Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 19/04/2017 à 10:21
» Dernière mise à jour le 13/03/2018 à 01:14

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 6 : Des années de traque
Mizulia


Scalpuraï n’avait pas menti quand il m’avait capturé : le niveau de douleur qu’il pouvait infliger sans tuer était celui d’un maître dans l’art de la torture. J’étais emprisonnée dans une quelconque cellule du Palais Impérial, nue, entravée de toute part par des chaînes elles-mêmes tranchantes qui me lacéraient la peau. Si je bougeais d’un seul millimètre, leurs morsures se faisaient ressentir. Si j’avais pu me donner la mort en forçant contre ces chaînes pour qu’elles me découpent en petits morceaux, je l’aurai bien évidement fait, mais j’étais tout bonnement incapable de bouger autant ; je ne pouvais seulement que faire de très maigres gestes, suffisant pour me provoquer une douleur insupportable, mais pas assez pour me trancher les membres.

Cela faisait une semaine que les Nettoyeurs m’avaient capturé à l’enclave de Mak-Arkor. Enfin je crois. Je ne sais plus trop. La notion du temps qui passe est assez relative quand on est enfermée dans le noir, torturée en permanence. Mais comme Scalpuraï voulait me garder en vie, il s’assurait que je sois nourrie de force, et je comptais le temps selon le rythme des repas. Quand j’étais prête à succomber du fait de la perte de sang que les chaînes tranchantes ou les blessures de Scalpuraï m’avaient provoquée, divers Pokemon médecins venaient impitoyablement rallonger ma vie, pour que tout recommence ensuite.

J’avais été si sotte… J’aurai dû me suicider bien avant. M’étais-je si attachée à la vie pour croire que Scalpuraï ne me retrouverait pas, où que je me cache ? J’étais pourtant assez bien placée pour savoir qu’il ne renonçait jamais à traquer une proie. Dès l’instant où j’ai décidé d’abandonner Six à la bande d’Immotist, j’aurai dû me donner la mort. Peut-être même avant. Ou peut-être aurai-je dû amener l’enfant à Scalpuraï dès sa naissance. Ou bien aurai-je dû laisser le G-Man me tuer comme il aurait dû après avoir pris son bon plaisir. Je souffrais pour quoi, aujourd’hui ? Je ne savais même plus…

- Tu t’approches du désespoir, Mizulia, me susurra la voix tranchante que je craignais tant. Tu le touches. Le sens-tu ? Veux-tu te perdre dedans ? T’y laisser aller ?

Je relevai la tête avec difficulté, pour dévisager mon tortionnaire. Il m’a brisé. Il m’avait brisé depuis toujours en fait. Je l’avais seulement oublié, toutes ces années durant lesquelles j’ai fuit et je me suis cachée de lui. Mais on ne pouvait pas échapper éternellement à Scalpuraï, membre de la Trigarde Impériale, leader des Nettoyeurs. Seule la mort pouvait nous sauver de lui. Quand il approcha sa tête terrifiante pour m’attraper les cheveux, je fus incapable de soutenir ses yeux jaunes.

- Tu m’as beaucoup déçu, Mizulia, poursuivit le grand Pokemon Acier et Ténèbres. Tu étais une esclave valable, autrefois. Combien de fuyards et d’indésirables avons-nous arrêté grâce à toi ? Combien d’ennemis avons-nous scalpé ensemble ? J’avais placé de grands espoirs en toi. Je t’ai entraînée, je t’ai forgée comme on forge une lame magnifique. Te souviens-tu de ces joyeuses années où nous prenions tant de plaisir à écorcher nos proies ? Tu adorais revêtir leur peau en guise de trophée. Tu étais si redoutable, avec une telle flamme dans les yeux. Où est-elle, cette flamme, désormais ?

- Pitié… murmurai-je, à bout de force et au bord de la folie. Pitié… maître… que ça cesse, faîte que ça cesse…

- C’est cet enfant qui a éteint la flamme dans tes yeux ? L’engeance d’un G-Man ? Je croyais avoir taillé ton cœur pour qu’il ne ressente rien, pour qu’il soit aussi froid que l’acier dont de mon corps est constitué. Enfanter t’a rendu faible, Mizulia.

