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Le Projet Wallace de Domino



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Informations

» Auteur : Domino - Voir le profil
» Créé le 17/05/2017 à 02:01
» Dernière mise à jour le 17/05/2017 à 02:01

» Mots-clés :   Action   Humour   Romance   Slice of life   Unys

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103 - After Ergo
« J’avoue ne plus savoir à quoi je sers, sans doute à rien du tout
Après tout, je peux me taire si tout devient dégoût… »

(Mylène Farmer, A quoi je sers)

« BWAH ! »
(Orson, souvent)

« J’ai vu le soleil sur ton âme se coucher
J’ai vu la nuit de tes armes s’emparer
J’ai vu le froid te promettre un feu doux
J’ai vu les couleurs disparaître de tes joues
Alors j’ai pris tes mains pour leur redonner
La douceur du matin et de l’été »

(Manon Pouille-Desanti, 14 ans, Seine-Saint-Denis
Poème lauréat d’un concours RATP)



- On passe au sujet qui fâche : Amélia.

Rebecca et Violette inspirèrent. Santana plissa les yeux en regardant le reste de la classe dans l’auditorium.

- Je me disais bien qu’il manquait quelqu’un.
- Tout indique qu’elle travaille en secret pour l’ennemi. C’est très dangereux. On ne peut pas la laisser agir sans avoir un œil sur elle. Rebecca…
- On est en froid, je l’évite autant que faire se peut.

Wallace hocha la tête.

- Bon. Violette ?
- Je… euh… je ne pense pas être la mieux indiquée, Amélia et moi on est surtout des amies communes de Rebecca à la base, je me vois mal…
- Ok, ok… Orson ?

Le petit gros regarda autour de lui.

- Pourquoi moi ?!
- Tu as un bon contact avec elle. Et puis il y a cette fois en combat direct où elle a refusé de se battre avec toi. C’était louche. Vous avez une connexion spéciale.

Rires dans l’assistance. Orson rougit.

- Bah euh… non ! Enfin…
- Qui vote pour qu’Orson soit chargé de la surveillance d’Amélia ?

Tout le monde leva la main. Wallace hocha la tête.

- C’est plié. Bien, maintenant désignons notre chargé de relations presse…

Christina se releva et sortit un dossier relié cuir.

- … oh boy…


***

Je suis Orson. Ouais. C’est moi. Le simple, simple, simple Orson. C’est moi le grassouillet de service. Quand je me regarde dans la glace le matin, que je vois mes poches sous mes yeux, mes cheveux blonds fins comme du crin de cheval, mon triple menton et… ce qui traine sous mon menton et que je ne veux même pas essayer de regarder… si, si, toute cette zone, là, entre mes bras, mes jambes et ma tête, là, ce gros truc repoussant, là…

Ouais, j’évite de me regarder dans la glace le matin.

Nan, je préfère mes trains. Ma maquette dans le garage de papa. Quand je peins ou que je monte ou que je modifie ou que je répare, j’aime bien avoir Cliticlic. Avant, Tic se contentait de tourner, Clic faisait pareil, et maintenant Cliticlic tourne et en plus son anneau fait gyroscope. Je trouve ça vraiment trop cool. Et ça m’aide à me concentrer. Parce que…

- ORSON ! ENLEVE TON STUPIDE GRODRIVE DE LA FENETRE !!

Ugh. Ma mère est la pire. Elle est dix fois plus grosse que moi, mais elle me traite de rondouillard, de bouboule, de Ronflex et j’en passe. Et elle me crie tout le temps dessus alors que j’essaie juste d’élever mes Pokémon !

- MAMAN, C’EST SON HEURE DE LA JOURNEE, JE LE LAISSE !
- OUI EH BAH J’ETAIS PAS D’ACCORD POUR CA !

Oh mais quelle peau de vache… Han non, et voilà ma petite sœur qui descend, hon…

- Maman a dit qu’elle allait t’envoyer en camp de régime après ta remise de diplômes !

Ce sera inutile, je vais tellement me faire dessus que je vais perdre au moins un million de kilos…

Ah qu’est-ce que j’aimerais avoir répondu ça !

- Oui eh bah euh… j’arrive…

Et voilà ! J’ai cédé. Rhalala. Pour une once de terrain gagné, j’en reperds chaque semaine un peu plus. Je ne suis pas foutu de tenir une position. Et après on veut que je fasse la guerre contre une Société par Actions Simplifiées ? Rhalala…

Mon père me regarde toujours avec un mélange de fierté et d’apitoiement. Je pense qu’il aimerait que je me prenne un peu plus en main. Mouais. Je sais pas trop. J’ai pas envie d’être un adulte et j’ai pas envie d’être un enfant non plus. D’après Tristan, le fait que je ne sache pas ce que je veux fait de moi quelqu’un de très normal et est très rassurant me concernant.

C’est toujours ça de pris.

Quand j’arrive à l’école, tout le monde me regarde de travers parce que comme le reste de ma classe, je ne porte pas l’uniforme. Ca me plait d’être spécial, comme ça. Paradoxalement, le fait de ne pas porter d’uniforme fait de nous un groupe particulier, nous rend uniques.

… ou alors ils me regardent de travers parce que je fais au bas mot un mètre soixante-huit et que je suis gras comme un jambonneau. Mais je sais que je suis gros, inutile de me le rappeler constamment. Ugh…

J’aperçois Tristan et Wallace. C’était bien, la soirée d’hier, même si ils se sont disputés… Ils ont l’air plutôt gênés, j’approche sous prétexte de dire bonjour à Tristan.

- La tête qu’elle a fait… Et elle t’avait vraiment pas prévenu ?!
- Mais non ! soupira Tristan. On a passé une si belle nuit, c’est con qu’elle ait tout gâché ce matin…
- Tu m’étonnes… Oui Orson ?

Je lève une main qui se veut amicale.

- Euh… bonjour… merci encore pour la soirée d’hier !
- C’est normal, Orson, désolés pour la dispute…
- Ouais, c’était un peu indélicat de notre part… admit Wallace.

Wow. Wallace Gribble qui s’excuse d’avoir été indélicat. Je vais peut-être retenter un régime, moi.

- C’est rien, c’est rien, je vous assure… euh, vous avez un souci ?

Tristan serra les dents. Wallace inspira.

- Eh bah…
- Wallace !
- On peut lui dire, il est pas niais au point de pas pouvoir comprendre !
- Alors ne sois pas vulgaire !

Moi, Orson, 18 ans, déjà destiné à la prêtrise.

- Ok… euh… on a passé la nuit ensemble avec Tristan, genre… tous nus…
- Wallaaaace…

Je suis flatté qu’il me protège comme ça du monde extérieur, mais, heh, j’ai déjà vu ma mère toute nue, alors foutu pour foutu…

- … et sa tante est revenue sans prévenir au petit matin, nous a surpris et a appris d’une traite qu’on sortait ensemble et qu’on avait des rapports sexuels sur le canapé où elle regarde All My Pokémon la main dans ses culo…
- Wallace !
- Ah mince, c’est… ballot…
- N’empêche qu’elle m’a maté.
- Wallace, merde !! grogna Tristan.
- Bah ça doit faire une paye pour elle, je comprends…
- Oh bon sang…

La tante de Tristan, ah. On s’entend étrangement bien, elle et moi. Je crois qu’elle aime, justement, le fait que je n’aie pas de rapports sexuels sur son canapé.

- Bref, maintenant elle sait, et… je… ne dors pas chez elle ce soir, d’où…

Je remarquai la valise de Tristan. Cela me causa de la peine.

- Awwww non Tristan…
- C’est temporaire, le temps qu’elle digère… Les parents de Wallace m’aiment bien, et au pire je prendrais la chambre de sa sœur…
- Comment ça ?!
- Quoi, comment ça ? Tes parents m’invitent, on va pas faire un lupanar non plus !
- Je peux dormir avec toi sans coucher forcément avec toi !
- Oh bah putain j’aimerais bien voir ça ! ricana Tristan.

Ok, ok, ok, là je m’éloigne c’est trop pour moi. Tristan est mon ami, je ne veux pas l’imaginer faire… ça. J’ai déjà donné avec le prof d’informatique, merci…

Je traverse un nuage de filles qui me regardent avec dédain, mais ça va, j’ai l’habitude. Les filles de la classe me regardent un tout petit peu mieux.

- Lut.
- Hey.

Ca, c’était Gina Crawford et Holly Williams.

- Yo.
- Coucou.

Quinn Greyson et Lucy Tien.

- ‘jour.
- Salut !

