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Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 24/05/2017 à 08:28
» Dernière mise à jour le 24/05/2017 à 08:28

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 8 : Une nouvelle vie commence
Six


Je me réveillais dans un lit confortable et douillet comme je n’en avais jamais vu. Malgré mon esprit en ébullition qui m’ordonnait de me lever et de courir, mon corps semblait refuser de m’écouter, tant ce lit était merveilleux. Un rapide coup d’œil au plafond et autour de moi m’indiqua que j’étais dans un lieu inconnu. C’était une grande chambre richement décorée dans laquelle régnait un désordre palpable, avec des étagères partout, des tableaux posés ci et là, des bibelots à même le sol.

Qu’est-ce que je fichais là ? J’ignorai quel était cet endroit et comment j’y étais arrivé. Pire, j’avais du mal à me resituer mon parcours. Il s’était passé quelque chose de grave récemment, mais mon esprit embrumé avait du mal à se concentrer. Je me permis quelque secondes de calme pour réfléchir, et ça me revint d’un coup. L’Atlas de la Connaissance, l’arrivée des Nettoyeurs, la fuite, la rencontre avec ces deux hommes étranges, et Scalpuraï qui passait devant moi. Scalpuraï, dont la seule présence glaçait l’atmosphère, dont les yeux jaunes envoyaient des ondes de mort qui…

N’y tenant plus, je me levais d’un coup, prêt à fuir loin, très loin du souvenir de ce Pokemon. J’avais l’impression qu’il me suivrait partout désormais, que jamais ses yeux jaunes ne me lâcheraient. Mais, en voulant faire trop vite, je me pris le pied dans la couverture du lit et tombais au sol, au milieu des objets de toutes sortes. J’entendis alors marmonner une voix familière non loin de moi.

- Mon sujet vient de se réveiller en sursaut en s’étalant lamentablement au sol. Il a l’air fébrile, impuissant comme un Magicarpe hors de l’eau. Je dois confesser ici par écrit ma faiblesse en le voyant si pitoyable. Je vais donc faire preuve d’attention envers lui.

C’était bien évidement Diplôtom qui se parlait à lui-même en écrivant ses propres paroles dans son bouquin. Puis, comme si je n’avais rien entendu, il fit mine de me remarquer et prit une expression à la fois soulagée et inquiète.

- Six, par le Grand Codex, tu es réveillé ! J’étais inquiet… Tu… tu te sens bien ?

- Messire Diplôtom… On est où là ?

- Dans la demeure de Lord Stuon. Nous étions en route pour le quartier G-Man, tu te souviens ? Puis Scalpuraï est passé devant nous, alors Lord Stuon a utilisé une attaque Camouflage sur nous tous pour nous fondre dans le décor. Tu t’es évanoui peu après. C’est très compréhensible ; la pression qui entoure Scalpuraï est des plus désagréables, même pour moi, donc ce n’est pas étonnant qu’un pauvre humain si faible comme toi…

- Nous sommes vraiment à l’abri ici ? L’interrompis-je. Les Nettoyeurs ne vont pas venir nous chercher ? Et Kashmel et Lord Stuon, ils sont où ?

- En bas. Ils t’attendent, et répondront à tes questions. J’ai moi aussi nombre de choses à leur demander. Tout cela est fascinant. Ça dépasse largement le cadre de mon étude sur les humains, mais je serai en mesure d’accumuler des connaissances sur les G-Man et les Paxen totalement inédites pour mes pairs…

Je passai devant Diplôtom sans plus m’en soucier, cherchant la sortie au milieu de tout ce bazar. Le petit Pokemon Psy et Spectre marmonna un autre commentaire académique tout en écrivant sur son livre :

- Mon sujet m’a parfaitement ignoré. Je présume que je dois mettre cela sur le compte de son esprit limité qui est trop sollicité après tout ces événements…

Cette maison était grande, mais dans un désordre organisé. Même la planque d’Immotist dans la ville basse était mieux ordonnée. Tout était dans un bazar complet, avec des espèces de mini-ateliers se trouvant un peu partout. Il y avait des sculptures, des tableaux, des fresques de tout genre ; avec un point commun : ils ne représentaient rien. Ou du moins, rien d’identifiable pour moi. Les peintures n’étaient qu’un mélange de couleurs hasardeux avec des formes instables, il m’était impossible de dire si les sculptures de pierre représentaient des humains ou des Pokemon, et les fresques semblaient être une série de patchworks incohérents et tape-à-l’œil.