Il accompagna ses propos d’une énième large entaille sur toute la longueur du dos. Je me mis à pleurer comme une enfant. Une telle faiblesse m’aurait en effet parut inconcevable à l’époque où je servais Scalpuraï comme agent humaine des Nettoyeurs. Mais l’Ecorcheur Argenté, comme on l’appelait, était passé maître dans l’art de briser les esprits encore plus que les corps.

- Peut-être est-ce ma faute de t’avoir confié cette mission chez le G-Man, reprit Scalpuraï pour lui-même. Mais tu t’en étais très bien tirée. Tu l’as séduit si facilement, et tu t’es enfuie avant qu’il ne puisse te tuer, comme prévu. J’étais content de toi. La preuve dont j’avais besoin pour enfin enterrer l’Ordre à jamais se trouvait dans ton ventre. Mais qu’as-tu fais ensuite, Mizulia ? Tu m’as ignoblement trahi, moi, ton maître à qui tu devais tout ! Tu t’es enfuie dès la naissance de l’enfant ! Dis-moi, avais-tu prévu de le faire depuis longtemps, ou bien t’es-tu décidée sur un coup de folie et de sentimentalisme absurde quand tu as tenu ce bébé dans tes bras pour la première fois ?

Je ne répondis pas. Je n’en avais pas besoin. C’était bien entendu la seconde hypothèse, et Scalpuraï le savait très bien. De colère, il continua à charcuter mon corps avec ses doigts tranchants.

- Tu n’avais pas besoin de cet enfant, Mizulia ! Tu lui as donné l’amour qui aurait toujours dû me revenir ! J’étais tout pour toi ! Tu n’avais nul besoin de quelqu’un d’autre ! Et maintenant, regarde-toi… Toi qui étais si forte, si froide, si… parfaite, à pleurnicher de la sorte, sacrifiant ta vie pour un bâtard G-Man. Quelle tristesse, Mizulia !

Scalpuraï s’approcha encore une fois de mon visage pour me murmurer ces mots :

- Tu sais ce qu’on va faire maintenant, Mizulia ? Je vais continuer à te torturer, doucement, lentement, presque tendrement… Quand j’aurai ton enfant entre mes mains, ce qui ne saurait tarder, je l’écorcherai devant toi, puis je te ferai porter sa peau. Ce sera le seul habit que je t’autoriserai. Ensuite, nous expérimenterons de nouvelles formes de douleurs, en souvenir du bon vieux temps. Je pensais à essayer sur toi toutes les formes de tortures que tu as inventé toi-même, avant d’en essayer de nouvelles. Tu ne mourras pas de sitôt, Mizulia. Nous allons nous amuser longtemps, toi et moi…

La perspective de tant d’horreurs et de souffrances me permit au moins de récupérer un semblable de conscience. Je cessais mes pleurs. Quand on était au fond du gouffre du désespoir comme moi, il n’y avait plus aucune raison de pleurer, plus rien à redouter. Le désespoir me recouvrait, me protégeait, presque comme un ami. J’émis même un léger rire à la face de mon bourreau.

- Vous n’avez vraiment pas changé, maître. Toute la souffrance que vous pourrez donner ne sera jamais assez suffisante pour réduire la vôtre. Vous voulez détruire l’Ordre G-Man ? Mais après, ce sera quoi ? Les Paxen ? Les humains en général ? Puis les Pokemon ? Votre saint Empire ? Le monde ? Vous aurez toujours quelque chose à traquer, des ennemis à détruire. Vous ne serez jamais libre. Vous êtes tout autant un esclave que moi. Il ne vous relâchera jamais…

- Il ? S’étonna Scalpuraï. Tu veux parler de Sa Majesté ? Je suis son garde du corps, mais pas son esclave. Je me suis rangé à ses cotés et à ceux du Seigneur Xanthos dès le début. Je suis un de ses plus proches confidents, un de ses…

- Maître, le coupai-je, je ne parlais pas de l’Empereur. J’étais toujours à vos côtés, partout, tout le temps. Je sais très bien qui vous servez, de qui les Nettoyeurs tirent la plupart de leurs ordres, et ce n’est pas de Daecheron…

Scalpuraï me gifla en réponse. Une gifle qui me troua la joue droite, et m’arracha deux dents. Ce n’étaient pas les premières que je perdais depuis cette passionnante séance de tortures. J’aurai dû ne plus en avoir dès le premier jour, mais les Pokemon médecin de Scalpuraï s’arrangeaient toujours pour me les faire repousser, comme par magie. Scalpuraï aimait bien que je sois à nouveau intacte quand il recommençait à me torturer.

