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Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 22/02/2017 à 08:49
» Dernière mise à jour le 04/01/2018 à 19:21

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 1 : Voleur aux yeux rouges
Six


Trente-six jails.

C’était le maigre butin que j’avais réussi à réunir pour cette journée. Trente-six jails que j’avais dérobés à des Pokemon insouciants, ou que j’avais trouvés par terre. C’était loin des soixante-quinze que mon maître attendait chaque jours. Mais qu’y pouvais-je ? Il y avait des jours avec, et des jours sans. Ça ne m’arrangeait pas moi non plus. Car quand je réussissais à atteindre les soixante-quinze que je devais à mon maître, j’en profitais toujours pour m’en garder quelque uns pour moi. Mais là, vu que j’allais déjà me faire engueuler pour en avoir réuni si peu, en soustraire n’était pas vraiment indiqué.

Je m’appelle Six. J’étais un jeune humain de quatorze ans, je vivais dans la ville basse d’Axendria, la capitale impériale, et j’étais l’esclave d’Immotist, un Pokemon chef d’un gang de voleurs et d’arnaqueurs. Donc, j’étais moi-même un voleur et un arnaqueur. Chaque jour, je devais me débrouiller pour réunir une certaine somme de jails pour Immotist, avec les risques que cela impliquait. Car si jamais un humain se faisait prendre en train de voler un Pokemon, c’était la mort assurée pour lui. Voler un autre humain aurait été plus sûr, mais le problème, c’était que les humains n’avaient généralement pas un seul jail sur eux.

Beaucoup de mes collègues esclaves qui servaient Immotist s’étaient fait attraper et exécuter. Pas moi. Car moi, j’étais doué. J’étais celui qui rapportait généralement le plus à maître Immotist. Ceci dit, si un jour je me faisais avoir, je savais que je ne devrais rien attendre d’Immotist. Il ne faisait jamais rien pour sauver ses esclaves. Immotist avait des dizaines d’esclaves humains, mais aucun qui n’était déclaré, et donc légal. Ainsi, quand l’un d’entre nous se faisait accuser de vol, Immotist était totalement blanchi, car sur le papier, il n’avait aucun esclave.

Regardant les quelques jails que j’avais dans mes mains, j’appréhendai le moment où je devrai me présenter à Immotist en fin de journée. Mon maître était un Pokemon cruel qui se fichait pas mal de ses esclaves, et ça lui était déjà arrivé d’en tuer un ou deux parce qu’ils ne s’étaient pas montrés assez rentables. Moi, je savais que je ne risquais rien de ce coté là, car j’étais celui qui accomplissait généralement le plus pour le maître. J’étais précieux à ses yeux, et le meilleur moyen pour un esclave de survivre, c’était d’être précieux aux yeux de son maître Pokemon.

Ceci dit, même si Immotist ne pouvait pas me tuer, il était largement capable de me battre jusqu’à me briser quelque os. C’était déjà arrivé. Ou pire, il pouvait aussi se servir de son attaque Onde Folie, une attaque pas agréable en temps normal, mais celle d’Immotist était particulièrement longue et douloureuse. C’est ce que je craignais le plus : avoir l’esprit perturbé pendant plusieurs heures, voir des ombres danser autour de moi, me noyer dans une peur inexplicable. Je me demandai s’il ne valait pas mieux que j’aille piocher dans mon petit butin secret et personnel pour y ajouter les jails manquants.

Mais très vite, je renonçai à cette idée. Non. Ces jails que j’avais réussi à mettre de coté depuis près de quatre ans, je ne voulais pas y toucher. Ils étaient mon assurance, ma porte de sortie si jamais je devais fuir Immotist. Car Immotist n’était pas mon premier maître, oh ça non. Quand ma mère était encore avec moi, nous étions passés de Pokemon à Pokemon, changeant de maître plusieurs fois par an. Pas par envie, mais parce que nous étions obligés. Beaucoup de Pokemon auraient été ravi de m’attraper s’ils savaient ce que j’étais, et certains l’avaient découvert.

