Chapitre 35 - Life goes on... so does the journey
Ç’aura été une éprouvante aventure. Mais nous en sommes ressortis plus forts. Peut-être brisés, aussi… Mais nous garderons à jamais nos cicatrices en nous ou sur nous, afin de ne jamais oublier que ce qui nous a brisés n’a pas réussi à nous abattre.
~*~Lorsque je rejoignis le Centre Pokémon de Romant-sous-Bois, l’endroit était désert. On était en plein milieu d’après-midi, si j’en croyais l’horloge située sur le comptoir. Dehors, l’air était encore doux malgré l’avancée de l’automne. Les dresseurs préféraient sûrement profiter du beau temps pour s’entraîner, ou peut-être lézarder, qu’en savais-je. Dans les deux cas, ils avaient bien raison.
Escorté de mes cinq Pokémon, je regagnai la chambre qui nous avait été attribuée, à mes amis et moi, et y trouvai mon sac à dos. Sans un mot, mes compagnons me regardèrent rassembler mes affaires. Le sac de couchage, les vivres, les vêtements de rechange… le strict nécessaire pour un bon voyage.
Ma main trouva alors mon étui à badges. Discrètement, je l’ouvris, et contemplai l’éclat des sept badges qui s’y trouvaient. Le coin en bas à droite était le seul à être vide.
« Mais il ne le sera plus pour longtemps. »
Alors que je rangeais l’étui dans mon sac, les pépiements de Sonistrelle attirèrent mon attention. Le petit Pokémon était perché sur le rebord de la fenêtre ouverte, et fixait un point précis de ses grands yeux curieux. En suivant son regard, je reconnus Lem et ses Pokémon, assis en cercle dans le jardin situé derrière le Centre. Intrigué, j’enfilai mon sac à dos, et sortis à sa rencontre.
~*~- Eeeet… ça y est ! s’écria Lem. Une fois de plus, c’est la bonne : la science va pouvoir nous ouvrir la voie !
- Qu’est-ce que tu fais, Lem ?
L’intéressé sursauta violemment au son de la voix de Sacha, tant et si bien qu’il manqua d’écraser ce sur quoi il avait travaillé si durement.
- Ah… Désolé, j’voulais pas te faire peur, s’excusa aussitôt le dresseur, mi-amusé, mi-gêné.
- J’ai juste été surpris, se défendit Lem en remontant ses lunettes sur son nez.
Marisson ne put s’empêcher d’éclater de rire, avant d’être sévèrement repris par Sapereau. Luxray, visiblement peu désireux d’intervenir dans leurs chamailleries, fit mine de regarder ailleurs.
- Qu'est-ce que tu fabriques ? demanda de nouveau Sacha.
Tandis que Sacha s’accroupissait pour regarder son chef-d’œuvre, Lem s’interrogea sur sa présence ici, au Centre Pokémon. Cela faisait plusieurs jours que le dresseur de Kanto s’était isolé du reste du groupe, et maintenant, le voilà qui revenait comme si de rien n’était.
- On dirait… un pot de fleurs ? dit Sacha, le tête penchée en une expression interrogative.
- C’est Clem qui me l’a demandé, lui expliqua Lem. Tu te souviens de la fleur étrange que nous avons trouvée, il y a quelques temps ? Celle dont les pétales pouvaient s’attirer les uns les autres ?
- Tu parles, si je m’en souviens…
- Eh bien, j’ai trouvé le moyen de lier les pétales sur une nouvelle tige ! s’exclama Lem, tout guilleret. On va pouvoir replanter la fleur.
Sous les yeux émerveillés de son ami, il retira la capsule protégeant le pot de fleur, révélant ainsi une tige argentée plantée au milieu du terreau. Trois pétales – un rose, un bleu clair, et un jaune pâle – y étaient accrochés.
- Serena et Clem m’ont déjà confié les leurs. Avec le mien, j’ai pu recueillir suffisamment de données pour savoir exactement quel type de champ magnétique ces pétales émettaient, et quelle force magnétique il fallait pour assurer leur cohésion totale, et…
- Attends ! l’interrompit brusquement Sacha. Je dois avoir le mien sur moi…
Déçu de ne pas pouvoir aller plus loin dans ses explications scientifiques, Lem regarda Sacha sortir son propre pétale de la poche de sa veste. Aussitôt, la tige se courba en direction du pétale bleu roi. Précautionneusement, Sacha approcha le bout de fleur du reste du végétal… et le pétale se colla aux autres, comme deux aimants qui se seraient attirés l’un l’autre.
- Ça marche ! s’extasia Lem. Mon expérience est une réussite totale !
- La science, c’est vraiment un truc incroyable ! renchérit Sacha, des étoiles plein les yeux.