Je trouvai le salon dans un peu le même état, si ce n’était qu’il y avait au milieu assez d’espace pour faire rentrer une table. Nos deux sauveurs, à Diplôtom et à moi, étaient tranquillement assis à boire un thé. Lord Stuon, le G-Man, était habillé d’une espèce de toge beige avec ce qui semblaient être des tâches de peintures dessus, et était coiffé de cet espèce de béret ringard que les peintres portaient parfois. Kashmel, le Paxen, portait lui une veste sombre, et son visage rugueux, mal rasé et plein de cicatrices offrait un contraste saisissant avec celui de Stuon, noble et souriant.

- Ah, voici notre jeune ami Six ! S’exclama Lord Stuon en le voyant arriver. Approche, approche ! Je suis heureux de te revoir sur pied. Sois le bienvenu dans mon petit chez-moi.

Avant que je n’ai pu répondre, la voix familière de mon maître Immotist retentit.

- Six ! Sors moi de là, mon garçon ! Ce G-Man est un fou !

Je vis le masque de cérémonie dans lequel mon maître avait réfugié son âme exposé sur le rebord de la cheminée. Il avait été largement agrémenté de couleurs et de parures, à tel point qu’il en était ridicule. Je retins malgré moi un léger pouffement.

- Il me semble que ce cher Immotist n’apprécie ni mon hospitalité ni mon art, soupira Stuon d’un air théâtral. Moi qui tenait pourtant à le mettre en valeur…

- Je vous en prie, messire G-Man, protesta Immotist. Si vous m’aidez à me retrouver un corps comme celui d’avant, je saurai m’en souvenir, croyez-moi ! J’ai beaucoup de relations et un patrimoine des plus appréciables !

- C’est ton fils qui a tout ça maintenant, vermine, grommela Kashmel. Tu n’es plus rien, tu n’es qu’un masque qui parle. Estime-toi heureux que Stuon ait bien voulu te garder comme œuvre d’art. Moi je t’aurai réduis en lambeaux, ou remis à Scalpuraï, qui aurait juste fait de toi des lambeaux plus petits…

Alors même qu’il menaçait Immotist, cet homme me fichait la trouille, et j’étais pris d’une soudaine envie de m’excuser, même si je ne savais pas pourquoi. Ce Kashmel était visiblement quelqu’un qu’il ne fallait mieux pas embêter. Je remarquai d’ailleurs, non loin de lui sur la table, un petit Pokemon jaune à la fourrure hérissée. Ma vie passée à servir les Pokemon me poussa à m’incliner.

- Pardonnez-moi, Seigneur Pokemon, je ne vous avais pas vu…

Le Pokemon me regarda d’un air surpris, puis pouffa.

- Tu parles à un Pokemon des Paxen là, mon garçon. Nul besoin de s’incliner devant moi.

- J’te présente Furaïjin, fit Kashmel. C’est mon partenaire Pokemon chez les Paxen.

Puis, buvant une gorgée de son thé, il me fit signe de m’asseoir devant lui, ce que je fis avec hésitation. Alors que Lord Stuon était en train de me préparer une tasse pour moi-même, Kashmel m’examina intensément avec ses petits yeux noirs.

- Je suppose que tu as pas mal de questions, dit-il enfin d’un ton bourru. Tu peux poser celles qui te passent par la tête, et on va tenter de t’éclairer sur ce qu’il t’arrive.