Immotist n’ignorait rien de ma véritable nature, bien sûr. C’était dangereux pour lui de garder un humain comme moi, mais sa cupidité prenait toujours le pas sur la prudence, et il se servait de moi pour ses bénéfices. Voilà pourquoi j’étais resté avec Immotist si longtemps. Il était un peu la patron de la ville basse, et son réseau de criminels s’étendait loin. Immotist était probablement le Pokemon d’Axendria le plus à même de me cacher aux yeux des autorités de l’Empire.

Immotist ne cessait de déclamer que je devrais lui être reconnaissant, mais ce Pokemon ne m’inspirait aucune loyauté ni aucun respect. Si j’avais eu le choix, j’aurai mille fois préféré être l’esclave d’un petit fonctionnaire de la capitale, ou même d’un Pokemon de l’armée. Mais le choix, je ne l’avais pas. J’étais obligé de rester auprès d’Immotist, de le servir et de subir sa cruauté. Je n’avais jamais eu le choix, en quoi que ce soit, de toute façon. Je n’avais que quatorze ans, mais ma vie était une succession de malheurs et de misères. Ma naissance elle-même était une erreur. Peut-être aurait-il mieux valu que je ne vienne jamais au monde ? Il est arrivé à ma mère, dans les moments difficiles où elle avait craqué, de pleurer à chaudes larmes en proférant qu’elle n’aurait jamais dû me donner la vie…

- Ah, Six ! Le dernier rentré, comme d’habitude.

Celui qui m’interpella dès que je fus rentré à la base de la bande était un petit Pokemon entouré de bandelettes, qui avait pour seul ornement une coiffe semblable à celle d’un pharaon. C’était Phamôme, le fils d’Immotist, qui disputait à son père la palme du Pokemon le plus détestable. C’était un enfant gâté particulièrement sadique envers les esclaves de son père, mais un peureux de première. À l’inverse de son père, il ignorait ce que j’étais réellement, sinon il n’aurait plus osé me parler.

- Jeune maître, le saluai-je en m’inclinant parfaitement.

Phamôme me regarda avec dédain, mais ne se permit pas de me faire la moindre misère. Son père le lui avait interdit. Seul Immotist était en droit de me toucher. Peut-être craignait-il que je ne pète les plombs sous les tortures sadiques de son garnement et que je ne dévoile ma véritable nature ?

- Je me demande pourquoi mon père te garde encore… marmonna le petit Pokemon d’un air insolent. Tu dois plus nous coûter en bouffe que ce que tu nous rapportes.

La bonne blague que c’était ! Maître Immotist n’avait jamais dépensé un seul jail pour nourrir ses esclaves. Il fallait que nous nous débrouillons, que ce soit en volant, en fouillant dans les ordures ou en faisant la manche. C’était cette dernière option que je privilégiais pour ma part. Avec mon air rachitique et pitoyable, ainsi que mon jeune âge, j’attirais pas mal la pitié. Je savais dans quels quartiers de la ville me mettre pour taper dans l’œil des Pokemon humanistes qui pensaient que parce qu’ils avaient nourris un humain dans le besoin, Arceus les prendrait dans son paradis céleste.

Il fallait dire que pour un humain, je ne passais pas inaperçu. La cause était mes cheveux décolorés, ainsi que mes yeux rouges et ma peau pâle, presque blanche. Je me fichais de mon physique, mais j’aimais bien mes yeux rouges. Ceci dit, ça avait tendance à inquiéter les autres humains. Ma mère me disait que c’était parce que j’étais spécial. Maître Immotist lui n’a pas tardé à me confier qu’en réalité, j’étais seulement une erreur génétique, et que je souffrais d’une tare humaine nommée l’albinisme, qui faisait en outre que je ne supportais pas les rayons du soleil. Il avait dit cela dans le but de me blesser bien sûr, mais ça ne me faisait rien, car de toute façon, niveau génétique, j’étais déjà garni, et cet albinisme était loin d’être ma caractéristique la plus inquiétante.

