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Le Démon Roi - Première partie de Edetalelric



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» Auteur : Edetalelric - Voir le profil
» Créé le 21/12/2016 à 20:35
» Dernière mise à jour le 29/08/2017 à 00:51

» Mots-clés :   Action   Fantastique   Présence de transformations ou de change   Science fiction

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4 - Alisha
« Il approche. Cinq cents mètres. Quatre cents. »
Les archers bandèrent leurs arcs immenses en ivoire, puis visèrent le ciel dégagé en attendant l’ordre.
« Deux cent. Cent cinquante. Cinquième repère, FEU ! »
Les cordes se relâchèrent prestement, pour redevenir de simples ficelles pendouillant d’un bout à l’autre de l’arc.
Les flèches transpercèrent le Mammochon mutant qui finit capturé dans un gigantesque filet qui se resserra sur le mastodonte comme une pieuvre sans perdre une seconde.
Alisha rendit l’air de tous ses poumons dans sa corne lorsqu’elle fut certaine que le mammouth était immobilisé. L’escouade de mêlée vint transpercer la graisse du Pokémon à l’aide de lances enduites de produit paralysant.
Le monstre s’immobilisa définitivement après une série de spasmes.

Après que les membres de la tribu eurent dépecé l’atrocité de cinq mètres de haut, ses restes furent traînés puis jetés à la mer. L’un des membres de l’unité au sol, Riyu, vint parler à Alisha. Elle ne l’appréciait pas particulièrement : il lui semblait orgueilleux et superficiel, aussi l’évitait-elle autant que possible. Sa voix de gamin suffit à l’énerver :
« Jolie pêche, aujourd’hui, non ?
-On a déjà vu plus gros…
-En tout cas, depuis que tu es aux commandes, chaque opération est un succès !
-Je conduis en fonction de ce qui me semble juste, ce sont les unités qui font tout le boulot. »
Un vent frisquet tomba à point : elle s’en servit d’excuse pour partir en direction du village.
Lorsqu’elle rentra dans la hutte, le feu dégageait une telle chaleur qu’elle se dévêtit de tous ses habits, afin de n’enfiler qu’un bas de soie lui arrivant au-dessus du genou qui masquait son intimité tout en suggérant ses formes. A vingt-six ans, Alisha n’avait pas de quoi se plaindre : ses cheveux de jais bouclés teintés de rouge cerise reflétaient gracieusement la lumière du jour malgré le manque d’accès à l’hygiène. Ses yeux, la fierté de sa famille, brillaient d’un éclat chatoyant avec une teinte de vert absinthe si resplendissante que les aïeuls racontent tous que ce sont eux qui chassent les mauvais esprits. Sa peau ténébreuse était naturellement douce, le dernier amant qui avait passé le seuil de son logis de fortune l’avait flatté en lui assurant qu’un nuage de velours semblerait épineux après leur nuit fougueuse. Enfin, ses seins nécessitaient des vêtements serrés pour qu’elle puisse se mouvoir confortablement, mais ils étaient ronds, et ne tombaient pas comme ceux des femmes qu’Alisha se plaisait à appeler : « Celles qui indiquent six heures ».
Sa sœur enceinte s’éveilla, puis se tourna vers elle. La voix d’alto résonnante qu’Alisha lui enviait tant fit place à un faible murmure lorsqu’elle s’adressa à la Commandante de chasse :
« Alors ?
-Un Mammochon mutant. Quatre ou cinq mètres, je n’ai pas le compas dans l’œil…. Comment ça va toi, t’as pu te reposer un peu ?
-Hmmm… »
L’apparition de mutants était de moins en moins fréquente, ce qui faisait grimacer n’importe quel habitant du village du Glaçon Rouge. Tous les horizons du hameau étaient surveillés durant la journée afin de donner la chasse aux bêtes qui les attaqueraient ; étant situés sur un plateau de glace, ils surplombaient la zone de chasse. La nuit, les torches enflammées repoussaient tous les attaquants possibles. Derrière eux, la mer, suffisamment en contrebas pour ne pas se faire agresser par les Kaimorses mutants ; au-dessus d’eux, aucun Pokémon volant n’approchait ce désert de glace dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres ; et la couche gigantesque d’iceberg sous leurs pieds ne les séparait que de l’eau. Il ne restait que les vallées de la banquise, matérialisées par des repères artificiels, d’où venait la partie protéinique de leur nourriture. Les membres de la bourgade gelée se nourrissaient également de baies mutées : le village était entouré de serres dotées d’une technologie très avancée : les dômes pouvaient maintenir leur température à 20 degrés Celsius pendant deux mois sans que le soleil apparaisse une seule fois.
Sa sœur ne dormant pas, Alisha profita de la compagnie de cette dernière pour exprimer les pensées qui l’inquiétaient depuis quelques mois :
« Comment on va faire si les attaques des Pokémons se font de moins en moins fréquentes ?
-Bah... On bouffera du Kaimorse. Du Kaimorse mutant, je te vois bien pêcher ça ! » Elles pouffèrent. Quand la femme enceinte réussissait à faire naître un sourire sur le visage de sa sœur, elle continuait invariablement sur sa lancée :
« Eh tu fais quoi ce soir ?
-Quoi, ça te regarde ?
-Mais allez dis, ça fait un mois que t’as rien ramené dans ta tente !
-Oh! Mais de quoi je me mêle ?
-Eeeeh ! Toi tu vois quelqu’un ce soir !
-Ouais, mais je sais pas encore qui ! » Lui répondit-elle avec un clin d’œil avant de pouffer de plus belle.