Les Pokémon s’approchèrent à leur tour, à la fois curieux et impressionnés. Tandis que Sacha les mettait en garde de ne rien abîmer, Lem le regarda rire et sourire comme il le faisait toujours autrefois.
« Ce Sacha ressemble au Sacha qu’on a toujours connu. Pourtant… »
- Au fait, Sacha… Est-ce que tout va bien ?
L’intéressé se tourna vers son ami, l’air surpris. Lem se sentit tout à coup stupide. N’était-ce pas un peu indiscret d’interroger Sacha après tous ces événements ?
- Enfin, je veux dire… Après ce qui s’est passé… Tu, euh… tu…
- Ah… Ça va, t’inquiète.
Étonné, Lem observa attentivement son ami lui sourire.
- J’en avais marre de rester sans rien faire, dis Sacha. Alors j’suis revenu ici.
- Je vois… C’est vrai que tu as passé la nuit dehors ?
Sacha haussa les épaules en guise de réponse. Lem insista :
- Et… tu vas bien ?
- Mal partout. Mais sinon ça va. J’ai connu pire nuit.
Lem se demanda quelle était la part de vérité dans ces propos. Sacha ne disait pas tout, c’était certain. On ne se remettait pas d’une mort aussi facilement. Cependant, pour avoir connu une situation plus ou moins similaire dans ses jeunes années, Lem savait qu’il valait mieux ne pas insister sur le sujet. Ce qu’il s’était passé resterait là où cela s’était passé.
- Bon, c’est pas tout ça…, fit tout à coup Sacha en se levant. Mais faut qu’on pense à reprendre la route.
- Tu… tu veux partir ? s’étonna Lem. Maintenant ?
- Ouais. J’pense que c’est le bon moment, maintenant que tout est terminé. Et puis, mon huitième badge ne va pas se gagner tout seul !
L’enthousiasme de sa dernière phrase fut soudain remplacé par une expression gênée.
- Enfin… Si vous êtes prêts, hein. J’veux pas vous brusquer, toi et les filles…
Lem ne put s’empêcher de pouffer. Pas de doute, ce Sacha était bien celui qu’il connaissait. Impatient et énergique, mais néanmoins soucieux des autres.
- Ne t’en fais pas, tu ne brusques rien du tout. On n’attendait plus que toi pour reprendre la route, lui assura l’inventeur.
Sacha le considéra un instant, avant de fermer les yeux en souriant légèrement.
- Ça marche, dit-il en faisant signe à ses Pokémon de le suivre. Allons prévenir Serena et Clem, alors…
- Sacha, attends !
Le jeune dresseur s’arrêta et se retourna, surpris. Pendant un bref instant, Lem et lui se firent face, le premier les poings serrés, le second pressentant que son ami avait quelque chose d’important à lui dire.
- Je voulais te dire… Je suis désolé.
Le regard de Sacha se voila.
- … T’as pas à l’être. C’est comme ça, on n’y peut rien…
Comprenant que son ami se fourvoyait en pensant qu’il lui présentait ses condoléances, l’inventeur secoua la tête.
- Non, je ne te parle pas de ça… Même si je compatis, je t’assure ! Je sais ce par quoi tu es passé, et…
- … Tu t’excuses pour quoi, alors ?
Lem déglutit. Même s’il appréhendait la réaction de Sacha, il lui fallait se lancer. Il ne pourrait pas garder ses remords pour lui indéfiniment.
- Pour n’avoir pas su gérer le groupe en ton absence.
Sacha tomba des nues. Avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, Lem reprit la parole :
- Quand tu es parti si soudainement, en ne laissant derrière toi que ce message audio, nous avons tous les trois été chamboulés. Je ne te jette pas la pierre : je me doute que tu n’as pris cette décision de gaieté de cœur. nous étions tous sous le choc de l’attaque d’Arcanin au Centre Pokémon. Cependant, après ton départ… les choses se sont accélérées. Il y eu les interrogatoires, ton accusation… J’ai spontanément pris toutes les décisions pour le groupe, j’ai assuré ton plaidoyer jusqu’au bout, tout en défendant notre propre cause.
Les yeux ambrés de Sacha se mirent à briller, empreints d’une soudaine tristesse.
- Lem, je…
- Mais quand est arrivée la question de savoir que faire après ton départ, le coupa l’inventeur sans l’écouter, tout est parti de travers. Nos opinions ont divergé, et le groupe s’est – n’ayons pas peur des mots – dissous.
Lem coula un regard à la fleur aux couleurs irisées, qui se balançait doucement sous la caresse du vent.
- Il a suffi d’un pétale en moins pour que cette fleur perde de son éclat… Tout comme il a suffi d’une erreur pour tout faire chavirer. Et d’erreur en erreur, le système a fini par s’effondrer.
Sacha ne dit rien, mais s’approcha lentement, avant de s’accroupir devant le pot de fleur. Il caressa la plante avec une infinie douceur, et murmura :
- J’suis pas un spécialiste de la botanique, mais… Les fleurs se fanent lorsque la racine ne les alimente plus, pas vrai ?
