009 : Crimes parallèles
Rivamar, 19 mai 1960
L'odeur persistante de matériaux calcinés, couplée à une atmosphère loin d'être accueillante, rendait l'air pratiquement irrespirable. L'équipe de policiers, composée d'une dizaine de fonctionnaires supervisés par le commissaire Avery lui-même, ne manifestait guère d'enthousiasme à l'idée de farfouiller dans les décombres d'un centre Pokémon dynamité. Portant des masques semblables à ceux des médecins pour éviter tout problème de santé dû à l'air impur, et maniant des outils tels que des pelles ou des pioches, ils ressemblaient davantage à des mineurs ou à des ouvriers du bâtiment qu'à des représentants de l'ordre. Seuls leurs uniformes d'un bleu foncé, ternis par la poussière omniprésente, témoignaient de leur réelle fonction.
Le plus haut membre de la police de Rivamar donnait des directives à ses subalternes, se tenant un peu à l'écart, avec son imperméable grisâtre caractéristique flottant au rythme de la brise. Un large périmètre de sécurité signalé par des banderoles jaunes avait été installé pour éviter que les passants trop curieux ne viennent jeter un œil, et l'on avait momentanément coupé la rue, rendant les environs plus calmes. Cela n'empêchait pas les plus téméraires de s'approcher avec toute la discrétion dont ils étaient capables, mais le commissaire les renvoyait froidement d'où ils venaient. Une aura puissante se dégageait de ce curieux officier, tant et si bien que personne n'osait protester.
Tyrell Avery avait longuement réfléchi au sujet de cette attaque, et son court entretien avec Nate Wilde, la veille, ne l'avait pas aidé à y voir beaucoup plus clair. Ce n'était qu'une version des faits, parmi tant d'autres ; une pièce d'un grand puzzle qui n'était pas près de se résoudre. En cette matinée fraîche et relativement tranquille — autant que pouvait l'être un matin dans une si grande ville —, son équipe et lui entamaient leur deuxième journée de recherches sur le site du drame.
Un grand nombre de Pokémon avaient perdu la vie lors de cette attaque, ainsi que plusieurs médecins et infirmiers. L'on dénombrait également quelques clients, mais la plupart d'entre eux étaient encore dans un état précaire, entre la vie et la mort ; jamais les hôpitaux de la ville n'avaient connu pareille affluence en temps de paix. Celle-ci n'était revenue que depuis un mois et demi, et déjà elle se fragilisait.
Le commissaire secoua la tête, impassible. En temps de guerre ou en temps de paix, la criminalité subsistait toujours, comme les nuisibles les plus résistants. Les criminels étaient comme des Rattata, habitués à survivre dans la fange, se renforçant dans l'ombre tandis que payaient les gens honnêtes. Bien sûr, il ne cautionnait pas cela, mais que pouvait-il y faire ? C'était dans l'ordre des choses depuis si longtemps, maintenant, que même un policier zélé comme lui ne pourrait rien y faire.
« Au moins y a-t-il un mérite à se dévouer corps et âme à une cause... » songea-t-il, amer, en jetant le mégot de sa cigarette parmi les décombres, résidus de béton et de brique rouge.
Avec un soupir contrit, il passa une main sur son visage au teint cadavérique, tiraillé par la fatigue. Toute la nuit, il avait échafaudé des hypothèses quant au but de ce... de cette tragédie innommable. Mais il n'avait rien trouvé, car qui s'en prendrait à un centre Pokémon sans autre objectif que celui de provoquer un carnage, de susciter la terreur, de plonger la ville dans une complète anarchie ? Cela n'était heureusement pas le cas, grâce aux efforts conjugués de la police et de l'administration de Rivamar, mais si une telle chose venait à se reproduire, cela précipiterait la cité portuaire vers une déchéance regrettable.
Tandis qu'il s'apprêtait à rejoindre une cabine téléphonique pour passer un appel au commissariat, on l'interpella d'une voix qu'il jugea mortifiée, presque éteinte. Un jeune officier blond, livide et incapable de s'exprimer avec cohérence, l'informait — semblait-il — d'une découverte macabre dans les ruines du bâtiment. Du pas lent et mesuré qui le caractérisait, le cinquantenaire suivit l'autre homme jusqu'à un interstice déblayé qui laissait entrevoir des escaliers.