Le village dût attendre deux semaines avant de croiser un nouveau Pokémon. Il s’agissait d’un Polagriffe femelle non mutant. Les soldats des unités furent ébahis lorsque la Commandante ordonna de le capturer sans lui faire le moindre mal. Une fois cette tâche délicate accomplie, nombreux furent ceux qui souhaitèrent approcher Alisha afin de lui demander des explications.
Des dizaines de questions lui étaient posées au même instant, et sa voix fluette n’arrivait à en faire taire aucun. Elle poussa un soupir de soulagement quand son père rompit le brouhaha en une seule intervention :
« Silence ! Il suffit ! J’ai moi-même demandé à Alisha de donner cet ordre, et j’ai l’accord du chef. L’ours sera préservé dans un enclos près du Glaçon Rouge. Nous allons monter un élevage. » De nombreuses personnes s‘indignèrent, avec pour arguments qu’il fallait conserver la viande et non pas le Pokémon qui représentait un danger pour leur famille.
« Le Polagriffe ne représente aucune menace. Sa prison est déjà prête à l’accueillir en toute sécurité. C’est la meilleure solution que nous ayons trouvé. Si vous êtes insatisfait, vous pouvez toujours pêcher des mutants pour le village entier ou migrer vers un autre. Le Glaçon Bleu n’est qu’à cent kilomètres. » Certains grimacèrent quand ils saisirent que sans cet élevage, l’alimentation de la bourgade serait effectivement pénible et risquée. Plus aucun ne protestèrent, et la bête fut ramenée dans le grand dôme qui avait été aménagé pour elle. Après un instant de colère, la bête fatiguée se posa dans un coin en couinant.

Elle n’avait pas bougé quand Alisha revint la voir au milieu de la nuit. Le Pokémon ne dormait pas, et n’avait rien mangé. La femme réalisa son anxiété vis-à-vis du village : Si les spécimens capturés refusaient de s’alimenter, son plan s’effondrerait.
Elle dégagea les verrous en faisant le moins de bruit possible.
L’ours se dressa, et considéra sa visiteuse. Alisha put observer ses yeux terrifiés, ses membres tremblant, sa gueule emplie de crocs glacés qui s’ouvraient pour se refermer à nouveau.
La femme leva son bras en présentant sa main. Dedans se trouvaient des baies mepo. La bestiole cria, crachant un nuage d’haleine par la même occasion. Alisha fit rouler l’un des fruits jusqu’au Polagriffe, qui examina le mets puis la goba. Alisha fut satisfaite lorsqu’elle constata que le Pokémon semblait apprécier les friandises ; elle en fit rouler une autre, puis se rapprocha d’un pas. Une baie, un pas. Elle réussit à avancer jusqu’à environ deux mètres de la créature quand celle-ci grogna en montrant ses crocs. Alisha renonça à aller plus loin, et sortit sans un regard en arrière. Lorsque la femme aperçut l’ours à travers la vitre, celle-ci semblait dormir d’un sommeil apaisé.