Rebecca Gates et Violette Benson.

- Oh, Orson.

Christina Rockwell.

- ‘lut…

Santana Lan.

- Ouaiche.

Andréa Hunter.

- Salut… Orson… Ces marches… vont me tuer !
- Bonjour !

Fey Hope et Ana Sevreska.

- Bonjour Orson ! Comment ça va ?
- Salut Orson !

Naomi Kingsley et Perrine Truman. Ça fait du bien d’avoir deux contacts féminins normaux qui ne me jugent pas dans cette classe. Enfin y’en a probablement plus, j’exagère. Je suis d’un aigri, ce matin, moi ! Sûrement l’alcool d’hier soir. Quand je bois, je ne me reconnais plus !

- Bonjour les filles… Vous êtes bien rentrées ?
- Ah oui très bien, merci.
- C’est gentil de demander ! sourit Perrine.

Ouais. C’est tout moi, ça. Je suis gentil. Gentil et inoffensif. C’est pour ça qu’on aime bien le repoussant gnome Orson. C’est parce qu’il ne représente pas une menace pour personne…

… sauf pour une, apparemment. Amélia apparut dans mon champ de vision. Naomi et Perrine semblèrent gênées. Je me tournais vers Amélia.

- Salut…

Elle me regardait en respirant lourdement. Je savais ce qui se passait. Enfin, les deux choses qui se passaient :

=> Elle sait que je sais pour l’alarme, avant l’attaque. Elle sait que j’ai fait le lien entre ce qui s’est passé ce jour-là et l’intrusion sans encombre de l’ennemi dans l’établissement. Et elle croit que j’ai tout cafté aux autres et qu’elle est découverte et qu’on va la coincer.
=> Je suis devant son casier et personne, je sais bien, n’aime avoir un poids lourd garé devant son casier.

- Hm-mmm… rouspeta-t-elle.
- P… pardon…

Je m’éloignai un peu. Elle me regarda parce que je ne m’étais pas assez éloigné. J’allais à mon propre casier, six casiers plus loin. Oui, j’ai compté. Oui, ça me plait parce qu’ils sont en nombre pair.

Elle voyait bien que je la voyais. Elle m’ignora. Huh. Elle était douée pour ça. J’avais presque l’impression de ne pas exister, dis donc.

On prit chacun nos affaires et on s’en alla vers la salle de cours comme si de rien n’était. Cet après-midi on a apprentissage technique, mais la prof fait cours dans la salle de combat direct parce que, je cite : « C’est la fin de l’année, j’ai pas envie de me casser le cul à grimper pour deux heures alors que le reste de la journée, je suis dehors. »

Je rejoignais mes camarades qui attendaient devant la salle, complètement désordonnés et en plein plan d’action. J’arrivai aux côtés de Benjamin.

- Il se passe quoi ?!
- Monsieur Smirnoff est absent aujourd’hui et il a envoyé un SMS à Wallace, Naomi, Perrine et Walter en leur disant qu’une attaque pourrait avoir lieu dans la journée d’après ses informations… alors on flippe.
- … oh…

Je disais que j’étais gentil et inoffensif. Je voudrais expliciter ce point. Je suis dans une classe aux profils très variés.

Il y a les gens intelligents.

- Il faut qu’on élabore une stratégie, mais sur du vide, ça va être moyen… admit Walter.
- Si au moins on connaissait l’angle d’attaque, les méthodes, les techniques ennemies… souffla Tino.
- Le manque d’informations est à la fois une limite et une liberté. C’est à nous d’élaborer une série de pièges, et à eux de tomber dedans ! suggéra Lilian.
- Exactement. On ne sait pas à quoi s’attendre mais on a toutes les clés en main pour les surprendre ! rappela Lucy.

Les gens forts.

- Disons que je suis à 70% de mon ancien niveau. Pingoléon a comblé le manque de Manternel, mais je dois encore m’ajuster à mon nouveau triangle des types… souffla Wallace.
- Tu te sous-estimes. Je doute que l’absence d’un de tes Pokémon t’ait lésé à ce point. Et de par les entrainements qu’on a fait, je sais que tu es toujours à ton maximum ! assura Santana.
- La force d’un dresseur dépend de son habileté à déployer ses techniques. Tu t’es remis du décès de ton Pokémon, tes facultés mentales sont intactes, ton état psychique est stable, je doute que tu aies eu des pertes réelles aussi ! sourit Léon.
- Si tu as si peur que ça, essaie de revenir aux bases et de développer les acquis complémentaires à la force. La vitesse, l’esquive, la capacité d’adaptation… proposa Violette.

Les gens doués.

- C’est pas le moment de flancher, si quelqu’un ne suit pas le programme d’entrainement mis en place, on en pâtit tous ! souffla Rebecca.
- Les Méga-Evolutions seront cruciales, si on n’en maîtrise pas l’essentiel, c’est toujours ça que l’ennemi aura de plus que nous ! signala Clive.
- Nos Pokémon ne seront pas les seuls à devoir bouger, nous aussi, il faut qu’on travaille nos mouvements de groupe ! rappela Gina.
- Exact, apprendre à se déplacer de manière coordonnée semble primordial. On a beau être dans notre environnement, on n’est pas à l’abri d’une déroute juste parce qu’on n’est pas synchro ! ajouta Naomi.

Les gens rusés.

- Moi je fonce dans le tas et vous frappez quand ils s’occupent de moi. Je sais bien que je servirais à rien dans une grande stratégie, je préfère encore être éliminé plus tôt ! ricana Steven.
- Je ne pense pas qu’on devrait s’orienter vers des stratégies de ce type, je veux dire… si on se lâche les uns les autres, c’est un mauvais début je pense ! souffla Andréa.
- Exact. Papi dit tout le temps que le travail d’équipe est essentiel et qu’il implique qu’on ne se laisse pas tomber. Si on perd des coéquipiers dès le départ, c’est un pied dans la défaite ! marmonna Perrine.
- Les rôles de chacun seront prédéterminés de sorte que tout le monde ait tout le temps quelque chose à faire. On ne laisse personne sur le carreau ! assura Christina.

Moi… moi je suis dans la catégorie des gens gentils. De ces types qui n’ont aucune qualité autre que celle d’être dociles et serviables. Je parie que mon rôle pendant cette attaque va être de servir du thé.

- Mais euh… Comme ça, lui il annonce une attaque ?
- Perrine pense que c’est Roland qui lui a envoyé l’info, me signala Benjamin.
- Ca brain-storme dur… j’ai même un peu de mal à piger…

Je me mis naturellement à l’écart du grand conciliabule stratégique de mes camarades, non pas que je sois très utile.

« Orson, on a besoin de ton Cliticlic pour faire tourner la machine à smoothies !! »
« Orson, utilise ton Brouhabam pour faire hautparleur, on a besoin de faire une annonce ! »
« Orson, ton Grodrive fera un excellent canapé ! »
« Orson, remballe ton Opermine, c’est un établissement respectable ici ! »

Hhhh… je suis probablement un peu éloigné de la réalité, en fait…

Amélia aussi se tenait à l’écart. Autant vous le dire : Je ne suis pas un homme de paille, et je ne jouais certainement pas les espions pour Wallace, non, je me contente de surveiller attentivement Amélia et de rapporter les faits et gestes suspects à Wallace. Sauf le coup de l’alarme.

Mais c’est pas ma faute aussi, je veux juste pas lui apporter d’ennuis à Amélia…

La prof arriva, ce qui fit cesser les discussions. On entra en cours et je m’assis à ma place habituelle, alors que les autres tergiversaient pour savoir si ils se plaçaient comme en combat direct ou comme en apprentissage technique.

Et après c’est moi le bébé… J’ouvris mon PC pour suivre le cours, laissant apparente mon étiquette « J’AIME LES TCHOU-TCHOU » que la prof d’apprentissage technique aime bien, j’en suis sûr.

***

- MAMAN ! MAMAN !!!

Il avait beau crier, le fourgon était impénétrable. Il était transporté Dieu savait où. Orson Bertelin, précédemment héros de guerre, était bringuebalé dans un camion noir tout moche. L’obscurité la plus totale, la peur et la brutalité de l’intervention l’avaient légèrement traumatisé sur les bords. Il resta dans un coin où il était calé et ne bougea plus, affolé.

Les portes s’ouvrirent et Orson fut à nouveau trainé à travers les couloirs en hurlant. On lui fit prendre un ascenseur, il passa d’autres couloirs et on l’enferma dans une salle au dernier étage, fermement gardée. On l’assit et le sangla, mains et pieds.