« Un sous-sol, souffla Tyrell, pensif, grattant son menton mal rasé en signe de réflexion. Il faudrait dégager ce passage pour pouvoir descendre et vérifier ce qui se cache là-dessous... Où sont les pokéballs que l'on a apportées ?
— Je vais les chercher, monsieur ! »
L'homme grisonnant hocha calmement la tête, et attendit quelques minutes, le temps que le jeune policier revienne avec une mallette d'un gris métallisé, contenant tous les Pokémon pouvant s'avérer nécessaires à une telle enquête. Parmi eux se trouvaient essentiellement des créatures au flair développé, comme des Medhyèna ou des Caninos, mais également des Pokémon de type combat, particulièrement utiles pour soulever des décombres.
Maintenant que les recherches en douceur avaient été effectuées, il fallait mettre à profit ce moyen bien utile pour se frayer un chemin jusqu'aux potentiels indices du sous-sol. Tranquillement, le commissaire saisit la sphère noire striée de jaune qui contenait un Mackogneur, et libéra la créature aux quatre bras puissants. Ses instructions brèves et précises furent exécutées avec une expertise démontrant l'habileté du Pokémon à réaliser ce genre de tâche.
Sitôt qu'une entrée assez large pour deux personnes de corpulence moyenne fut accessible, Tyrell se saisit de deux lampes torches, et ordonna au jeunot de le suivre en bas. Il prit tout de même la peine de mettre un masque, ce qu'il avait jusque là rechigné à faire, car les sous-sols, faute d'air, étaient beaucoup moins respirables que l'extérieur. Prudemment, les deux officiers avançaient pas à pas dans les couloirs sombres et abîmés. Certaines portes étaient rendues inaccessibles par des morceaux de mur ou de plafond qui obstruaient les entrées.
« C'est un vrai carnage... » marmonna le subordonné à travers son masque de protection.
Son supérieur ne répondit rien, mais il n'en pensait pas moins. A chaque tournant, ils découvraient de nouvelles issues bouchées par des lourds morceaux de béton. Ils déblaieraient cela prudemment à l'aide de Mackogneur par la suite, mais pour l'heure, une reconnaissance totale s'imposait ; cela semblait peu probable, mais il pourrait rester des survivants, si d'aventure quelqu'un s'était retrouvé au sous-sol durant l'attaque...
Si Tyrell n'y croyait pas réellement, il ne voyait aucun mal à conserver un peu d'espoir. C'était cela qui lui donnait la force de progresser à travers ce boyau noir et malodorant, reste peu éloquent d'un établissement dédié au soin de créatures fantastiques qui n'avaient rien à voir avec les conflits humains. Un mal-être le tenaillait, lui nouait les entrailles aussi durement que l'eut fait une maladie, mais il n'en montrait rien, il conservait le flegme qui le rendait si respecté dans toute la ville. Il manqua de laisser tomber et de remonter, tant cette sensation se faisait oppressante, mais en remarquant un passage praticable, sa curiosité reprit le dessus.
« Par ici, Dalton. Juste là, il y a une entrée... »
Le jeune blondinet, mal à l'aise, suivit à contrecœur le commissaire dans la pièce, dont la porte lui semblait être une gueule béante prête à l'avaler, à refermer ses crocs sur lui. Il ne manquait généralement pas de courage, mais l'atmosphère pesante de ce sous-sol avait sur lui un effet dévastateur ; aussi veilla-t-il à garder une main sur la crosse de son pistolet de fonction, pour se rassurer.
Ce fut, plus que l'état déplorable dans lequel était la salle, l'odeur ignoble de fluides sanguins à moitié séchés qui frappa les deux hommes. Elle était si forte que, même en dépit du masque protégeant leurs nez, ils purent clairement s'en rendre compte. Le faisceau des lampes balaya les murs recouverts de poussière et de saleté, puis inévitablement, ils se rendirent compte de la gravité de la situation.
Empilées les unes sur les autres, ou renversées sur le sol dans un désordre impressionnant, des cages, certaines encore intactes, la plupart en très mauvais état, constituaient un spectacle désolant. Des corps de Pokémon jonchaient le sol, inertes. Beaucoup étaient couverts de sang, avaient vraisemblablement des os brisés, des membres gravement contusionnés. De toute évidence, aucun d'entre eux n'avait survécu.