Toutes les nuits, Alisha recommençait son curieux manège. Il lui fallut un mois avant que la bête renifle sa main sans grogner. Alors celle-ci lécha délicatement la main de sa bienfaitrice afin de saisir sa gourmandise.

Un autre mois, et Alisha put s’endormir dans la prison de la créature aux côtés de sa partenaire. La jeune femme, soucieuse du manque de Pokémon dans les environs, avait trouvé du réconfort auprès de l’ourse. Le village avait en effet capturé puis tué un autre Mammochon mutant, néanmoins les réserves fondaient à vue d’œil. Deux familles avaient pu se targuer d’avoir mangé du Cadoizo rôti, car les oiseaux n’avaient pas survécu à l’emprisonnement.

Une expédition fut organisée afin de mener la chasse aux Pokémons restants. Une mission périlleuse attendait l’escouade chargée de la capture d’un nouveau Pokémon : l’exploration des alentours du village, à pied. Les archers seraient placés au centre du groupe, les manieurs de lances formeraient le cercle extérieur. Alisha faisait bien évidemment partie de l’armée réduite.

Elle laissa son père se charger de la sécurité du village avec les membres restants, puis pris la route avec les autres à l’aube. Une étendue de glace les séparait de la mer, leur seul horizon. Ils s’aventurèrent vers l’Est avec pour uniques rencontres la neige et la grêle. Malgré le temps, le paysage était visible à quelques kilomètres à la ronde. Ce fut pourtant un bruit qu’ils constatèrent en premier, une sorte de grognement qu’aucun d’eux ne pouvait localiser. Lorsque le râle se transforma en cri de guerre, Alisha reconnut le gueulement caractéristique d’un Polagriffe et la troupe se hâta. Les guerriers dénichèrent une crevasse peu profonde dans laquelle ils purent apercevoir la bête.
Aucun d’eux ne croyait ce qu’ils observaient. Aucun ne le voulait. L’ours se battait contre une gamine.
Le Pokémon, mesurant moins de trois mètres de haut, fonça sur la jeune fille. Son souffle se cristallisa afin de se transformer en crocs aussi acérés que ses griffes. La patte droite de l’animal vint fondre sur la petite, et Alisha cria. Stupéfaite, elle vit la fillette saisir le membre de son adversaire, la porter par-dessus son épaule et l’envoyer s’écraser contre le mur de glace. La bête, visiblement blessée, fonça de nouveau vers la petite qui l’attendait de pied ferme. La Commandante s’empressa de crier à l’adresse de l’enfant :
« Non, ne la blesse pas davantage, nous en avons besoin ! »
La demoiselle lui accorda un regard morne, puis saisit l’une des pattes de son attaquant. Avec une agilité déconcertant les soldats qui l’observaient, elle passa derrière la créature afin de coincer son membre derrière elle, puis saisit l’autre bras afin d’immobiliser l’ours définitivement. La victime tenta de se démener, cria, grogna, mais l’autre semblait la contrôler avec aisance. La gagnante du duel attendit que l’escouade neutralise puis capture la proie avant de la lâcher. Alisha put observer plus précisément celle qui avait si aisément maîtrisé une créature mesurant trois fois sa taille : ses cheveux verts pomme tombaient jusqu’à ses fesses où ils bouclaient gracieusement, ses formes, mises en valeur par de légers vêtements noirs, étaient déjà présentes malgré son jeune âge ; et seule sa ceinture portant une poche de cinquante centimètres de profondeur sur trente de largeur put détourner le regard d’Alisha des yeux de la petite victorieuse. Car ses yeux…. Ses yeux étaient emplis d’expression. Ses yeux semblaient immenses. Ses pupilles étaient emplies d’un tel nombre de teintes différentes qu’Alisha crut qu’elle n’était pas humaine.

