Partie 4 : La demande du Primonarque.
~ Plus tôt dans la journée ~
Cassis
Non. Non, je n’aimais pas ça. Mes crocs claquaient d’eux-mêmes tant j’étais irritée. Comment osait-il ?! C’était contre toutes règles morales !
— Donc je récapitule par ordre d’importance. Tout d’abord, le niveau de l’oasis est en baisse, c’est de saison, mais il faut rapidement mettre en place les mesures prévues, nos cultures de baies Nutpea en dépend, ainsi que la distribution en eau potable. Ensuite, la querelle entre deux marchands de rue commence à prendre une importance non-négligeable, il faut calmer le jeu avant que ça ne dégénère. Aussi, voici la liste des habitants n’ayant pas encore payé les taxes, c’est assez délicat car Wearl a actuellement plus besoin d’habitants que d’argent pour se reconstruire, mais il faut tout de même remplir les coffres, déjà que les taxes sont réduites aux strictes minimums… ah, l’alliance des Villages du Sud viennent de nous envoyer une copie du renouvellement de nos contrats, certains points mineurs ont changé, il faudrait que tu les lises avant la prochaine réunion. Sans bien sûr oublier…
— STOP !
Je n’en pouvais plus. Wildnis ! Oh mon cher Wildnis ! Si tu savais à quel point j’avais envie de tout détruire !
— Je te l’ai déjà dis ! hurlai-je. Je ne suis pas faite pour m’occuper de ces trucs ! CE-N’EST-PAS-MON-TRUC ! Et j’en ai marre de ces trucs ! Et il n’est que 5 heures du matin, tu crois vraiment que c’est le moment de s’occuper de ses trucs ?!
— À chaque seconde qui passe les problèmes irrésolus en cause d’autres, grinça le Libégon. Donc, oui, c’est vraiment le moment.
— Toujours la même rengaine…
— Je peux en dire autant de toi. Tu sais Cassis, voir une Présidente se désintéresser autant du sort de sa capitale me peine beaucoup.
— Tss. Va remplir l’oasis de tes larmes, ça réglera au moins un problème…
Une guerrière comme moi n’avait rien à faire dans un bureau, point. Wildnis avait beau s’acharner, jamais je ne serais capable de lire des montagnes de paperasses et m’occuper des problèmes insignifiants des citoyens. D’ailleurs, les Présidents ne géraient pas leur région directement, ils déléguaient leur pouvoir à des seconds. Pourquoi je ne pouvais pas le faire aussi moi ?
— Fait la maline, soupira Wildnis, mais sache que je n’abandonnerais pas. Un jour, tu seras la plus grande bureaucrate de tout Iræ !
— Par tous les dieux…
— Et puis, ce n’était pas comme si tu avais autre chose à faire en attendant Belcol-Exion.
Je me laissais tomber sur ma chaise, vaincue. Il avait raison, je n’avais strictement rien à faire mis à part attendre et ça commençait sérieusement à me miner. Wildnis abattit une autre pile de documents sur le bureau ; je sentis mon âme quitter mon corps.
— Tu verras, sourit-il. Bientôt, tu ne pourras plus t’en passer.
Ma mâchoire se crispa, mue d’un puissant désir de se déchaîner.
— … hé Wildnis, grinçai-je. Ce n’est pas parce que ta femme t’as envoyé bouler que tu peux te venger sur moi.
— … !
C’était un coup bas. Je savais que c’était un sujet très sensible, qui torturait encore le Libégon. Mais je n’avais plus le choix, j’étais prête à tout pour échapper aux tâches administratives !
— Cassis…, grogna-t-il. Je vois que tu désires réellement souffrir aujourd’hui…
Mince, ce n’était pas la réaction que j’avais espérée. Avais-je fais l’erreur de ma vie ? Le sourire crispé de Wildnis me fichait une peur bleue. À choisir, je préférais encore me retrouver face à Eurasc !
— Stalhblume ! s’exclama soudain une voix paniquée.
D’un coup, la porte du bureau s’ouvrit violemment, laissant apparaître un Carmache – Roberto-Michel. La joie de voir quelqu’un couper l’élan sadique de Wildnis me donnait presque envie de pleurer.
— Que se passe-t-il ? gardai-je tout de même ma contenance.