- Je suis reconnaissant à Maître Immotist pour tout ce qu’il fait pour un misérable comme moi, dis-je sur le ton convainquant de la soumission. Je fais de mon mieux pour le servir, avec mes maigres capacités…

- Pour sûr qu’elles sont maigres, tes capacités, railla Phamôme. Comme tous ceux de ta race d’ailleurs. Prends-en toi en au destin qui t’a valu de naître humain.

Si seulement j’étais né humain… me retins-je de déclarer. Phamôme ne savait rien sur rien, le pauvre idiot ! Combien aurai-je donné pour être un humain normal, à servir un maître Pokemon respectable comme les autres, au lieu de rester dans cette planque pourrie, à faire monter le profit d’un Pokemon truand comme Immotist et à toujours craindre que quelqu’un ne découvre ce que j’étais et ne prévienne les autorités de l’Empire ?!

Je calmai ma colère et mon sentiment d’injustice, m’inclinai devant Phamôme et me rendit dans la salle des souterrains, là où Immotist régnait comme l’un des premiers escrocs de la ville basse. La salle, d’une taille respectable, était taillée dans la roche et soutenue par divers piliers. Elle comprenait nombre de tables, et avait les allures d’une taverne. Beaucoup de Pokemon étaient en train de se saouler, d’ailleurs. Des humains aussi. Car dans la bande à Immotist, Pokemon et humains étaient plus ou moins égaux : ils étaient tous des serviteurs d’Immotist. Pas mal d’humains étaient des esclaves d’Immotist ou de ses sbires Pokemon, mais il y en avait aussi qui étaient des sans-maîtres, et qui travaillaient pour Immotist par choix. L’amitié et l’entente entre humains et Pokemon étaient possibles ici. Nous formions tous une bande à part, très loin de la loi et des mœurs de l’Empire.

Sauf que moi, je n’étais pas vraiment compris dans ce « nous ». Je me faisais à la fois maltraiter par les Pokemon, mais aussi par les humains. Comme j’étais le petit esclave préféré du patron, on ne me faisait jamais rien, mais j’étais méprisé de toutes parts. Parce que j’étais différent d’eux, oui, mais aussi parce que je n'avais jamais rien tenté pour me rapprocher d’eux. Au contraire, plus je me tenais à l’écart, mieux je me sentais. C’était comme ça. J’étais quelqu’un qui n’accordait que très difficilement sa confiance et qui ne désirait en aucun cas se faire des amis.

Il fallait ajouter que ma mère était l’une des personnes les plus haïes ici. Pokemon ou humains, tout le monde se rappelait d’elle. Elle avait travaillé pour Immotist à leurs cotés, et au final, elle les avait tous trahi, moi compris. Il y a quatre ans, elle avait filé en dépouillant Immotist d’un sac de jails et de contrats commerciaux de grande valeur qu’il avait extorqués à de puissants Pokemon. Elle m’avait abandonné, et depuis ce temps, j’avais fait les frais du ressentiment de la bande à son égard, obligé de travailler comme un dingue pour Immotist afin de rembourser ce que ma mère lui avait volé. Je détestais Immotist, bien sûr, mais c’était bien ma mère que je haïssais le plus.

Grâce à ma petite taille, je me faufilai sans problème au milieu de cette foule, jusqu’à arriver devant mon maître, Immotist, qui surplombait la plèbe sur son espèce de trône improvisé fait d’ossements et de bandelettes. Lui-même n’était fait que de ça, en dehors de sa toge, de ses épaulières et de sa coiffe en or massif. Son visage était effrayant, et ses yeux et sa bouche donnaient vers un néant violet d’où parfois sortaient des effluves malsaines.

