Chapitre 03 - La famille Harrys
Sumomo
- Courage, plus que deux, et on aura fait le tour.
La femme de Monsieur Harrys, Béatrice, une petite dame bien en chair aux jolies boucles blondes, me tendit, en souriant, un nouveau seau rempli de nourriture pokémon. Je le versai dans la mangeoire de l'Ecrémeuh prévue à cet effet. Le gros pokémon rose et noir s'approcha joyeusement et se mit à manger tandis que je lui caressai tendrement la tête.
Cela faisait maintenant une semaine que mes sœurs et moi travaillions d'arrache-pied dans la ferme Meumeu. Le jour de notre arrivée, nous nous étions contentées de nous présenter à tour de rôle à Monsieur Harrys et sa femme, autour d'un repas que cette dernière avait préparé (alias le meilleur repas qu'il m'ait été donné de goûter, bien plus consistant et savoureux que la soupe ou l'éternel ragoût que maman nous préparait, faute de mieux). Ils avaient ensuite, à leur tour, raconté leur vie ; comment ils s'étaient rencontrés, comment ils avaient commencé à travaillé dans cette ferme et bien d'autres choses. C'était des gens très simples, d'une profonde gentillesse. Ils avaient acheté la ferme à leur mariage, quand ils n'étaient pas plus vieux que Tamao ; madame Harrys n'avait que 17 ans, monsieur Harrys en avait deux de plus. Cela faisait maintenant 21 ans qu'ils s'en occupaient et vivaient de leur commerce de lait d'Ecrémeuh (principalement, ils vendaient également leur récolte de légumes, de Baies et de Noigrumes, fruits qui servaient apparemment à créer certaines sortes de pokéball).
Ils avaient également un fils, Charles, qui avait la vingtaine ; il n'était pas là à notre arrivée, parti, nous avaient-ils dit, livrer un stock de lait Meumeu à Doublonville, capitale de la région.
C'est le lendemain de notre arrivée que les choses sérieuses avaient commencées ; après s'être présentés, ils nous avaient fait faire le tour du propriétaire en nous expliquant en gros le fonctionnement général. On avait ensuite pu choisir une affectation chacune, pour plus d'efficacité avaient-ils dit. Tamao, grande amatrice de mathématiques, s'était proposée pour gérer les stocks et les ressources. Sakura, encore jeune, n'avait pas eu trop le choix et avait été dirigée vers le verger où elle s'occupait d'arroser les arbres à baies et à noigrumes, d'arracher les mauvaises herbes et de récolter les fruits des arbres. Satsuki avait décidé d'aider monsieur Harrys à gérer les troupeaux de Tauros, d'Ecremeuh, et de Ponyta qui vivaient ici, car il n'y parvenait plus seul, avait-il dit (et ça se comprend, il devait bien avoir 10 pokémon de chaque espèce, et même s'il avait son Tauros dominant avec lui, ça ne suffisait pas toujours). J'avais choisi, pour ma part, de m'occuper de tout ce qui était confort des pokémon ; avec l'aide de madame Harrys, je les nourrissais, brossais, nettoyais leurs enclos, etc. Ce n'était pas la tâche la plus facile (y en avait-il seulement une ???), mais ça me permettait d'être beaucoup au contact de ces créatures extraordinaires qu'étaient les pokémon ; je voulais en apprendre d'avantage sur eux et sur leur comportement (même si les Tauros me faisait un peu peur). Quant à Koume, grande passionnée, elle avait décidé de faire un peu de tout, venant en aide à celle qui en avait le plus besoin. Aujourd'hui, par exemple, elle était avec Sakura dans le verger.
Madame Harrys me tendit le dernier seau de nourriture pour Ecremeuh. Heureusement que c'était spécifié, parce que rien dans l'apparence de ces sortes de croquettes n'indiquait qu'elles étaient pour tel ou tel pokémon. Madame Harrys m'avait expliqué que ce dont elles étaient faites variait complètement (elle en connaît un rayon, elle les fait elle-même). Celles des Ecrémeuh résultaient d'un savant mélange de baies sucrées, afin de rendre leur lait plus savoureux (en plus du fait qu'elles adoraient ça) ; elle utilisait généralement des baies Pêcha, Mago et Remu. Pour les Tauros, elle choisissait des baies de « caractère » comme elle disait. C'étaient des baies sèches et amères, pour les endurcir et les fortifier ; des baies Maron, Fraives et Lonme. Les Ponyta, quant eux, se contentaient d'un régime entièrement épicé fait à base de baies Framby et Ceriz, afin de rendre leurs flammes plus belles. Elle ajoutait cependant une touche sucrée avec des baies Chocco pour que leur pelage soit plus soyeux.