Je ne me fis pas prier. À vrai dire, je n’attendais que ça. Diplôtom lui ouvrit son livre et se prépara à prendre des notes.

- Qui… qui êtes vous réellement, messires ?

- Nous t’avons dit nos réelles identités, répondit Stuon. Je suis le Seigneur G-Man Stuon Jarminal, et eux donc ce sont Kashmel et Furaïjin, de la rébellion Paxen.

- Mais euh… qu’est-ce que fais un G-Man avec un Paxen ? Demandai-je. Vous êtes censés être… ennemis non ?

- C’est ce que la société voudrait, mais moi, je suis anticonformiste.

Kashmel soupira et reprit les paroles de son ami plus sérieusement.

- Stuon est un vieil ami. Je l’ai connu avant de rejoindre les Paxen. Il pense tout comme moi que les G-Man ont trahi l’humanité en rejoignant Xanthos il y a plusieurs siècles, et que l’Ordre est pourri de l’intérieur. C’est mon espion G-Man, en quelque sorte.

La surprise dût se voir sur mon visage, car je n’aurai jamais imaginé rencontrer des G-Man qui soutenaient les Paxen. Pour moi, les G-Man étaient des humains de la haute noblesse, les seuls existants, qui profitaient du système impérial qui leur accordait quantité de privilèges.

- Vous êtes tout seul, Lord Stuon, ou y’a-t-il d’autres G-Man qui ont pris le parti des Paxen ? Demanda Diplôtom.

- C’est pas vraiment une chose qu’on crie sur tous les toits, répondit le G-Man. De ce que je sais, je suis le seul à donner des infos aux Paxen par le biais de Kashmel. Mais il existe sans doute des G-Man qui veulent remettre en cause le système impérial, surtout depuis la mort de Xanthos. L’Empereur est pour nous un interlocuteur pas aussi bienveillant que ne l’était le vieux masqué.

J’enregistrai ces informations, et je passai à la question suivante.

- Pourquoi m’avoir aidé ?

Stuon haussa les épaules.

- Parce qu’on est des gars sympas, et surtout des contestataires. L’interdiction de procréer avec des humains et l’élimination automatique des G-Man illégaux sont un exemple de mesures que l’on veut voir supprimées quand nous aurons refondé l’Ordre.

- Mais déjà, comment avez-vous su que j’existais ? Quelqu’un… le sait-il dans l’Ordre ?

- Pas que je sache, répondit Stuon. L’existence d’un bâtard G-Man est quelque chose qui alimenterait les ragots pendant un moment, et les ragots, ça me connait. Non, je t’ai rencontré par hasard, Six. Je descends parfois dans la ville basse pour y faire des affaires… plus ou moins légales. Des trucs d’arts quoi…

- Il parle de marché noir et de contrefaçons, renseigna Kashmel.

- La ferme ! L’art ne saurait être limité par quelque chose d’aussi bassement matériel que la législation ! Bref, ces affaires m’ont amené parfois à être en contact avec ton charmant maître masque Immotist ici présent. Et une fois, je t’ai croisé de loin. Et j’ai vu ton Aura.

- Vous avez… vu ? Répétai-je. Les G-Man peuvent donc se reconnaître entre eux ?!

- Oui, s’ils utilisent la vision via l’Aura, ce que nous faisons jamais entre nous. C’est malpoli. Mais quand je descends dans la ville basse, je l’utilise toujours, histoire d’éviter les possibles tentatives de meurtres. Je ne m’attendais certes pas à croiser quelqu’un avec la même Aura que moi.

- Mais si vous m’avez repéré, peut-être… qu’un autre G-Man aussi ? Fis-je, inquiet.

- J’en doute, répondit Kashmel. Y’a que ce crétin de Stuon pour se balader dans la ville basse l’air de rien. Aucun risque qu’un noble G-Man véritable s’y rende. C’est bien trop crasseux pour leur rang. Et crois-moi, si un G-Man avait eu vent de ton existence, on le saurait. L’Ordre serait en ébullition. Un bâtard G-Man, c’est toujours un grave scandale, surtout que ça met en danger de mort la famille de celui qui a fauté. Tu n’as rien à craindre de l’Ordre. Le seul qui pourrait être au courant de ton existence, ce serait ton père, qui qu’il soit. Mais s’il tient à sa peau, il ne dira rien.