Tel était Immotist, un des plus puissants Pokemon Spectre d’Axendria. Il aimait trois choses : le pouvoir, la richesse et extorquer les autres, surtout l’Empire. Depuis le temps qu’il s’y adonnait, on aurait pu penser que l’Empire l’aurait mis en prison ou exécuté depuis longtemps. Mais non. Car si les autorités de la ville devaient bien sûr se douter de ses activités souterraines, elles n’avaient pas le cœur à enquêter en profondeur sur lui. Immotist régnait quasiment en maître sur la ville basse et sur des centaines de Pokemon. L’avoir comme ennemi, c’était courir le risque d’une guerre civile en plein dans la capitale impériale. Et l’Empire avait assez à faire avec les rebelles Paxen pour s’occuper d’un petit criminel en son sein. Tant qu’Immotist cantonnait ses activités à la ville basse, et ne dérangeait pas les puissants d’en haut, l’Empire le laissait relativement tranquille.

Sauf qu’Immotist ne se gênait pas pour escroquer les Pokemon de la ville haute, et même ceux de la Citadelle. Mais ça, il le faisait plus discrètement. Mais ce que l’Empire ignorait, c’était qu’Immotist bafouait l’une des lois les plus sacrées : il m’hébergeait, moi. Ne pas dénoncer une personne comme moi, et pire, lui donner refuge, était un énorme crime, et si l’Empire l’apprenait, tout l’argent et le pouvoir du monde ne sauveraient pas Immotist des Nettoyeurs, cette unité d’élite de Pokemon qui traquaient et annihilaient tous les indésirables de la capitale, et plus particulièrement les humains de mon espèce, ainsi que tous ceux qui nous portaient assistance.

Voilà pourquoi Immotist ne pouvait ni me tuer ni se débarrasser de moi, et voilà pourquoi je ne pouvais pas le quitter. Nos destins étaient liés. Si l’un de nous tombait, l’autre n’allait pas tarder à le suivre. Immotist le savait, mais ça ne l’empêchait pas bien sûr de se montrer odieux avec moi en permanence, comme si tout était de ma faute. Or, c’était celle de ma mère. C’était elle qui m’avais mis au monde en sachant pertinemment ce que je serai, et c’était elle qui m’avait abandonné ici en dérobant un magot à Immotist.

Je m’approchai prudemment du trône de mon maître. Riant bruyamment avec deux de ses sbires Pokemon, il était apparemment très occupé à jouir de la compagnie de trois femelles Pokemon qui étaient à moitié avachies sur son trône. Il y avait une Gardevoir, une Lockpin et même une épaisse Lippoutou, qui était en train de se faire tendrement caresser les fesses par Immotist. Quand mon maître me remarqua enfin, il se redressa et éloigna ses compagnes.

- Six. Tu es en retard. J’attends la somme de la journée.

Conscient que je signai là pour quelque désagréables moments en perspectives, je m’inclinai néanmoins et dit d’un air désolé :

- Je m’excuse, maître. Je n’ai pas pu réunir l’intégralité de la somme aujourd’hui…

Immotist poussa un long soupir qui sonnait particulièrement faux, tandis que ses gros bras à coté de lui ricanaient de mépris.

- Pourquoi cherches-tu constamment à me défier, Six ? N’était-ce pas assez que je te prenne sous mon aile, que je t’accorde sécurité et abri, alors que ta traîtresse de mère m’a dépouillé et a sali ma réputation ?

- Je regrette mon inutilité, maître… Permettez que je ressorte. Je vous rapporterai la somme dès demain matin, et plus encore, je le promets !

Mais Immotist secoua la tête.

- Tu vas ressortir, oui, mais pas pour ça. Tu me donneras la différence un autre jour. Ce soir, c’est mission spéciale.

Qu’Immotist ne profite pas du fait que j’avais échoué à réunir ses soixante-quinze jails pour me punir sévèrement me surprit, mais finalement, c’était parce qu’il avait encore un sale boulot à me confier. Quand il avait besoin de moi, le maître tâchait toujours de me caresser dans le sens du poil.

- Bien maître, dis-je avec docilité. Je suis à votre disposition.

- Bien sûr que tu l’es. Attends-moi à la troisième sortie à minuit. Si tu es en retard, tu le regretteras.