— C-C’est… comment dire… quelqu’un vient de s’évanouir devant les portes de la ville…
— Hé bien ? Emmenez-le dans une infirmerie ou un truc du même genre ! Son état est si grave que ça ?
— Il est déjà chez Patch. Mais ce n’est pas le plus urgent. Ce Pokémon, c’est un Alakazam, et surtout, il prétend être le Primonarque !
***
Malgré l’heure matinale, je n’avais pas hésité à rassembler presque tout le monde chez Patch. Si Géraldeline, Affienns, Wildnis et Artichtote étaient très intéressés de la situation, ce n’était pas le cas des autres. Brazoro, à moitié endormi, n’arrêtait pas de grogner en baillant. C’était déjà mieux que Persyval qui ronflait carrément, mais comme j’avais jugé sa présence préférable, j’avais fait traîner son corps jusqu’ici. Quant à Meloet, j’eus le bonheur d’apprendre que son corps se séparait et partait vagabonder lorsqu’elle dormait, par conséquent, seule sa tête était présente.
— Une belle équipe de winneurs ! ricana Dunkel.
— On fait avec ce qu’on a, soupirai-je.
Je concentrais mon attention vers le fameux Alakazam allongé sur une couche moelleuse. Il était recouvert de bandages et respirait faiblement. Alors c’était lui le fameux Primonarque ? J’avais un peu de mal à y croire, beaucoup trop de choses n’allaient pas. Premièrement, je pensais ce que type ne sortait jamais de Sotarc.
— Il ne paie pas bonne mine, souffla Brazoro à ma place.
— Il a surtout besoin de repos, grommela Patch. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de le soumettre à une telle pression maintenant…
— Je vais bien docteur, ne vous en faîtes pas.
Ah, il avait parlé. J’étais pourtant persuadé qu’il était inconscient, vu que ses yeux étaient fermés. L’Alakazam releva le torse et se tourna vers moi.
— Vous êtes Stalhblume, n’est-ce pas ?
— Bien deviné, sifflai-je. Et vous, vous dites être le Primonarque ?
— Effectivement.
— C’est difficile à croire.
— Je le conçois, admit-il. Je ne peux malheureusement pas faire grand-chose pour vous le prouver.
Voilà qui n’aidait pas beaucoup.
— En revanche, je peux vous dire certaine chose qui pourrait attirer votre attention. Peu après votre conquête de Lugeni, je vous ai confié l’une des nôtres, Morflam, une Magical Pokégirl. Mais lorsque d’un combat contre Azorn, le chef de la Confrérie – un groupe de Pokémon ayant été corrompu par Dunkel, le précieux de ténèbres que vous possédez désormais – j’ai utilisé mes pouvoirs pour la faire revenir à la Guilde. Je me trompe ?
A peine arrivée et il sortait déjà le grand jeu. Tout ce qu’il venait de dire était on ne pouvait plus exact, en plus d’être connu que de très peu de Pokémon.
— Quant à votre amie Meloet, que Morflam avait réveillé par accident, il s’agit ni plus ni moins que le Kaiser d’Iræ. Bien qu’elle ait perdu son âme il y a des siècles…
— … pardon ? s’intéressa Artichtote. C’est quoi cette histoire d’âme ?
— Ah oui, vous ignorez ce passage, hocha l’Alakazam de la tête. Désolé, c’est de ma faute, je n’aurais pas dû le mentionner, c’est encore bien trop tôt.
Et le voilà qui jouait le monsieur je-sais-plein-de-trucs-que-vous-ignorez. Primonarque ou pas, je ne l’aimais déjà pas beaucoup.
— J’ai compris, vous savez énormément de choses sur nous, pestai-je. Mais qui me dit que vous nous avez tout simplement pas espionné pour vous faire passer pour le Primonarque ?
— Toujours aussi méfiante à ce que je vois. Très bien, docteur, pouvez-vous vous approcher ?
Interloqué, Patch s’exécuta, hésitant. Allons bon, pensai-je, à quoi joue-t-il encore. L’Alakazam hocha la tête et marmonna quelques mots aux oreilles du Pachirisu. Soudain, l’expression de Patch se rigidifia, je crus même voir des larmes naître du coin de ses yeux.
— C’est juste, n’est-ce pas ? reprit l’Alakazam à voix haute.
— … oui, détourna Patch du regard. Strictement personne à part moi n’est au courant.