Je tentai de me persuader des paroles rassurantes de Kashmel à ce sujet, mais outre les G-Man, celui qui me préoccupait le plus était bien sûr le chef des Nettoyeurs.

- Et Scalpuraï alors ? Si Phamôme lui a tout dit, je suis fini ! Il lui a forcément fait une description de moi, et les gamins aux yeux rouges et aux cheveux blancs, ça ne court par les rues ! Il me trouvera forcément…

- Pas tant que tu demeureras dans le quartier G-Man, répliqua Kashmel. Il ne pourra pas t’attraper ici, même s’il soupçonne que tu es là. Les forces impériales sont strictement interdites chez les G-Man. Scalpuraï ne fait pas exception.

- Même s’il se doute qu’un G-Man illégal se cache là-bas ? Insistai-je.

- Tant qu’il n’a pas de preuve à présenter à l’Empereur, ce dernier ne prendra jamais le risque de se mettre les G-Man à dos. Daecheron a beau ne pas les apprécier autant que son vieux pote Xanthos, ils lui sont utiles. De plus, nous pensons que Scalpuraï n’a pas l’intention de révéler à l’Empereur ton existence tant qu’il ne t’aura pas attrapé.

- Pourquoi cela ? M’étonnai-je.

- Parce que si l’Empereur n’aime pas les G-Man, Scalpuraï lui les a en horreur, sourit Stuon. La découverte du dernier bâtard G-Man date d’il y a trente ans. Ça a fait grand bruit à l’époque, et ça a bien discrédité l’Ordre aux yeux des Seigneurs Protecteurs Daecheron et Xanthos. Un autre G-Man illégal découvert si peu de temps après ferait courir un risque réel à l’Ordre, qui pourrait perdre la protection que Daecheron lui confère. Nous pensons que c’est ce que souhaite Scalpuraï.

Kashmel hocha la tête et poursuivit :

- Scalpuraï a toujours œuvré pour que les G-Man et l’Empire aient des relations tendus. Il souhaite que l’Empereur se débarrasse des G-Man, qui pour lui ne servent à rien à l’Empire en plus d’être des abominations. C’est pour cela qu’il te cherche, Six. Pas simplement pour t’éliminer, mais pour amener à l’Empereur la preuve vivante que les G-Man ne respectent pas les lois de l’Empire, et qu’ils soient donc sévèrement punis. Et s’il ne t’a pas encore dénoncé à Daecheron, c’est qu’il y a une bonne raison. S’il le faisait, y’aurait des chances pour que les G-Man finissent par l’apprendre, et alors, pour sauver leurs fesses, ils tenteront de te trouver avant Scalpuraï. Il ne veut pas être gêné, donc il se tait pour le moment.

Je méditai là-dessus en silence, puis demandai :

- Mais si jamais les G-Man avaient vent de mon existence et qu’ils me trouvaient, que feraient-ils de moi ? Ils me cacheraient ? Ils diraient que je suis un véritable G-Man ?

Kashmel et Stuon échangèrent un regard sombre. Ce fut le Pokemon de Kashmel, Furaïjin, qui me répondit :

- C’est très peu probable, Six. Ils vont sans doute t’éliminer discrètement, et prétendre que tu n’as jamais existé.

- Je… vois.

Évidement. Je n’étais le bienvenu nulle part. Chez les humains, j’étais un bâtard G-Man à livrer à l’Empire, et chez les G-Man, j’étais une gêne, une honte qui méritait de disparaître pour assurer la protection de l’Ordre.

- Alors… que dois-je faire ? Demandai-je presque désespérément. Où dois-je aller ?