J'avais été complètement abasourdie face à l'importance donnée à ce qui pouvait paraître dérisoire pour tout un chacun, mais qui était pourtant essentiel. Madame Harrys avait explosé de rire en voyant ma tête et m'avait promis qu'elle m'apprendrait comment réaliser ces croquettes (Koume avait d'ailleurs demandé si elle pouvait venir, elle aussi intéressée par la cuisine pokémon).
- Voilà qui est fait, ma ptite Sumomo, dit elle en s'essuyant le font d'un revers de manche. Bon travail. On va pouvoir aller manger un morceau avant de remplir les mangeoires du pâturage des Tauros. Je vais préparer tout ça, va donc prévenir Tamao que le repas est bientôt prêt. Les autres mangeront plus tard, elles ont du pain sur la planche aujourd'hui.
J'acquiesçai et quittai la grange des Ecrémeuh pour me diriger vers la maison où vivaient Monsieur et Madame Harrys. Pour y arriver, je passais devant le pâturage où jouaient les Ponyta, installés là ce matin par Satsuki et Monsieur Harrys, ainsi que devant l'ancienne grange, qu'ils avaient aménagée avec nous pour que nous puissions y vivre avec mes sœur. Nous y avions passé toute notre première journée (il avait donc fallu mettre les bouchées doubles le lendemain, pour rattraper le retard pris sur les récoltes) ; nous avions maintenant un logis tout ce qu'il y avait de plus confortable, avec cinq lits, répartis sur deux étages (je dormais en bas avec Tamao et Koume, Satsuki et Sakura avaient fait des pieds et des mains pour avoir les lits du haut), ainsi qu'une pièce annexe où l'on pouvait faire notre toilette grâce à un ingénieux système qui amenait l'eau. Nous pouvions même l'avoir chaude grâce à l'enclos des Ponyta situé entre le logis des Harrys et le nôtre. Dès le soir, et jusqu'au lendemain matin, les pokémon qui étaient dedans chauffaient, grâce à leur crinière enflammée, le réservoir d'eau qui servait pour la maison des Harrys et notre grange.
En plus du logis, ils nous avaient également offert de quoi nous vêtir, question pratique ; il est évident que de simples robes n'étaient pas ce qu'il y avait de mieux pour travailler à la ferme. Nous avions donc reçu chacune une salopette à notre taille, ainsi que plusieurs dessous.
Une fois arrivée à destination, je montai à l'étage, dans le bureau où Tamao restait en journée ; elle s'y occupait des comptes, gérait les stocks et recevait les commandes. Elle était au téléphone, un objet vraiment pratique qui permettait de communiquer à distance avec des gens, quand j'entrai dans la pièce. Elle n'avait pas l'air à son aise et gribouillait machinalement des choses sur un bout de papier.
- Oui, tout à fait Monsieur… Oui, je comprends, mais… Ne vaudrait-il pas mieux en parler avec Monsieur Harrys en personne ?
Elle m'aperçut et me fit signe de m'asseoir en attendant qu'elle en ait fini avec son correspondant qui n'avait pas l'air des plus sympathiques (il parlait tellement fort au téléphone que j'arrivais plus ou moins à décrypter ce qu'il disait). Il parlait de rompre le contrat, d'un affront qui lui avait été fait. Je ne compris pas grand-chose à l'affaire à cause de mon arrivée tardive, mais ça ne sentait pas bon. La communication ne dura pas longtemps après mon arrivée.
- Bien… Je… Je transmettrai. Passez une bonne journée mon-…
Tamao raccrocha le téléphone en soupirant.
- Phew… Certaines personnes sont désagréables, bon sang… Tu vas bien Sumomo ? Ça a été pour nourrir les pokémon ?