- JE NE SUIS PAS UN TERRORISTE ! AU SECOURS !!!
- SILENCE.
- Bwaaaah !!!

Orson regarda l’homme. Un grand chauve maigrichon, moustachu, avec un regard glacial, le toisait. Dans son costard austère, il n’inspirait rien d’autre qu’une effroyable autorité.

- Je dois admettre que je m’attendais à autre chose…

Orson essuya ses larmes.

- Ah… on me dit souvent ça…
- Cependant les faits sont là. Tu as détruit ton école.
- Mais j’ai pas fait exprès monsieur !... où sont mes Pokémon ?
- Tu ne les récupèreras pas.
- Oh mon dieuuuuu…
- Tu vas répondre bien sagement à mes questions.
- Euuuh… arrêtez Roland Smirnoff ? Euuuh… n’arrêtez pas Roland Smirnoff ?! Euuuuh… Je n’obéis pas à Roland Smirnoff ?!!

L’agent inspira.

- Je ne sais pas ce que tu baragouines, mais tu n’as pas la moindre idée du sérieux de la situation dans laquelle tu te trouves.
- Oh mon dieu…
- Première question : Quel est ton nom ?

Orson sembla se faire dessus.

- Quoi ?
- … vous… euh… vous ne m’avez pas donné le vôtre…
- Oh. Pardon. Je suis l’agent du gouvernement Leonard Trexler. Tout le monde m’appelle Len.
- Bonjour, Len.
- Tout le monde sauf les raclures de terroristes.
- Bwah !
- Quel est ton nom ?
- Orson… Orson Bertelin, monsieur Léonard…
- Tu n’es pas obligé de m’appeler Monsieur.
- D’accord.
- Et encore moins Léonard.
- … ok…
- Deuxième question : Qu’as-tu fait pendant cette attaque ?

Orson inspira.

- Je… je sais plus !
- Tu plaisantes ? Tu en sors à peine !
- Oui mais… j’ai un trou de mémoire dû au stress post-traumatique !
- Je te défends de te moquer du stress post-traumatique, c’est une condition très sérieuse.
- Oh pardon… euh… bah… j’étais là, et… j’ai… fait des choses…
- Quel genre de choses ?
- Vous n’avez pas dit troisième question !

Len Trexler frappa la table avec énergie.

- BWAAAAAAHhhhhnnnn… geignit Orson.
- QUEL. GENRE. DE. CHOSES ?
- Euuuuuuuuuuuuh…
- REPONDS.
- … j’étais sur l’ordinateur ?

Len regarda Orson qui leva les mains.

- Je vous jure que c’est vrai !! Au début j’étais sur mon ordi !
- Précise.
- Euuuuh… on… on… monitorait les autres…
- Comment ?
- … avec les ordinateurs, je viens de vous le dire !
- …
- Si vous ne m’écoutez pas aussi…
- Qu’est-ce que vous faisiez exactement ?
- J’avais un micro, j’avais le plan de l’école, les caméras et je dirigeais les autres.
- Vous avez piraté le réseau informatique public.
- Nnnnon, c’est mon ami juif qui a des connexions en Israël !

Len Trexler plissa les yeux. Orson hocha la tête.

- Donc il dispose de l’immunité juive… je crois…
- … je ne sais pas où tu te crois, gros plein de soupe, mais je vais te faire cracher tes dents !
- Euuuh… vous allez me frapper ?
- C’était une métaphore.
- Nan parce que vous êtes filmé, je supp…

Len frappa de nouveau la table et Orson tomba de sa chaise tellement il eut peur.

- Troisième question.

Orson se releva.

- Donc l’autre c’était la deuxième question et demi ?

Trexler s’appuya sur ses deux bras tendus et regarda fixement Orson qui inspira.

- Ok… allez-y, je me tais…
- Quels évènements ont mené à la destruction de l’école par tes soins ?

Orson Bertelin regarda Len Trexler droit dans les yeux.

- Bah… la bataille, tout ça quoi ! Vous vous êtes déjà battu, nan ?! Vous savez que des fois… ça pète un peu de tous les côtés !
- D’après les données que nous avons, vous êtes plutôt inoffensif.
- Ah bah ça…
- Vous avez des notes correctes sans plus, et certainement pas en Combat Direct.
- Oh, hoho, ça c’est sûr…
- Et de ce que je vois en face, vous n’êtes pas non plus ce qu’on peut qualifier de Berseker.

Orson haussa un sourcil.

- … vous employez une terminologie du siècle dernier ?! Je veux dire, Berserker, c’était une Caste de Dresseur, avant qu’on abandonne ce système et qu’on laisse tout le monde devenir qui il voulait être sans étiquette préprogrammée…

Len Trexler recula.

- Je suis historien de formation. L’Histoire montre et l’Histoire prouve que les guerres mettent toujours, sur le devant de la scène, d’insoupçonnables éléments exceptionnels. Je pense que vous êtes cet élément, cet insignifiante chose qui, au moment où tout éclatait autour de lui, a découvert sa véritable nature…

Orson baissa la tête.

- … et a détruit son école.

Orson inspira.

- C’était ça ou mes amis y passaient.
- Pardon ? J’ai mal entendu. C’était un aveu ?

Orson regarda Len Trexler en face.

- Je n’avoue rien du tout.
- … alors je dois te tirer les vers du nez, gros plein de soupe ?
- Le gros plein de soupe ne vous dira RIEN !

Len Trexler recula. Orson se rassit, déterminé.

« Oh bordel, oh bordel, oh bordel. »

En sueur comme c’est pas possible, mais déterminé. Vraiment.

« Mais qu’est-ce qui me prend, bordel de meeeeeeeeerdeuuuuuuh !!!!!!!!!! »


***

Mais qu’est-ce qui leur prend, oh lala…

- Madame, on peut pas faire cours, on va être la cible d’une attaque imminente ! souffla Mike.
- Ouais, faut qu’on décide d’une stratégie ! souffla Rebecca.

Madame Aubert venait juste de commencer son cours mais vu que tout le monde papotait…

- C’est insupportable… grommela Tino en se levant et en se tournant vers les autres. C’est l’heure du cours, vous êtes priés de vous asseoir et de suivre !

Tristan leva les yeux au ciel. Benjamin secoua la tête et me regarda.

- Ca faisait longtemps…
- Oui… répondis-je, ne voulant pas prendre part au conflit.

C’est tout moi, ça, ne pas prendre part. J’aime bien.

- Lèche-cul ! grommela Steven.
- Si on se fait attaquer, ce sera probablement comme la dernière fois, pendant les options, alors qu’on sera séparés… admit Francis.
- Alors il faut établir des tactiques d’attaque séparées ! souffla Lilian.
- Je la joue pas mitrailleuse d’appoint, c’est mort, trouvez-vous une autre arme secrète… soupira Perrine.
- Bah il t’arrive quoi ? s’étonna Wallace.
- J’sais pas, ça te paraît pas complètement con une nouvelle attaque si tôt après la précédente ?
- SILENCE, SILENCE, SI-LENCE !! grommela la prof, mécontente.

Tout le monde se tut. Madame Aubert grommela.

- Je fais mon cours et vous écoutez, vous êtes pas contents, c’est PAREIL. Je me moque des attaques de Direction Dresseurs, je suis prof, pas chef de comité stratégique ! Merde, quoi !

Han, la prof a dit merde !!

Du coup elle fit le cours, mais tout le monde était sur le Skype de la classe. Sauf moi, j’avais pas envie. Et Perrine aussi, apparemment. Et… Amélia.

***

A la sortie du cours, tout le monde semble décidé sur une tactique, mais moi je n’ai pas pris part à la discussion, ce qui me vaut un sermon…

- Orson !!

Je me tournai vers Robbie, notre chef d’état-major. Enfin, si on s’en tient à la terminologie Wallacienne.

- Euh… oui ?!
- Le poste d’ailier supérieur, ça te va ?
- … euuuuh oui…
- T’étais pas actif sur le Skype mais je suppose que tu as tout suivi, hein ?
- Oui bah oui… On… attend, on frappe toute menace qui arrive et si possible on capture l’ennemi ?!

J’avais dit ça COMPLETEMENT AU PIF.

- Voilà, grosso modo. C’est cool, je pensais que tu avais pas envie de participer.
- Ah bah non, ça me ressemble pas ! Je suis à fond ! souris-je faussement.
- Cool de pouvoir compter sur toi !

Robbie s’éloigna. Je pense que je suis dans une sacrée galère. Mais j’ai pas le temps d’y penser, on a combat direct juste après…

- Hey.
- BWAAAAAAAAAH !!!!