Je m’inclinai et pris congé. J’étais familier de ce genre de « mission spéciale » que me donnait Immotist. C’étaient des tâches ayant obligatoirement trait à mes… capacités spéciales, et que tout le monde dans la bande devait ignorer. Aussi je ne devais en parler en personne, et seul le maître m’accompagnait. J’ignorai l’excuse qu’il inventait à ses hommes pour justifier nos petites sorties à deux, et je m’en fichais. Garder la vérité secrète, c’était le job d’Immotist.

Il était bientôt neuf heures, et même si je tombais de sommeil après une journée à vagabonder dans les rues d’Axendria pour réunir les jails d’Immotist, je ne pouvais pas me permettre de m’endormir, sous peine de ne pas me réveiller à l’heure. Je me rendis donc dans la salle de la planque qui était réservée aux esclaves. C’était ici que tous dormaient, serrés les uns contre les autres. Cette promiscuité me rendait malade, aussi je dormais rarement ici, me trouvant un coin tranquille ailleurs dans la base. Parfois, j’étais obligé de m’y rendre. Si tous mes collègues esclaves me regardaient d’un œil mauvais, pas un n’osait s’en prendre à moi du fait de mon statut de privilégié aux yeux du maître. Et c’était tant mieux, parce que si je n’avais pas eu ce statut spécial, j’aurais salement dégusté. Du fait de mon jeune âge, de mon corps petit et fin, et de mon visage délicat, on aurait pu imaginer que j’étais une fille, et j’aurai sans nul doute subi des sévices sexuels constants.

À cette heure-ci, j’étais seul dans le dortoir. Tous les autres étaient en bas, dans la salle principale, à boire et à chanter, comme tous les soirs. Vérifiant par deux fois que j’étais bien seul, je soulevai la brique du mur gauche derrière lequel j’avais caché ma petite boite avec dedans les quelque jails que j’avais pu réunir secrètement en quatre ans. Chaque jour, je vérifiais qu’ils étaient toujours là. Il y avait très peu de chance qu’un esclave tombe dessus par hasard, mais cette manie m’était restée depuis tout ce temps.

Rassuré, je m’adossai à un pilier et mangeai lentement mon vieux quignon de pain moisi qui me restait d’avant-hier. Demain, il allait falloir que je retourne faire la manche. Ou alors, si je réussissais la mission spéciale selon les vœux d’Immotist, et qu’elle rapportait gros, le maître serait peut-être d’assez bonne humeur pour me donner un morceau de viande. Ça lui arrivait, parfois. Rarement, mais parfois.

Après mon maigre repas et quelque minutes pour récupérer de la journée, je quittai le dortoir avant qu’il ne se remplisse. Puis, n’ayant rien à faire de plus dans la planque si je ne pouvais pas dormir, je sortis. Le Pokemon qui montait la garde ce soir était Escroco, une espèce de crocodile des sables qui se tenait sur deux pattes. Il aimait bien me charrier, mais contrairement à beaucoup d’autres Pokemon de la bande, il n’était pas vraiment méchant avec moi. C’était l’un des rares avec qui je pouvais parler.

- Tiens, le petit Six, fit-il en me voyant arriver. Eh bien, par encore au pieu ? Faut profiter à fond des quelque heures de repos que le patron veut bien nous donner.

- J’ai une mission cette nuit avec le maître, m’sieur Escroco, répondis-je.

- Oh, je vois. C’est vrai que le patron a tendance à beaucoup t’embarquer dans ses virées nocturnes, et vous revenez souvent avec un tas de jails. Dis-moi, en quoi t’es si spécial pour le patron ?

Je lui servis un sourire navré.

- Le maître m’a interdit de mentionner quoi que ce soit à propos de nos missions spéciales, m’sieur Escroco. Vous feriez mieux de lui demander directement.

Le Pokemon Sol ricana.

- Pas si fou, mon gars ! Enfin, quoi que vous fassiez, tâchez de ne pas trop attirer l’attention de l’Empire hein ? On n'aimerait pas avoir une escouade de Nettoyeurs qui vienne nous rendre une petite visite un jour.