- Tu l’ouvres un peu trop, pour une misérable humaine, commenta Scalpuraï. Tu étais bien plus appréciable autrefois, quand tu avais fait du silence ton second maître. Mais je suis rassuré. Tu trouves encore la volonté de me défier. La Mizulia que je connaissais n’a donc pas totalement disparu.

- Vous pouvez me torturer tant que vous voulez, m’infliger les sévices qui vous sied. Vous ne me ferez pas parler. Je crierai, je pleurerai, j’implorerai votre pitié, mais je ne dirai jamais rien sur mon enfant. Et cela, je le dois à votre entraînement.

- Oh, parce que tu crois que je te torture pour que tu me révèles où se terre ton bâtard ? Ma pauvre Mizulia, toujours aussi naïve… Je te torture seulement parce que c’est mon bon plaisir. Je sais déjà tout ce que j’ai besoin de savoir sur ton moucheron.

Il se retourna et fit signe à quelqu’un d’approcher. Je découvris avec surprise et horreur un petit Pokemon entouré de bandelettes qui m’était tristement familier. Et les larmes recommencèrent à couler sur mes joues ensanglantées, car je savais que Scalpuraï avait gagné. Ce dernier savoura son petit effet.

- Tu connais mon invité ici présent, n’est-ce pas ? Et lui aussi te connais, apparemment. Phamôme… peux-tu me dire qui est cette femelle ?

Les petits yeux bleus derrière le masque de Phamôme brillèrent de satisfaction et de méchanceté.

- C’est la chienne Mizulia, Seigneur Scalpuraï. Mon père l’a recueillie et prise comme esclave il y a six ans de cela, avec son rejeton Six. Mais à peine un an après, elle s’est enfuie en volant un petit magot et en abandonnant son gosse. Une mère sacrément indigne, même pour les humains !

- Tu te méprends, mon jeune ami, répondit Scalpuraï. Elle a quitté la sécurité de votre organisation souterraine uniquement pour m’attirer loin de la capitale, en me faisant croire qu’elle a amené son enfant avec elle. Et effectivement, j’ai passé près de quatre ans à chercher le bâtard G-Man dehors, alors qu’il était juste sous mon nez. Un sacrifice maternel des plus admirables. C’est bien cela, Mizulia ? Quelle tristesse cependant que ton fils pense que tu l’as abandonné et trahi. Le pauvre pensera ça jusqu’à ses derniers instants…

J’étais trop abattue pour trouver quelque chose à répondre. L’air satisfait et sadique, Scalpuraï enfonça encore plus le clou.

- Le jeune monsieur Phamôme est venu me trouver en affirmant que son père, Immotist, abritait chez lui un G-Man illégal et s’en servait pour commettre divers crimes. Je n’aurai jamais cru possible qu’un Pokemon ose cacher un bâtard G-Man en toute connaissance de cause, mais après tout, s’il y en a un assez cupide pour tenter ça, c’est bien Immotist. Maintenant, il ne tentera plus rien.

Je me doutais que Scalpuraï avait réglé définitivement son compte à ce vieux mafieux d’Immotist. Je n’allais certainement pas le regretter ; je ne l’avais servi qu’un an, mais c’était un Pokemon des plus détestables qui m’avait souvent battu. Je l’avais choisi lui justement pour sa cupidité, pour qu’au lieu de dénoncer Six, il se serve de ses pouvoirs. Mais je n’aurai pas pensé que son propre fils, Phamôme, irait trahir son père. Une erreur de débutante de ma part, surtout si on considérait que le fils avait hérité de toute la fourberie de son père.

- Tu as bien accompli ton devoir envers l’Empire en venant me parler de tout cela, Phamôme, le félicita Scalpuraï. Le danger que représentent ces G-Man en liberté et sans aucun contrôle nous oblige à prendre les mesures les plus fortes, envers eux, et envers tous ceux qui les soustrairaient à mon regard.

- Vous avez raison, seigneur, approuva Phamôme en s’inclinant. Ce Six est un sauvageon. Tôt ou tard, il aurait trahi mon père et se serait adonné à des actes de destructions…

- La ferme… murmurai-je.

Scalpuraï me regarda avec curiosité.

- Qu’est-ce que tu viens de dire, Mizulia ?

