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Freeze de Eliii



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» Auteur : Eliii - Voir le profil
» Créé le 08/01/2017 à 14:53
» Dernière mise à jour le 08/01/2017 à 15:16

» Mots-clés :   Action   Drame   Science fiction   Suspense   Unys

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039 - Farewell
« Cette bicoque n'a pas l'air très résistante, observa Walter. En tout cas, elle flambe aussi bien qu'une feuille de papier ! »

En effet, à un peu plus d'une centaine de mètres du groupe, le grand manoir en bordure d'Arpentières, réputé pour abriter des spectres, se consumait rapidement. La façade léchée par les flammes avait presque entièrement été noircie, et déjà le toit s'effondrait, toutes les poutres de la charpente ayant succombé au feu. La vieille bâtisse se désagrégeait aussi aisément que s'il se fut agi d'un château de sable ou de cartes.

Walter restait impassible, mais les autres avaient du mal à garder leur calme. Linda tremblait et avait la larme à l'œil ; Will semblait sur le point de s'évanouir d'un moment à l'autre ; Liz serrait rageusement les poings, les mâchoires crispées, dardant des regards mauvais au criminel en smoking, qui observait le spectacle avec un demi-sourire amusé.

« Je ne vois pas ce qui est drôle dans une maison qui brûle, grommela-t-elle, amère. Tu aurais bien voulu nous voir cramer avec, pas vrai ?
— Non, avoua l'assassin. Ma mission n'était pas de vous tuer, et je ne l'aurais pas fait puisque je n'en ai pas reçu l'ordre. Je devais récupérer la formule, c'est tout. J'ai échoué, et je ne m'en cacherai pas ; de toute façon, j'imagine que je vais mourir ici, de la main de l'un de vous. Si ça peut vous être utile, je veux bien vous indiquer l'emplacement du laboratoire de ma collègue, l'Empoisonneuse. Il est situé à Flocombe. Autant que je me rende utile. (Il jeta un œil en direction du voleur.) Je suppose que c'est vous qui appuierez sur la gâchette. Vos amis m'ont l'air trop secoués pour en être capables. »

Le concerné n'esquissa aucun mouvement ; aucune expression ne décorait son visage impassible. Il semblait comme déconnecté de la réalité, comme plongé dans un autre monde, loin de tous les tracas de celui-ci. Finalement, il esquissa un mince sourire à l'attention de Sander. Celui-ci ne s'y attendait clairement pas ; il écarquilla ses yeux couleur noisette.

« Je ne vous tuerai pas, monsieur l'apprenti magicien. Je ne suis pas un assassin comme vous ; juste un voleur. Je pique des objets de valeur, c'est tout. Et puis, réfléchissez-y ; qu'est-ce que je gagnerais à vous tuer, exactement ? Je veux dire, d'accord, vous êtes notre ennemi et ça implique certaines choses. Mais pourquoi systématiquement la mort ? Je pourrais très bien vous envoyer en taule, en expliquant à monsieur l'agent que vous avez essayé de me tuer ; il ne me croirait sans doute pas en l'absence de preuve, de toute façon, mais là n'est pas la question. On ne tue pas systématiquement un ennemi, ça ne rime à rien. Nous, les humains, on est qui, pour juger du droit de vie ou de mort des autres ? Assurément personne, pas vrai ? Eh bien tu l'as, ta réponse. Je ne te tuerai pas, parce que je n'ai aucun droit de le faire, et aucun intérêt non plus. »

Tous les autres dardaient sur Walter des regards franchement surpris, suite à ce discours improvisé. Il avait certes fait preuve de quelques maladresses, mais il s'exprimait tout de même assez bien pour convaincre un public. Linda, en particulier, fut très impressionnée par cette tirade inattendue ; ses joues se colorèrent de rouge, mais elle n'en avait cure, pour l'heure.

Si les amis du voleur étaient étonnés, Sander l'était encore davantage. L'homme au smoking n'avait jamais été pris au dépourvu d'une telle manière. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais sous l'effet de la stupeur et de l'incompréhension, aucun son n'en sortit ; rien, sinon un silence éloquent.