« Nom de... murmura le jeune officier, pâle comme la mort, en prenant conscience de ce qu'il avait sous les yeux. Monsieur Avery...
— Sortons d'ici, trancha le commissaire sans hésiter. Nous enverrons une équipe de scientifiques... »
Conscient de l'état de fébrilité et d'effroi dans lequel son subordonné était plongé, le cinquantenaire entreprit de le soutenir, le tenant par l'épaule au cas où il soit pris d'une soudaine faiblesse. Lui-même ne se sentait pas bien du tout, après avoir découvert une horreur pareille dans le sous-sol d'un bâtiment ayant une telle fonction. Pour lui, cela ne faisait aucun doute ; ces pauvres bêtes étaient l'une des mailles de la grande chaîne que formait la contrebande de la ville.
Restait à savoir qui parmi tous les riches de la ville avait pu orchestrer telle infâmie.
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Unionpolis
Les rues pavées et lumineuses d'Unionpolis baignaient, chose inhabituelle, dans un brouillard dense et peu engageant. Il était difficile de voir à vingt mètres devant soi, il fallait donc faire preuve d'une infinie précaution en marchant, pour ne pas se faire renverser par une voiture en traversant la route. Cela ne facilitait pas, évidemment, le travail de la police locale ; les agents étaient sur la corde raide, depuis la découverte de ce cadavre violemment mutilé et retrouvé dans une ruelle sombre, là où l'on avait tracé, sur le mur, les lettres du nom « Atlas » avec une couleur rappelant le sang.
En faisant appel aux experts médico-légaux, l'inspectrice en charge de cette enquête avait pu confirmer qu'il s'agissait bien de sang, vraisemblablement celui de la victime, bien que cela restât à prouver. Karen Jones travaillait dans la police depuis près de vingt ans ; aujourd'hui âgée d'un peu plus de quarante ans, elle pouvait se targuer d'avoir vu énormément de scènes de crimes, dont certaines particulièrement horribles. Cependant, en posant les yeux sur le cadavre non identifié — et non identifiable —, elle avait ressenti un profond malaise, et eut bien du mal à retenir un frisson.
L'état des lieux n'apportait pas grand chose de concluant, hormis le type d'arme avec lequel on avait rageusement tué et défiguré la pauvre femme. Il devait s'agir d'une arme contondante, a fortiori un marteau si l'on en croyait l'état déplorable du visage, autrefois humain et certainement agréable à regarder. Autrement, si l'on exceptait les lettres de sang, le tueur n'avait rien laissé qui lui fût préjudiciable.
En dépit des banderoles jaunes caractéristiques, stipulant l'interdiction de toute intrusion civile, la curiosité professionnelle de Robert Marlowe prit le pas sur son respect des procédures judiciaires. Il venait tout juste de regagner Unionpolis, puisqu'il était officiellement chargé de l' « affaire Atlas », en tant que journaliste expérimenté et respecté parmi ses semblables. Bien entendu, cela ne l'enchantait pas de devoir s'introduire sur une scène de crime, mais il fallait bien en passer par là s'il voulait livrer un compte-rendu satisfaisant à la presse.
Comme il s'y attendait, un agent de police en uniforme bleu, emmitouflé dans un épais manteau compte tenu de la température plutôt basse, vint l'avertir sitôt qu'il se fut suffisamment approché des longues bandes jaunes marquées des sempiternelles inscriptions en gros caractères noirs.
« Je regrette, mais je peux pas vous laisser passer, ordre de la patronne. Circulez, y a rien à voir. »
L'homme aux cheveux blancs s'y attendait, mais il n'en démordrait pas ; il fallait qu'il en sache plus à ce sujet, non pas pour lui-même, mais pour faire comprendre aux habitants de la région ce qui se passait exactement. Partout en ville, l'on jasait à propos de ce crime ignoble, mais personne n'en connaissait réellement les détails.