— Désolé de vous l’avoir rappelé, docteur. Mais c’est le rôle qu’on m’a donné, celui de l’Observateur. Mes pouvoirs me permettent de tout voir, les évènements joyeux ou tragiques.
— C’est assez effrayant, ricana amèrement Patch. Rien ne peut vous échapper, n’est-ce pas ?
— C’est mon rôle, répéta l’Alakazam.
Je n’étais pas certaine de comprendre toute la situation. Visiblement, notre invité savait des choses sur Patch que nul autre n’était sensé connaître. Alors quoi, c’était bon ? Il fallait admettre que s’était le Primonarque ?
— Écoutons au moins son histoire, lança Affienns. Que fait-il ici ? Pourquoi est-il si mal au point ? Que nous veut-il ? Ils nous manquent ses informations avant d’aviser pour la suite.
— Très juste, appuya Artichtote.
— Et qu’il se dépêche, grommela Brazoro. J’me fiche s’il est vraiment ce Primonarque, mais j’ai une nuit à finir moi…
Un puissant Ronflement provenant de Persyval sembla acquiescer le caprice de Brazoro, mais c’était sûrement mon imagination.
— C’est vrai, nous aurions dû commencé par là, posa l’Alakazam. Laissez-moi vous expliquer tout ce que vous devez savoir, rien de plus, rien de moins.
L’Alakazam se redressa malgré ses blessures. Il nous fixa tous de ses yeux d’une profondeur perturbante.
— Bien que certain en doute encore, je suis le Primonarque de la Guilde. Un être millénaire dépassant les lois physiques les plus élémentaires. Un pouvoir – ou une malédiction – que je dois au Kaiser en personne.
— …
— … alalah ? s’étonna Meloet. Pourquoi tout le monde me regarde ?
Le prétendu Primonarque toussota, cherchant à récupérer l’attention.
— Mais ceci concerne le passé et la nostalgie n’est pas à l’ordre du jour. Sachez juste que le pouvoir que je possède n’est pas naturel, un pouvoir qu’un simple Pokémon ne devrait jamais posséder. Un pouvoir que je ne peux contenir. C’est pour cela que j’ai décidé – non, j’ai été obligé – de le diviser.
L’Alakazam fit une petite pause et reprit.
— C’est de cette division que sont nés Sotarc, l’Éternôme et le Mortem. Ce ne sont pas que de simples lieux, mais de véritable manifestations conscientes. Ces manifestations n’étaient cependant pas en roue libre, grâce à ma volonté et à des dispositifs améliorant ma concentration, je parvenais à garder le plein contrôle sur elles. Sauf que le doute a fini par m’envahir, par ronger ma volonté.
Le Pokémon psy secoua sa tête, comme pour chasser un mauvais souvenir.
— L’Éternôme, la manifestation la plus proche de moi, a senti mes doutes et a commencé à m’infuser des idées beaucoup de plus en plus extrêmes. Je parvenais à restreindre son influence, mais ce n’était qu’une question de temps. Cependant, le réveil du Kaiser et sa rencontre avec Dunkel a donné le coup de grâce au peu de volonté qu’il me restait. Ces évènements étaient arrivés bien trop tôt, je ne savais comment réagir. J’ai perdu le contrôle.
— Je ne comprends rien, grommelai-je. J’ai l’impression que vous parlez par code. Quelles sont ces ‘‘doutes’’ dont vous parlez ? Pourquoi êtes vous si perturbé par Meloet et Dunkel ?
— … vous avez raison, je ne suis pas assez clair.
L’Alakazam sourit légèrement. Il avait l’air plus faible que d’habitude.
— Ce pouvoir dont je ne cesse de parler, il m’a été confié dans un but bien précis. Avant toute chose, vous devez savoir une chose. Il y a plus de 2 000 ans, si le Kaiser a conquis tout Iræ, ce n’était pas par mégalomanie. Il n’avait pas le choix. Le continent entier était en danger, menacé par un ennemi à la puissance inimaginable. La seule manière de le vaincre était de réunir absolument tous les Pokémon du continent sous la même égide, qu’ils combattent tous comme un seul contre cette abomination.
— Je n’ai jamais entendu parler de ça, intervint Artichtote.
