Chapitre V : Destruction – Partie 1 : Nouveaux copains !
Belcol-Exion
L’entraînement des nouvelles recrues était très bien rôdé, mine de rien. Grâce à la pluralité des environnements, on pouvait vivre différentes expériences chaque jour. Ce n’était pas ailleurs que l’on pouvait escalader une montagne enneigée, endurer la chaleur d’un désert ou encore s’exercer au camouflage dans une forêt abondante dans la même semaine !
Ah, et évidement, j’étais tombé dans la division de Cyarès, le fameux Lucario super-sévère. Enfin, il n’avait pas l’air si stricte que ça en fait, il était même plutôt cool comparé à son second. Peut-être que ça cachait Lamproie sous roche mais tant qu’il ne me faisait pas chier, je n’avais rien à dire.
Surtout que je n’étais pas là pour m’entraîner bien gentiment. Je n’avais pas perdu de vue la raison de ma présence ici : sauver Morflam. D’ailleurs, je profitais de la nuit pour activer mon Transcom, il était temps de faire un petit rapport aux autres.
Heureusement, les recrues avaient droit à un petit cabanon personnelle ; je bloquais tout de même la porte au cas où quelqu’un se déciderait de me rendre visite. Après quelques manipulations, le visage de Stalhblume et de ses acolytes apparurent sur l’écran du Transcom.
— … mmh… marmonnait-elle. Ce truc arrête pas de biper, j’y comprends rien…
— Je crois qu’il faut appuyer sur le gros bouton noir avec la tête de mort, fit Affienns.
— Les gens, grogna Brazoro, pour la dixième fois, il faut actionner l’interrupteur sur le côté ! Mettez-vous à la page les vieux !
— … les vieux ? grinça la Mysdibule.
— Vous savez, même Meloet – qui est, je le rappelle, un zombie millénaire – à compris le fonctionnement du Transcom ! pouffa Artichtote.
Je levai les yeux au plafond ; c’était tous les soirs comme ça ! Je savais que la plupart d’entre eux n’avaient jamais touché de technologie de leur vie, mais tout de même. Bref, au bout de quelques minutes, ils remarquèrent enfin que leur machin était déjà allumé et que j’assistais à leur déboire depuis le début.
— Ahem…, toussota Stalhblume encore un peu embarrassée. Comment se passe ta mission ? Du nouveau ?
— Pour l’instant, je me repère, répondis-je. Et c’est pas vraiment évident avec ces histoires de Portex et de dimensions parallèles ! Heureusement, on a pas mal de temps libre l’après-midi.
— Il est si grand que ça ce QG ? marmonna Brazoro.
— Faut le voir pour le croire, soupirai-je. D’après ce que j’ai compris, l’Éternôme se compose de deux niveaux, le Terrestre et le Divin. Pour faire simple, le Terrestre c’est la partie qui est sur terre et le Divin, la partie qui est… dans l’espace.
— … l’espace ? lâcha Stalhblume.
À travers le Transcom, les visages de mes camarades se tentèrent stupeur. Enfin, presque tous.
— Bah oui ! s’exclama Artichtote. L’Éternôme va jusqu’à l’espace ! Vous ne le saviez pas ?
— Artichtote, grinça Stalhblume. On aimerait bien être au courant de ce genre de détail, à l’avenir…
— … je pensais que c’était de la culture générale !
— Je l’ignorais également, plissa Affienns des yeux.
— … hihihi ! ricana la Canarticho. Oups !
Nouveau moment de flottement.
— … bonne chance, compatirent en chœur tous mes interlocuteurs – à l’exception d’une certaine érudite.
— Ça me fait une belle jambe, grognai-je.
Je me sentais incroyablement petit et impuissant devant l’immensité de la tâche. Mais je n’avais pas le choix, j’étais le seul sur place capable de sauver Morflam.
— Donc, reprit Affienns, c’est inutile de chercher à faire un plan complet de cet Éternôme. Le mieux se serait plutôt de savoir où se trouve précisément Morflam.
— Ce que j’essaie de faire, rétorquai-je. Déjà, c’est quasi-certain qu’elle se trouve dans le Terrestre, le Divin est réservé aux membres piliers de la Guilde. Ensuite, si elle est retenue contre son gré, c’est très probable qu’elle se trouve dans une sorte de prison. J’ai trouvé quelques geôles éparpillées dans la tour, j’attends le bon moment pour les inspecter.
— On se doutait que cela n’allait pas se faire du jour au lendemain, acquiesça Stalhblume. Bien, nous n’avons que trop discuter, coupons la discussion avant qu’ils ne se doutent de quelque chose.
— Compris.