Tout le monde souhaitait l’interroger. Les hommes la questionnaient sur son âge, son lieu d’origine, son entraînement, ses techniques de combat… La jeune fille ignora tous ses interrogateurs afin de se diriger vers celle qui l’avait apostrophée. Elle se posa devant la Commandante, semblant l’étudier du regard. Cette dernière l’interpella :
« Nous te sommes extrêmement reconnaissants de ne pas avoir fait plus de mal au Pokémon. Merci beaucoup.
-Pourquoi la laissez-vous en vie ? » Sa voix n’était pas celle d’une enfant. Sa voix était celle d’une femme mûre dans un corps plus jeune qu’elle.
« Notre village a besoin de nourriture. Nous allons faire de l’élevage. C’est un mâle que tu as capturé, tu sais ? On possède déjà une femelle, alors, c’est une chance unique. »
La fillette ne répondit pas, et examina l’ours apeuré.
« Tu viens d’où ?
-Très loin. Dites, vous avez à manger ? Ça fait trois jours que je marche dans ce froid, moi. »
Alisha se demandait si elle vivait un rêve. Celle qui avait maitrisé le Pokémon n’avait ni dormi ni mangé depuis trois jours. Elle se demandait si l’un des soldats de son armée était capable d’une telle prouesse, alors que tous avaient été élevés pour combattre.
Une fois que la petite fut amenée au village, Alisha l’invita à se nourrir et se reposer dans sa loge personnelle. Apprendre à connaître la gamine fut très intéressant. Malgré son caractère hautain, la fillette était très guillerette et savait plaisanter.
« Et ton nom, c’est ?
-Z-a-r-l-i-n. Ça se prononce « Tzarline »
-Tu veux voir les deux ours, Zarlin ? » Un sourire accompagné d’un haussement de sourcils en guise de réponse, et les filles se dirigèrent vers le dôme protecteur. Les deux bêtes dormaient sur le sol gelé, opposées l’une à l’autre. La commandante avait décidé de ne plus rentrer dans le pénitencier depuis que le mâle était arrivé.
Etant collées à la vitre, les filles n’aperçurent pas ce qui se passait de l’autre côté du dôme.
Le coup puissant qui réduisit la glace opposée à la leur en miettes leur fut pourtant bien visible.
Le coup avait provoqué un tel boucan que les deux Pokémon étaient manifestement effrayés. Faire le tour de la cage permit à Alisha, accompagnée de Zarlin, d’observer le responsable : Il s’agissait d’un Momartik mutant. Outre sa taille d’environ huit mètres, son crâne gelé était semé de gigantesques cornes de glace. Ces énormes stalagmites étaient souvent lisses et arrondies, mais certaines adoptaient une allure rude et horizontale. Aussi rugueuse était sa ceinture rouge, et les pics se transformaient en terribles rasoirs effilés le long de ses bras. Sur son visage, la vingtaine de pupilles rouges observaient tout ce qui se passait autour de lui. La plupart examinaient les deux jeunes filles.
La Commandante était terrifiée. Si elle courait jusqu’au village, le mutant l’attaquerait dès qu’elle aurait le dos tourné. Les deux Polagriffe se pissaient dessus, et Zarlin…. Zarlin sortit un livre de son sac.
« Tiens, lis ce que tu vois d’écrit. »
Alisha reçut le livre dans les mains sans comprendre quoi que ce soit. Pourquoi la fillette lui avait-elle donné ce livre dans un moment pareil ? En quoi ce livre pouvait avoir une utilité ? Le Momartik grogna. Il avait pris les filles pour cibles. Alisha ne savait que faire, elle ne voulait pas blesser Zarlin, mai- « LIS-LE !! »
Zarlin voulait combattre. Zarlin regardait le monstre avec un air de défi. Son livre…. La propriétaire l’ouvrit. Dans celui-ci n’était inscrit que des signes étranges, des lettres sur lesquelles Alisha n’avait jamais posé les yeux. Elle cherchait, tournait les pages, elles étaient toutes les mêmes. Finalement, trois lignes et demie de couleur différente. Les écrits étaient semblables à ceux des pages qu’Alisha ne pouvait pas déchiffrer, pourtant elle murmura :
« La première formule… E’Garka…
-PLUS FORT !! »
Le bras armé du Pokémon fondait sur elles. Alisha ne savait pas ce que tout cela signifiait, mais elle n’avait plus d’espoir. Alors, elle cria : « E’Garka !!! »