« Ne vous fatiguez pas à parler, ça ne servira strictement à rien. Contentez-vous de, je ne sais pas, me remercier de vous laisser la vie sauve ? Non, même pas, je ne mérite aucun remerciement. »

Le brun s'éloigna un peu pour aller fumer une cigarette, laissant ses trois amis aux prises avec l'assassin professionnel. Le visage de Liz se radoucit un peu, et elle s'approcha de celui qu'elle voyait comme un ami, en quelque sorte ; ils semblaient aussi mal à l'aise l'un que l'autre.

« Dis-moi, un peu... Pourquoi tu es devenu un tueur à la solde d'un chef mafieux redoutable ? J'avoue que ça me rend perplexe...
— Comment, cette histoire t'intéresse ? Elle est ennuyeuse, Lizzie. »

La jeune femme aux cheveux teints haussa les épaules, et esquissa l'ombre d'un sourire ; Sander se surprit à l'imiter.

« Raconte-moi quand même, je suis curieuse. »

Il acquiesça, et eut l'impression que parler l'aiderait en quelque sorte à se libérer d'un poids ; après tout, elle avait le droit de savoir.

« A l'époque où je t'ai rencontré, je débutais mes études dans une prestigieuse académie de médecine. Celle de Méanville, réputée pour être la meilleure d'Unys. Mes parents voulaient que je devienne comme eux, un brillant médecin à la carrière irréprochable. (Il ricana légèrement, un ricanement nerveux trahissant son malaise.) J'ai lamentablement échoué à l'examen, parce que je n'écoutais pas en cours, tout ça n'avait aucun intérêt pour moi. A vrai dire, je pensais que mes parents choisiraient de me réorienter dans un autre domaine, mais non ; ils ont préféré choisir la facilité et me renier totalement. J'ai fini à la rue, et... (Nouveau rire nerveux, plus sec cette fois-ci.) Pour un gosse de riche comme moi, forcément, ça s'est avéré très difficile. J'ai dû faire des petits boulots pas forcément très légaux pour me faire un peu d'argent, et je me salissais les mains tous les jours. De boue, de sang, qu'importe, elles étaient sales mais au moins, elles me nourrissaient, ces mains. »

Le visage de Liz avait blêmi. De toute évidence, elle ne s'attendait pas à ce qu'il ait pu vivre quelque chose d'aussi difficile. Elle ne le voyait que comme un richard à la vie facile, qui n'avait toujours qu'à claquer des doigts pour obtenir monts et merveilles, et qui n'avait choisi la voie du crime que parce que cela l'amusait. Jamais elle n'avait songé à l'éventualité qu'il eut pu recourir au meurtre par nécessité. Elle se mordit les lèvres, honteuse ; finalement, ils étaient pareils, l'un comme l'autre.

Voyant les signes de la pitié sur la figure pâle de la jeune femme, l'assassin s'empressa d'ajouter, sur le ton le plus désinvolte possible :

« Mais, tu sais, cette situation ne m'a jamais vraiment paru insurmontable. Je me suis débrouillé pour survivre, et au final, je me suis surpris à apprécier la vie que je menais parmi les voyous et les menteurs en tout genre. Je n'avais plus cette épée de Damoclès au-dessus de la tête ; mes parents ne représentaient plus une menace, j'étais libéré de toutes les contraintes qui régissent la vie des aristocrates. J'ai tout perdu, mais il me restait quelque chose d'inestimable. Une liberté chèrement gagnée, au prix de toutes mes possessions matérielles. (L'ombre d'un sourire vint éclairer son visage fatigué.) Au final, j'ai commencé à apprécier de tuer des gens. Je n'en tire pas un plaisir sadique, ça n'est jamais arrivé. Mais je me plais à effrayer les gens. Je leur montre quelque chose qui n'existe pas — ma folie —, pour leur faire ressentir la peur à l'état le plus primitif. (Il lança à Liz un regard très sérieux, dépourvu de tout humour.) Je me nourris de la peur, Lizzie. Elle me donne l'impression d'être bien vivant. »

A quelques mètres de là, un peu en retrait, les jumeaux écoutaient sans mot dire tout ce que racontait l'assassin. La jeune femme aux cheveux bleus ne savait pas quoi penser de cet homme, qui semblait complètement perdu, détruit ; il avait voulu recoller les morceaux de sa vie brisée, mais n'avait jamais réussi à la reconstruire vraiment. Il n'était que le résidu brisé d'un être malheureux, qui se délectait à présent du malheur des autres. La vie l'avait détruit, et lui, il détruisait des vies. Cycle sans fin.

