salamèche avait confié sa dernière volonté. C'était la première fois que Joëlle sentait sa mission aussi imposante. Il ne voulait plus souffrir ; elle le soulagerait. Comme elle ne savait pas comment le soulager avec la vie, elle le soulagerait avec la mort.
[size=3]‘Cause the will to fight gets you slowly dying
Car la volonté de se battre te fait mourir à petit feu,
In the heart of night
Au coeur de la nuit
How can you survive when the dimest light
Comment peux-tu survivre quand la plus douce lumière
Barely touched your eyes
Touche à peine tes yeux ?[/size]
Il ne restait que peu de temps pour Joëlle. Son devoir ne consistait pas à regarder s'éteindre la flamme de Salamèche dans la couveuse. Il continuerait de souffrir. Elle devait l'éteindre elle-même. Ce n'était pas l'eau qui manquait.
Au moment de sortir le Pokémon de son cocon, le froid plaqua sa main sur le bras de Joëlle. Salamèche pesait aussi lourd qu'une pierre qu'elle aurait roulé dans la neige. Au contact de ces dernières mains qu'il toucherait, Salamèche laissa son dernier œil se fermer. Les écailles de son ventre tombaient comme une pluie de flocons.
[size=3]This time we will win
Cette fois nous gagnerons
Turn around and say the words that make us heal
Retourne-toi et dis les mots qui nous ont guéri
And then we will
we will know and never more go back to this
Nous saurons et jamais plus nous ne revivrons ça.[/size]
Son rôle d'infirmière, elle l'envisageait comme un sauvetage de vies qu'on aurait balancé à l'eau et qu'elle devait repêcher. Celle de Salamèche avait coulé à pic. Pourtant, elle considérait qu'aider à mourir un être vivant était une forme de sauvetage. L'autre versant de "sauver" et de "guérir". Pourquoi toujours souhaiter guérir avec la vie quand le plus efficace, le plus réaliste était de sauver avec la mort ?
Joëlle, refusant d'être passive, voulait jouer son rôle. Le premier et le dernier que lui accordait un malade qui avait donné toute sa confiance en elle. Dans un regard, dans une flamme. Mourante.
Elle se dépêcha d'emmener Salamèche. Il ne devait pas mourir maintenant. Des conditions étaient requises. Il ne devait partir que quand elle aurait respecté sa promesse. Si sa queue s'éteignait avant qu'elle ai réalisé son devoir, elle aurait une mort sur la conscience. Ce n'était pas une mort qu'elle lui offrait, c'était une délivrance. Une chance de se sentir mieux, d'avoir enfin la paix. Aucune autre infirmière ne pourrait lui offrir ce que Joëlle lui donnait.
Elle enfila le couvre-chef qu'on lui avait confectionné à la faculté, celui que portaient toutes les infirmières.
Dès qu'elle l'eut posé sur sa tête, les voix recommencèrent dans sa tête.
Elles n'avaient rien compris. Joëlle était seule contre toutes celles pour qui la vie comptait plus que tout, pour qui le devoir de ranimer la flamme primait sur le bien-être du vivant. Elle avait inversé les rôles : au lieu d'écouter la déontologie et la morale, elle avait écouté la voix qu'on n'entendait jamais parce qu'on se refusait à l'entendre : celle du malade qui veut en finir.
[size=3]You gotta give something something something to love
You gotta give something something
You gotta give something something something to love
You gotta give something something
Tu donneras quelque chose, quelque chose quelque chose à aimer
Tu donneras quelque chose, quelque chose
Tu donneras quelque chose, quelque chose quelque chose à aimer
Tu donneras quelque chose, quelque chose.[/size]
Elle les avaient écouté. Elle allait donner à Salamèche quelque chose qu'il avait aimé, qu'il attendait depuis qu'il avait été capturé : la liberté. Elle s'offrait dans cette mort qui ne l'entravait plus avec les vivants. Il s'en irait comme si son dresseur l'avait relâché. Plus de combats, plus de blessures, plus de prison.