Étonné, Lem acquiesça.
- Tu te souviens de ce qu’avait dit Clem ? poursuivit Sacha. Que cette fleur était à l’image de notre équipe. Je pense qu’elle avait raison. Les pétales, c’est nous quatre. Et le cœur, la tige, les racines… C’est le lien qui nous unit. Et tant que ce lien ne disparait pas, peu importe combien de fois on retire les pétales, ils peuvent toujours se réunir.
Joignant le geste à la parole, le jeune dresseur ôta l’un des pétales de l’ensemble, qui se ternit subitement, tandis que le morceau resté dans sa main se colorait d’un bleu sombre. Sacha tendit de nouveau la main, et la fleur se reconstitua. Lem, que cette prouesse physique ne cessait d’émerveiller, comprit où son ami voulait en venir. Et, au fond de lui, il savait qu’il avait raison, en un sens.
- Après, les pétales sont pas doués de parole, sourit tristement Sacha, avant de se relever pour faire face à Lem. Mais nous, on le peut. Alors laisse-moi te dire une chose, Lem : s’il y en a un qui devrait s’excuser ici, c’est moi.
Sacha jeta un œil aux Pokémon du champion, qui lui rendirent son regard, nerveux ou impassibles.
- Je pensais pouvoir vous éviter des ennuis en m’éloignant de vous… Mais c’est tout le contraire qui s’est produit. Tu dis que tu n’as pas su gérer le groupe en mon absence, mais la vérité est que si je n’avais pas agi de manière aussi stupide et égoïste, on n’en serait jamais arrivés là.
Lem considéra son ami un moment. Puis il sourit.
- Je me doutais bien que tu tenterais de ramener la faute sur toi, Sacha. Et je vais être honnête avec toi : il est vrai que tu as ta part de responsabilités.
Sacha baissa la tête.
- Seulement, reprit Lem, nous avons commis des erreurs au cours de cette mésaventure. Ce n’est pas la faute d’un seul, c’est la faute de l’ensemble. Dans un groupe, on n’est jamais seul à prendre les mauvaises décisions. Du moins, c’est ce que je pense… Mais nous aurons tous appris de cette épreuve. Chacun en tirera les enseignements nécessaires afin que ce genre d’incidents ne se produise plus…
Sacha battit des paupières, digérant les paroles pleines de sens de son ami. En constatant son silence, Lem se demanda s’il avait dit quelque chose qui n’allait pas. Ce n’était pas dans son habitude de tenir des discours dans ce style-là. D’ordinaire, c’était Sacha qui prononçait de genre de belles paroles… Une fois de plus, Lem ne put s’empêcher de remarquer qu’il avait imité celui qui l’avait inspiré depuis le jour de leur rencontre.
Puis soudain, le visage de Sacha s’éclaira. Sans prévenir, il donna une bourrade sur l’épaule de son ami, faisant sursauter celui-ci.
- Lem, t’es un génie, tu sais ? sourit Sacha avant de s’éloigner en toute hâte.
- Hé, attends ! Où tu vas ?
- Dis aux filles qu’on reprend la route dès maintenant ! lui lança Sacha, déjà à l’autre bout du terrain. Je vous rejoins tout de suite !
Sur ces paroles, Sacha s’en fut, laissant derrière lui un Lem et plusieurs Pokémon désemparés. Après quelques secondes de flottement, l’inventeur se mit à rire doucement.
« Sacha ne changera décidément jamais… »
Lem soupira. Il se sentait plus léger maintenant qu’il avait dit ce qu’il avait sur le cœur depuis le début de cette mésaventure. Suivant l’exemple de Sacha, il ramassa ses affaires, dont le pot contenant cette étrange fleur, et invita ses Pokémon à le suivre.
Dans l’excitation générale de pouvoir reprendre le voyage qu’ils avaient suspendu, seul Croâporal remarqua la soudaine absence de Pikachu.
~*~À la périphérie du modeste centre-ville de Romant-sous-bois, les passants ou autres touristes venus profiter de la chaleur de l’air ambiant jetèrent des coups d’œil curieux à la voiture de police stationnée devant le commissariat, avant de se désintéresser, et de reprendre leur marche comme si de rien n’était.
Posté à mi-chemin entre la porte du poste de police et la voiture au gyrophare clignotant, Genzo échangea les rênes de Galopa contre des menottes, qui eurent tôt fait de lui serrer les poignets.
- Juste pour prévenir… Ce Pokémon est assez farouche, alors je vous conseille de faire venir un dresseur expérimenté, si vous ne voulez pas qu’il vous mène la vie dure…
- Nous verrons cela, répliqua l’Agent Jenny, impassible. En attendant, êtes-vous sûr de nous avoir confié tous vos Pokémon, monsieur Genzo Yamato ?