- Je vous ai dit de LA FERMER ! Explosai-je. Ne parlez pas de Six comme si vous prétendiez le connaître ! N’évoquez pas un danger imaginaire pour justifier vos crimes ! Vous n’avez qu’une seule idée en tête, maître : vous servir de lui pour détruire l’Ordre G-Man. Et toi, misérable Phamôme, tu n’en voulais qu’aux richesses de ton père !

Si Phamôme fut grandement offensé qu’une humaine puisse lui parler de la sorte, Scalpuraï fut visiblement amusé de ma tirade.

- Tu trouves injuste que ton fils pâtisse de nos propres intérêts ? C’est pourtant la vie à laquelle tu l’as condamné en décidant de me le soustraire. Si tu me l’avais remis dès sa naissance, il aurait eu une mort rapide, sans avoir le temps de vivre, et toi, tu ne souffrirais pas autant aujourd’hui. Mais ne t’en fais pas, tu pourras expliquer à ton fils comment tout ce qui lui arrive est de ta faute. Il se trouve, selon mon ami Phamôme, à l’Atlas de la Connaissance. Comme c’est un lieu sous la protection du Seigneur Quetzurbis, je ne peux pas y faire entrer de Nettoyeurs à ma guise. Du moins pas sans son autorisation, qui ne devrait pas tarder à arriver. Du temps, j’ai fait encercler tout l’Atlas pour empêcher toute fuite. Dès que j’aurai le feu vert du Département des Sciences et de la Recherche, j’irai le chercher moi-même. C’est le moins que je puisse faire, n’est-ce pas, Mizulia ?


***


Six




Quand le professeur de Diplôtom avait parlé du massacre qui avait frappé la bande à Immotist, j’ai osé me raccrocher au fol espoir que ça ne me concernait pas. Immotist avait peut-être offensé un Pokemon dangereux, une bande rivale, ou alors il avait été trop loin dans son entreprise illégale et l’Empire avait décidé de s’en débarrasser. Oui, ce n’était pas obligé que ça ait un rapport avec moi. L’Empire devait toujours ignorer qui j’étais, et ce que j’étais. C’était l’illusion dans laquelle j’ai préféré me réfugier durant ces deux dernières heures, au lieu d’affronter l’implacable réalité.

Mais à présent, je ne pouvais plus me cacher dans je ne sais quel fantasme, pas alors que l’Atlas de la Connaissance était encerclé de plusieurs Pokemon, dont de nombreux Scalproie, la marque de fabrique des Nettoyeurs de Scalpuraï. Ils savaient. Peu importe comment, ils savaient, et ils étaient venus pour moi. Quatorze ans. Cela faisait quatorze ans que j’avais réussi à me dissimuler tant bien que mal. C’était fini, désormais. La dure réalité à laquelle ma mère m’a tant préparée est là, en face de moi. Les Nettoyeurs étaient à mes trousses. Et on échappait pas aux Nettoyeurs…

Les Pokemon de l’Atlas se demandaient ce qu’il se passait, bien sûr, d’autant que l’un des Nettoyeurs, dehors, avait pris la parole en hurlant que tous ceux qui tenteraient de quitter l’Atlas seraient systématiquement abattus. Ils n’avaient, en dehors de cela, émis aucune demande particulière, même pas celle de me livrer. Je me demandais ce qu’ils attendaient pour rentrer. De la fenêtre de la chambre de Diplôtom, on pouvait voir comment ce groupe d’une cinquantaine de Pokemon avait totalement entouré l’Atlas, et même par la voix des airs. Je ne pouvais pas m’échapper. J’étais piégé comme un rat.

- Qu’est-ce que veulent donc les Nettoyeurs ? Demanda à haute voix Diplôtom. C’est un lieu de science et d’étude ici. Nous n’abritons aucun criminel !

Je n’avais même pas le cœur à lui expliquer. Diplôtom et ses amis érudits courraient le risque d’être associés comme mes complices par les Nettoyeurs, et il n’y avait aucune clémence à attendre de leur part pour ceux qui recueillaient un G-Man illégal. Évidement, ils n’en savaient rien, mais je n’étais pas sûr que cela suffise pour Scalpuraï. Je ne désirais pas leur mort ; ils ne m’avaient rien fait, et Diplôtom, quoi que très lourd avec ces interrogatoires, m’avaient très bien traité. Mais vue la situation, il me semblait naturel de me soucier d’abord de moi-même.