Linda entraîna son frère plus loin, pour rejoindre le voleur. Will adressa à Liz un regard peiné, et se laissa faire. Alors ils se retrouvèrent là, tous les deux, face à face. Comme dans le passé. Cette fois, ce n'était pas dans une rue mal famée, mais près d'une maison qui brûlait et d'une épaisse colonne de fumée qui commençait à s'élever dans le ciel. D'ici quelques temps, les pompiers rappliqueraient peut-être. Ou bien n'en avaient-ils rien à faire, au fond ; personne ne vivait dans cette stupide baraque en ruines.

« Tu es un homme étrange, Sander. Je t'apprécie, et en même temps je te déteste. (Elle rit, d'un rire cristallin et pur, d'un rire honnête et sincère.) Tu es le premier qui me donne cette impression-là. Je ne sais pas quoi penser de toi. »

Le tueur en smoking ne répondit pas dans l'immédiat. Il jeta un œil à la Pokéball de Pamela, dans sa main, et contempla le reflet que la surface lisse et brillante lui renvoyait. Le reflet distordu d'une créature brisée, écrasée, réduite en mille morceaux par la cruauté du monde. Le reflet d'une ombre ; c'est tout ce qu'il était, après tout, une ombre sans passé et sans avenir.

Il jeta un regard des plus sérieux à la jeune femme, et un léger sourire vint étirer ses lèvres. Il se sentait aussi mal à l'aise que s'il eut été amené à parler devant une foule de dix mille personnes, et pourtant il ne s'en trouvait qu'une en face de lui. Sander ouvrit la bouche dans l'intention évidente de parler, mais il fut devancé par son amie — l'était-elle seulement ?

« Ne dis rien, c'est inutile. Nous ne nous reverrons probablement jamais ; tous les deux, qu'avons-nous en commun, sinon des démêlés avec la justice ? (Elle jeta un regard discret à Walter, qui la fixait depuis un moment.) Il y a une dernière chose que je dois faire, et je pourrai enfin partir le cœur léger. »

Il ne posa aucune question ; il savait fort bien à quoi elle faisait allusion, et même s'il avait envie de refuser, de lui dire d'oublier cela, il n'en eut ni la force ni le courage. Elle tira de sa poche une liasse de billets, maintenus par un élastique, et la lui tendit. Ses doigts se refermèrent autour du papier vert, et il le rangea machinalement dans sa veste. Pas besoin de compter pour savoir combien il y avait là-dedans. Aucun doute n'était permis.

Tandis que la silhouette sportive aux cheveux bleus s'éloignait, il resta là, à observer les flammes crépitantes en compagnie de sa Pokémon qu'il avait fait sortir. Pamela ne semblait pas soucieuse ; elle sentait la paix dans l'esprit de son dresseur, et cela lui suffisait pour qu'elle se sentît bien à son tour. Une odeur persistante et âcre de fumée régnait aux alentours, mêlée à celle du bois brûlé et de la terre sèche.

« Allons-y, ma chère Pamela. Nous ferions mieux de partir au plus vite, afin de commencer à vivre une nouvelle vie. »

Il marqua une longue pause, échangeant des regards éloquents avec la Lippoutou, qui ne cessait d'agiter ses lèvres volumineuses comme si elle réclamait un baiser de la part d'un preux chevalier. Amusé, l'homme caressa ses mèches blondes avec un sourire sincère.