Je me tournais vers… Etienne Smirnoff. Le vieil homme m’avait pris à part.

- Vous m’avez fait peur !!
- Je me suis donné énormément de mal. Vous avez eu mon information ?
- Euuuh oui… mais vous l’avez eue par qui ?!
- Roland, bien sûr.
- … je croyais que vous n’étiez pas en contact avec lui ?
- Je n’ai jamais dit ça.
- Mais enfin, si vous êtes en contact avec lui, dites-lui de nous protéger, au lieu de nous préparer à affronter ces monstres !

Monsieur Smirnoff inspira, grimaçant comme si je l’embêtais au plus haut point. Heh. J’ai l’habitude !

- Je ne peux pas contacter Roland mais Roland, lui, peut me contacter !
- … ça n’est pas logique !
- Si, ça l’est. Ecoute, il paraît que tu es chargé d’espionner la blonde.
- Surveiller. Je suis chargé de surveiller Amélia, si elle fait quelque chose de suspect !

Monsieur Smirnoff me regarda encore avec atterrement. Ah bah oui, moi je suis précis, j’aime la précision !

- Bon. Admettons. Rien d’alarmant jusqu’à maintenant ?
- Euh bah non… non, elle a un comportement très normal !

Le vieux professeur se tourna vers le couloir en pleine récréation. Amélia était à son casier à se ronger les ongles en fixant la porte. Ah oui, c’était un peu bizarre…

- … très normal d’après ses standards à elle !
- Mmmouais. Ecoute, tu as l’air d’être un garçon bien…
- Merci !
- … mais je doute vraiment de ta capacité à être un bon espion.
- Surveillant !
- Surveillant. Tu es comme ça avec tout le monde ?!
- Oui !
- … tu me rappelles un élève de mon fils… et c’est VRAIMENT PAS un compliment… même si il a bien fini…
- Le fils avec lequel vous n’êtes plus en contact ou celui avec qui vous êtes en contact ?

Monsieur Smirnoff sembla en avoir ras le bol de moi. Ça tombe bien, moi aussi j’en avais ras le bol de lui, là… Il m’embête, je veux profiter de ma récré ! Qu’il aille voir Tino, Tino, lui, il rêverait de se faire embêter par Monsieur Smirnoff !

- Je voudrais qu’aujourd’hui, pendant l’attaque, tu surveilles particulièrement Amélia.
- … c’est-à-dire ?!
- Que tu la colles, que tu insistes pour être avec elle.
- … Elle va pas aimer !
- On s’en tape. Tu lui colles au train et tu utilises ça.

Monsieur Smirnoff me tendit un vieil appareil à cassettes.

- … un dictaphone ?
- Tu sais t’en servir ?
- Bah oui, c’est un AGPTek M23 !

Monsieur Smirnoff sembla – pour la première fois depuis que je le connaissais – agréablement surpris par une de mes remarques.

- Bon ! Cela va faciliter les choses. Tu enregistres TOUT ce que dira Amélia aujourd’hui.
- … d’accord…
- Et à la fin de la journée, tu m’amènes l’enregistrement et on débriefera.
- Okay…
- Je peux compter sur toi ?
- Euh bah oui, je suppose…
- Bon !

Monsieur Smirnoff me tapota l’épaule et se retira dans une salle de classe. Euh, ok. Je dois parler de ça à quelqu’un ?... je sais pas. Bon, tant qu’à coller Amélia…

- Salut Amélia…

La blonde aux cheveux courts me regarda, étonnée.

- Quoi ? Qu’est-ce que tu me veux ?

Ah bah il commence bien cet enregistrement. J’espère que le dictaphone entend depuis ma poche.

- Euh… un peu bizarre, cette journée, non ?
- Je ne vois pas ce que tu veux dire.
- Ah, d’accord. Euh… Dis donc, ça te dirait qu’on mange ensemble ?
- Je te signale qu’on est obligés de manger tous ensemble à cause de ce stupide vieux professeur.
- Il est surtout bizarre, et il sent le vieux !

Oups. Euuuuuh… tant pis, je continue. Amélia me regarde comme si ça faisait beaucoup trop de temps que j’étais là.

- Eh bah… on emmerde le prof !

Amélia me regarda comme s’il était complètement surréaliste que je prononce ces mots. J’espère que ça ne se voit pas trop que je veux forcer la situation !

- Eeet on mange ensemble sur une table à part ! Na !

Amélia agita la tête.

- D’accord.

Amélia tourna les talons. C’était la première, et probablement la dernière fois, que j’invitais une fille à dîner de ma vie.

… et c’était pour lui soutirer des informations… maman va vraiment pouvoir me traiter de raté, maintenant…

***

En cours de combat direct, la prof, qui avait plus ou moins fini le programme, avait là encore empêché les élèves de faire un comité stratégique, à leur grand dam. Il était 10h30 et pas de trace d’une quelconque attaque.

- J’en ai rien à battre, je fais mon cours. Bon, ça fait longtemps qu’aucun d’entre vous ne m’a affronté… Je dirais… Amél…
- MOI !

Quoi ? Mais pourquoi j’ai dit ça ?! Et pourquoi j’ai la main levée ?! Mais je suis con moi ou quoi ?! Amélia allait être appelée et j’ai réagi au quart de tour. Amélia me regarda comme si je venais de faire un truc complètement idiot. Les autres me fixaient, interdits.

- Moi je veux me battre contre vous, madame !
- … Bertelin ?! Vous êtes aussi combattif qu’un Limonde !
- Hey !! grommela Benjamin, concerné.
- Pardon, Ratsone. Vous voulez m’affronter, Bertelin ?
- Eh bah oui, euh… je suis super motivé !

Les autres avaient l’air impressionnés. Robbie hocha la tête.

- Voyez, je vous avais dit qu’il était chaud pour l’attaque ! Orson va cartonner !
- Bon, bah descendez, Bertelin !

Ooooooh nooooooooooon non non non non !

- Bravo Orson !! cria Christina.
- Quel courage !! sourit Quinn.
- Allez Orson ! cria Lucy.
- Orson, Orson, Orson ! sourit Rebecca.

Ok, ça, c’était pour se moquer, on est d’accord, hein…

La classe se mit à m’applaudir. Vous voyez ce moment où vous voudriez vous enfuir mais vous êtes en train de fondre et du coup c’est pas possible parce que vous savez que vous aurez l’air ridicule avec vos jambes toutes fondues et votre visage tout mouillé et vos hurlements de créature en train de fondre ? Bah voilà.

Je me plaçai face à la prof qui semblait savoir aussi bien que moi quelle serait l’issue de ce combat. Oooooh j’allais passer à la casserole, ah çaaaa oui.

- Je ne vais pas vous torturer bien longtemps, Bertelin, ce sera un contre un.
- D’accord…

En même temps… c’est pas comme si j’avais envie de faire durer le combat plus longtemps…

- Bon. Je vais en profiter pour tester mon nouveau bébé face à vous.
- Nouveau…
- ALLEZ, NOISETTE !

Un Blindépique apparut devant moi. La créature était vraiment impressionnante. On aurait dit un grand chevalier châtaigne. Il me regarda avec sa petite tête poilue qui dépassait de sa carapace.

- Oh non… oh mais pourquoi j’ai accepté ça moi…
- Pardon, Bertelin ?!
- Je veux dire… Hah ! Je vais… euh… vous battre, madame Barnes !
- Arrêtez, Bertelin, je vais me chier dessus ! Sortez un Pokémon.

Ouais bah… euh, mais attends…

- A toi de jouer !!

Grodrive apparut. La prof hocha la tête.

- Excellent choix. Ce serait mieux si j’étais une débutante.
- J’ai pas dit ça…
- Peu importe. Dard Nuée !

Blindépique croisa les bras et les décroisa. Toutes les piques de son corps émirent des rayons pointus qui fondirent sur Grodrive.

- Stockage !!

Grodrive se gonfla et contra l’attaque ennemie. Madame Barnes grimaça comme si j’avais soulevé sa jupe.

- Dites donc, on se sent plus pisser ?
- Euuuuh bah…

Un rapide regard : Non, je ne me faisais pas pipi dessus. Ouf !

- M’enfin, j’ai autre chose que des attaques inefficaces contre vous. Roulade !!

Blindépique se roula en boule et roula vers moi et Grodrive !! Bwaaah ! Oui, je fais aussi Bwaaah intérieurement !

- Bwaaaaah !!

… et extérieurement… que faire, que faire, que faire…

- Euuuuuh Gyroballe ?