Je crus à ce moment là déceler dans le regard dur de Kashmel un vague instant de pitié, comme si ma situation avait réussi à toucher la carapace d’insensibilité de cet homme.

- Pour l’instant, tu es le bienvenu chez moi, répondit Stuon. Comme je l’ai dit, Scalpuraï ne viendra pas te chercher ici, même s’il se doute que tu es là.

- Je suis actuellement en train de préparer un plan qui devrait porter un gros coup à l’Empire, et plus particulièrement à l’Ordre G-Man, reprit Kashmel. Si je réussi, je retournerai chez les Paxen, et si tu le souhaites, je te prendrai avec moi. Là-bas, personne ne traque les G-Man illégaux. Là-bas, humains et Pokemon vivent en toute égalité.

- Moi… rejoindre les Paxen ?

J’avais toujours un peu imaginé ces rebelles qui défiaient l’Empire comme de la science-fiction. Rien ni personne ne pouvait défier quelque chose d’aussi énorme et invincible que l’Empire Pokemonis. Pourtant, il y a deux ans, le Seigneur Protecteur Xanthos avait péri, des mains même des Paxen. Ils ne devaient pas être si incompétents que ça.

- Tu ne seras pas obligé de te battre pour eux si tu le souhaites pas, continua Kashmel. Les Paxen accueillent beaucoup de réfugiés qui fuient l’Empire, et tous ne deviennent pas combattants de la liberté. Par contre bien sûr, il faudra t’attendre à ce que les Paxen se montrent très intéressés par tes pouvoirs, et qu’ils cherchent à s’en servir d’une façon ou d’une autre. Mais c’est là le prix à payer pour pouvoir vivre hors de portée de griffes de l’Empire.

Je hochai la tête. Je n’étais pas spécialement emballé par le fait de combattre les armées impériales, mais si Kashmel et Stuon étaient vraiment sincères - et je le pensais - ma seule chance de survie était auprès d’eux.

- Très bien, fis-je finalement. J’accepte avec gratitude, Sire Kashmel.

- Pas de sire, rétorqua ce dernier. Juste Kashmel. Dis-moi Six. Immotist nous a dit que tu étais le G-Man du Pokemon Félinferno. À quel point tu contrôles tes pouvoirs de G-Man ?

Là, je craignis de le décevoir pas mal.

- Quasiment rien Si… euh… Kashmel. Je peux juste accroître un peu ma force physique et ma vitesse. Je peux me faire sortir des griffes, et réchauffer mes mains jusqu’à ce qu’elles puissent faire fondre le métal.

Kashmel haussa les sourcils, et Stuon siffla.

- Quasiment rien ? Ricana-t-il. Mon garçon, pour quelqu’un de ton âge qui n’a jamais eu le moindre entraînement G-Man, c’est tout bonnement exceptionnel !

- V-vraiment ?

À coté de moi, Diplôtom se mit à écrire plus vite en marmonnant :

- Mon sujet se révèle être « exceptionnel » selon l’échelle de mesure G-Man. À mon humble avis de chercheur, celle-ci ne doit pas voler bien haut.

- La plupart des jeunes G-Man ne découvrent leur don qu’entre dix et seize ans, m’expliqua Kashmel, et il leur faut au moins cinq ans d’études pour parvenir à faire se manifester la moindre caractéristique Pokemon. Je ne veux pas préjuger, mais étant donné la force et la rareté du Pokemon avec qui tu partages l’ADN, et ta découverte précoce de tes pouvoirs, tu devrais être un G-Man particulièrement puissant.

- Ça me fait une belle jambe, grommelai-je, comme je n’entrerai jamais dans l’Ordre.

- Non, tu n’y rentreras pas, confirma Kashmel. Mais il n’y a pas besoin d’y rentrer pour te servir de tes pouvoirs. Je te propose un marché, Six. Si tu m’aide dans la mission que je dois mener ici pour les Paxen, je te forme aux arts G-Man. Quoi que tu décides ensuite de faire de tes pouvoirs, nul doute qu’ils te seront bien utiles, ne serait-ce que pour protéger ta vie.