— C’est normal. Ces évènements ont été purement effacés de l’Histoire. Pensez bien que ce fut un combat atroce, gargantuesque, qui a traumatisé le continent entier : le Dies Iræ. Rien que d’y penser, j’en tremble encore. Une fois l’ennemi vaincu, les dommages étaient telle que l’esprit de chacun était brisé. Le Kaiser a donc décidé de manipuler la mémoire des autres Pokémon, pour qu’ils puissent oublier les horreurs qui pétrifiaient leur vie. Seuls ses proches collaborateurs ont été épargnés.
Sympa l’excuse du ‘‘personne ne s’en souvient’’, très pratique pour affirmer une histoire sans aucune preuve. Il savait raconter ce Pokémon, soit il disait vraiment la vérité, ou soit il avait une imagination débordante.
— Toutefois, continua l’Alakazam. Cet ennemi était si puissant que même la mort ne saurait le détruire. Vous d’ailleurs l’avez déjà rencontré. Eurasc, ça vous dit quelque chose ?
— … ! C’est…
— Vous l’avez déjà affronté. Une entité quasi-omnipotente et invulnérable. Heureusement, même s’il est déjà revenu, il n’est actuellement qu’une coquille vide sans mémoire. Il lui faudrait encore des années pour récupérer toutes ses facultés, mais lorsque cela arrivera, le cauchemar recommencera.
Le regard de notre invité se refroidit, terriblement sérieux.
— Ce fut pour cette raison que le Kaiser m’avait donné cet immense pouvoir. Avant d’être le Primonarque, je suis l’Observateur. Je scrute perpétuellement le monde du haut de l’Éternôme, pour observer de près l’évolution d’Eurasc et de son influence. Le rôle de la Guilde était à la base de garder une unité entre les Pokémon du continent en prévision d’un nouveau Dies Iræ. Mais vous voyez bien que de nos jours cette unité est loin d’être acquise. C’est un fait, nous sommes loin de pouvoir vaincre à nouveau Eurasc. Si toutes les âmes ne sont pas unies en une seule, nous n’avions aucune chance.
Je peinais à y croire. C’était donc cela le rôle de la Guilde ? J’avais l’impression d’entendre des choses qui dépassaient largement mon entendement.
— C’est en voyant ce constat que j’ai douté. J’étais présent au précédent Dies Iræ, j’ai bien conscience de la force incommensurable d’Eurasc. Le continent est loin d’être unifié, j’ai failli à ma mission. La Guilde est un échec. J’ai longtemps mis des œillères, me disait que de toute façon, il nous restait encore du temps. Cependant, le réveil du Kaiser et ses retrouvailles avec son plus proche ami – Dunkel – a été comme un électrochoc. La date limite approchait, je ne pouvais plus fuir la réalité. Ma faiblesse était révélée au grand jour.
L’Alakazam soupira, épuisé.
— J’en reviens donc au début de mon récit. L’Éternôme a perçu ma faiblesse et en a profité pour prendre le contrôle sur moi. La décision de rapatrier Morflam était de son fait, pas du mien.
— J’ai juste une question, lança Affienns. Pourquoi tout ce pataquès autour de Morflam ? Je sais que c’est une Magical Pokégirl, mais pourquoi se donner tant de mal pour la reprendre, alors que vous nous l’avez confié ? De plus, je me souviens de ce Talos qui était avec elle, il n’avait pas l’air d’être une petite main. Il s’était présenté comme étant un Haut-Gardien. Je doute qu’un Pokémon de sa trempe a pour habitude de gérer les novices de la Guilde.
Notre invité alité sourit légèrement.
— Votre sens de l’observation rivalise avec le mien. Effectivement, Morflam est spéciale. Ce n’est pas n’importe quelle Magical Pokégirl. Dans ses veines coulent le sang de la plus grande Magical Pokégirl, celle qui avait accompagné le Kaiser il y a deux millénaires. Son potentiel est énorme et son aide nous sera indispensable contre Eurasc. Mais un potentiel n’est rien s’il n’est pas exploité. C’est pour cela que j’ai voulu que Morflam apprenne davantage sur le terrain, aux côtés de quelqu’un de fort ; quelqu’un comme vous Stalhblume.
— … j’imagine que c’est un compliment…
— C’en est un, je suis au courant de votre histoire à l’école du Roi d’Argent, j’ai connaissance des épreuves que vous avez endurées.
— … évidemment, grommelai-je.
C’était donc ça la sensation d’être en face de quelqu’un qui savait tout de nous… étrangement désagréable. Et frustrant.