Grodrive tourna sur lui-même, ses pattes étant solidifiées d’énergie métallique. Comme la roulade de Blindépique n’en est qu’au premier stade, je me suis dit qu’elle ne serait pas suffisamment puissante, donc… et en effet, Blindépique fut repoussé et se déroula. La prof était vrrrrrraiment furax.

- … Bertelin, bordel !!

La classe m’applaudit, mais je l’avais vraiment pas fait exprès moi !!

- Vous avez attendu la fin du cycle pour vous sortir les doigts du derche à ce que je vois…
- Euh bah…

Tino me dirait de ne pas répondre…

- Euh bah… probablement ?!
- Mouais. Si la roche ne marche pas, les Ténèbres feront l’affaire ! Morsure !!

Blindépique sauta vers Grodrive, prêt à mordre. Oh non, oh non, oh non ! Vite, une idée, vite… Il a quand même un peu baissé sa garde, non ?

- C… Construction ! Euh non…

Grodrive exécuta quand même l’attaque. Il avait compris ce que je voulais dire. Il attrapa les membres de Blindépique avec ses quatre pattes et l’immobilisa.

- … Vous n’avez même pas donné le bon ordre !!

Les autres avaient l’air aussi surpris que la prof, mais moi je ne comprenais pas ce que ça voulait dire. Bah tant pis. Je savais quoi faire après.

- Et Tornade !

Grodrive tourna sur lui-même, tout en tenant Blindépique. Le Pokémon tournoya et se prit la rafale de vent de plein fouet. La prof sembla éberluée alors que son Pokémon alla s’enfoncer dans le mur derrière elle, KO.

… je venais de battre un Pokémon de la prof sans me faire toucher… ?!

Le reste de la classe m’applaudit. Perrine semblait médusée. Naomi et Walter sérieusement impressionnés. Wallace et Tristan se regardaient comme si j’étais une espèce de Jésus chelou. Amélia était fascinée. Santana applaudissait avec la tête de quelqu’un qui n’a pas compris ce qu’elle a vu. Bref j’étais devenu une espèce de star. Même Steven et Mike m’applaudissaient comme un VIP.

- Ne faites pas trop le fanfaron, Bertelin. Noisette venait d’évoluer, je ne la maîtrisais pas aussi bien que je la maîtrisais en Boguérisse. Et vous aviez un énorme avantage au niveau du type et du temps passé avec le Pokémon. Y’a aussi ce truc de l’attaque incorrecte que je dois percer à jour.
- Si je peux me permettre…

Madame Barnes et moi regardâmes Perrine qui avait son téléphone.

- J’ai appelé mon grand-père pour qu’il nous explique…
- Ah vous faites ça, vous ? s’étonna la prof.
- Bah vous savez pas, nous non plus, je pensais que ça serait bien d’avoir l’explication pour tout le monde…
« Oui ma puce ? »
- Papi, c’est Perr… Tu es aux toilettes ?!
« Oui, ça m’arrive, ma grande. Qu’est-ce que tu veux ? »

J’étais étonné que Perrine ne sache pas que son grand-père était dans les locaux. Pourquoi monsieur Smirnoff se cache alors qu’il m’a parlé à l’instant ?! D’ailleurs j’ai éteint le dictaphone, moi ?

- Eh bah y’a Orson qui a ordonné à son Grodrive de faire Constriction.
« Jusque là rien de très intéressant… »
- Sauf qu’il a dit Construction.
« Héhhéhéhéé… Pardon, continue ? Hihi… »
- Et Grodrive a exécuté l’ordre.

Petit silence. Le téléphone inspira.

« Hmmmm. J’ai déjà vu ça, c’est un cas intéressant. On a de nombreux cas de personnes dyslexiques ou avec un bégaiement qui trouvent des moyens détournés de donner des ordres à leurs Pokémon, et même un dresseur avec des problèmes d’élocution tels qu’une mauvaise formation des sons pour cause de malformation par exemple du palais ou des cordes vocales, arrivent à donner des ordres à leurs Pokémon. Ce qu’a fait votre camarade s’apparente au cas Pinot. »

La classe écoutait, et j’étais assez fier, par contre, d’avoir fait un truc pertinent scientifiquement, sans faire attention, même.

« Jean Pinot était un homme un peu simplet mais très proche de ses Pokémon, à un point presque obsessionnel. Il était cependant très peu instruit et n’arrivait pas à retenir le nom des attaques. Ses Pokémon l’aimaient tellement qu’ils faisaient un effort supplémentaire pour comprendre ses ordres inexacts. Ainsi, son Fouinette faisait Queue de fer alors que son maître disait : « Coup de Queue ». »

Perrine haussa un sourcil.

- Grand-père, c’est pas pareil, Orson a mal prononcé le nom de l’attaque !
« J’y viens, stupide descendance. »

Walter la regarda.

- Il t’a pas ratée…
- Tu es un peu sa descendance aussi, hein… marmonna Perrine.
- … crève !
« Ce que votre camarade a fait est un peu une combinaison des deux ! Je pense qu’il est très proche de ses Pokémon et de fait, ils lui « pardonnent » ses erreurs de prononciation et comprennent ce qu’il veut faire. »

La prof leva les yeux au ciel, visiblement gavée.

- Ok, très bien monsieur Smirnoff, merci de truster mon cours depuis… les toilettes de votre logement…
« C’est la fille de Klein ? »

Madame Barnes plissa les yeux.

- Je vous demande pardon ?! Comment connaissez-vous le nom de mon père au juste ?!
« Disons que mon fils n’a pas observé que les élèves. Vous direz à ce cher Fabrice qu’Etienne Smirnoff le salue lui et son fabuleux Rhinastoc ! »

Madame Barnes sembla choquée alors que la tonalité du téléphone résonna dans l’amphi.

- … à votre place Bertelin… Bon. Je suis d’une humeur de merde, CONTROLE SURPRISE !
- Haaaaaaaaaaan !

Et voilà, ça allait encore être ma faute…

***

- Quatrième question. Quels sont vos liens avec Roland Smirnoff.
- Aucun.
- Cinquième : Vos liens avec Justin Truce ?
- Aucun non plus.
- Sixième : Vos liens avec Seth Corrigan ?
- Aucun non plus non plus.

Len Trexler inspira.

- Septième question : Qui est votre chef ?

Orson sembla réellement intrigué par cette question.

- Euuuuh… bonne question en fait… euh… bah je dirais bien Wallace, mais… pas tant que ça en fait. A titre personnel, j’en référais à Tino.

Len Trexler sembla insatisfait par cette question.

- Huitième question, vous n’aviez aucun meneur réel ?
- Bah non.
- Neuvième question : Ressentez-vous de la culpabilité d’avoir détruit votre école ?

Orson inspira.

- Oui…
- Vous avez dit l’avoir fait pour sauver vos amis.

Orson hocha la tête.

- Contre quelle menace ?
- La pire de toutes.

Len Trexler regarda Orson qui regardait ses pieds, dépité.

- C’est cette menace qui vous a frappé ?

Orson plissa les yeux. Il avait effectivement des traces de coups.

- C’est pas important.
- Probablement. Parlons d’Amélia Levy. Dixième question, quels sont vos liens avec Amélia Levy ?

Orson inspira lourdement.

- Aucun.
- Vous mentez à un agent gouvernemental ?
- Vous n’avez pas dit Onzième quest…

Len Trexler frappa la table. Orson ferma les yeux, tressautant de peur.

- Je crois que vous avez compris ma méthode d’interrogatoire. Si vous continuez comme ça, on est encore là demain. Je veux mes réponses.
- J’étais chargé de la surveiller.
- Onzième question. Pourquoi la surveilliez-vous ?

Orson inspira.

- Les autres se méfiaient d’elle.
- Pourquoi ?
- … parce qu’elle avait été embrigadée par Direction Dresseurs.

Len Trexler s’étonna.

- Attendez, pause… répondez par oui ou par non… elle l’a vraiment été ?
- Oui.
- Cela a été prouvé ?
- Oui.
- Pendant la période où vous étiez en conflit avec cette même entreprise Direction Dresseurs ?
- Oui.
- Et vos amis se méfiaient simplement d’elle ?
- Oui.
- Mais pas vous ?
- Non.

Len Trexler fixa Orson, intrigué.

- Douzième question : Pourquoi ?

Orson regarda Len Trexler.

- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi ne vous méfiiez vous pas d’elle ?! Elle avait clairement trahi vos camarades, fourni vos secrets, dévoilé vos plans…
- Je sais.
- Alors pourquoi, je le répète ?!