- Vous, Kashmel ?

- Moi.

- Mais… vous êtes un G-Man alors ?

- Je l’étais. Je ne le suis plus. Mais je me sers toujours de mes pouvoirs, à l’occasion. C’est grâce à eux que j’ai pu creuser ce tunnel jusqu’aux sous-sols de l’Atlas si vite, ou encore faire s’écrouler quelques maisons pour attirer l’attention des Nettoyeurs.

Je voulais en savoir plus sur Kashmel, sur ce qu’il voulait dire par « je l’étais, je ne le suis plus », mais il resta muet, signe qu’il ne voulait pas s’étendre sur son histoire personnelle. Je me promis de l’interroger plus tard si possible.

- En quoi pourrai-je vous aider pour votre mission ? Demandai-je plutôt.

- J’ai besoin d’informations sur un groupe de G-Man qui se fait appeler Lance. Ils seraient des rebelles idéalistes, en désaccord avec l’Empire et la politique du Grand Maître Irlesquo. J’aimerai donc que tu t’infiltres dans l’Ordre, et qu’en œuvrant bien, l’un de ces membres de Lance t’invite à les rejoindre.

J’en restais bouche bée un moment, puis je dis, timidement :

- Mais… monsieur Kashmel, vous n’avez certainement pas besoin de moi pour ça non ? Lord Stuon est un G-Man de l’Ordre, il peut…

- Il ne peut rien du tout, coupa Kashmel. Stuon est considéré comme un excentrique parmi ses pairs. Personne ne le prend au sérieux ni se soucie de lui. C’est pour cela qu’il est utile pour récolter des renseignements, mais Lance n’aura jamais l’idée de recruter quelqu’un comme lui. De plus, il est le G-Man d’un Pokemon connu pour son inutilité chronique…

- C’est de la diffamation, encore une fois ! Protesta théâtralement le G-Man. S’il est utilisé intelligemment, Queulorior est un monstre de combat !

- Oui oui, sans doute, soupira Kashmel. Mais pour les G-Man, il ne vaut rien. Si le groupe Lance prévoit des actions contre l’Ordre ou contre l’Empire, il cherche sans doute des G-Man avec un ADN Pokemon… un poil plus impressionnant. De plus, comme on fera style que Six est un G-Man venu d’une des cités extérieures, qui ne connait donc pas grand-chose des us et coutumes de l’Ordre, il sera considéré comme facilement influençable, et plus à même à être approché.

Moi, devenir un G-Man en me mêlant parmi ceux de l’Ordre ? Ça me semblait irréel. J’allais me faire prendre, forcément ! Je maîtrisais presque rien de leur pouvoir, rien de l’Aura, et je ne savais rien d’eux ! Mais Kashmel me regardait avec confiance.

- Ne t’inquiète pas. On ne va pas te larguer dans une de leur réception dès demain. Stuon t’apprendra tout ce que tu dois savoir de leur mode de vie, de comment se comporter en tant que G-Man, des hautes personnalités qu’il te faudra connaître. Et moi, je t’enseignerai les bases sur l’Aura et tes pouvoirs. J’ai bon espoir qu’en deux ou trois semaines, tu sois au point pour une première immersion dans leur société. Ce sera long, de gagner leur confiance, de te faire connaître, jusqu’à ce que Lance arrive à toi, mais je crois que tu es la personne idéale pour cela. Tu sauras les tromper, Six. Après tout, tu en as déjà trompé un ici même.

Pour la première fois, Kashmel me sourit. Personne à part lui ne compris cette dernière remarque, mais moi, en voyant son regard, je sus qu’il savait. Il connaissait, d’une façon ou d’une autre, mon secret.

- Qu’est-ce que tu veux dire, qu’il en a déjà trompé un ici-même ? Demanda Stuon.