« Écoutez, mon vieux, je fais pas ça de gaieté de cœur, vous pouvez en être certain. Laissez-moi au moins m'entretenir avec mademoiselle Jones, elle me connaît. Faites ça pour moi. »
Pour appuyer son propos, il glissa nonchalamment un billet de dix dans la paume du policier. Celui-ci, sans doute plus motivé par le gain que par sa conscience professionnelle, s'empressa d'aller chercher sa supérieure. Marlowe attendit, tranquillement, allumant une cigarette pour éclipser un peu les désagréables relents de chairs en putréfaction qui subsistaient, malgré le retrait du corps durant la nuit. Il était à peine neuf heures du matin, mais le journaliste avait l'impression que ces dernières heures s'étaient égrenées aussi lentement qu'une journée entière.
Lorsque l'officier revint, une femme d'âge moyen lui emboîtait le pas, d'une démarche sûre et sans faille. Son long manteau brun l'était trop pour sa petite silhouette, mais elle en imposait tout de même par sa sévérité et son maintien presque militaire. Un chignon brun, aux quelques mèches grisonnantes, laissait découvrir un visage à l'expression neutre, quoiqu'un brin dédaigneuse, qui ne lui enlevait pourtant rien de son charme naturel. « Une beauté sans fard », comme aimait à l'appeler Robert, bien que ce sobriquet ne plût nullement à la dame.
« Qui voilà ! s'exclama-t-elle, son visage fendu d'un rictus amusé. Le grand Bobby Marlowe lui-même.
— Tu m'as manqué aussi, Karen, ricana-t-il en tirant une bouffée de sa cigarette. Les flics de Rivamar ne t'arrivent pas à la cheville, je te l'avais bien dit. »
L'inspectrice ricana elle aussi l'espace d'un instant, envoya son subalterne plus loin, puis reprit une mine sérieuse. Ses sourcils sombres traduisaient parfaitement son mécontentement à l'idée de savoir un journaliste sur les lieux, ce qu'elle ne manqua pas de faire remarquer :
« Bon, ami ou pas, tu n'as pas le droit d'être ici. On est sur ma scène de crime, pas à une conférence de presse. Tu peux pas te pointer comme une fleur sous prétexte que je t'aime bien, d'accord ? soupira-t-elle, lasse.
— La perspective de fouler le sol d'une scène de crime ne m'attire pas particulièrement, si ça peut te rassurer. Je suis juste venu te, euh, poser des questions, mais aucun risque que je dépasse ces bandelettes jaunes. »
Il se mit à tripoter les bandes en question de sa main libre, geste qui irritait un peu son interlocutrice. Celle-ci s'abstint cependant de tout commentaire, désireuse d'écourter autant que possible l'entretien pour pouvoir se remettre au travail. Cette « affaire Atlas » l'intriguait beaucoup, et si cela pouvait l'aider à en comprendre plus, elle partagerait volontiers le peu qu'elle savait avec son vieil ami. Lequel attendait patiemment qu'elle daignât l'informer de la moindre chose.
« Bon, d'accord. Tu dois déjà le savoir, que la pauvre femme a été complètement défigurée par son agresseur.
— Ça oui, tout le monde en parle, à croire que c'est le nouveau sujet à la mode. Même les plus puritaines des paroissiennes de l'église doivent en causer dans leurs cercles d'amis, c'est dire... grommela Marlowe, peu enthousiasmé par ces manifestations de curiosité morbide. Hum, et alors, a-t-il été possible d'identifier, paix à son âme, la victime ?
— Hélas ! »
D'une manière théâtrale, Karen secoua piteusement la tête pour signifier que son identité restait inconnue. Ses lèvres s'étirèrent néanmoins en une petite moue qui pouvait s'apparenter à un léger sourire.
« Mais on en sait un peu plus à son sujet, grâce à l'examen minutieux de ses vêtements. De la belle qualité, ça oui. Son manteau a dû coûter pas moins de mille pokédollars, et regarde-moi avec cette vieille carpette ! plaisanta-t-elle en désignant son vêtement.
— Elle te va très bien, ta vieille carpette trop grande. Mais ce n'est pas le sujet qui nous préoccupe, cesse un peu de tourner autour du pot, tu veux ? Donc la victime est une riche, et après ? C'est tout ce que tu as ?