— Mais l’Éternôme a un autre point de vue sur la question, siffla l’Alakazam. Ses mesures sont bien trop drastiques. Il veut tuer toute volonté chez les Pokémon, les transformer en machines froides qui lui obéissent au doigt et à l’œil. C’est là qu’il fait erreur. C’est grâce à la volonté et au libre arbitre que la victoire nous a souri lors du Dies Iræ.
— Un type de la Guilde qui parle de libre arbitre, c’est ironique, pouffai-je.
— Je vous l’ai dit, c’est l’Éternôme qui, profitant de mes faiblesses, me soufflait ses idées extrémistes.
— Une manière originale de se dégager de ses responsabilités, ricanai-je. Et que dites-vous de la Loi d’Or ? Vous savez, cette loi du plus fort qui encourage les conflits, les inégalités, et les massacres à travers tout le continent ?
— Je suis parfaitement conscient des conséquences de la Loi d’Or, et je les accepte pleinement. Cela peut sembler ironique, j’en conviens, puisque le but ultime de la Guilde est de favoriser l’unification du continent. Mais une unification pacifique serait contre-productif, n’oubliez pas la menace d’Eurasc. Si le Kaiser a instauré la Loi d’Or, c’est parce qu’il savait qu’il n’était pas immortel. Il fallait que à l’avenir, dans un monde où il ne serait plus là, un autre Pokémon réussisse son exploit de s’élever au-dessus de tous et donc de mener à son tour la guerre contre Eurasc. Et ça a l’air de fonctionner, car c’est exactement votre projet, Stalhblume.
Un instant. C’était vrai ça. Mon objectif était de réincarner la légende du Kaiser et conquérir tout le continent. Cela voulait-il que depuis le début, je suivais inconsciemment un plan qui avait été mis en place il y a deux millénaires ?!
— D’ailleurs, vous n’êtes pas la seule qui est animée de ce projet. Beaucoup de Pokémon rêvent encore d’être Kaiser, et c’est de mon devoir d’Observateur de les surveiller du mieux possible. Mais je ne peux accomplir mon devoir dans ces conditions. Suite à un âpre combat contre l’Éternôme, j’ai été chassé de mon poste et l’Éternôme en a profité pour usurper mon identité. C’est désormais lui qui a les pleins pouvoirs. La situation est critique, j’ai peur de ce qu’il pourrait faire sans aucune limite. Il serait capable de lancer lui-même une offensive terrible sur tout le continent, risquant de provoquer à terme le suicide politique de la Guilde.
Alors c’était là où il voulait en venir, l’aider à reprendre sa place de Primonarque. Tiens, à force de l’entendre parler j’avais fini par accepter que cette Alakazam était peut-être véritablement le Primonarque. D’un autre côté, il savait bien trop de choses pour qu’il ne soit qu’un simple fou.
— Pourquoi être venu nous voir ? demandai-je. Je n’aime pas l’avouer, mais nous sommes loin d’être les plus puissants du continent. Vous êtes le Primonarque, vous avez certainement des alliés bien plus compétents.
— Ce n’est pas si vrai. Il est exact que j’ai des liens avec les Présidents de région, qui eux, pourrait régler le problème d’un revers de main. Cependant, leur révéler l’information serait bien trop dangereux pour l’avenir de la Guilde. La Guilde a besoin de rester le plus neutre possible, je ne peux pas me permettre de devoir un service aux Pokémon les plus influents d’Iræ.
— Parce que nous nous ne sommes pas dangereux pour vous, c’est ça ? grinçai-je.
— C’est un fait, sourit le Primonarque. Mais il y a autre chose, vous avez un intérêt tout particulier à m’aider. Si je reprends ma place, non seulement vous vous assurerez des ententes cordiales avec la Guilde, mais en plus, vous récupéreriez Morflam et votre espion Carmache.
— Alors vous êtes au courant pour notre plan avec Belcol-Exion… ça ne m’étonne même pas.
— Haha, votre plan était voué à l’échec depuis le début, et vous le saviez. Au moins, vous aviez tenté quelque chose, je peux saluer l’effort. Un effort stupide, mais un effort quand même.
Et il se moquait de nous maintenant. J’avais une sérieuse envie de le flanquer un bon coup de mâchoire mais quelque chose me disait que ce serait contre-productif.
