Ch 7 : Doux parfum
Et pendant ce temps-là, dans le vrai monde réel de la réalité véritable, un groupe de lycéennes en uniforme se dirigeait gaiement vers le parc d’attraction situé à l’est de la ville.
Un vent taquin soufflait sur les feuilles jaunes orangées au sol, s’emportant parfois jusqu’à soulever les jupes des adolescentes. Tous les crève-la-dalle des environs suivaient donc ces quatre joyeuses amies dans l’espoir d’apercevoir les secrets de leur anatomie.
Rien de ce qu’ils virent ne vous sera décrit, cette histoire s’intitulant Magical Girl, et non Fantasmes japonisants.
Exceptionnellement, l’arène de Méanville avait fermé ses portes à quinze heures pour les dresseurs venus défier la championne. Toutefois, des jeunes filles âgées de douze à vingt ans entraient régulièrement dans le bâtiment par la porte de côté, sur présentation d’un badge.
En approchant de l’arène, les quatre lycéennes sortirent leurs insignes brillants de leurs sacs, qu’elles montrèrent au portier avant de pénétrer dans l’édifice.
Elles connaissaient bien les lieux qui servaient régulièrement pour les réunions des Magical Girls du Pokémonde. Elles se dirigèrent donc sans mal jusqu’à la salle principale où trente-quatre jeunes filles attendaient déjà, accompagnées de leurs Pokémons mascottes. Il manquait encore une vingtaine de magiciennes à l’appel.
Depuis son balcon, la championne de l’arène de Méanville se délectait de la vue de ces magnifiques jeunes filles en fleur. Puisque dans toute histoire mettant en scène des Magical Girls on rencontre un personnage ambigu, au genre indéterminé et à la sexualité peu commune, ici il s’agira d’Inezia.
La spécialiste du type Electrique avait du sang de mage qui coulait dans ses veines. En effet son grand-père, un Wizard plein de charme, avait égaré quelques spermatozoïdes lors de sa visite du Pokémonde, avant de trépasser à son retour à Rivustel, en glissant sur une plaque de verglas.
Tant parmi les humains que les Pokémons, il existait une multitude d’individus liés, d’une façon ou d’une autre et à des degrés divers, au pays magique. Plutôt que détailler ces soixante-deux catégories de personnes, ce qui prendrait environ quatre chapitres inintéressants, on les rassemblera dans une unique classe fourre-tout que l’on nommera les Zozos.
Inezia était donc une Zozo. Elle connaissait l’existence de Rivustel et offrait tout son soutien aux Magical Girls durant leur mission de cinq ans dans le Pokémonde. La championne était également chargée de confectionner chaque année de nouvelles tenues pour les Magical Girls, en partenariat avec Valériane, une autre Zozo vivant à Kalos.
D’ailleurs, elles venaient de terminer les tenues pour les nouvelles arrivantes, parvenant une fois de plus à trouver le juste équilibre entre élégance, confort et indécence. Il n’y avait qu’à mesurer la longueur de la jupe pour en être convaincu.
De nouvelles filles pénétrèrent dans l’arène, la réunion ne tarderait plus à débuter.
Inezia – que Tanguy appelait autrefois « petit frère » – en profita pour recoiffer sa longue chevelure argentée en une natte au sommet de son crâne. Elle réajusta ensuite ses énormes écouteurs en forme d’étoiles et son gilet en similicuir noir. Elle portait aussi une ceinture ventrale recouverte de petits diamants, qui cachait son nombril tout en exposant le reste de son ventre ultra plat, ainsi qu’un minishort jaune et des escarpins dépareillés rouge et bleu.
Voilà pour le nouveau look de la championne, qui tenait absolument à faire partager ses derniers choix vestimentaires avec vous.
Les autres filles de la pièce n’arboraient guère de tenues aussi extravagantes. Pour la grande majorité, elles portaient un uniforme scolaire typique avec jupe, chemisier, nœud papillon et chaussettes montées jusqu’au genou.
Pourtant, une partie de ces adolescentes fréquentaient des établissements où le port de l’uniforme n’était pas obligatoire, et certaines n’étaient même pas scolarisées. Mais il s’agissait de l’image de marque des Magical Girls, alors presque tout le monde respectait cette tradition.