— C'est-à-dire que ce meurtrier a été assez malin pour ne pas laisser d'indice. On pense à un marteau, en ce qui concerne l'arme. Ce n'est pas un Pokémon, les experts n'ont relevé aucun machin organique... Enfin tu sais bien, je n'entends pas grand chose à la science. Tout ce qu'on a, c'est cette fichue inscription, « Atlas » en lettres de sang. C'est bien cliché comme procédé, d'écrire un message avec du sang, mais j'ai beau me tourner l'esprit dans tous les sens, je ne comprends pas comment ce guignol du journal peut être lié à un tel meurtre. Je le croyais pacifiste, ce gaillard-là. »
Bien qu'il n'aimât pas l'admettre, Robert fut forcé de concéder qu'il n'en comprenait pas plus que l'inspectrice Jones à ce propos. Il la remercia de sa coopération, écrasa son mégot à l'aide de sa chaussure, puis s'éloigna dans le brouillard, avec plus de questions que de réponses dans la tête.
Parmi elles, c'était surtout « qui est Atlas ? » qui l'intriguait le plus.
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Rivamar
Mal à l'aise, comme à chaque fois qu'il franchissait la porte de cette pièce, John Sullivan rajusta sa cravate et entra, après que la voix familière l'eut invité. En tant que député assigné à la ville de Rivamar, Warren Rothstein disposait d'un bureau au sein de la mairie de la ville, où il travaillait lorsque le devoir ne le rappelait pas à l'assemblée d'Unionpolis. Tranquillement assis dans un fauteuil, muni d'un verre de vin probablement très coûteux, il arborait un sourire tranquille en dépit des cernes noirs ayant élu domicile sous ses yeux.
« Je suis désolé de ne pas avoir pu me libérer hier, lâcha finalement l'entrepreneur, après avoir pris place dans l'autre siège disponible. Ce n'était pas convenable de vous envoyer Roy, mais comprenez...
— Pas de problème, je comprends bien les exigences de votre, euh, profession. (L'autre sourit en pensant à la signification sous-jacente de sa phrase.) Mais si vous avez demandé un entretien si tôt, c'est bien que quelque chose vous préoccupe. Est-ce en rapport avec le centre Pokémon qui a malencontreusement explosé ? »
John secoua la tête, conservant son air soucieux malgré son sourire de façade.
« Même si la police fouille les sous-sols, il n'y a aucune preuve pouvant m'incriminer là-dedans. Un débutant aurait fait l'erreur, mais j'ai assez d'expérience dans le... métier, pour ne pas m'y tromper.
— Bien sûr, marmonna le politicien, courtois. C'est peut-être cette histoire de meurtre à Unionpolis, alors ? Je dois avouer que ça m'a un peu chamboulé, d'entendre parler de tant de violence. C'est un ami de là-bas qui m'a appris la nouvelle par téléphone, dès ce matin... Atroce. »
Le trafiquant ne put qu'acquiescer, ayant lui aussi obtenu des nouvelles en début d'après-midi, par le biais de Robert Marlowe. Celui-ci ne savait pas grand chose, et l'avait par ailleurs mis en garde au sujet d'Atlas. Toute cette histoire semblait être plus sérieuse qu'il l'avait pensé jusqu'alors. Le journaliste supposait que la victime, une femme à l'aise financièrement, pouvait avoir un lien quelconque avec un criminel ou une organisation illégale, ce qui donnait une motivation à ce curieux soldat traumatisé au sobriquet tout aussi étrange, qui semblait exécrer le crime.
John fit part de ses soupçons à son vis à vis ; lequel semblait plus ou moins d'accord sur le fait que ce personnage sorti de nulle part était un danger pour la prospérité de leurs affaires les moins conformes à la loi.
« Nous sommes sur la même longueur d'onde, il semblerait, constata le député. C'est entendu, je vais faire ce que je peux pour en apprendre plus à ce propos, et nous en reparlerons par téléphone ou lors d'un prochain rendez-vous « professionnel ». Pour le moment, je crains d'avoir un peu trop de paperasse à remplir, alors...
— Certainement. Merci de m'avoir reçu. »
Une poignée de main fut échangée, et Sullivan quitta promptement le bureau de Rothstein, avec l'étrange impression que celui-ci en savait plus qu'il ne voulait bien l'admettre.