Un nuage rouge. Le mutant qui interrompit son coup. Puis, se révélant peu à peu dans la fumée, un personnage. Un personnage fantastique. Un personnage de 30 centimètres de haut, dont les cheveux pourpres, qu’Alisha ne pouvait différencier de la fourrure de son dos, s’élevaient en forme de flamme au-dessus de sa tête. Toute la partie arrière de son corps était garnie de poils émanant une lueur cerise. Son visage, couvert d’une peau grise et ridée, mettait en valeur ses yeux jaunes perçants. La même peau tourdille se retrouvait sur son torse ainsi que ses paumes. C’étaient les jambes fines du bonhomme qui attirait le plus l’attention d’Alisha : pliées sous le corps du personnage, leur longueur était telle qu’en se tenant accroupi les genoux arrivaient au niveau de se tête. C’est seulement après avoir relevé tous ses détails que l’humaine remarqua qu’elle transpirait sous ses vêtements : le petit être semblait fait de braises. Alisha questionna sa partenaire du regard, et obtint comme réponse :
« C’est mon pouvoir. J’invoque des gardiens ! »
La phrase avait été prononcée avec un grand sourire, pourtant, Alisha se sentait confuse. Elle examina le gardien en question, et se sentit rassurée : le nabot dégageait une telle chaleur que le mutant ne pouvait pas l’approcher. Tout allait bien se passer. Sauf que le lutin rouge découvrit le mutant. Zarlin crut bon de préciser :
« C’est notre adversaire. Crame lui la gueule !
-Kyaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !!!! » Le petit gardien prenait la fuite à l’aide de ses pattes plus grandes que lui. Les yeux exorbités d’Alisha purent observer le nabot courir se cacher, pendant que Zarlin, dans un état de fureur, tentait vainement de le faire combattre en l’insultant de tous les noms. Le Momartik en profita pour frapper un grand coup qui propulsa les deux filles qui roulèrent douloureusement sur la glace. Alisha, à terre, admira tristement le gardien grelottant se plaindre du froid. Et lancer une immense boule de feu lorsqu’il éternua. Le projectile ardent embrasa la tête du géant qui tomba à la reverse. Zarlin, qui semblait n’avoir subi aucun dommage par la violence du choc, en profita pour rappeler son gardien et crier à l’adresse d’Alisha :
« Vite ! La formule !
-E…E’Garka ! »