- Vous m’avez posé cette question trois fois depuis le lever du soleil, et m’avez fouillé presque autant de fois. Vous avez même fouillé ma maison au Village Pokémon. Alors pour la troisième fois : oui, je vous ai filé tous mes Pokémon. Galopa n’est pas à moi, mais c’était le dernier que j’avais à vous confier.
L’intéressé, étrangement docile envers le policier qui le maintenait, souffla bruyamment en tapant le sol de son sabot.
- Mesure de précaution, dit Jenny en se mettant au garde-à-vous.
Genzo soupira. Décidément, il ne comprendrait jamais ces officiers de l’ordre public…
- Bien. Maintenant, veuillez monter. Nous allons vous transférer, ainsi que vos Pokémon, dans la grande prison d’Illumis.
- Wow, la capitale, carrément ? C’est franchement trop d’honneur…
En croisant l’œil acéré de la policière, Genzo se dit qu’il vaudrait mieux garder ses railleries pour lui-même, s’il ne voulait pas plus d’ennuis…
- Ce sera plus pratique si jamais les régions de Kanto et Johto, où la Team Rocket a sévi de manière notable il y a quelques années, décident d’amorcer un transfert, expliqua Jenny.
- Mmh…
Juste avant de monter dans le véhicule, Genzo jeta un dernier coup d’œil à Galopa. Si ce dernier resta inhabituellement silencieux, son regard couleur flamme pétillant d’intelligence exprimait bien plus que de simples mots auraient pu dire. Genzo sourit.
« À la revoyure, camarade. Prends soin de toi. »
Il ne l’aurait pas juré, mais juste avant que l’officier ne fasse rentrer l’équidé dans sa Pokéball, Genzo crut voir le cheval lui adresser un dernier hochement de tête.
~*~Ne pouvant pas mettre ses mains menottées ailleurs que sur ses genoux, Genzo ignora la sensation d’inconfort qui le tiraillait, et contempla d’un œil vide le paysage qui défilait au travers la vitre opaque du véhicule de police. Après de longues minutes de silence complet, il se décida enfin à interpeller Jenny :
- Excusez-moi, mais… Pouvez-vous me dire où les Pokémon de Gauthier Ketchum vont être emmenés exactement ?
- Pourquoi une telle question ?
« OK, ça veut dire non. »
- Je me demandais si c’était possible… de les transférer là où vont être placés Galopa et mes Pokémon.
Jenny dut sûrement être surprise, car la voiture fit un écart presque imperceptible. Genzo pressentit que sa demande la perturbait.
- Alors ? insista-t-il. C’est possible ou pas ?
- Sans doute, oui… Mais dans ce cas, il vous faudrait les annoncer comme étant sous votre tutelle. Autrement, ils doivent revenir à n’importe quelle association de protection des Pokémon abandonnés.
Genzo sourit, et se cala dans son siège.
- Ça me va.
Il n’ajouta rien de plus. Jenny, encore abasourdie par cette demande si soudaine, choisit de se concentrer sur la route en priorité. Elle réfléchirait plus tard à tout cela.
Quant à Genzo, il ferma les yeux, et se laissa bercer par le bruit du moteur.
« Au revoir, Sacha. J’espère que l’on se reverra, un jour. D’ici là, prends soin de toi, petite tête. »
La voiture amorça un virage serré, avant de s’engager sur l’autoroute. Au loin, surveillant sa progression, une croix de bois plantée au sommet d’une falaise les regarda partir, immobile face aux éléments.
~*~Pendant ce temps, d’autres membres de la Team Rocket profitaient des chauds rayons du soleil, pas le moins du monde inquiétés par les avis de recherche qu’ils savaient publiés dans toute la région de Kalos dans le but de les appréhender. Ils avaient l’habitude : cela faisait la sixième région – septième si l’on comptait les Îles Orange – où ils semaient la terreur et le chaos.
Bon, en toute honnêteté, ils ne faisaient que tenter de voler tous les Pokémon qui croisaient leur chemin, évidemment sans succès à cause d’un certain dresseur originaire du Bourg Palette.
Toutefois, si l’on exceptait ce petit détail, les trois complices arrivaient toujours à se faire un nom, ou tout du moins, à faire connaître le nom de la Team Rocket. Et de cela, ils en tiraient une certaine fierté. Une fierté dont ils pouvaient se languir tout en profitant de cette magnifique journée ensoleillée, assis sur les branches d’un grand arbre aux feuilles dorées. Un décor pour le moins paisible…
- Paisible, oui…
- Peut-être même…
- …trop paisible ?
Les trois compères soupirèrent en chœur. Ils s’étaient mis d’accord pour ne pas attaquer le morveux et sa bande tant qu’ils n’auraient pas repris la route. Mais quand bien même la sieste faisait partie de leurs activités préférées, rester aussi longtemps sans rien faire… cela finissait par leur porter sur les nerfs.