Je songeai que si les Nettoyeurs venaient un jour à la planque, ce serait pour moi. Mais je ne me faisais pas d’illusions : ce jour arriverait tôt ou tard. J’avais passé toute ma vie à fuir les Nettoyeurs avec ma mère. Ils ne renonceront pas tant qu’ils ne m’auront pas déniché. Je vivais en permanence avec une épée de Damoclès au dessus de ma tête. Survivre était un combat de tous les jours, et chaque minute de vie en plus était en soi un don fabuleux, pour quelqu’un comme moi. À ce que je savais, j’étais le seul de mon espèce à avoir survécu si longtemps. Et plus je grandissais, plus j’inquiétais les autorités impériales. J’aurais pourtant bien aimé leur dire qu’ils n’avaient rien à craindre de moi, à part deux trois vols pour le compte d’Immotist…

Je restai un peu parler avec Escroco, puis m’en allais quand la garde changea. Quand minuit approcha, je me rendis comme convenu à la troisième sortie. Maître Immotist me retrouva quelque minutes après. Il avait la gestuelle de ses moments où il était sur de gros coups risqués. Et c’était dans ce genre de situation qu’il faisait appel à moi, son arme secrète. J’avais à la fois les avantages d’un humain, mais aussi ceux d’un Pokemon.

- On monte dans la ville haute, me dit Immotist. Tu te souviens de ce bouffon du ministère de l’urbanisme que j’ai roulé le mois dernier ?

Je tâchai de m’en souvenir. C’était difficile de se rappeler d’une des victimes en particulier d’Immotist, tant il avait pigeonné de Pokemon.

- Euh… un Cryptero, maître ?

- Absolument. Un crétin de première, celui-là. Il ne s’est jamais rendu compte qu’il m’avait acheté les mêmes statues marbrées que je lui avais volées quinze jours plus tôt. Et quand plus tard je lui en ai vendues d’autres, il n’a pas remarqué qu’elles étaient en plâtres peints et non en marbre. Les incompétents sont toujours les parfaits pigeons.

Immotist savait de quoi il parlait. Personne n’avait son talent quand il s’agissait de choisir des cibles crédules.

- Enfin bref, j’ai appris que ce Cryptero était chargé du projet de rénovation de la cour du Palais Impérial. L’une des nouveautés, ça doit être d’orner la statue du Seigneur Xanthos de saphir et de rubis. Et c’est chez ce Cryptero que sont stockées les pierres en question. On va donc y faire un tour, et l’alléger un peu.

- Bien maître. Mais en quoi pourrai-je vous être utile ? En tant que Pokemon Spectre, vous n’avez pas votre pareil pour dévaliser les demeures.

- Cryptero est un crétin, mais il reste un Pokemon Psy, répondit Immotist. Tous les Pokemon Psy de la ville haute et de la Citadelle, qui cachent des certaines sommes chez eux, se servent de leurs pouvoirs comme d’un système d’alarme. Ils détecteront n’importe quel Pokemon qui rentrent chez eux, même s’ils sont endormis. Ceci dit, ils n’iront jamais imaginer qu’un humain va tenter d’entrer par effraction, car ils gardent leurs jails et objets de valeurs dans des coffres que les humains ne pourraient jamais violer.

J’acquiesçai. Ça se tenait. Même s’il existait un humain assez fou pour braquer un Pokemon, il ne pourrait jamais venir à bout du coffre. Mais moi, j’en étais capable, et sans me faire repérer comme un Pokemon l’aurait été. Je suivis donc mon maître à travers les dédales de rues de la ville basse. Axendria avait beau être la capitale impériale, sa ville basse était vraiment pourrie. Il y régnait toujours une odeur nauséabonde, et ses rues étaient d’une saleté crasse. Il était très rare que des Pokemon de la ville haute ou de la Citadelle y descendent, car, c’était bien connu, la ville basse était le repère de tous les malandrins et criminels d’Axendria.