Ici, en l’occurrence, une seule fille avait opté pour une tenue civile décontractée. Elle se nommait Sofia Querilane, dix-neuf ans, et arrivait à la fin de ses cinq années dans le Pokémonde. Elle comptait parmi les mages les plus talentueuses de sa génération.
Les cheveux châtains, le visage ovale, le teint pâle, elle avait de beaux yeux noisette en amandes (Sofia aimait les fruits à coque) et des lèvres pleines dessinant le plus souvent une moue mécontente.
La Magical Girl portait une grosse paire de baskets grises, un jeans délavé et un tee-shirt à manches longues sur lequel on pouvait lire « Smells like tits spirit ». Cela créait un sentiment de pitié absolu chez tous ses interlocuteurs, car la poitrine de Sofia demeurait plate, voire concave. Mais la jeune femme s’en fichait.
Elle se tenait à l’écart des autres filles, adossée à un mur, les yeux froncés rivés sur l’écran de son GSM. D’ordinaire, les Magical Girls évitaient de manipuler des objets trop technologiques, pourtant Sofia avait vite adopté certains d’entre eux.
A côté d’elle se tenait Mark, un Farfaduvet souriant, les bras croisés. En dépit de son air mignon, le Pokémon Vole Vent était connu pour sa jalousie maladive.
Sofia releva la tête quand le volume sonore de la pièce monta d’un coup. D’instinct, elle dirigea son regard vers Sori, qui se disputait encore avec une de ses camarades.
La Magical Girl en question approchait des quinze ans. Petite, le visage rond, elle avait des cheveux roses naturels qui retombaient jusqu’au milieu du dos et le teint halé, qui faisait ressortir ses yeux anormalement clairs. En outre, quand elle se mouchait, son nez minuscule pouvait émettre des sons dépassant les cent dix décibels.
Elle se nommait Sori-Yuma Beutioumyne et appartenait à une famille de mages peu influente à Rivustel.
Sori-Yuma se chamaillait avec Magnolia Magus, la petite-nièce de l’ultimage de l’automne et de Marilyn Magus. Cette jolie blonde aux boucles délicates savait hurler à pleins poumons dès lors que son honneur était en jeu :
« Sale trainée, ne t’approches plus jamais de Luc !!! Cela fait deux ans que je suis amoureuse de lui, tout le monde le sait ici !!! Tu n’as pas le droit de me le voler !!!
- C’est faux, tu tournais autour de son cousin jusqu’à maintenant ! répliqua Sori, les poings contre les hanches. Je suis la seule à être sincèrement amoureuse de Luc !!!
- Arrêtez les filles ! Luc est à moi !!! intervint une magicienne brune. »
Inezia sourit en descendant les marches. Ses petites protégées ne pouvaient s’empêcher de s’entretuer pour le premier brun (ou blond) ténébreux venu. Généralement, les perdantes de ces affrontements accouraient vers la championne pour que celle-ci les console.
Ici en l’occurrence, Sori-Yuma, Magnolia et la brune se battaient pour un bellâtre d’un mètre quatre-vingt nommé Luc Nalp, qui allouait tous ses efforts à paraître lisse et conformiste, afin de combler le vide de son âme. Il ne se doutait pas des effets ravageurs de sa démarche sur la gente féminine.
La dispute allait virer au combat de Pokémon, mais les dernières filles entrèrent dans la salle, marquant le début de la réunion. Sori alla rejoindre un groupe de copines, Magnolia en fit autant.
Les Magical Girl et leurs Pokémons s’assirent sur le sol, recouvert de tapis et de coussins pour l’occasion. Inezia préférait que les réunions se fassent dans une ambiance décontractée, aussi diminua-t-elle l’intensité de l’éclairage. En tant que présidente de séance, la championne gagna le canapé moelleux autour duquel les adolescentes vinrent se placer en arc de cercle.
Une magicienne rousse accompagnée d’un Floette, rejoignit Inezia sur le canapé. Il s’agissait de Sonia Heartlove, la grande sœur d’Alison (souvenez-vous, la chialeuse du chapitre 1). Après les formulations d’usage, la championne lui laissa la parole.