- Oui, je pense que les Ecrémeuh m'apprécient, répondis-je en souriant. C'était qui au bout du fil ? Il avait pas l'air content…
- Oh un client qui souhaite casser son contrat avec la ferme… Il parle d'une affaire personnelle avec Doug, ou je ne sais pas trop quoi. J'ai essayé de discuter avec mais rien n'y fait. Fichu caractère… Je suis contente que ça aille bien de ton côté au moins. Koume et Sakura se débrouillent dans le verger ? Et Satsuki, avec les Tauros ?
- J'ai rien entendu aujourd'hui, donc je suppose que tout se passe bien.
Il y a de cela deux jours, Satsuki avait tenté de grimper sur le dos d'un Ponyta « pour essayer » avait-elle dit. Monsieur Harrys la supervisait mais une fois sur le dos du pokémon, elle a perdu le contrôle et il s'est mis à galoper à toute vitesse à travers le pâturage. Bien que les cris de détresse de ma sœur étaient drôles, la situation ne me fit pas rire, loin de là ; j'étais sortie de l'enclos des Ecrémeuh où j'étais occupée de les traire et, quand j'ai vu ce qui se passait, j'ai été prise d'une crise d'angoisse, du même genre que celle que Koume avait quand elle était devant une foule. Monsieur Harrys, lui, ne s'était pas retenu de rire ; il avait un rire franc et gras, un rire honnête. Sa femme, quant à elle, avait tout de suite remarqué mon angoisse et avait eu un réflexe plus logique ; elle avait pris la pokéball qui était accrochée à sa ceinture et avait envoyé son pokémon au secours de ma sœur. C'était un pokémon aux ailes diaphanes et aux gros yeux rouges. Elle l'avait appelé « Papilusion » et lui avait ordonné d'utiliser Poudre Dodo. Le pokémon s'était exécuté, faisant tomber de ses ailes une poudre verte qui calma instantanément le Ponyta. Plus de peur que de mal, donc. Si la situation m'avait alors tétanisée, j'en plaisantais maintenant, et n'hésitais pas à utiliser cette anecdote quand Satsuki me charriait trop.
Tamao sourit à l'allusion à cet événement.
- D'accord. Que me vaut ta visite dans cet humble bureau, petite sœur ?
Je n'eus pas besoin de répondre, car un doux fumet provenant du rez-de-chaussée nous parvint ; Madame Harrys s'était mise derrière les fourneaux.
***.***
Koume
Nous étions dans le verger avec Sakura depuis maintenant cinq bonnes heures, et nous n'en étions qu'à la moitié de la tâche du jour. Entre les baies, les noigrumes et les légumes, je commençais à fatiguer et mes bras donnaient l'impression de peser des tonnes. Je me demandai comment Sakura pouvait tenir chaque jour ici, mais j'eus vite ma réponse.
- J'en peux plus ! Koume, continue toute seule. Moi, je vais aller m'enterrer avec les carottes et les pommes de terre. On est occupées depuis 7 heures ce matin, et on a à peine terminé de récolter les baies…
- Courage Sakura, le plus gros est fait. Il y a beaucoup moins d'arbres à noigrumes et les légumes ne se récoltent pas tous aujourd'hui.
Car aujourd'hui était un jour particulier : nous étions Vendredi. Doug et Béatrice nous avaient expliqué que les baies et les noigrumes repoussaient en général en cinq jour ; Sakura devait donc planter les graines le Lundi (j'étais généralement avec elle ce jour-là) pour que nous puissions récolter les fruits le Vendredi. Et toute cette mise en œuvre avait un but : le Grand Marché de Rosalia. C'était une ville toute proche où se déroulait, chaque Samedi, un grand marché dans toute la ville, où de nombreuses personnes venaient pour vendre toute sortes de choses. Chaque quartier de la ville, nous avaient raconté les propriétaires de la ferme Meumeu, avait son propre thème : nourriture, décorations, objets de dressage ou vêtements typiques.
Nous n'y étions pas allées la semaine passée étant donné notre arrivée impromptue, mais demain Sakura et moi, ainsi que Tamao, accompagnerions Béatrice pour vendre nos récoltes, c'est à dire les baies, les noigrumes, quelques légumes et le lait Meumeu, bien évidemment.