Orson soupira lourdement.


***

- Tu es un idiot.
- BWAAAAH ! A… Amélia ?!

J’eus le réflexe d’allumer le dictaphone dans ma poche. On allait manger. Les autres m’avaient regardé bizarrement, vu qu’ils avaient eu un contrôle surprise par la faute de ma… performance ? J’appelle honnêtement ça un coup de chance, moi, mais bon…

- Tu aurais dû me laisser l’affronter. Je l’aurais écrasée plus vite et plus fort que toi.

Je mimais une gastro-entérite avec les mains.

- J’suis pas sûr, Amélia… la prof est forte quand même !
- Non, c’est une faible. On va manger ensemble, alors ?

Oh. Ca alors. Elle était sérieuse. Je me demandais pourquoi. J’avais plus l’impression qu’elle m’évitait qu’autre chose. Ses cheveux commençaient vaguement à repousser, ça lui donnait un air de présentatrice télévisée blonde à cheveux courts. Ces femmes un peu bizarres qui veulent ressembler à des garçons. Enfin c’est ce que je me dis quand je les vois.

- O-okay.

Nous allons donc manger. Dans le hall, on ne remarque pas les deux personnes encagoulées. L’une était probablement un homme, accompagné d’un Ursaring qu’il appela « Muffin », et la dame à côté de lui avait un Moufflair nommé « Rose ». Mais avec Amélia, on ne les avait pas vraiment remarqués. Par contre, Wallace, Perrine, Walter et Naomi les avaient remarqués, ainsi que les autres, et une grande bataille se préparait, sauf que les deux buses dont celle qui vous sert de narrateur ont cru que la journée était normale, et ils sont allés manger sans se poser de question autre que :

- C’était quoi, ça, dehors ?
- Je sais pas, mais j’ai faim et il y a du flan au menu ! souris-je.

La cantine est un peu vide du fait de la bataille apocalyptique qui a lieu dans le hall. On s’assied face à face. Je suis un peu stressé, c’est la première fois quasiment que je mange seul avec une fille.

Amélia semble soucieuse, alors au début elle ne parle pas. Je fais dos à la porte et j’entends juste les ordres hurlés par Wallace et Robbie, les hurlements des élèves attaqués et les explosions.

- Tu n’as rien dit aux autres, hein.

Je regarde Amélia qui me regarde très sérieusement.

- … à propos de ?
- A propos de ce que j’ai fait avant l’attaque. Avec l’alarme.

Je me mordillai les lèvres.

- Quand je suis revenue le lendemain après l’attaque, j’ai cru que j’allais me faire arrêter, mais rien ne s’est passé, et aucun d’entre eux ne s’est méfié plus que d’habitude… Ils me regardent tous comme si j’étais une ennemie…
- Et… tu en es une ?

Amélia me regarda comme si j’étais un demeuré. J’en étais probablement un, oui, d’avoir posé une question aussi idiote. Elle soupira.

- Je suis juste du côté des plus forts.
- Pourquoi ?
- Pour me sentir en sécurité. Tu ne te rappelles pas de la guerre ?

Je secouai la tête. Derrière moi, les élèves de notre classe menaient la charge contre un Méga-Braségali fou furieux qui tatanait les Pokémon adverses les uns après les autres de puissants coups de pied ravageurs.

… comment ça, ça se passe derrière moi donc je ne suis pas censé le savoir ? Je ne le sais pas, sur le moment, ok ? Ça s’appelle de la narration interne omnisciente ! Eh bah oui, c’est comme ça, mon chapitre, mes règles ! Non mais…

- Moi je m’en rappelle. Mes parents ont tout perdu. Ils se sont ressaisis ensuite mais ça a pris du temps… et je me suis jurée de ne jamais… les miroirs brisés, je…

Amélia sembla perturbée et se renferma. Je sentais que je la perdais. C’était peut-être à moi de parler… mais quoi dire… euh…

- … Amélia, je… je sais ce que c’est de se sentir exclue…

Bravo, Orson ! Tu gères ! C’est vraiment le truc à dire à une fille exclue !

Amélia secoua la tête.

- Tu as des amis. Qui ne t’ont pas abandonnés, eux. Regarde tout à l’heure. Tout le monde t’aime bien.
- Je crois pas, non…
- Rebecca m’a jetée comme une vieille chaussette quand je ne lui ai plus été d’aucune utilité. Violette m’a ignorée quand Rebecca est redevenue sympa avec elle. Moi ? J’étais juste l’idiote, la blonde nulle dont personne ne voulait.

Orson, Orson, Orson, réagis en Orson…

- J… je t’aime bien moi !

Amélia ricana. Son rictus avait quelque chose de désabusé. Elle me faisait peur mais je me retenais de ne pas pleurer. Comment ça, c’est une situation idiote pour pleurer ? Je suis le seul élève de ma classe dans une cantine clairsemée avec une fille qui nous a très probablement vendu à l’ennemi. Youpi, quelle marrade !

- Tu es comme tous les autres garçons, Orson. Tu vois une jolie fille, tu es attiré par elle, tu veux lui tenir la main, la caresser et plus encore…
- Non !
- Oh je t’en prie. Vous êtes tous les mêmes…

Argh. Argh. Non, ok, là je peux pas. Je passe en mode sérieux. J’éteins ce foutu dictaphone. Derrière moi se déroule une mémorable guerre entre deux équipes de six et vingt équipes de quatre.

- Amélia, je vais te dire quelque chose que je n’ai jamais dit à personne.

Je devais avoir l’air très sérieux parce qu’elle m’a regardé différemment. C’est mon secret mais je devais lui dire. D’abord pour qu’elle ne se méprenne pas, et ensuite pour qu’elle me fasse confiance, et qu’elle croie bien que je suis de son côté.

Encore aujourd’hui, je me rappelle de ce moment comme un des plus difficiles de ma vie entière.

- Amélia, je… euh… je… ne suis pas attiré par toi.
- … tu mens…
- Ni par personne. Ni par aucune fille, ni par aucun garçon. Je… je me suis posé pas mal de questions, je croyais que j’étais un… monstre, une créature bizarre, contrefait, qu’il me manquait une case…

Amélia pencha la tête. Je crois que je pleurais, je ne me souviens plus très bien. Je ne sanglotais pas, j’étais juste terriblement ému et vulnérable à l’idée de dire ça à quelqu’un. Ni Tino, ni Tristan, ni Benjamin ne savaient ça. Mes amis les plus fidèles et les plus intimes ne connaissaient pas mon secret.

- … jusqu’à ce que je… euh… découvre un forum avec des gens comme moi. Amélia, je… je suis asexuel.

Amélia pencha la tête, étonnée.

- … pardon ?!
- Je ne ressens pas d’attirance sexuelle, à proprement parler, je… je pense pouvoir tomber amoureux de quelqu’un, mais… la perspective de rapports sexuels me laisse complètement indifférent…

Amélia sembla perdue. Je rallumai le dictaphone,

- Je… comprends pas, pourquoi tu me dis ça ?!
- Je veux juste te dire que je n’ai pas d’arrière-pensée. Tu dis que tout le monde t’a laissé tomber, mais pas moi, je me fais vraiment du souci pour toi. Sincèrement.

Amélia me regarda, quelque peu paumée. C’était toujours Armageddon derrière nous.

- Orson, je…

Elle souffla.

- C’est… gentil de vouloir essayer de me sauver, mais c’est trop tard. Je suis déjà impliquée avec Direction Dresseurs. Ils m’ont entrainée et je suis une des leurs.

Je secouai la tête. Je ne voulais pas y croire depuis le début, j’étais… je me doutais que c’était possible mais de là à en avoir la certitude en face de soi…

- Tu ne peux plus rien faire pour moi. Madame Torres va vous écraser. Monsieur Truce va vous écraser. Direction Dresseurs vaincra et il n’y a rien que… vingt pauvres adolescents peuvent faire contre ça.
- … mais enfin Amélia, pourquoi ?
- Pour les raisons que je t’ai donné. Je voulais être forte, je voulais être comme Rebecca.
- Mais tu es déjà forte, regarde ce combat au tournoi, quand tu as vaincu ce Munja…

Amélia sourit.

- … Orson, je te remercie de te faire du souci pour moi… et ce combat était effectivement un moment agréable… tu as toujours été gentil, et tu ne m’as pas trahie quand j’ai saboté l’alarme…

Oui, sauf que là, je vais te trahir, parce que monsieur Smirnoff va vouloir récupérer son dictaphone…

- … mais tu ne peux pas me sauver. Je suis avec eux, c’est tout, et le moment venu… je ne serais pas dans votre camp.
- Tu peux encore décider de ta vie, Amélia, personne ne te force…
- C’est justement ça, le problème, Orson. Personne ne me force. J’y suis allée de mon plein gré. Je sers Shirley de mon plein gré aussi.