Et l’écran de Transcom s’éteignit. J’avais toujours cette boule au ventre quand je l’utilisais ; le Primonarque pouvait tout voir après tout. Toutefois, Persyval avait apparemment rendu le Transcom totalement invisible et indétectable aux pouvoirs Psy. Je ne savais si c’était vrai ou pas, mais en tout cas, personne ne m'était tombé dessus ; j’espérais que ça allait durer.
Bon, il fallait que je dorme si je voulais être en forme demain. Plus facile à dire qu’à faire. Comment trouver le sommeil alors que quelque part dans cette tour, Morflam était peut-être en danger ? Persyval avait beau dire que la Guilde ne lui ferait rien de grave, je n’avais que sa parole.
Et puis, en imaginant que Morflam était emprisonnée, cela signifiait qu’elle ne pouvait pas manger à sa faim. Il y avait-il pire torture pour cette fille ? La pauvre, elle devait subir un martyr inimaginable en ce moment même ! Courage Morflam, bientôt, ton estomac sera de nouveau plein !
***
Arg. Je n’avais quasiment pas fermé l’œil de la nuit, et lorsque le sommeil me gagna enfin, le gong signalant le début de la journée tonna. Super. J’avais pas dit que je devais dormir pour être en forme hier ?
Je me traînais difficilement hors de ma couche ; il fallait que je rejoigne les autres recrues. Pour l’instant, je ne devais pas me faire remarquer, histoire de rester libre de mes mouvements.
À travers la fenêtre du cabanon, j’apercevais l’aube. C’était dingue, cette dimension recréait même les cycles du jour et de la nuit, comme à l’extérieur ; plus le temps passait et moins j’avais l’impression d’être dans une tour !
— … oh.
— Bonjour, Belcol !
J’aurais dû m’en douter. A peine avais-je ouvert la porte qu’un Togetic aux grands yeux innocents me salua.
— Yo Jude, tentai-je de cacher mon agacement. Ne me dis pas que tu m’attendais ?
— Bah si ! s’enjoua-t-il en remuant frénétiquement ses ailes. On est copain !
— On est dans le même groupe, grognai-je, ce n’est pas pareil…
— Bah si !
Et voici comment débuter une journée avec des envies de meurtres. Apparemment, il était d’usage pour les recrues de s’entraîner en groupe, pour renforcer les liens, le travail d’équipe, ou autre truc du genre. Je n’avais pas fait exception à la règle. Si seulement je n’étais pas tombé sur un pot de colle pareil !
— Pourquoi tu ne vas pas embêter Lawk plutôt ? soupirai-je.
— Bah j’ai voulu, mais son cabanon était déjà vide ! C’est pas gentil de partir sans les copains !
Alors c’était ça le secret pour échapper aux babillages de cette petite fée volante ? Se lever aux aurores et fuir le plus vite possible ? … j’y penserais la prochaine fois.
Sans faire grand cas du boulet ailé, je me dirigeais vers le point de rendez-vous ; un grand terrain où toutes les recrues se réunissaient chaque matin.
— Dis dis, on a de la chance, hein ? Il paraît que Cyarès est l’un des entraîneurs les plus puissants de la Guilde ! J’ai tellement hâte d’être aussi fort ! Ça va être super cool ! Peut-être que je vais même évoluer ! Tu t’en rends compte ? Ah mais non, il me faut une pierre pour moi, hihi ! Mais peut-être que si je suis gentil Cyarès m’en donnera une ! T’en penses quoi Belcol ?!
J’en pensais que si je ne devais pas sauver Morflam, je me serais déjà ouvert le crâne. Sérieusement, ce Togetic n’avait pas de bouton stop ? Non seulement il parlait sans cesse, mais ce n’était rien que pour dire de niaises niaiseries.
En plus, cet insupportable être avait été admis en tant que recrue en même temps que moi. De ce fait, il pensait qu’on était « destiné à être copain », ou une autre stupidité du genre.
Par miracle, je parvins à atteindre le point de rendez-vous sans succomber à mes envies de suicide. Il était encore tôt, et certaine recrues manquaient encore à l’appel. Bien évidement, Lawk, notre troisième roue, était déjà présent.
— Salutation, s’inclina-t-il en nous voyant.
— Hé Lawk ! bondit Jude. Pourquoi tu es parti sans nous ! J’avais pourtant dit hier que je viendrais te chercher ! T’es pas rigolo !
— …
— Et ne m’ignore pas, c’est pas gentil !
— …
J’aimais beaucoup ce Brutalibré silencieux. Il ne parlait pas beaucoup, s’entourant de mystères. Jude, qui voulait tellement être ami avec tout le monde, s’était donné pour défi de le décoincer. Sans être mauvaise langue, il avait encore du pain sur la planche. Au moins, tant qu’il s’occupait de Lawk, il ne me faisait pas chier.