— Il y a une dernière chose, lança l’Alakazam. Si je suis venu spécialement vous rencontrer, c’est parce que vous possédez une force phénoménale capable de vaincre l’Éternôme. Je veux parler du corps du Kaiser, celle que vous appelez Meloet.
— … moi ? s’étonna l’intéressée.
— Tout à fait. Tu as subi le même sort qu’Eurasc tu es devenue une coquille vide, sans souvenir. Mais tu possèdes encore un fragment de ta force d’antan. Une force si pharamineuse que même un centième pourrait terrasser n’importe qui.
— J’en suis témoin, intervint Brazoro. Je l’ai vu cracher des rayons hyper-puissants dans la grotte de la Confrérie. On était au sous-sol d’une montagne, je répète, au SOUS-SOL. Et avec UN rayon, elle a percé une ligne dans la roche jusqu’au ciel !
— C’est le corps du Kaiser, s’amusa le Primonarque. Si vous l’avez connu à l’époque, c’est la définition même du mot ‘‘puissance’’ qui serait bouleversé.
Le Primonarque se releva ensuite – contre l’avis de Patch – et enleva ses bandages.
— Bien, je pense avoir suffisamment expliqué la situation. J’ai besoin d’avoir une réponse rapide. Acceptez-vous de m’aider ?
— … je le regretterais peut-être mais c’est d’accord, acquiesçai-je. Ce n’est pas pour vous, mais je m’inquiète pour Morflam et Belcol-Exion.
— Merci, souffla l’Alakazam.
— Une minute, s’enquit Wildnis. Comment allez-vous vous y prendre pour affronter l’Éternôme ? Vous voulez qu’on se rende à Sotarc, la bouche en cœur, et qu’on affronte tout le monde ?
— Bien sûr que non, s’amusa le Primonarque. Mais il existe un passage qui même directement au centre de l’Éternôme. Le Mortem, des catacombes qui s’étendent sous Sotarc. Ah, c’est également une manifestation consciente de mon pouvoir.
Ma tête surchauffait. Comment des lieux pouvaient être conscients ? Le Primonarque en parlait comme si s’était des choses naturelles mais honnêtement, j’avais du mal à l’imaginer.
— Si ce truc est conscient, essayai-je de comprendre, il ne risque pas d’être dangereux ?
— Effectivement, ce lieu est excessivement malsain. Mais avec mes pouvoirs et ceux de Meloet, tout devrait bien se passer. Il faudrait cependant être extrêmement prudent, le moindre faux pas pourra être fatal.
— Sympa, grimaçai-je.
— Je ne peux malheureusement pas vous révéler à quoi sert le Mortem, mais surtout, une fois que vous y serez, vous ne devez toucher à rien et rester groupé.
— Euh…, hésita Brazoro. Quels sont les risques, exactement ?
— La mort, évidemment.
— Ah, cool…, grinça le Chimpenfeu.
Une petite escapade dans un lieu vivant et mortel, la base. C’était peut-être un piège, mais je sentais qu’en suivant le Primonarque, je pourrais en apprendre bien plus sur lui. Et qui sait, peut-être trouver une de ses faiblesses pour pouvoir m’en débarrasser s’il devenait gênant à l’avenir. Ah, et c’était notre seule option pour récupérer Morflam et Belcol-Exion aussi.
— J’aurais besoin d’une journée entière pour récupérer de mes blessures, déclara le Primonarque. Dès demain, je vous indiquerais le chemin jusqu’au Mortem. Il y a diverses entrées dispersées par-delà le monde, grâce au pouvoir de Dunkel on devrait pouvoir en atteindre une sans trop de difficultés.
— Demain, donc, intégrai-je l’information. Très bien. Ce soir, Belcol-Exion est censé nous appeler pour faire son rapport, je le mettrais au courant de la situation.
C’était donc décidé, demain, nous passerons enfin à l’action. J’en avais marre de me tourner mes pouces, et ça me donnait une excuse parfaite pour esquiver les taches administratives ! Je devais admettre que j’avais hâte de découvrir ce Mortem. Un lieu mystique lié au Primonarque lui-même. Et cet Éternôme, une autre entité redoutable… sans doute le plus puissant ennemi que nous avions jamais rencontré – à l’exception d’Eurasc bien sûr. Mon sang bouillait d’avance. Je sentais que ces prochains jours seraient particulièrement excitants !