Prologue : La nouvelle ère.
05/11/1052
Le progrès est-il nécessaire à l’évolution ? Une question tristement ironique pour moi, quelqu’un ayant sacrifié son âme à la recherche. Le progrès est une sirène. Il sonne comme musique à nos oreilles, nous nous laissons entraîner par la mélodie, pour finir nous échouer sur les récifs des conséquences.
Chacun le sait. Il y a 1 000 ans, le progrès a bouleversé la face du monde. À cette époque, l’être humain était au pinacle de l’évolution. Rien n’était impossible. Nous maîtrisions tout. Nous pouvions forger des matériaux invulnérables, nous pouvions franchir des centaines de kilomètres en quelques secondes, nous maîtrisions la météo, nous pouvions télécharger des centaines d’informations directement dans notre esprit, nous pouvions guérir de toutes les maladies… enfin, presque toutes.
L’Homme n’est pas capable de s’arrêter. Il restait subjugué par le chant de la sirène. Il lui en fallait toujours plus. Il y a 1 000 ans, les Ensar… non, les Pokémon peuplaient encore notre monde. Ils étaient notre fierté, le symbole de notre puissance. Et s’il y a une chose que l’Homme idolâtre avant tout, c’est bien sa propre puissance. Ce fut de cette évidente vérité qu’est née le Néora.
Le Néora, le prélude du projet VH. Hahaha… rien que de repenser à cette absurdité, je ne peux m’empêcher de rire. Il s’agissait d’une substance chimique permettant d’élever un Pokémon au maximum de ces capacités. Et il fonctionnait. Le Néora devint vite un incontournable. Les dresseurs se l’arrachaient à prix d’or. C’était la folie.
Mais les récifs nous attendaient. Quelques années plus tard, une terrible catastrophe, tel un jugement divin, s’abattit sur nos têtes bien trop suffisantes. Il fallait s’y attendre. Les Pokémon ayant absorbé le Néora se mirent à devenir fous, saccageant tout sur leur passage. Il était impossible de les arrêter, ils ne revenaient plus dans leur capsule… Pokéball, je crois. Pire encore, cette rage était contagieuse. Bientôt, tous les Pokémon de toutes les régions furent atteints. Nous avions appelé cette maladie et l’ère de désastres qui en découla le Télira. Encore aujourd’hui, le mot ‘‘Télira’’ est tabou ; preuve de l’impact psychologique que cette calamité a gravé jusqu’à l’intérieur de notre ADN.
L’humanité n’avait plus le choix. Il fallait agir, employer des moyens drastiques. Ce fut le début de la grande guerre du Télira. Une guerre terrible, où les plus fines technologies furent instruments de sanglants massacres. Petit à petit, toutes les perles et fiertés de notre société s’écroulèrent. Nos buildings s’effondrèrent les un après les autres, nos usines explosèrent, nos villes furent rasées ; notre ciel auparavant bleu azur fut désormais teinté de désolation.
Mais l’humanité était tenace. A force de destruction, l’Homme a réussi à se débarrasser de la menace qu’il avait lui-même créé. Oui, les Pokémon n’étaient plus ; ainsi que 80 % de l’humanité. Tout était à reconstruire. Mais l’Homme ne le pouvait plus. La vérité le frappa tel la foudre. Sans les Pokémon, il n’était rien.
Toutes nos technologies se basaient sur ces mêmes Pokémon, des êtres aux pouvoirs mystérieux. Sans eux, il était impossible de retrouver le niveau de vie d’avant. Toutefois, les survivants du Télira acceptèrent cet état de fait. Ils ne voulaient plus rien avoir à faire avec la tentatrice technologie. Elle était bannie. Le reste de l’humanité avait décidé de fonder une nouvelle ère, en revenant aux bases. Il n’y avait plus d’intelligences artificielles, de substances chimiques pseudo-prodigieuse, de téléporteurs, des fusées. L’Homme s’était remis à semer des champs, à élever les animaux, à construire des maisons de pailles. L’humanité était revenue à une époque moyenâgeuse.
Était-ce une régression ? Je n’en savais rien. Technologiquement, certainement. Mais humainement ? La question restait entière.
Hahaha… une nouvelle ère, oui. Causée par un simple médicament. Une simple petite capsule, qui a détruit des centaines d’années d’évolution.
Pourquoi écris-je ces lignes ? Je n’en sais rien, ma plume danse par elle-même. Peut-être qu’inconsciemment, je me force à me rappeler le passé pour justifier mes actes ?
Quoi qu’il en soit, c’est sans doute la dernière fois que j’aurais l’occasion d’écrire. Ceci est mon testament.
Je signe ici mes peurs, mes doutes et mes espoirs. Je n’ai qu’un souhait : que l’humanité prouve sa valeur, que son passé lui serve de leçon, et que son avenir soit radieux.
Un souhait pour lequel je vais sacrifier mon être, pour lequel je vais faire couler le sang.
Haha, la peur commence peu à peu à m’envahir. Peut-être ai-je tort. Peut-être ne suis-je pas sur la bonne route. Peut-être fais-je erreur. Mais l’erreur est humaine. Et je suis humain. De moins, c’est ce que j’espère encore du plus profond de mon âme.