- Je parlais de toi, répondit Kashmel. Tu es un G-Man, et il a su te tromper sans que tu ne remarques rien. Tout comme vous, ajouta-t-il à l’adresse des Pokemon présents.

- Et en quoi nous aurait-il trompé ?

Le sourire de Kashmel s’élargit, et je baissai la tête, rouge de honte.

- C’est une fille, pauvre nigaud.

Tous les regard se tournèrent vers moi. On aurait même pu croire que les yeux peints par Stuon sur le masque d’Immotist bougèrent aussi de mon côté.

- Attend voir… balbutia Stuon. C’est vrai ça Six ? Tu es une demoiselle ?!

Je restai un moment silencieux, les yeux fermé, puis j’hochai doucement la tête.

- Par le grand Sacha Ketchum ! Jura Stuon. Moi, Stuon Jarminal, qui a à son actif le nombre record de dames G-Man de draguées, je n’ai pas remarqué que tu étais une fille ?! Honte. Honte à moi…

- Ohhhhhhh ! S’écria Diplôtom. Tu es donc une femelle en plus d’être une G-Man Six ?! Tu es un sujet formidable ! Je vais de surprise en surprise avec toi.

- Qu’est-ce que ça veut dire Six ?! S’écria le masque d’Immotist, visiblement en colère. Ta mère et toi m’avez toujours caché une information si capitale ?! Si tu étais une femelle, tu m’aurais rapporté encore plus !

J’attendis qu’ils aient tous terminé leurs exclamations pour m’expliquer. De toute façon, dans ma situation, il ne servait plus à rien de continuer à jouer la comédie.

- Je me fais passer pour un garçon depuis le début. C’est ma mère qui le voulait. Elle disait que c’était plus sûr…

- Et elle avait raison bien sûr, approuva Kashmel. Les femelles humaines sont rares, et donc très recherchées. Tu aurais attiré l’attention, et ton identité G-Man aurait pu être découverte.

- Mais je savais que je ne pourrai pas continuer encore longtemps. Ça fonctionnait car je suis petite et menue, et que je me coupais les cheveux courts. Je ne suis pas en avance dans ma puberté, mais j’ai quatorze ans, bientôt quinze, et… et mes…

Comme je ne pus continuer, ce fut Stuon qui poursuivit en tapant du poing contre sa propre main, comme s’il avait eu une révélation.

- Tes seins poussent, et tu ne peux plus les cacher ! Évidement évidement… Si tu souhaites d’ailleurs l’avis d’un expert sur la poitrine féminine, je serai ravi de…

Kashmel le fit taire en posant son coude sur ses doigts, qui se mirent à craquer dangereusement. Je relevai la tête, tâchant d’oublier ma honte. Je m’étais toujours fais passer pour un garçon, à tel point que j’avais peut-être fini par me convaincre que j’en étais un. Mais j’étais qui j’étais. J’étais une fille, et j’étais une G-Man. Avec ces gens, je n’avais plus besoin de m’en cacher.

- Mon vrai nom est Sixtine, leur dis-je.

- Un nom noble, digne d’une G-Man, approuva Kashmel. Tu pourras l’utiliser quand tu seras parmi eux. Dans l’Ordre, aucune importance que tu sois fille ou garçon. Lance sera même peut-être encore plus intéressé à te recruter.

Kashmel se leva, considérant que tout a été dit.

- Très bien, Sixtine, G-Man de Félinferno. En échange de ton aide pour infiltrer l’Ordre et me mettre en relation avec le groupe Lance, je deviendrai ton maître. Je t’apprendrai tout ce que je sais sur l’Aura et la façon d’utiliser les pouvoirs G-Man. Après quoi, quand nous en aurons fini ici, je t’amènerai chez les Paxen, où tu seras libre d’y faire ce que tu veux. Ce marché te convient-il ?

Il me tendit sa grosse main burinée et couverte d’entailles. Je ne mis guère de temps à me décider de la serrer. J’abandonnais sans aucun regret mon ancienne vie de misère et de secret, pour me lancer dans cette nouvelle.