J'étais plutôt enthousiaste à l'idée d'assister à cet événement, mais surtout à l'idée d'aller à Rosalia qui, d'après Doug et Béatrice, était l'une des plus belles villes (sinon la plus belle) de Johto. Ils la décrivaient comme une ville gorgée d'histoire et de légendes, qui était perdue dans le temps. Bref, je trépignais d'impatience : je voulais voir ce spectacle de mes propres yeux.
Je continuai ma cueillette quand, tout à coup, en retirant des noigrumes blancs de leur arbre, une sensation étrange me sortit de mes pensées ; mes doigts venaient de rencontrer quelque chose de dur, qui n'avait pas la même texture au toucher qu'une branche ou qu'un tronc. J'écartai donc les feuilles, pour savoir ce que ma main avait effleuré. Je n'eus pas l'occasion de m'avancer bien loin : un pokémon bourdonnant sortit de sa cachette en trombe en me menaçant avec les deux gros dards qui lui servaient de bras. Ses yeux rouges n'avaient rien de rassurant. Je voulus crier mais la peur me prit à la gorge et je ne parvins pas à sortir le moindre son de ma bouche.
Le pokémon insecte s'apprêtait à m'attaquer quand un gros caillou vint le frapper, l'envoyant valdinguer un peu plus loin.
- Vas-y Rocabot ! Jet-Pierre encore une fois !
Sakura était avec le pokémon que Béatrice lui prêtait pour parer à des situations comme celle-ci ; c'était un pokémon qu'on ne trouvait pas à Johto, qu'elle avait reçu en cadeau à sa cousine qui travaillait dans un ranch dans une région lointaine. Le Rocabot créa un nouveau caillou dans sa queue et le balança sur l'insecte qui s'enfuit sans demander son reste. Le petit pokémon roche aboya gaiement tandis que ma sœur le caressait.
- C'est qui le bon pokémon ? C'est qui ? Mais oui c'est toi !
Elle s'était très rapidement liée d'amitié avec Rocabot. Ensemble, ils assuraient la protection du verger contre les pokémon insecte ou vol qui avaient tendance à venir voler les récoltes. Sakura ne manquait d'ailleurs pas une occasion de s'en vanter, fière d'avoir un pokémon qui lui obéissait. Ces deux-là ne se quittaient presque plus, même pour dormir.
Je l'enviais un peu… Certes, nous étions en contact avec les Ponyta, les Ecremeuh et les Tauros, mais notre relation avec eux était différente de celle qu'entretenait Sakura avec Rocabot.
- Wow, il s'en est fallu de peu, dis-je en me redressant. Merci beaucoup. Ce pokémon m'a fichu une de ces trouilles…
- C'est un Dardargnan, m'expliqua Sakura qui portait difficilement le pokémon roche dans ses bras. Ce sont des sales bêtes qui s'attaquent souvent aux récoltes. Avec Rox, on en a déjà battu deux-trois cette semaine.
- Sakura… Tamao t'a déjà dit que tu ne pouvais pas donner de surnom à un pokémon qui n'est pas à toi…
- Mais Béa a dit que ça la dérangeait pas, rho. Puis ça le dérange pas non plus, hein Rox ?
Comme pour confirmer les dires de ma sœur, Rocabot poussa un petit cri joyeux et lui lécha le visage. Elle me lança un de ses regards insupportables qui signifiait « Tu ne peux rien y faire, j'ai raison, quoi que tu dises ». Enfin bref, je me contentai de soupirer, ne désirant pas entrer dans un débat interminable avec ma petite sœur, et me remis à la tâche.
La fatigue commençait à se faire sentir, et la faim n'aidait pas, surtout qu'un doux fumet provenant de la maison des Harrys se faufilait à présent jusque dans le verger. C'était dingue ; nous n'avions jamais vraiment beaucoup mangé avant d'arriver à Johto, mais les plats de Béatrice étaient tellement bons qu'ils nous ouvraient l'appétit. Le repas de midi était devenu quelque chose de sacré pour mes sœurs et moi, et nous prenions un plaisir fou à découvrir quel plat savoureux la femme de Doug avait cuisiné.
Je m'arrêtai deux minutes pour souffler et, en levant ma tête vers le ciel, mon regard croisa celui d'un petit être jaune qui flottait dans les airs. Il avait l'air tout aussi intrigué que moi, mais ne me paraissait pas méchant, contrairement à l'insecte de toute à l'heure. Il disparut soudain pour réapparaître derrière moi et s'emparer d'une baie qui était dans mon panier, avant de disparaître à nouveau. Je me mis à chercher du regard l'étrange voleur. Sakura me fixait, étonne.