« Salut tout le monde, fit Sonia, et merci d’être venues aussi vite ! Certaines d’entre vous le savent peut-être, une statue est tombée du ciel à Janusia ce matin.
- Vraiment ? s’exclama Magnolia Magus.
- Tu habites là-bas et tu n’as rien vu ? pouffa une copine de Sori-Yuma. Quelle cruche tu fais ! »
Quelques rires se firent entendre dans la moitié droite de la salle, du côté de celles qui soutenaient la Magical Girl aux cheveux roses. Une des amies de Magnolia ne tarda pas à répliquer sèchement :
« Ouais, ben j’étais moi aussi à Janusia ce matin, et je peux vous dire que c’était le calme plat !
- Vers onze heures, un criminel surnommé Marvelscale a détruit la moitié de la ville, dévoila Sofia Querilane, toujours adossée à un mur. Je ne sais pas où tu l’as vu, ton calme plat…
- Comment sais-tu tout ceci ? l’interrogea Inezia, suspicieuse. Je parie que tu fricotes encore avec la Justice League, je me trompe ? »
Sofia haussa les épaules. Rien dans les traditions des Magical Girls ne lui interdisait de faire équipe avec des non-mages. Et malgré leur montagne de défauts, elle préférait les gens de la JLU à ses compatriotes de Rivustel.
Des murmures s’élevèrent donc, commentant l’attitude de Sofia, mais Sonia sut les faire taire :
« Veuillez vous concentrer un peu ! L’heure est grave, figurez-vous !
- Pourquoi tu t’inquiètes autant pour une statue ? demanda Sori-Yuma.
- Il s’agit d’une sculpture représentant un Ossatueur Protecteur, gravée de runes et de symboles alchimiques, intervint encore Sofia. Cette statue vient donc de Rivustel.
- Cela signifie aussi que quelqu’un s’est battu près d’un cercle de téléport ! ajouta Sonia. Personne n’irait chercher querelle dans un lieu aussi sacré, il se trame quelque chose de louche à Rivustel. Nous devons mener l’enquête !
- Et comment ? siffla une Magical Girl aux cheveux verts. Je te rappelle que nous ne pouvons quitter le Pokémonde avant la fin de notre mission.
- Pourquoi ne pas commencer par récupérer cette statue avant que quelqu’un ne s’en empare ? conseilla Inezia. »
Sa proposition fut accueillie par des clameurs positives, comme d’habitude. La championne faisait toujours l’unanimité parmi les Magical Girls qui l’écoutaient attentivement lorsqu’elle prenait la parole.
Les adolescentes décidèrent donc de se rendre à Janusia et d’user de leur magie pour transporter l’encombrante sculpture à l’abri des regards indiscrets. Mais elles ne pouvaient y aller ainsi, vêtues comme des lycéennes. Il était temps pour elles de revêtir leurs tenues de Magical Girl !!!!!
Sonia Heartlove se leva du canapé, posa sa main droite tout contre son cœur et prononça la phrase magique de transformation : « Le pouvoir de l’amour triomphera toujours ! ».
Une effusion de petits cœurs et d’étoiles roses jaillit de son être, provoquant l’apparition d’une musique très rythmée aux sonorités électroniques et d’un fond coloré de teintes vives fusant à toute vitesse. Heureusement que vous subissez la scène par écrit, cela vous épargnera une crise d’épilepsie.
La silhouette de Sonia s’illumina d’un éclat blanc pour censurer la disparition subite de ses vêtements. L’adolescente se mit à tourner lentement sur elle-même, provoquant un mouvement brutal et anatomiquement impossible de sa poitrine.
Les premiers éléments du costume de la Magical Girl commencèrent alors à se matérialiser. D’abord apparurent des bottes blanches remontant jusqu’aux genoux, ornées de fioritures dorées et superfétatoires, puis des mitaines serties de grosses opales rougeoyantes et enfin des accessoires capillaires inutilement détaillés.
Durant toute l’opération décrite ci-dessus, des plans fugitifs passèrent à divers endroits stratégiques du buste de l’adolescente, afin de garder le spectateur en alerte. Rappelons que les dessins-animés sont réalisés par des adultes responsables et respectables.