Salamèche n'avait pas voulu revoir son dresseur. Joëlle n'eut pas à soutenir ni à expliquer la volonté qu'on voulait à tout prix étouffer quand il s'agissait de la volonté de la mort. C'était sa première et dernière mission en tant qu'infirmière. On lui avait dit qu'elle n'était pas faite pour ce métier, pour ce travail. Car c'était un travail de sauver des vies, d'en récupérer contre leur volonté. En une nuit, elle avait appris plus que cinq années passées sur le banc d'une salle de classe.
Elle avait compris ce que les infirmières expérimentées n'avaient pas eu toute la richesse de comprendre. Le sens de la vie, le sens de la mort. Elle l'avait saisit et ne s'en effrayait pas. Éteindre une flamme qui avait été protégé par un autre qui se revendiquait propriétaire d'une vie qui ne lui appartenait pas ne la dérangeait pas. C'était justice d'écouter les doléances de ceux qu'on enfermait pour asservir. Le bourreau ce n'était pas Joëlle, c'était le dresseur, c'était toutes les autres Joëlle. Car elles n'écoutaient que ce qu'elle voulaient bien entendre : leur voix. Celle qu'elles voulaient bien croire comme étant celle du malade mais qui brouillait leur jugement.
[size=3]Flying high above in a magic motion
Volant haut dans un mouvement magique
Nothing holding you so stay away
Rien ne te retiens alors reste
And may I hold to you only feel devotion
Et tu dois tenir pour seulement ressentir du dévouement.[/size]
Derrière le Centre, on pouvait se baigner dans un lac. Joëlle fit bien attention de protéger la flamme de Salamèche en l'abritant avec un parapluie. Elle monta dans une des barque mise à disposition puis dénoua le nœud. Le pont se détacha peu à peu tandis qu'une brume tombait. Le toit du Centre brillait encore sous les éclairs. L'eau calme accueillait les étranges passagers à cette heure.
[size=3]Just let go and let us
Lâche prise et laisse nous[/size]
La flamme qu'elle tenait au creux de ses bras s'étirait dans un dernier assaut du vent. Elle retourna le parapluie, le posa sur l'eau et par dessus sa toque d'infirmière. Le parapluie s'éloigna, tourna comme un danseur sous les applaudissements de la pluie.
L'eau s'insinuait sous la chemise de Joëlle, sur son pantalon tacheté. Serré contre elle, Salamèche mourait à petits feux, sous l'orage et l'averse. Il était bien, blotti dans la chaleur de celle qui avait su traduire son désir le plus profond, le plus enfoui. Son corps, enfin blanc, se crispa dans une ultime câlinerie. Il n'y avait de son et de lumière que le clapotement de la pluie, le rire du tonnerre et le visage de la nuit.
[size=3]This time we will win
Cette fois nous gagnerons
Turn around and say the words that make us heal
Retourne-toi et dis les mots qui nous ont guéri
And then we will
we will know and never more go back to this
Nous saurons et jamais plus nous ne revivrons ça.[/size]
Le dresseur qui en avait marre d'attendre, appela Joëlle mais personne ne répondit. Il contourna le comptoir, fila dans le couloir sans trouver trace de Salamèche. Une porte grande ouverte battait ses charnières. Dehors, il y avait un fracas assourdissant. Des roseaux pliaient, des chênes s'écroulaient, la pluie enragée lavait ce que les fautes avait commises.
Au milieu des vapeurs de l'orage, au dessus des eaux du lac, il y avait une foule de jeunes femmes. Toutes se ressemblaient, avaient pour habit un tablier blanc, une jupe rose. Elles portaient un couvre-chef avec une croix dorée imprimée dessus. Joëlle ne les vit pas mais les entendit. Sur le ponton de bois, le dresseur écoutait les voix en concert tomber comme une pluie chaude.
[size=3]You gotta give something something something to love
You gotta give something something
You gotta give something something something to love
You gotta give something something
Tu donneras quelque chose, quelque chose quelque chose à aimer
Tu donneras quelque chose, quelque chose
Tu donneras quelque chose, quelque chose quelque chose à aimer
Tu donneras quelque chose, quelque chose.[/size]
Au loin, dans une barque, sous les nuages blancs, le jeune homme vit un lampion sur l'eau. Il venait de s'éteindre.