Un robot apparut par téléportation. Dans des nuances de gris et de bleu, son corps apparaissait à l’humaine comme celui d’un homme athlétique en titane muni d’un casque. Sa visière n’était constituée que de pixels ; une crête métallique se formait au-dessus de sa tête, et ses bras étaient armés de lames tranchantes. Ce gardien-là bondit vers le mutant tout juste redressé et lui balança son poing dans le visage avec une violence qui envoya le corps du mutant glisser sur plusieurs mètres. Le robot changea alors de visière pour en adopter une bleue qui n’avait pas plus de deux centimètres de largeur. Un laser en jaillit, et transperça la cuirasse du mutant. Ce dernier se redressa afin d’envoyer un souffle gelé en direction du gardien ; les mouvements de ce dernier se firent plus lents jusqu’à ce qu’il se fige complètement. Alisha se crut perdue jusqu’à ce qu’elle vit la glace fondre vivement, puis l’automate envoya un autre rayon laser en direction de la tête du Momartik. Encore fumant, ce dernier se précipita afin d’écraser son attaquant par un coup dévastateur. L’être de titane grimpa prestement sur le bras du titan, monta jusqu’à sa tête dont les yeux surnaturels exprimaient leur peur, puis frappa de toutes ses forces avec ses deux poings. Le colosse tomba de nouveau. Enfin, le gardien souleva son adversaire, qui gesticulait faiblement, puis le porta jusqu’à la mer, où celui-ci atterrit avec un grand « SPLASH ! » puis coula. Le gardien disparut.

Zarlin venait d’un autre monde.
La révélation était aussi rassurante qu’inimaginable : la fillette avait maîtrisé un Polagriffe et invoqué des gardiens. Mais… Un autre monde… ?
Tout était imprimé dans sa mémoire. La conduite des deux ours vers un autre abri, l’agitation des habitants du Glaçon Rouge réveillés, les explications maladroites et mensongères d’Alisha….
Mais surtout, l’histoire de la fillette.
Ne trouvant pas le sommeil, Alisha essaya de se souvenir précisément des paroles de la petite. Tous les mille ans, cent enfants-démons sont envoyés dans le monde des humains, afin de combattre entre eux et ainsi élire leur prochain roi. La collaboration d’un humain leur est indispensable, car les démons ne peuvent se servir de leurs pouvoirs que si l’humain prononce des formules dans un livre. Chaque enfant possède un pouvoir différent. Certains ont une apparence humaine, d’autres ressemblent à des animaux, et il y en a même dont les caractéristiques physiques ne sont semblables à aucun être vivant terrestre. Les formules, pour être activées, puisent leur force dans les sentiments du propriétaire du livre. Cette force s’épuise peu à peu au fur et à mesure du combat. Le démon qui devient roi est celui dont le livre n’est pas brûlé. Lorsqu’un livre est brûlé, l’enfant retourne dans le monde des démons. Enfin, un seul humain est compatible avec le livre d’un démon.
Alisha acceptait tant bien que mal de croire aux paroles de Zarlin. Après tout, depuis qu’elle avait vu des Pokémons, des mutants et même l’invocation de gardiens ; un monde de démons ne lui paraissait pas invraisemblable.
Cette nuit-là, elle rêva de mutants, de la démone, de combats. Elle rêva que le livre brûlait, et elle rêva que le monde était redevenu comme avant. Pas comme avant la démone, ni même avant les mutants, mais avant les Pokémons. Avant que la fin du règne des Hommes pointe le bout du nez. Avant que ne commence l’enfer de l’emprisonnement.

C’est sa sœur qui vint la réveiller avant l’aube. Ce rôle étant attribué au dernier veilleur de la nuit, un bref instant de panique saisit la dormeuse lorsqu’elle aperçut le visage au-dessus du sien. Sans pour autant l’apaiser pleinement, la raison de son réveil lui permit de reprendre son souffle : leur père souhaitait leur parler.
Elles durent traverser le village avec pour lumière les lueurs des torches enflammées, accompagnées de leurs ombres dansant sur les parois des abris de fortune d’un air sarcastique et grossier. La convocation se fit dans la tente du père, loge qui se différenciait peu de celles des femmes de l’autre côté du Glaçon Rouge, si ce n’est les armes ainsi que des trophées de guerre qui reposaient sans organisation sur le sol. L’homme, assis sur une peau de bête, invita ses filles à faire de même, en leur proposant un verre de vin chaud aux épices. Après une gorgée solennelle, il prit la parole :