À l’inverse, les Pokemon et humains de la ville basse ne montaient quasiment jamais jusqu’à la ville haute, réservée aux Pokemon riches et puissants. La Citadelle, quant à elle, était toute la section de la ville qui était reliée au Palais Impérial. Là-bas ne vivaient que les plus hauts placés de l’Empire. Si j’étais allé de nombreuses fois dans la ville haute pour le travail, jamais encore je n’avais pénétré la frontière de la Citadelle. Trop risqué, surtout pour moi. De plus, un humain seul aurait largement attiré l’attention. Les Pokemon de la Citadelle étaient connus pour ne pas posséder beaucoup d’esclaves humains, par fierté ou par racisme.

Une fois dans la ville haute, on ne sentait plus l’odeur méphitique des bas quartiers. Pour moi qui vivais toujours là-bas, c’était étrange. De plus, la ville haute était impeccable, toute bien proportionnée, les rues scintillantes, et aucun mendiant, qu’il soit humain ou Pokemon, n’y était autorisé. La demeure du Cryptero se trouvait non loin de la Citadelle, signe de sa position élevée dans la hiérarchie impériale. Tout était calme autour, et avec ses pouvoirs spectraux, Immotist vérifia que Cryptero dormait à l’intérieur.

- C’est bon, il pionce, me dit mon maître. Si jamais je le sens en train de se réveiller, j’utiliserai hypnose depuis ici. Toi, tu rentres, tu cherches le coffre et tu l’ouvres. Ramène autant de pierres précieuses que tu peux. On a pas le temps de faire plusieurs trajets. Les gardes patrouillent souvent dans le coin.

Hochant la tête, je me dirigeai vers la demeure, qui ressemblait à une espèce de volière sertie de symboles. Comme tous les Pokemon Vol, Cryptero n’entrait jamais chez lui par la porte, mais par une fenêtre en hauteur, toujours ouverte. Je me servis de mes pouvoirs pour sauter jusqu’en haut, alors que ça faisait plus de cinq mètres. Ça aurait dû être à ce moment, alors que j’entrai dans la demeure, que le système psychique d’alarme du Cryptero aurait dû se déclencher… seulement si j’avais été un Pokemon, ce que je n’étais pas.

J’examinai les lieux. Je voyais Cryptero, qui dormait plus haut dans une sorte de nid. Je le laissai à ses rêves, et descendis visiter les différentes pièces. Ce Pokemon aimait bien son luxe, apparemment. Son garde manger était rempli de mets de toute sortes. Ne pouvant pas y résister, je me goinfrai silencieusement et rapidement de tout ce que je pouvais attraper. Après un petit tour des lieux, je vis enfin l’objet du désir de mon maître : le coffre-fort en acier de Cryptero, dans son sous-sol.

Un coffre d’apparence solide, qu’aucun humain n’aurait été capable d’ouvrir de force. Mais moi, je n’étais pas n’importe quel humain. Je posai ma main droite contre le coffre, et j’appelai ce qui faisait de moi un être à part, cette sensation de puissance brute que j’avais toujours eu et qui me semblait aussi naturelle que respirer. Ma main se mit à rougeoyer, et la chaleur augmenta. L’acier du coffre se mit à se déformer, et deux minutes plus tard, j’avais fait un trou suffisamment grand pour l’ouvrir de l’intérieur, laissant voir la centaine de pierres précieuses qu’il contenait.

Oui, j’avais fais fondre l’acier du coffre en le touchant. Oui, mes mains pouvaient devenir incandescente. Oui, si je le voulais, je pouvais sauter très haut. Oui, mes coups étaient capables de détruire la pierre. C’était pour cela que l’Empire me recherchait tant. C’était pour cela qu’Immotist tenait beaucoup à moi. J’étais un humain, certes, mais un humain supérieur aux autres. J’avais une partie Pokemon dans mon ADN. J’étais un G-Man illégal, ou un bâtard G-Man. Et être un G-Man illégal était synonyme de condamnation à mort si jamais l’Empire me découvrait.





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Images de Phamôme et d'Immotist :