Elle se leva, et je ne savais pas quoi faire d’autre pour la retenir. Je sais juste être gentil, moi, je sers pas à grand-chose à part… être gentil. Si j’avais été Wallace, Santana, Robbie, Tino, Rebecca ou Steven, je l’aurais affrontée, j’aurais fait mon brave, j’aurais appelé les autres, je l’aurais remise à la police pour avoir fait saboter l’alarme…

… mais tel Krilin dans Dragon Ball Z quand il doit faire exploser C-18, je suis aveuglé par mes sentiments envers Amélia. Je ne veux pas qu’il lui arrive du mal, même si ça implique que les autres vont en pâtir. Je me sens idiot, tellement idiot de n’être que le gentil garçon dans cette classe d’élèves si forts…

- Adieu, Orson.

Amélia partit. Je mis deux bonnes secondes à réaliser ce qu’elle venait de dire.

- Comment ça Ad… ?!

La porte de la cantine se referma. Le brouillard noir soulevé par Moufflair et Hyporoi lui avait permis de fuir. A peine sorti de la cantine, je ne la voyais plus.

Et merde… Je suis un gros nuisible. Et me voilà dehors, au milieu des bruits d’attaques, des cris de guerre de mes camarades, dans la folie la plus totale… Quitte à faire mon Krilin, autant y aller jusqu’au bout. Je sors le dictaphone de ma poche. Bel et bien allumé, j’ai tout enregistré sur cassette.

Tout ce que j’ai à faire c’est le casser, et comme ça, je sauve Amélia… enfin, non, pas vraiment, mais je la protège de la fureur des autres, et ça me permettra de trouver une ouverture plus tard pour la sauver… non ? Ça peut pas se passer comme ça ? Je ne veux pas la mettre en porte-à-faux auprès des autres, mais est-ce la sauver que de faire ça…

Trop tard. Une vieille main, décatie mais habile, me prend le dictaphone des mains.

- Mission accomplie. Bien joué, mon garçon.

Je regardais Etienne Smirnoff avec effroi. Il frappa dans ses mains. Les deux dresseurs cagoulés retirèrent leurs Pokémon du terrain. Les élèves s’étonnèrent. Le brouillard se dissipa. Tout le monde nous regarda.

- Le stress-test est terminé. C’est un échec. Vous avez révélé votre incapacité à vous battre ensemble en cas d’attaque. Vous pouvez vous masturber autant que vous voulez dans de grandes réflexions, vous êtes incapables de réagir correctement face à un ennemi commun.

Les deux personnes enlevèrent leurs cagoules.

- Je vous présente Adam Merridew et Jennifer Scoresby, deux anciens élèves. Qui ont accepté de jouer le rôle des dangereux terroristes que je vous avais promis.
- Moyennant du fric… marmonna Adam.
- Au moins pour couvrir les frais de transport ! admit Jennifer.
- Oui, oui, oui, je vais vous donner ça. En attendant, je crois que vous devez tous vous réunir à l’auditorium, votre camarade Orson a quelque chose de très important à vous dire.

Oh misère, comme dirait Winnie l’Ourson.

***

Orson était resté muet le reste de l’après-midi, laissant la douzième question de Trexler en suspens. L’agent tenta bien de le faire parler, en le rudoyant même, sans aller trop loin, mais Orson tint le coup et ne parla pas pendant de longues heures.

Au bout de quelques heures, le téléphone vibra sur la table. Orson était épuisé. L’homme chauve au regard glacial et à la moustache noire prit l’objet et vit le mail de Sacha Nolan… enfin, de Benjamin.

- Tu as de la chance, gros plein de soupe, tu vas croupir sur l’Île aux Diamat.

Orson secoua la tête, aux abonnés absents.

Il fut emmené et balancé dans un autre fourgon. On l’emmena, mais cette fois il ne pleura pas, il regarda juste le sol. Si c’était là son destin, son châtiment pour avoir gardé le silence, ne pas avoir balancé son amie, alors qu’importe. Il savait ce qu’il avait fait, et pourquoi il l’avait fait, ça ne regardait personne d’autre que lui. Papa, maman, sa sœur… Bah, ils comprendraient que leur fils est devenu un délinquant. Tristan, Tino, Benjamin…

Ok, Orson pleura un petit peu. Il regretta aussi de ne pas avoir pu sauver Amélia jusqu’au bout. Le voyage lui parut durer une éternité. Il se dit que c’était un des pires moments de sa vie. Ou pas, il se rappela d’un autre moment où ses tripes s’étaient serrées comme jamais. Cette pensée et cette douleur le maintinrent, sinon en vie, au moins en pleine conscience.

Une fois arrivé sur le parking couvert de gravillons, il fut sorti du fourgon, exténué. Il était tard, la nuit était tombée. Il croisa une femme qui hurla en le voyant, fit une crise de nerfs et dût être sanglée et sédatée. Un ami qui sembla terriblement soulagé. Un duo de camarades qui semblèrent rassurés de le voir. Les parents d’un ami qui l’accueillirent chaleureusement. Mais Orson devait être transféré vers sa prison. Le ferry allait partir pour emmener ses trois nouveaux geôliers.

Orson arriva dans la salle d’attente. Il se trouva face à une jeune fille blonde au regard rougi par les larmes.

Elle retrouva le sourire, et lui aussi.

Et soudain, tout s’éclaira.


***

- Et soudain, tout s’éclaire…

Tout le monde était choqué. Moi, j’étais anéanti. Naomi secoua la tête.

- Je le savais. J’en ai la preuve par trois maintenant, mais je le savais, j’en étais sûre.
- On fait quoi ? demanda Robbie.
- Déjà, elle peut plus revenir en cours, on est d’accord ?

Tout le monde regarda Mike et inspira.

- C’est clair… souffla Quinn.
- En même temps, elle vient de tout avouer à Orson, elle va vraiment oser se repointer ? souffla Lucy.
- Elle a dit Adieu, ça semble clair, nan ? souffla Holly.
- Pourquoi y’a une coupure ? demanda Gina.

Tout le monde me regarda. Mon air sérieux en calma déjà pas mal, mais ce que je dis ensuite :

- Rien qui ne vous regarde.

Acheva de convaincre tout le monde de ne pas chercher plus loin. C’était tellement Out of Character comme réplique que tout le monde avait bien compris qu’il ne fallait pas chercher plus loin. Tristan s’avança.

- Il faut voter pour notre gestion de la situation Amélia.

Walter acquiesça.

- Et pas seulement un vote du comité des six…
- Nan, un vote général ! admit Andréa.
- A quel sujet ? demanda Perrine.

Wallace souffla, et je sus que le destin d’Amélia était scellé à ce moment précis.

- Amélia fait-elle toujours partie de cette classe. Voilà le sujet de ce vote. Qui vote Non ?

Monsieur Smirnoff nous observait. J’étais le seul à ne pas lever la main.

- … vingt-six voix… qui vote oui…

Je levai la main. Wallace inspira.

- Elle t’a révélé son vrai visage, Orson. Elle t’a clairement dit de quel côté elle était.

Je secouai la tête.

- Et je crois pas que ce soit la solution de la rejeter.
- Orson, on n’est pas dans un manga ! grommela Tino.
- C’est clair, putain ! Elle nous a vendus, tu réalises, putain ? Si ça se trouve, les photos pour nous menacer, c’est elle ! grogna Steven.
- Mais elle a été menacée elle aussi ! rappela Violette. C’est moi qui ait été épargnée ! Ça n’empêche que je suis d’accord, on ne peut plus la considérer comme faisant partie de la classe.

Je n’en démordais pas.

- Elle nous a aidés à lutter contre Teresa Torres l’an passé !!
- C’était avant qu’elle les rejoigne… marmonna Robbie.
- T’es trop gentil, Orson, tu vois le monde avec tes yeux de gentil, mais la preuve est là qu’Amélia, c’est pas notre alliée, encore moins notre amie, c’est une traitresse ! grommela Mike.
- Elle soutient des types qui ont menacé ma Fey et notre bébé, je peux pas cautionner ton positionnement… souffla James.
- Tu t’en fiches qu’elle s’en prenne à mon bébé ? demanda Fey.

Je la regardai.