- Jessie, t’es sûre que tu veux pas qu’on tente un mauvais coup ? gémit Miaouss en étouffant un bâillement. Ça pourrait forcer le morveux à se secouer…
- Je t’avoue que j’y réfléchis depuis un moment, déjà, répliqua la femme aux cheveux mauves d’un air maussade.
- Peut-être devrait-on lui laisser un jour de plus ? suggéra James. Ce sera le dernier ultimatum, ensuite on passera à l’action ?
Sa coéquipière allait lui répondre, quand soudain, un bruit de pas effrénés brisa le murmure du vent dans les frondaisons.
Intrigués, les bandits se penchèrent légèrement en avant, tentant d’apercevoir entre les branches qui pouvait bien passer par ici d’un pas si pressé. Tous trois faillirent trahir leur présence en reconnaissant cette tête brune, aux pointes hérissées en pics désordonnés.
- Le morveux !! chuchotèrent les membres de la Team Rocket, étouffant à temps le cri qu’ils auraient dû pousser.
Fort heureusement, Sacha ne parut pas remarquer leur présence, bien qu’il passât pile sous l’arbre où les bandits étaient perchés. Ces derniers le regardèrent courir, puis s’interrogèrent les uns les autres du regard. Tous sourirent.
- Hé bien, il semble avoir repris du poil de la bête ! sourit Miaouss.
- Je vous avais bien dit qu’il se relèverait ! jubila Jessie, une détermination nouvelle dans le regard.
- Alors, qu’est-ce qu’on fait ? demanda James.
Jessie se leva, ce qui fit légèrement ployer la branche où tous étaient assis.
- C’est évident, répondit-elle. Préparez le ballon : la chasse au Pikachu reprend dès aujourd’hui !
- Roger ! s’exclamèrent ses coéquipiers.
Tout à coup, Qulbutoké sortit spontanément de sa Pokéball, ainsi qu’il en avait l’habitude. Cependant, son poids était trop important… La branche craqua, et les bandits s’écrasèrent au sol. Une fois de plus.
~*~Je ne m’arrêtai de courir que lorsque la croix apparut dans mon champ de vision. Essoufflé, je m’approchai lentement, le cœur battant. Le vent soufflait plus fort que ce matin, emportant avec lui quelques feuilles d’érable allant du rouge sombre au jaune doré.
Arrivé devant de la tombe de fortune, je pris un temps pour reprendre mon souffle. Le vent tiède asséchait ma gorge.
- … Tu sais… J’aurais aimé pouvoir mieux te connaître.
Aurais-je dû me sentir idiot de parler ainsi, dans le vide ? Je n’en sais rien. Cela étant, je ressentais le besoin d’exprimer à voix haute ces pensées que j’avais gardées enfouies au fond de moi jusqu’alors.
- Je me demande… Si tu n’étais pas parti, si tu étais resté avec nous… Est-ce que tout serait vraiment différent, aujourd’hui ? Ce qui est arrivé ne serait sans doute jamais arrivé, mais… Est-ce que pour autant, je serais différent de celui que je suis maintenant, si t’avais été là pour m’élever avec Maman ?
Évidemment, seul le vent me répondit.
- … Je suis désolé. Si j’étais pas aussi faible… T’aurais pas eu à faire ça. À te… sacrifier pour moi.
C’était là une grande énigme pour moi. Pourquoi avait-il fait ça ? Pourquoi me sauver, alors qu’il me détestait ? Car il me détestait, pas vrai ? Il l’avait dit clairement, qu’il souhaitait me voir disparaître…
Ma main trouva instinctivement mon bras blessé, toujours entouré d’une fine bandelette blanche. Intimement, je pense que je connaissais la raison. Je savais pourquoi il avait fait ça. Le problème était simplement que je refusais de l’admettre.
Mes yeux me brûlèrent. Je me dis que c’était sûrement à cause du vent… sans trop y croire, toutefois. J’essuyai les larmes qui perlaient aux coins de mes paupières tout en soupirant.
- Et voilà que je recommence à tout me mettre sur le dos. Si les autres m’entendaient, ils me hurleraient dessus…
Un hoquet pouvant s’apparenter à un rire secoua mes épaules. Redevenu sérieux, je me rapprochai de la croix de bois, et m’accroupis à sa hauteur.
- Concernant ta question… Je crois avoir trouvé une réponse. Ce n’est peut-être pas la bonne, mais… Ça me semble la plus adéquate.