— … tiens donc, aujourd’hui encore, les fainéants sont de sortie…
Tss. Juste au moment où je pensais être tranquille. Un Coatox aux yeux luisants se faufila parmi les recrues ; Sarin. Ce type me foutait les jetons. Il profitait des absences de Cyarès pour laisser libre cours à son sadisme. Avec ce genre de crapule, il fallait être prêt à tout.
— Des mauviettes sans espoir… hé, qu’est-ce que vous espérez accomplir ici, inutile comme vous êtes ?
Brusquement Sarin cracha une gerbe toxique sur un frêle Cabriolaine. La pauvre, terrorisé, ne bougea pas d’un pouce. Toutefois, le Pokémon Monture ne reçut jamais l’attaque. N’écoutant que son courage, Lawk fusa, vif comme l’éclair, attrapa et éloigna promptement le Cabriolaine de la zone d’impact. Le Brutalibré toisa ensuite le Coatox, intrépide.
— Oh oh, s’amusa Sarin. Je vois que notre bon samaritain n’a rien perdu de son audace !
— …
— Mais tu sais petite merde, ici, c’est la hiérarchie qui domine. La Loi d’or, la loi du plus fort, ça te dit quelque chose ? Tu sais, le truc que la Guilde s’efforce de protéger !
Carnassier, le Coatox accumula une terrible émanation toxique dans chacun ses poings ; une odeur pestilentielle envahie l’atmosphère. Lawk se mit en position, prêt à riposter. Ce n’était pas la première fois que je voyais le Brutalibré résister à la cruauté de Sarin, mais jamais ils n’en étaient arrivés jusqu’à se battre !
Personne à part Lawk n’osait contrarier Sarin. Moi-même je me faisais discret. Je n’avais pas le choix après tout, si je voulais sauver Morflam, je n’avais pas intérêt à me faire remarquer par les commandants du coin ! Je pourrais risquer de me faire virer et donc d’échouer lamentablement ma mission.
— Ça suffit !
Fort heureusement, l’affrontement n’eut pas lieu. D’un coup, un Lucario bondit entre les deux adversaires ; Cyarès. Je poussai un soupir de soulagement.
— Sarin, tonna-t-il en se retournant vers ce dernier. Je vous ai déjà demandé de ne plus provoquer les recrues.
— … mes excuses, Commandant.
Sarin se rétracta sans demander son reste. Il l’avait dit lui-même, la hiérarchie était primordiale, il ne pouvait contrevenir aux ordres directs de son supérieur en sa présence. Après, en son absence…
— Et vous Lawk, poursuivit Cyarès, cessez de répondre à vos supérieurs. Venez me voir au lieu d’agir de vous-même, n’oubliez pas la hiérarchie.
— … bien.
Le Brutalibré revint vers nous, toujours tendu ; Jude bondit.
— Tu es fou ! s’affola-t-il. Tu n’es pas de taille contre Sarin !
— Je suis un allié de la Justice, trancha le Brutalibré. Raison ou non, bien ou mal, je me range toujours du côté du juste.
— Mais la Guilde est la Justice ! C’est vrai que Sarin fait un peu peur, mais il a sûrement une très bonne raison d’agir comme ça, c’est juste qu’on est pas assez intelligent pour le comprendre !
— …
Lawk resta silencieux, et je fis de même. Discuter de la Guilde avec Jude était d’un ennui ; ce Togetic semblait voir chacun des chefs de la Guilde comme des divinités ! J’étais certain qu’il serait capable de remercier Sarin si ce dernier lui arrachait les ailes, parce que le Coatox aurait « une très bonne raison » de le faire, même si personne n’arrivait à la comprendre.
Le pire, c’était que ce comportement était presque la norme ici, une obéissance inconditionnée pour les supérieurs. De point de vue des autres, Lawk était dingue de s’entêter à combattre Sarin, un supérieur. C’était vraiment un monde de malade ; Morflam avait-elle vraiment vécu ici ?
— En rang ! tonna brusquement Cyarès.
Toutes les recrues formèrent instantanément trois lignes de dix, parfaitement ordonnées.
— Bonjour, recrues. Veuillez excuser le petit incident de ce matin. Ceci dit, ce dernier n’entravera en rien notre entraînement journalier. Nous avons déjà assez perdu de temps comme cela, commençons l’échauffement matinal !
Le programme matinal était quasiment toujours le même ; pompes, course, travaux divers sur les articulations… bref, le truc basique qu’on pouvait faire chez soi, rien de bien impressionnant. Toutefois, c’était un échauffement à ne pas négliger, sous aucun prétexte : la recrue la moins performante se verrait tout simplement privée de petit-déjeuner et donc serait forcée de poursuivre la journée le ventre vide jusqu’à midi.