- Ben Koume, t'as perdu quelque chose ?
Je lui répondis que non et lui expliquai ce qui venait de se passer. Elle échangea un regard dubitatif avec Rocabot, l'air de penser que la fatigue commençait à m'atteindre au cerveau. Je voulus défendre ma position, mais l'étrange créature réapparut derrière ma sœur pour s'emparer d'une des baies de son panier. Le temps que je lui indique ce qui se passait, le petit être jaune s'était déjà enfuit, ce qui appuya l'idée que Sakura se faisait de moi.
- Mais puisque je te dis que…
- C'est ça, c'est ça, me répondit-elle. J'ai passé l'âge de croire à tes histoires Koume. Maintenant active-toi s'il te plaît, j'aimerai bien aller manger.
Je soupirai tandis que ma sœur se remettait au travail. Je voulus faire de même, mais la créature jaune réapparut devant moi, me tendant la moitié de la baie qu'elle avait prise dans le panier de ma sœur. Je ne savais pas quoi faire… La créature me fixait intensément, attendant probablement que j'accepte son offrande. J'allais le faire quand une voix inconnue retentit au loin.
- Abra ! Abra !
C'était une voix clairement masculine. La créature m'intima de rester silencieuse, en mettant l'un de ses trois doigts devant sa bouche, comme les humains le faisaient. Ce « Abra » devait être un pokémon, et un pokémon vraiment intelligent.
- Abra ! Ne me dis pas que tu es reparti chaparder dans le verger !
Pour toute réponse, la créature ricana silencieusement, jouette.
- Abra, viens ici tout de suite ! Je compte jusque trois… Un… Deux…
Avant que l'homme n'eut terminé de compter, le pokémon disparut à nouveau. Je me redressai pour regarder aux alentours afin de trouver d'où provenait la voix. Sakura, qui elle s'était déjà relevée, m'indiqua un jeune homme avec un chapeau de cow-boy qui chevauchait un gros oiseau à trois tête à l'entrée de la ferme.
- Qui c'est ?, me demanda ma sœur.
Je regardai attentivement l'inconnu : en plus du chapeau de cow-boy, il portait ce qui semblait être la même salopette que nous (reconnaissable à la tête d'Ecrémeuh cousue sur le torse), vêtement caractéristique des gens travaillant à la ferme Meumeu.
- Probablement le fils de Béatrice et de Doug, répondis-je à ma sœur. Il porte la même salopette que nous, et d'après eux, leur fils travaille dans la ferme aussi habituellement. Il était en livraison, tu te souviens ?
- Ah oui !
Charles Harrys était celui qui s'occupait des livraisons depuis quelques temps. Doug nous avait expliqué que le réseau de la ferme s’agrandissait petit à petit, et que les gens ne savaient pas toujours venir à la ferme, ou au Grand Marché de Rosalia. Il avait donc dû trouver un moyen de livrer le lait aux clients des villes plus éloignées et son fils avait le profil parfait pour ça : il était jeune, fort et possédait un Dodrio, l'un des pokémons les plus rapides de la région.
Ce dernier grondait justement le Abra, qui nous montra du doigt, ma sœur et moi. Charles nous jeta un rapide regard avant de rappeler son Dodrio et d'entrer dans la maison, suivi par son pokémon facétieux.
- Finissons notre travail pour qu'on puisse aller manger et nous présenter.
Sakura acquiesça et nous nous remîmes au travail.
***.***
Tamao
Nous étions occupées d'installer la table, Sumomo et moi, quand un jeune homme fit son apparition, un pokémon jaune flottant à ses côtés ; il portait la salopette de la ferme ainsi qu'un chapeau de cow-boy. Ses cheveux, de la même couleur que ceux de Béatrice, étaient en bataille et mi-long et son visage était recouvert d'une fine barbe pas très entretenue. Il ne nous adressa qu'un simple regard avant de se diriger vers la cuisine où Béatrice préparait le repas. Son pokémon, cependant resta dans la salle à manger et nous observa pendant que Sumomo et moi continuions ce que nous faisions. Je tendis tout de même une oreille attentive pour entendre ce qui se passait.