« Pourquoi tiens-tu tant à devenir un Maître Pokémon ? »Une fois encore, le vent parut me chuchoter cette question à l’oreille, comme si elle était gravée dans l’air. Les yeux mi-clos, je répondis d’une voix à peine plus forte que la brise :
- Je crois que si je veux devenir Maître, c’est pour pouvoir inspirer les autres. bien sûr, comme tous les enfants de mon âge, j’ai eu envie de devenir dresseur dès lors que mes yeux se sont posés sur un Pokémon pour la première fois.
Le vent diminua légèrement, comme s’il m’écoutait. Je repris mon souffle, et continuai :
- Quand Maman m’a dit que t’étais dresseur… Ça m’a fichu un coup. Ça me mettait déjà mal à l’aise qu’elle parle de toi alors que t’étais pas là, et que je savais même pas qui t’étais vraiment. Mais là, ç’a été un coup terrible. Je suis passé par pas mal d’étais : la colère, l’amertume… et le regret.
Je relevai la tête, m’arrêtant sur les lignes tracées dans le bois.
- J’ai jamais voulu regretter ton absence. Ça me paraissait idiot de regretter quelque chose que je n’avais jamais connu. Je ne voulais pas éprouver de la peine inutilement. Mais ce jour-là… J’ai compris qu’en fait, j’aurais souhaité plus que tout pouvoir te connaître. T’aurais eu tellement de choses à m’apprendre sur les Pokémon… Je me fichais de savoir si t’étais bon ou mauvais, je voulais juste quelqu’un avec qui parler de ce que j’aimais le plus : les Pokémon… J’aurais pu le faire avec Maman, mais elle ne savait pas grand-chose sur le dressage. Et les autres enfants…
Je ne finis pas ma phrase, et haussai les épaules en oubliant qu’il n’y avait personne pour me voir. Quand j’étais petit, il n’y avait personne pour être mon véritable ami. Régis s’attirait les grâces de tout le monde, et même si je les fréquentais, lui et sa bande, ça ne se finissait jamais autrement que par une bagarre générale. Ça m’arrivait de bien m’entendre avec certains enfants, mais au final, je finissais toujours exclu du groupe, pour telle ou telle raison.
« Eh oui… J’étais un paria, moi aussi… »
Les poings serrés, je levai la tête vers le ciel. De petits nuages blancs filaient à vive allure, précédés d’un nuage un peu plus gros. Poussés par le vent, les petits étaient sur le point de rattraper le grand. Un peu comme s’ils faisaient la course.
- Évidemment, je vais pas mentir : comme beaucoup d’autres, j’ai souhaité devenir le plus fort dans le but de me créer une place dans ce monde où personne ne semblait faire attention à moi. Mais quand j’ai débuté mon voyage… J’ai rencontré beaucoup de personnes, et pas uniquement des dresseurs. Certains… sont devenus mes amis. De vrais amis, qui m’ont guidé et m’ont soutenu comme personne – excepté Maman – ne l’avait fait jusqu’ici. Tous ces gens ont tant fait pour moi…
Je fermai complètement les yeux, le temps de voir défiler les visages de tous mes compagnons de route, ainsi que ceux de tous les Pokémon ayant combattu à mes côtés. Finalement, je rouvris les yeux.
- Je pense… que depuis, ma volonté a changé. Je ne veux plus devenir le meilleur simplement pour devenir le meilleur. Je veux devenir le meilleur pour pousser les autres à me surpasser. Je veux inspirer les autres, voire inspirer les générations futures… Je veux devenir un modèle, en somme…
Un temps. Puis, bien qu’il n’y ait eu personne pour m’entendre, je me sentis un peu honteux.
- Hem… J’ai pas l’habitude d’être aussi grandiloquent… Mais bon, c’est vraiment ce que je pense.
Impassible, le tas de bois me rendit mon regard. La main toujours serrée sur mon coude gauche, je caressai lentement la blessure, essayant de sentir la cicatrice au travers du bandage.
- Tu disais sans arrêt que le monde était dangereux, et qu’il fallait se battre pour y survivre. Sur ce point, t’as pas tout à fait tort. C’est vrai, c’est compliqué de survivre et de rester heureux dans ce monde. Mais…
Mes doigts rencontrèrent l’extrémité du pansement, qui se décollait déjà.
- C’est pas une raison pour penser qu’on ne peut pas connaître quelques instants de bonheur. Et au contraire, il faut savoir les apprécier quand ils viennent. Tout comme il faut apprécier d’être en vie, et d’avoir survécu aux pires épreuves.
Je tirai un coup sec, et le bandage se défit. Je frissonnai en sentant le vent caresser la nouvelle peau ainsi mise à nu. Prenant mon courage à deux mains, je baissai les yeux. Argh… Ouais, pas très beau, tout ça. Une balafre longue de plusieurs centimètres traversait mon bras juste au-dessus de la jointure du coude. Fine et irrégulière, elle avait une teinte rosée, qui contrastait avec le reste de ma peau, un peu plus hâlée. Je déglutis, et achevai d’enlever le pansement.