Alors seulement se forma la tenue de l’adolescente, la silhouette lumineuse de Sonia dessinant un semblant de jupe à froufrous. Son éclat corporel faiblit, montrant ainsi son nouveau costume tout en dentelle, avec des manchettes bouffantes et un énorme flot bordeaux noué autour du cou. Un gros plan sur la jupe détailla davantage la culotte de la Magical Girl que le bout de tissu censé la dissimuler.
Et pour conclure ce navrant changement de tenue, un sceptre orné d’un joyau en forme de cœur se matérialisa dans la main de Sonia qui le fit tournoyer joyeusement, avant de taper une pose abjectement kitsch, souligné par un jingle de scintillement.
Voilà Crowley, t’es satisfait maintenant ?
Le fond et la musique disparurent. Une bonne minute venait de s’écouler. Sonia observa ses consœurs magiciennes et les invita à s’habiller à leur tour. Deux Magical Girls ne pouvant revêtir leur costume en même temps, par tradition, les jeunes filles prirent chacune tour à tour une petite centaine de secondes pour que leur transformation s’opère en son et en image.
Donc imaginez-vous un OAV entier rempli de scènes d’habillage de Magical Girl (ou bien cherchez une compilation sur Youtube, si ça vous chante), car il est hors de question de gaspiller plus de temps à ces futilités.
A l’extérieur de l’arène, Sofia Querilane s’éloignait à grands pas. A la seconde où Sonia avait prononcé sa phrase de transformation, elle avait quitté le bâtiment pour rejoindre Janusia. Elle non plus n’avait pas de temps à perdre.
Il faisait nuit et le vent soufflait de plus en plus fort. Sofia remonta la fermeture éclair de son gros blouson en cuir, avant de se hâter. Mark, son Farfaduvet la suivait sans un mot, cherchant du regard un potentiel pervers à qui il pourrait péter la gueule pour avoir osé reluquer SA Magical Girl.
Quand ils furent arrivés à la périphérie de Méanville, Sofia sortit une Superball de sa poche. Les gens de Rivustel ne devaient pas capturer des Pokémons du monde d’en bas, mais la jeune femme s’en moquait. Personne n’en saurait jamais rien.
De la Superball jaillit un majestueux Gueriaigle un peu plus grand que la moyenne. La magicienne caressa amicalement le plumage du Pokémon Vaillant, sous le regard jaloux de Mark. Celui-ci maudissait intérieurement le Gueriaigle, cette créature inférieure qui ne méritait pas l’amour de SA petite Sofia.
La Magical Girl rappela le Farfaduvet dans sa Magicball et grimpa sur le dos du Pokémon de type Vol, qui s’éleva rapidement dans les airs. Sofia se serra tout contre le plumage de son Pokémon, sentant le froid nocturne lui mordre le visage et les doigts.
Ils survolèrent le Bois des illusions et toute la région forestière entourant le Heylink, suivant le même trajet que les deux compères de la JLU plus tôt dans la journée. Le Gueriaigle étant en pleine forme, le voyage jusqu’à Janusia ne prit que dix-huit minutes.
Sofia avait vu des photos montrant l’état de la ville après le passage de Marvelscale et du MissingNo, elle ne put toutefois réprimer un frisson de terreur en observant les dégâts en vrai.
Les habitants ayant été évacués dans les villes voisines, Janusia ressemblait alors à une cité fantôme. Tous les bâtiments à l’ouest du Centre Pokémon portaient les marques d’un affrontement dantesque entre la JLU et leurs redoutables ennemis. Des bandes plastifiées rouge et jaune délimitaient des secteurs interdits au public, ce qui n’effrayait guère les pillards.
Son GSM à la main, Sofia tentait de se situer dans ce décor de ruines et de retrouver la statue d’Ossatueur tombée du ciel. Elle ne pouvait pas avoir disparu tout de même !
La jeune femme déambula pendant une dizaine de minutes dans l’obscurité avant de remarquer un cratère au sol, marquant le point d’impact d’un objet lourd lancé depuis une hauteur improbable.
Mais pas de sculpture.
Se rendant à l’évidence, Sofia lâcha un soupir mêlé d’un juron. Quelqu’un avait volé la statue !