- Six, tu vas bien ? Tu as l’air pâle… enfin, encore plus que d’habitude.

Pour sûr que je n’allais pas bien, non. Je ne sais pas si c’est mon instinct de félin que je dois au Pokemon dont je partage une partie de l’ADN qui parlait, mais, me sachant coincé, j’avais une folle envie de sauter partout pour griffer tout et n’importe quoi. Qu’est-ce que je devais faire ? Me cacher quelque part dans l’Atlas ? Ou alors tenter une fuite désespérée ? J’étais quelqu’un de très rapide, mais face à tous ces Nettoyeurs dehors, je n’allais pas aller bien loin. Quant à les affronter, c’était pas gagné… Mes capacités se limitaient pour le moment à sauter haut, courir vite, taper fort, faire pousser mes ongles comme des griffes et chauffer mes mains. Peut-être que je pourrai venir à bout d’un ou deux Scalpion, s’il y en avait dehors, mais certainement pas plus.

- Six… qu’est-ce que…

La voix de Diplôtom était abasourdie. Je vis qu’il regardait avec ébahissement mes mains, et je compris ma bourde. J’avais laissé mon instinct de Pokemon me dominer, et mes griffes étaient sorties. Et on ne pouvait certainement pas confondre des ongles humains avec des griffes de Félinferno. Pendant une seconde, j’envisageai d’éliminer le petit Pokemon, si toutefois j’en étais capable. Mais j’y renonçai bien vite. Quelle importance que Diplôtom soit au courant maintenant ?

- Je suis désolé, messire Diplôtom, m’excusai-je. C’est moi qu’ils veulent. Je suis un G-Man illégal. Je regrette de vous avoir mis en danger par ma présence ici. Vous êtes un type Spectre, alors je vous conseille de vous cacher quelque part. Les Nettoyeurs ne font preuve d’aucune miséricorde envers ceux qui cachent quelqu’un comme moi, même en toute ignorance…

Diplôtom en laissa carrément tomber son livre par terre. Je craignis qu’il ne m’attaque par surprise ou désespoir, mais certainement pas que son visage affiche un immense sourire excité.

- Tu es un G-Man ?! Un vrai de vrai ?! Ça alors !

Il récupéra son livre et se mit à écrire à toute vitesse.

- Mon sujet d’étude était un G-Man ! Il peut faire sortir des griffes de ses doigts comme un Pokemon ! C’est tout à fait extraordinaire ! J’avais un véritable G-Man sous les yeux depuis tout ce temps ! Honte à mon statut d’érudit initié de ne pas l’avoir découvert ! J’ai tant de questions à lui poser qui me passent par la tête, c’en est stupéfiant !

J’en restai coi. Ce Pokemon comprenait-il au moins la situation ?!

- Aucun Pokemon n’a jamais pu étudier de près un G-Man ! Poursuivit Diplôtom, qui ne tenait plus en place. Si je rédigeais une thèse dessus, non seulement je passerai érudit, mais je bénéficierai d’une notoriété immense auprès de toute la Recherche ! Je serai une référence, mon nom rentrera dans les annales de l’Atlas, et je…

- Messire Diplôtom, le coupai-je, vous ne risquez pas de devenir célèbre en mourant ! Car c’est ce qui va se passer si les Nettoyeurs vous surprennent avec moi !

- Tu ne comprends pas, Six… Je ne vis que pour la recherche et l’étude. Ce n’est pas seulement parce que je suis un étudiant de l’Atlas. Ma famille de Pokemon a l’amour de la connaissance inscrite dans son ADN. Tu es pour moi un sujet que je n’aurai jamais l’occasion d’étudier. Si je te laissais m’échapper, ma vie ne vaudra plus rien. J’y re-songerai chaque jour, chaque minute, comment le moment où j’ai perdu ma seule chance d’étudier quelque chose de rare et d’inaccessible. Les questions d’Empire ou de légalité n’ont plus lieu d’être. Je te suivrais où que tu ailles. C’est ainsi, et tu ne pourras pas m’en empêcher !

Diplôtom semblait sérieux. Il n’avait pas l’intention de me dénoncer à ses pairs en hurlant. Il ne semblait même pas avoir peur de moi, ou des conséquences de ma présence ici. Je m’accrochai donc à ce dernier espoir.

- Faisons un marché alors, messire, dis-je.

- Un marché ?