- Et ça, tu vois, c’est aussi toi qui me l’a appris…
Je me penchai en avant, et enroulai la bandelette blanche autour du pan droit de la planche transversale.
- Je suis toujours en vie. Et je vais tout faire pour le rester, et pour garder ceux qui me sont chers auprès de moi. Je n’abandonnerai jamais, qu’importent les difficultés. Alors où que tu sois… regarde-moi. Regarde-moi, et je te prouverai qu’on peut survivre dans ce monde que tu détestes tant.
Je serrai le nœud de toutes mes forces, me relevai, et reculai. Le bois brun sombre était maintenant pourvu d’une bande blanche sur son côté droit, où deux bandelettes restantes flottaient au vent.
- J’emporterai ton souvenir avec moi. Car contrairement à toi, je n’oublierai jamais mes défaites.
Un pas en arrière de plus, et je fis volteface, tête baissée.
- Au revoir… papa.
Je commençai à m’éloigner, lorsqu’un brusque coup de vent ébouriffa mes cheveux par l’arrière. Au même instant je crus sentir une présence dans mon dos. Je me retournai vivement. Personne.
Perplexe, je scrutai les environs, avant de me remettre en route.
« J’ai dû rêver… »
~*~- T’es sûr qu’il va venir ?
- Il a dit qu’on devait l’attendre. Il semblait prêt à repartir.
Dubitative, Clem pencha la tête sur le côté, tout en installant Dedenne dans la poche de sa sacoche. Serena la regarda faire, avant de reporter son regard sur les Pokémon de Sacha, qui attendaient à leurs côtés. Tous, hormis Pikachu, étaient présents, et fixaient l’horizon, attendant patiemment l’instant où la silhouette de leur dresseur percerait cette ligne infinie.
- Comment va-t-il ? questionna-t-elle.
- Il m’a paru… en forme. (Lem passa une main dans ses cheveux blonds, hésitant sur le terme exact à employer.) Ce qui est sûr, c’est qu’il a recommencé à agir comme le Sacha dont on a l’habitude.
Serena hocha distraitement la tête, et fixa de nouveau l’horizon. Ce faisant, elle avisa les corps recouvert de bandages et autres pansements des Pokémon du jeune dresseur de Kanto. Tous avaient livré une bataille des plus ardues, et tous en étaient ressortis – si ce n’étaient intacts, tout du moins indemnes. Et à présent, tous attendaient avec impatience le retour de leur dresseur, et ami.
« Comme nous tous ici… »
Même s’ils accompagnaient Sacha dans sa quête des badges, Lem et Serena avaient leurs propres buts, et leurs propres ambitions. Le cas de Clem était à part, elle qui n’avait pas encore l’âge légal pour devenir dresseuse. Toujours était-il que ce voyage n’était pas uniquement celui de Sacha. C’était aussi celui des deux adolescents qui l’accompagnaient. Lem souhaitait parcourir Kalos pour parfaire ses connaissances en tant que champion, et partager et étendre son savoir en tant qu’inventeur. Quant à Serena, elle avait enfin trouvé sa propre voie, et avait décidé de concourir dans les Salons Pokémon. Là où Sacha souhaitait devenir Maître Pokémon, Serena s’était fixé pour but de devenir Reine de Kalos.
Jusqu’ici, c’était la quête de Sacha qui avait dressé leur itinéraire à travers la région. Les villes où les Salons Pokémon avaient lieu n’étaient que des étapes intermédiaires. Et pourtant, Sacha n’avait jamais rechigné à faire des escales plus ou moins longues pour permettre à la jeune fille de participer aux concours. Idem pour Lem et Clem : si l’un d’eux avaient des problèmes à régler quelque part, alors le voyage se mettait en pause, le temps que les choses se remettent en place.
Sacha les avaient toujours attendus. À présent, c’était à eux de l’attendre. Tant que leur ami ne se sentirait pas prêt, aucun n’avait l’intention de reprendre la route. Ils avaient commencé le voyage ensemble, et le termineraient ensemble. Comme une équipe.
- Hé !!
Serena sursauta. Lem et Clem suivirent son regard, et aperçurent quelqu’un qui courait dans leur direction. Croâporal et les autres n’eurent même pas besoin de se concerter ; les quatre filèrent à la rencontre de leur dresseur, qui dut s’arrêter bien avant d’être arrivé à hauteur de ses compagnons de route.
- Oh, hé, doucement ! protesta le jeune dresseur en riant. Laissez-moi respirer, je vous ai dit que j’arrivais…
- Sacha !
Le concerné se tourna vers ses compagnons, les yeux brillants. Contrairement à d’habitude, sa tête était nue, ce qui permettait à ses pointes ébènes de se dresser contre le vent, tels les pics d’un Héricendre mal réveillé.
- Désolé de vous avoir fait attendre, les amis…
Lem secoua la tête, signifiant que ce n’était rien.