« Alisha. Redisda. Dans une semaine aura lieu l’échange annuel des femmes des Glaçons. Je veux que vous fassiez partie de l’expédition. »
Alisha n’en revenait pas. L’échange annuel avait pour but de « ravitailler » le village afin que les hommes n’aient pas de descendance avec un membre de leur famille. Cependant, elle n’était jamais tombée enceinte au sein de ce village dans lequel elle était née, il n’y avait aucune raison à ce qu’elle migre vers tel ou tel Glaçon. Au moment de prendre la parole, la pensée de sa sœur lui traversa l’esprit. Elle s’empressa de protester :
« Mais… Le fils de Redisda n’a que deux mois !
-Il sera pris en charge par l’une des femmes du village. Alisha… De nombreux enfants naissent dans les Glaçons sans connaître leurs parents.
-Rien ne justifie…
-ALISHA ! »
Sa sœur venait de prendre la parole. Son regard imposait le silence. Comment en revenir ? Elle semblait avoir pris la position de leur père. Pourtant, Alisha connaissait trop bien celle qui avait partagé son enfance pour reconnaître la tristesse dans ses yeux. Des yeux graves, résolus, qui saisissaient précisément la situation. Les poings de la Commandante se serrèrent sous l’effet de la colère. Elle n’en pouvait plus. Elle ne pouvait plus supporter la lutte pour la survie de tous les habitants ; elle ne pouvait plus supporter la menace des mutants ; elle ne pouvait plus supporter de ne jamais avoir observé que des landes de glace alors que les aïeuls racontent que le monde est vaste et plein de richesses. Et elle ne pouvait plus supporter que les femmes ne puissent posséder que le rôle de reproduction.
Depuis toute petite, elle avait observé la vie sauvage. Mutants ou non, les Polagriffes, les Mammochons, les Hexagels, les Cadoizos, les Obalis accompagnés de Kaimorses, ou même le Momartik qu’elle avait vu plonger la veille ; tous semblaient épanouis. Tous avaient un regard noble. Il y avait certes des mâles ainsi que des femelles (sauf dans le cas des Hexagels), mais…. Ils menaient leur vie. Ils chassaient, jouaient, se reposaient, se reproduisaient durant la période féconde, puis retournaient à leur existence indépendante. Elle avait même pu observer un Pokémon femelle refuser les avances d’un potentiel partenaire. Tandis que les humains- ou plutôt, les humaines, s’occupaient des mâles qui, eux, chassaient. Au prix de disputes interminables, elle avait d’abord réussi à s’élever jusqu’au rang de guerrière au sol (le rôle le plus dangereux), puis avait officiellement convaincu le Commandant précédent qu’elle devrait tenter une fois de donner les directives. En vérité, elle avait bien évidemment été obligée de passer plusieurs nuits dans sa tente avant de pouvoir occuper le poste tant convoité. A 13 ans, elle avait demandé à son père pourquoi les femmes du village vivaient comme du bétail. Ce dernier l’avait disputé de traiter les femmes ainsi avant de lui répondre :
« Nous vivons organisés. C’est cela qui nous différencie des bêtes, tu comprends ? »
La gamine n’avait rien répondu. Ça, une organisation ? Non… ce jour-là, elle décida de ne plus protester. Aucun membre ne se positionnerait de son côté si elle exprimait son avis. Elle en était convaincue. Il valait mieux se taire.
« Bien, père. » Le consentement avait été prononcée la tête baissée, telle une femme acceptant son sort. Telle une femme soumise.
En serrant les dents pour se retenir de hurler, elle regagna sa tente au plus vite. Il faisait encore sombre. Aucun membre du village n’était levé excepté les gardes. Préparer ses affaires ne lui pris que vingt minutes. Près de son lit, la démone se retournait indéfiniment dans sa couchette en grognant faiblement. Alisha la réveilla sans hésiter :
« Zarlin ! Zarlin !
-Hmmm ?
-Je ne t’ai pas donné ma décision, je crois ? » Les yeux de la dormeuse s’ouvrirent aussitôt. Un sourire taquin emplit Alisha de bonheur. Cela faisait si longtemps qu’elle n’avait aperçu un tel sourire.
« Allez, on dégage. »