- Tamao, on écoute pas aux portes, me chuchota Sumomo en plaçant les couverts de part et d'autre d'une assiette, ce n'est pas poli…
Je lui intimai de se taire tandis que j'écoutais la conversation de la pièce voisine.
- Charles, mon trésor, tu es revenu ! La livraison à Ébenelle s'est bien passée ?
Le jeune homme soupira. Il s'agissait donc du fils des Harrys.
- Maman, je t'ai déjà dit de ne plus m'appeler « mon trésor »… Sinon, oui, la livraison s'est bien passée, le Maître Draconique du village vous remets le bonjour à toi et Papa…
- C'est fort aimable à lui. Tu arrives à point nommé, le repas est bientôt près ! Va donc te débarbouiller et rejoins-nous à table, tu nous expliqueras ton voyage en détail, et on en profitera pour te présenter à nos nouvelles collègues !
- Justement, à propos de ça… Vous en avez achetées quatre ? Ça a dû vous coûter une fortune !
- Elles son cinq, pour être plus juste, et elles n'ont pas coûté si cher que ça, et puis leur aide nous est précieuses.
- Mais quand même ! Quelle image de la ferme on va donner ? Faire travailler cinq immigrées ! Tu te rends compte ??
Je sentis un poignard me traverser le ventre. Ce Charles n'avait pas l'air d'être très heureux de notre présence dans la ferme… Nous avions pourtant été prévenues avant notre départ que tout le monde ne serait pas forcément aimable avec nous, que les Naljiens étaient considérés comme des étrangers, et que certaines personnes étaient fort réticentes à l'idée de notre venue dans leur région. Mais tout ça m'était sorti de l'esprit ; Béatrice et Doug nous traitaient très bien, presque comme leurs propres filles… jamais je n'aurai pensé que leur fils aurait été d'un autre avis.
Je sentis dans sa voix que Béatrice lui demandai de parler plus bas, de peur qu'on les entende probablement.
- Charles, voyons ! Ce sont des filles très aimables, ne parle pas d'elles sans même les connaître ! Ce n'est pas comme ça que je t'ai éduqué !
- Tu sais qu'il y a tout un tas de jeune à Johto qui cherchent un travail ? Et toi tu le donnes à des étrangères ! J'ai un ami de Doublonville qui…
- Arrête ça tout de suite ! Tu sais très bien que payer quelqu'un nous reviendrait beaucoup trop cher mensuellement, nous ne pouvons pas nous le permettre. Alors, oui, on a dû piocher dans nos ressources pour les acheter, mais elles sont beaucoup plus efficace à cinq qu'un seul employé. Maintenant, tu vas aller te changer, venir à table et partager un repas avec tes parents et tes nouvelles partenaires de travail, c'est compris ?
- Mais…
- Pas de mais ! Ces filles sont adorables et elles travaillent dur pour nous aider ton père et moi, alors quoi que tu en dises, elles resteront avec nous ! Va te changer, le repas est bientôt servi.
Sur ce, Charles sortit de la cuisine, bouillonnant, et monta à l'étage sans nous adresser un regard. Sumomo, qui avait arrêté de disposer les couverts en entendant la dispute, tremblait, les yeux humides. Le pokémon de Charles s'approcha d'elle et lui offrit un morceau de baie, comme pour la consoler, avant de
tout bonnement disparaître. J'embrassai ma sœur pour la consoler à mon tour avant de rejoindre Béatrice, qui touillait vigoureusement dans la casserole où cuisait une ratatouille. Elle aussi avait les larmes aux yeux. Quand elle me remarqua, elle vint me prendre dans ses bras.
- Excuse-moi pour cette conversation Tamao… Charles est un gentil garçon, mais il a encore beaucoup a apprendre. Je veux que vous sachiez, toi et tes sœurs, que Doug et moi, nous vous apprécions beaucoup, et que avez votre place parmi nous, mon fils n'a pas son mot à dire. Je suis vraiment désolée que tu aies eu à entendre ça…
Pour toute réponse, je fondis en larmes. Béatrice me serra contre elle et sécha mes larmes. Elle me sourit tendrement.
- Va donc chercher mon mari et tes sœurs, elles peuvent venir prendre le repas avec nous. Elles termineront leur récolte cet après-midi, quitte à finir plus tard.