- Tu es sûr de vouloir repartir maintenant ? lui demanda-t-il.
- Ouaip. Tu me connais, si je passe une journée de plus à rien faire, je vais tourner dingue…
Serena observa le jeune dresseur mouliner des épaules, et étirer ses muscles endoloris. Aussitôt, elle remarqua le changement sur le bras de Sacha.
- Mais… ton bras !
- Hein ? Oh, ça…
Tout le monde écarquilla les yeux devant la cicatrice impressionnante qui zébrait le bras de Sacha, juste au-dessus du coude. Large d’au moins deux centimètres, elle zigzaguait de manière irrégulière sur sa peau.
- Disons que c’est… une preuve que je suis toujours dans la course.
Le sourire qui accompagna cette phrase, si étrange à entendre dans la bouche de Sacha, mit ses compagnons un peu mal à l’aise. Néanmoins, Sacha ne leur laissa pas le temps de s’interroger plus longuement :
- Bon, assez parlé ! Maintenant qu’on est tous là, on pourrait reprendre la route, n… Hé, mais où est passé Pikachu ?
- On ne sait pas. Je pensais qu’il t’avait suivi, tout à l’heure, répondit Lem.
Sacha secoua la tête, confus. Au moment où il allait appeler son ami, Croâporal lui tira la jambe, et pointa le Centre Pokémon. Tous suivirent la direction indiquée par le Pokémon Eau, et virent une petite silhouette gambader vers eux d’une démarche maladroite.
Sacha, soulagé s’accroupit pour accueillir Pikachu. Mais contrairement à ce à quoi tous s’attendaient, le rongeur ne sauta pas dans ses bras. Pour cause : il était à moitié aveuglé par un objet bien trop grand pour sa petite tête.
- Tiens, c’est ta casquette, Sacha ! remarqua Clem.
- Je vois. Il a dû aller la chercher en voyant que tu l’avais oubliée.
- C’est vrai que sans elle, c’est comme s’il te manquait quelque chose, sourit Serena.
Sacha ne dit rien. Immobile, il regardait Pikachu se débattre avec le couvre-chef pour tenter de le placer correctement sur ses oreilles. En le voyant faire, une succession de flashs vint assaillir sa mémoire. Plus que des images, ce furent des sons ; des odeurs ; des sensations.
Il est encore très petit. Tout juste capable de babiller quelques bribes de mots. Entouré des bras chauds et protecteurs de sa mère, il entend sa voix, ainsi qu’une autre, plus grave, qu’il ne reconnait pas. Puis on lui place quelque chose sur la tête. C’est grand, c’est mou et rigide à la fois, et c’est légèrement âpre au toucher. Ça lui bloque la vue, alors il se débat. La voix grave retentit de nouveau. À l’aide de ses petites mains, il parvient à soulever l’objet pour le placer un peu plus haut sur sa tête ronde. Il voit alors une ombre noire se découper sur un carré de lumière. Cette ombre agite la main, avant de se détourner, et de fermer la porte.- Pikapi ?
Sacha sursauta, brusquement tiré de ses rêveries. Ce flash… Pouvait-ce être un souvenir ?
- Qu’est-ce qui t’arrive, Sacha ? Ça ne va pas ?
La voix inquiète de ses amis ramena le jeune dresseur à la réalité. Délicatement, il retira le couvre-chef de la tête de Pikachu, et le plaça sur la sienne.
« C’était la casquette de ton père. Tu es sûr que tu ne veux pas la mettre ? »Il sourit.
- Allez, les gars, c’est l’heure de se remettre en route ! Qui est partant pour un petit marathon de remise en forme ?
D’abord surpris, les Pokémon poussèrent une même exclamation enthousiaste. Sacha retourna sa casquette visière à l’envers, et donna le signal du départ.
- Hé ! Attends nous ! protesta Clem en se lançant à sa poursuite.
- Ha… Pas de doute, il est bien redevenu comme avant…, soupira Lem, déjà fatigué à l’idée même de devoir courir.
Serena lui adressa un sourire compatissant, avant d’emboîter le pas à Clem.
Comme avant ? Non, Sacha n’était redevenu comme avant. Cette expérience l’avait changé bien plus que tous ne pouvaient le concevoir. Néanmoins, il ne s’agissait que d’une nouvelle pierre à l’édifice. Tant que les fondations ne changeraient pas, Sacha continuerait de montrer son sourire aux autres. Et ce, qu’importent les fissures qu’il avait pu subir.
Sous le soleil éclatant de la région de Kalos, un voyage venait de s’achever… pour permettre à un nouveau de commencer. Ou plutôt, de recommencer.
Car ce n’était que le début. Sans qu'il n'en ait conscience, le destin de Sacha avait d'ores et déjà commencé à basculer... pour changer de manière irrémédiable.