Enfin, en théorie. Car après l’échauffement matinal, il y avait l’entraînement normal. Et même chose, celui qui était le moins efficace n’aurait pas droit au déjeuner. Et bien souvent, celui n’ayant pas mangé le matin n’avait pas assez de force pour pouvoir accéder au repas du midi ; ce n’était que logique.
Le système était sévère et ne pardonnait pas l’erreur, à l’image de la Guilde en quelque sorte. Heureusement, le soir, le repas était offert à toutes les recrues, performantes ou non. Il ne fallait pas non plus qu’on meure de faim.
Pour ma part, même si je n’étais qu’à 8/1000 sur l’échelle de puissance, je n’avais pas grand-chose à craindre à ce niveau-là. Carchacrok et Stalhblume avaient su m’instaurer un minimum de rigueur et surtout, j’étais motivé ; si je ne mangeais pas, je ne serais pas au maximum de ma force pour sauver Morflam.
C’était toujours les mêmes qui se retrouvaient le ventre vide, à savoir, les plus faibles. Logique, la Guilde et la loi du plus fort sont presque confondues, c’était donc normal que le plus faible se fasse écraser. Je pouvais comprendre pourquoi Stalhblume les détestait.
Aujourd’hui, ce fut sans surprise le Cabriolaine qui manqua le petit-déjeuner. Le pauvre était encore tout tremblant de sa petite confrontation avec Sarin, incapable de se concentrer correctement. Sans vouloir l’enfoncer, il était bien parti pour ne rien manger jusqu’à ce soir. Il acceptait cependant sa punition avec le sourire. C’est en souffrant qu’on devient plus fort, avait-il dit. Mouais.
J’avais plus l’impression que ce système n’était fait que pour avantager les plus forts et faire en sorte que les plus faibles restassent à leur place.
Le reste de la journée se passa sans trop d’incident, Sarin nous fixait toujours de son œil carnivore, mais la présence de Cyarès l’empêchait de passer à l’action. Le programme du jour consistait à s’entraîner sur une montagne enneigée aux températures glaciales. Je n’aimais pas spécialement le froid, mais je devais faire bonne figure.
Autant dire que le Cabriolaine fut pathétique durant l’exercice, comme je l’avais prédit. Faible, le ventre creux et sensible au froid, ses jambes peinaient à le maintenir debout ; alors, dès que Cyarès avait mentionné une course d’endurance sur deux heures d’affilée, il avait failli faire une syncope.
C’était horrible de ma part, mais je devais le remercier de sa faiblesse. Il prenait quasi-toute les punitions ; on pouvait presque dire qu’il nous protégeait malgré lui. Je voulais vraiment rester peinard sans pour autant me donner à fond durant l’entraînement ; je réservais mes efforts pour ma véritable mission.
Enfin, l’après-midi arriva ; notre moment de libre, où l’on pouvait déambuler tranquillement à travers les quartiers autorisés de l’Éternôme, voire de Sotarc si le cœur nous en disait ; l’essentiel était de revenir avant 20 heures. Mais je ne comptais pas m’éloigner bien loin de toute façon, il était temps de partir à la recherche de Morflam !
— Hé mon copain ! Tu vas où ?
… du moins, c’était ce que j’avais prévu avant qu’une petite peste ne vînt m’embêter.
— Nulle part…, grognai-je.
— Nulle part ? Hihi ! T’es un marrant toi ! ricana Jude. Mais ça tombe bien ! J’ai envie de visiter Sotarc, mais c’est ennuyant tout seul. Tu veux venir avec moi ?
— Pourquoi tu ne demandes pas à Lawk ? me crispai-je.
— Il a dit qu’il veut rester se reposer dans son cabanon !
Génial. Il ne manquait plus que ça. Pourquoi il fallait que ce boulet se colle à moi ?!
— Écoute, restai-je poli, j’ai des trucs importants à faire et…
— Ah ! bondit Jude. Moi j’ai rien à faire, je peux t’accompagner !
— … tu ne viens pas de dire que tu voulais visiter Sotarc ?
— Si, si ! Mais t’es mon copain ! Alors je préfère être avec toi !
— …
Lui, il n’allait pas tarder d’être « copain » avec ma griffe, sérieusement. Comment m’en débarrasser maintenant ?
— J-Je préfère être seul…, tentai-je.
— Non non ! Il ne faut pas être seul, c’est pas bien ! Faut être avec les copains ! Tu vas voir, c’est super rigolo !
— … hé !
Sans me demander mon avis, le Togetic me prit par le bras m’entraîna avec lui. Tss ! Je n’avais pas prévu ça. Comment pouvais-je partir à la recherche de Morflam si ce truc traînait continuellement dans mes pattes ?! Il fallait absolument que je trouvasse un moyen pour l’écarter, sinon, je n’étais pas près d’être libre de mes mouvements…
— Hihi ! s’amusa Jude. C’est trop bien d’avoir des copains !