- Bah… non, mais elle le fera pas, j’en suis persuadé !
- Et si je te dis que si jamais elle s’en prend à un seul d’entre nous à compter de maintenant, tu seras garant de ses actes ? Que ses erreurs seront tes erreurs ? me demanda Wallace.

J’eus du mal à répondre à ça.

- Hey, hey, hey !! Tu as demandé à faire un vote ! Orson a répondu différemment des autres, respecte son vote !

Merci, Benjamin. Wallace inspira.

- Je veux juste qu’il réalise qu’il soutient quelqu’un qui a pu donner une masse considérable d’informations à l’ennemi, informations qui peuvent nous faire échouer lors de la bataille à venir.
- Je suis pas le seul à me prendre pour un personnage de manga…

Les autres me regardèrent alors que je venais de dire ça.

- Vous venez de vous faire rétamer à vingt-six contre deux et vous pensez encore qu’une petite blonde va nous désavantager ? Non mais franchement !
- Il n’a pas tort…

Tout le monde regarda Monsieur Smirnoff qui regarda Wallace.

- Ce n’est pas juste de rejeter la responsabilité d’une éventuelle défaite sur lui quand il est clair que de toute façon, vous n’êtes pas prêts.
- Je l’ai dit dans le dictaphone, je veux la sauver, pas la repousser.
- Mais elle est déjà perdue, il a rien compris ! grommela Francis.
- T’es amoureux d’elle !!

Steven s’était levé et me pointait du doigt.

- Qui veut parier, franchement ? T’es en kif sur elle, y’a qu’un mec en kif qui défendrait une nana comme ça ! Le gros puceau amoureux de la belle blondasse, c’te putain de cliché de merde quoi !
- Nan, c’est pas ça ! soufflai-je.
- Orson, c’est pas grave, on peut comprendre… ajouta Christina.
- Non, non et non ! On a commencé ça tous ensemble, on finira ça tous ensemble, avec elle !
- Mais elle faisait que dalle, elle était juste conne ! grogna Steven.
- Calme-toi ! souffla Ana.
- T’es d’accord avec moi et tu le sais très bien !
- Je pense qu’Amélia doit être écartée, oui, mais je ne pense pas qu’on doive charger Orson ! Comme vous l’avez dit, c’est juste un gentil garçon ! Vous vous en prenez au gentil garçon parce que vous n’avez pas pu faire barrage à la méchante fille, c’est pathétique !

Tout le monde regarda Ana, étonnés par son discours. Et j’avoue que j’étais étonné qu’elle me défende.

- Désolée, mais je devais le dire.
- Ok, gardons notre sang-froid. Amélia ne fait plus partie du plan pour la bataille finale, déjà, ça c’est clair… marmonna Walter.
- Ana n’a pas tort. On aurait pu faire quelque chose avant. Elle a raison, c’est nul de s’en prendre à Orson quand on a laissé Amélia vaquer à sa guise… soupira Naomi.

Wallace hocha la tête.

- Et te confier sa surveillance était… cruel…

Je secouai la tête.

- N… Non ! Vous… Vous ne vouliez pas le faire, il fallait bien que quelqu’un s’y colle ! Je ne vous en veux pas ! Même à Steven. Vous avez tous vos raisons d’avoir vos opinions… Fey va avoir un bébé, Francis a peur pour sa sœur, Perrine pour son frère, et… j’ai une petite sœur aussi, et Benjamin vient d’avoir une petite sœur, vous…

La classe me regarda comme si j’étais fou. Comme d’hab quoi.

- … vous avez tous raison, je le sais. Mais moi je ne veux pas laisser tomber Amélia. C’est notre amie, qu’on le veuille ou non.

Les autres semblaient incapables de comprendre mon point de vue. Et je pense que si je m’étais entendu de l’extérieur, je ne me serais pas compris non plus.

Quoi qu’il en soit, le sujet fut clos. Et moi, je ne savais pas où j’en étais.

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Dragon Ball GT – Opening Theme (Piano)

- Merci encore, monsieur et madame Gribble…
- Pas de soucis… marmonna Carl, un peu gêné.

Margaret était au téléphone avec la tante de Tristan.

- J… je comprends bien, et probablement qu’à votre place, j’aurais eu la même réaction, mais… N… Non, mais vous ne comprenez pas, ils sortent ensemble, ce n’était pas… Absolument pas, ça n’était pas contre vous… je sais que vous n’avez pas signé pour ça, vous me l’avez déjà dit trois f… elle a raccroché…

Wallace regarda Tristan qui soupira.

- Du coup, je prends la chambre de Lindsay, je suppose…

Margaret agita la tête.

- Hors de question. Elle habite encore ici, c’est sa chambre, tu vas avec Wallace !

Carl sembla en désaccord.

- Chérie, euh…
- Evidemment, pas de bêtises !
- Nan, bah nan… marmonna Wallace.
- Bien sûr, madame Gribble, je n’oserais pas…
- Tu peux aller t’installer dans la chambre de Wallace, je n’y vois aucune objection. On dîne dans deux heures.

Tristan acquiesça et partit, suivi par Wallace. Carl regarda sa femme.

- On est quand même passés de « Mon fils offense tout ce pour quoi j’ai été éduquée » à « Ok, loge ton mec dans ta chambre ! »
- Je suis une femme complexe, Carl !

***

- Il dîne avec ses anciens élèves ?!

Linda hocha la tête.

- Tu connais ton père, toujours à droite à gauche !

David s’assit, peiné.

- Il est trop vieux pour crapahuter comme ça… Et puis même, cette idée de devenir prof pour la classe de Perrine… pourquoi il ne profite pas simplement de sa retraite ?
- Ton père est comme ça, David, tu sais bien. Hein, Firmin ?

Le gamin hocha la tête, son Couaneton sur la tête.

- Laisse papy tranquille, papa ! Il fait ce qu’il veut !
- … mouais…

Perrine secoua la tête. « Je vis avec des dingues… »

***

- Tu as l’air préoccupée, ma fille…

Naomi inspira et regarda son père.

- Tu n’as jamais eu l’impression que… si tu avais réagi avant, tu aurais pu éviter une catastrophe ?!
- Ma chérie, j’ai plus de quarante ans, je collectionne ce type de situations depuis que j’ai commencé à travailler.

Naomi hocha la tête, inquiète. Elle regarda son petit frère, Jordan, jouer avec son Spoink.

***

Estelle termina sa bouche.

- Tu ne peux rien y faire, alors laisse tomber. Si mon frère avait suivi ce précepte, on aurait eu une vie tout à fait normale !

Walter soupira.

- J’ai l’impression que j’aurais pu y faire quelque chose, tu vois. C’est ça le problème. J’aurais pu dire quelque chose, soutenir Orson, mais j’ai choisi de… me ranger du côté des autres…

Aude arriva dans la cuisine.

- Vous en mettez du temps pour finir ce dessert !

***

Roland regarda sa fresque. Sacha Ketchum s’étonna.

- Ne me dis pas que tu te poses la même question qu’eux ?!

Roland inspira et regarda la fiche d’infos d’Amélia. Il soupira et l’arracha. Sacha secoua la tête.

- Gamin…
- C’est pas moi le plus gamin du tas…

Roland regarda Sacha.

- C’est le petit gros qui croit qu’on peut sauver le monde avec les bons sentiments. C’est lui le plus gamin. Et je refuse de valider son point de vue.

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Ce soir-là, je ne savais pas vraiment quoi penser. J’étais un peu paumé, je me retournai dans mon lit. Je me demandais si Amélia était chez elle ou si elle était retournée chez Direction Dresseurs…

Impossible de dormir. Hhhh… Et si j'appelais chez elle ? Impossible. Enfin, si, je peux tenter. A une heure pareille ? Ce serait audacieux... mais il faut que je sache.

Je cherchai donc le numéro sur l'annuaire Internet. Bingo, les Levy d'Ogoesse...

« CLIC Demeure Levy, j’écoute ? »
- … M… Madame Levy, je… je suis Orson, un ami d’Amélia, je voulais savoir si elle pouvait me parler…
« Pourquoi n’essayez-vous pas de la joindre sur son téléphone portable ? »
- Elle ne répond pas, elle a dû l’éteindre, je suis inquiet, elle est partie ce midi de l’école…
« Mademoiselle Amélia n’est pas rentrée, elle s’est excusée en disant qu’elle restait à son camp d’été. »
- … d’accord… merci…

Je raccrochai. Les autres avaient peut-être raison, je l’avais peut-être perdue…

… ou pas. Je la ramènerai dans la classe, même si je dois détruire l’école pour ça !