- Vous m’aidez à échapper aux Nettoyeurs, à me cacher, et je vous laisserai m’étudier tant que vous voulez, en répondant à toutes les questions que vous voulez.

Diplôtom secoua sa petite tête bleue.

- Il n’y a pas lieu d’évoquer un tel marchandage, Six. Pour que je puisse t’étudier et écrire ma thèse sur toi, tu dois survivre, et moi aussi. Viens.

Je suivis le Pokemon flottant à travers les étages et les couloirs de l’Atlas, passant devant divers Pokemon qui regardaient, inquiets, le rassemblement des Nettoyeurs par les fenêtres. Personne ne fit attention à nous.

- Il y a un sous-sol à l’Atlas, m’expliqua Diplôtom. C’est là qu’on entrepose nos plus vieux ouvrages, des recherches concernant la période d’avant l’Empire et la Guerre de Renaissance. L’Empire ne connait pas cet endroit.

- Mais… ce genre de recherches n’est-il pas prohibé ? Demandai-je, le souffle court.

- Si. C’est pour cela qu’elles sont cachées, fit le Pokemon avec un sourire. Même l’Empereur ne peut museler la Recherche.

De retour au rez-de-chaussée de l’Atlas, Diplôtom me mena jusqu’à une petite bibliothèque, où il tira un livre précis de son étagère. Cela eut pour effet d’enclencher un mécanisme qui fit pivoter l’étagère en question, révélant un obscur et étroit escalier qui descendait plus bas. Cinq minutes plus tard, nous étions donc dans une espèce de petit entrepôt en pierre, où se trouvaient des piles et des piles de bouquins et de feuillets poussiéreux et jaunis. La somme des recherches illégales menées en secret par l’Atlas.

- Si nous sortons par le mur à ce niveau, nous devrions nous retrouver non loin de la ville basse.

Après m’avoir dit cela, Diplôtom traversa carrément le mur, me laissant là comme un imbécile. Après avoir sans doute constaté que je ne le suivais pas, il repassa de mon côté.

- Qu’est-ce que tu fabriques, Six ? Il faut nous dépêcher !

- Messire… euh… je ne peux pas traverser les murs comme vous…

Diplôtom se frappa la tête avec son livre.

- Quelle négligence ! Suis-je idiot ? À qui ont donc servi mes années d’études ici ?!

- Vous ne connaîtriez pas l’attaque Téléport par hasard ?

- Je crains que non. Et toi ? Tu dis être un G-Man, tu dois donc maîtriser certaines de nos attaques !

- Je suis le G-Man de Félinferno, messire. Je peux briser des gros cailloux ou faire fondre le métal, avec du temps, mais me creuser un tunnel à travers des mètres et des mètres de roche… ça risque d’être compliqué.

- Essaie tout de même. Nous n’avons pas d’autre issue.

Je n’avais pas trop d’espoir, mais je m’exécutai. Devant le mur de brique, je refis surgir mon instinct Pokemon. Les muscles de mes bras se mirent à doubler de volume, et des griffes sortirent de mes doigts. Si j’avais été le G-Man d’un Pokemon Combat, ça aurait été plus simple, mais Félinferno était de type Ténèbres en plus de son type Feu. Il pouvait sans doute apprendre certaine attaques Combat, mais moi j’en étais loin. Je donnai toutefois mon coup de poing le plus puissant contre le mur. Je m’attendais à me briser les os de la main, mais quelle ne fut pas ma surprise quand le mur explosa carrément, envoyant des morceaux partout.

- Ohhhhh ! S’exclama Diplôtom. Quelle force, Six !

- Ce… ce n’est pas possible, balbutiai-je, ébahi. Ce n’est pas moi qui ai fait ça…

- Non, effectivement jeune homme, fit une voix.

Derrière le mur qui venait d’exploser, il y avait déjà un tunnel de creusé. Deux hommes étranges se tenaient là. L’un était habillé comme un noble avec une allure négligée et un chapeau haut de forme, et l’autre était bourriné, avec une énorme moustache, des sourcils broussailleux et pas mal de cicatrices sur le visage. Je ne m’attendais certainement pas à trouver deux humains à cet endroit, et Diplôtom encore moins.

- Par le Grand Codex, mais qui êtes-vous ? Demanda ce dernier.

- Stuon et Kashmel, Kashmel et Stuon, répondit celui au chapeau. On vous fait sortir ? Notre tunnel est tout frais !