« Unys n'est plus un endroit pour nous, je le crains. Nous serons plus heureux ailleurs, loin de tous ces souvenirs atroces. Maintenant qu'elle a payé sa dette, elle aussi ira de l'avant. (Il jeta un bref regard dans la direction où Liz avait disparu.) En deux rencontres, cette femme m'aura tout appris. »

Il s'éloigna à son tour de la bâtisse en flammes, dans un ricanement désinvolte, suivi de près par la créature à la robe soyeuse d'un rouge éclatant.


x x x

Plongé dans une pénombre désagréable, le bureau faisait figure d'antichambre de la mort. Une odeur forte et omniprésente de cigarette flottait dans l'air, au même titre qu'une fumée qui peinait à s'évanouir dans l'air. Assis dans un confortable fauteuil de cuir, Howard Asher attendait. Depuis combien de temps ? Que voilà une excellente question ; il n'en savait rien du tout, et n'en avait de toute façon pas grand chose à faire.

Son œil droit d'une couleur jaunâtre était recouvert par un cache-œil d'un noir d'encre, qui le soulageait. Maintenu trop longtemps au contact de la lumière, l'œil lui causait des douleurs insupportables, qui aboutissaient à des migraines insoutenables et parfois même à des crises de panique. Il en ignorait la raison, et aucun médecin n'était parvenu à découvrir de quoi il souffrait. Cela ne faisait que quelques années — trois ou quatre, il ne savait plus avec exactitude —, et pourtant il lui semblait que ces douleurs le poursuivaient depuis une éternité.

On frappa soudainement à la porte ; d'une voix atone, il ordonna aux visiteurs, puisqu'ils étaient deux, d'entrer. Ses deux secrétaires, qui avaient aussi d'autres fonctions officieuses, le regardaient, l'air grave. Ni l'un ni l'autre ne prononça un mot jusqu'à ce qu'il ne les y encourageât.

« Eh bien, parlez. »

Ce fut la femme qui prit la parole ; Katia savait que son taciturne partenaire préférait se murer dans le silence lorsqu'il en avait la possibilité. La rouquine remonta ses lunettes sur son nez légèrement aquilin, et commença :

« Nous avons, conformément à vos ordres, été interroger Ethan Sterling. Il s'est séparé du groupe de Freeze, mais a tout de même pu nous apprendre pas mal de choses intéressantes. Cependant, il s'est débarrassé de la formule après en avoir préparé une unique dose pour sa femme, nous n'avons pas pu vous l'apporter.
— Ce n'est pas si important, puisque je compte l'arracher des mains de Freeze lui-même, souffla le chef des Quatre. Poursuivez.
— Justement, en parlant de Freeze... Il en sait beaucoup plus que ce que nous imaginions, monsieur. »

Un silence de plomb suivit cette déclaration. Dans la grande pièce, la tension était palpable, si bien qu'on eut presque pu la serrer entre ses doigts. Ryan restait silencieux, dans sa posture droite, comme un officier militaire, son regard dur dirigé vers son employeur. La physionomie de celui-ci ne trahissait pas la moindre émotion.

« Continuez, Katia, je vous en prie. Que sait-il, ce voleur ? »

La femme rousse déglutit, et rajusta une nouvelle fois ses fines lunettes ; elle s'efforça de paraître impassible, mais eut bien du mal à ne pas laisser paraître son trouble.

« Lui et son groupe connaissent votre identité, monsieur. Ce qui signifie que l'un des Quatre vous a trahi.
— Il pourrait tout aussi bien s'agir de l'un de vous deux, fit remarquer Asher, amusé. Non, bien sûr que non, vous m'êtes trop loyaux. »

Il marqua une pause, puis écrasa sa cigarette dans le cendrier déjà plein posé sur son bureau. Ryan prit finalement la parole.

« Que comptez-vous faire, monsieur ?
— Oh, maintenant, on n'a plus vraiment le temps de s'amuser avec ces gens-là. Je vais m'occuper personnellement du traître ; je crois savoir de qui il s'agit. Quant à Freeze, je vais envoyer Riley à ses trousses. Il ne s'en tirera pas indemne, vous pouvez en être certains. »